Opinion
Libye : le ballet
des vautours
Kharroubi Habib
Samedi 17 septembre
2011
La visite commune précipitée de
Sarkozy et de Cameron en Libye,
alors que la situation dans ce pays
est loin de s'être décantée, a eu le
relent d'un marquage de territoire.
Les deux hommes d'Etat occidentaux
ont eu beau, la main sur le cœur,
affirmer que leurs Etats respectifs
ne nourrissent pas de visées
mercantiles sur la Libye libérée de
Kadhafi et de son régime, ils
laissent sceptiques ceux qui ont
fait lecture d'une telle
considération derrière l'activisme
fébrile diplomatique et militaire de
ces deux puissances dans la crise
libyenne.
Sarkozy et Cameron ont été à
Tripoli pour s'assurer auprès des
nouvelles autorités libyennes que le
deal contracté entre eux contre le
régime déchu sera respecté dans ses
clauses dont il n'a pas été fait
état publiquement. Subsidiairement,
leur visite consistait à adouber le
plus spectaculairement possible la
frange du nouveau pouvoir libyen
avec laquelle ce deal a été passé.
Frange qui a bien besoin du
sponsoring des deux puissances ayant
été à la pointe de l'intervention
internationale en Libye face à
d'autres n'ayant pas les même
parrains internationaux. Il apparaît
en effet qu'avant même qu'ait cessé
la confrontation entre le nouveau
régime et les partisans de l'ancien,
une lutte de pouvoir s'est engagée
dans les rangs du premier. Une
bataille que les favoris de la
France et de la Grande-Bretagne ne
sont pas assurés de remporter sans
leur appui. Paris et Londres ont
donc décidé de le leur manifester
sous la forme de la visite
précipitée, empressée et commune de
leurs deux chefs d'Etat.
Sur le terrain même, les hommes
liges de Paris et de Londres sont
cependant loin d'être en position de
force dans les nouvelles instances
dirigeantes que s'est données la
rébellion libyenne maintenant
triomphante. Il ne suffit pas à
Sarkozy et à Cameron d'avoir adoubé
les hommes sur qui ils ont misé dans
la crise libyenne pour que ceux qui,
dans ces nouvelles instances
dirigeantes leur disputent la
prépondérance dans celles-ci,
acceptent de reconnaître leur
autorité. Par ailleurs, d'autres
puissances ayant peu ou prou soutenu
la rébellion anti-Kadhafi ne sont
pas disposées à laisser la France et
à la Grande-Bretagne capitaliser à
leurs profits exclusifs les
perspectives économiques qu'ouvre la
Libye post-kadhafienne. Elles aussi
vont s'ingérer dans la recomposition
qui s'opère dans le nouveau pouvoir
Libyen.
Ce n'est pas pur hasard qu'un haut
fonctionnaire du Secrétariat d'Etat
américain a effectué une discrète
visite à Tripoli la veille même de
l'arrivée en Libye de Nicolas
Sarkozy et du Premier ministre
britannique. De même que la venue en
Libye, peu après leur départ, du
Premier ministre turc Recip Tayyep
Erdogan. D'autres émissaires
étrangers vont se bousculer à
Tripoli. En ce temps de crise
financière et économique, les
ressources énergétiques de la Libye,
la manne financière dont elle
dispose ont des attraits
irrésistibles qui justifient pour
ceux qui les lorgnent qu'ils
pactisent avec le diable en Libye,
si besoin est, pour en capter le
maximum.
Alors, si la France et la
Grande-Bretagne escomptent avoir les
mains libres pour instaurer en Libye
un pouvoir acquis à leur condominium
sur le pays, ils vont déchanter
devant la voracité de ceux pour qui
cette prétention est inacceptable
pour leurs intérêts nationaux. Les
vautours sont déjà à l'œuvre en
Libye.
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