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CounterPunch
Un
simple « oubli » : la justice. Il ne s'est donc rien passé, en
Palestine ?
Kathleen Christison * on
CounterPunch.com, 20 septembre 2007
http://www.counterpunch.com/christison09202007.html
Un groupe de
responsables d’associations anti-guerre [américaines] ont tenu
une conférence de mobilisation, à la fin du mois d’août, sous
le patronage du Réseau des Progressistes Spirituels [Netword of
Spiritual Progressives] animé par Michael Lerner, afin de procéder
à une planification à long-terme du mouvement anti-guerre. On
comptait au nombre des participants les présidents des groupes
pacifistes les plus connus aux Etats-Unis – United for Peace and
Justice, Code Pink, Pax Christi, the Department of Peace, entre
autres – ainsi que Lerner lui-même et les membres (démocrates)
du Congrès Lynn Woosley et Jim Moran. Ils ont parlé de l’Irak,
bien entendu, mais pratiquement de rien d’autre. Il y a eu un
couplet sur la « paix et la justice » de manière très
générale, une mention en passant de la nécessité d’essayer
de stopper une attaque contre l’Iran, et beaucoup de bla-bla sur
la nécessité d’éviter toute action sur tous les sujets, Irak
y compris, tant que Woolsey et deux ou trois de ses collègues
progressistes ne s’essaient à inciter des congressistes démocrates
mollassons à manifester qu’ils ont « une colonne vertébrale »
en ce qui concerne le vote d’un retrait d’Irak. C’est là,
sans doute, la nouvelle manière de s’opposer à une guerre :
ne rien faire… ?!
On aurait pu penser
qu’à part ça, tout allait comme sur des roulettes, dans le
monde… Rien sur l’agression américaine en Afghanistan (qui
est supposée, y compris par le mouvement pacifiste, être une
guerre « juste », en dépit du nombre extrêmement élevé
d’innocentes victimes civiles – que l’on ne mentionne jamais
– qui sont tombées, là-bas). Il n’y a rien eu non plus sur
la nécessité de prémunir le Liban contre de fréquentes
agressions israéliennes, ni rien, bien sûr, en ce qui concerne
le soutien aux droits humains et nationaux des Palestiniens, ou à
la nécessité de contrer les violations odieuses de ces droits
par Israël. Il n’y a rien eu, en résumé, au sujet des
injustices massives perpétrées dans le monde entier par les
Etats-Unis, en premier lieu dans le cadre de leur soi-disant
‘guerre contre le terrorisme’ – des agressions ignorées par
le mouvement anti-guerre / pacifiste. Un mouvement pacifiste :
je veux bien. Mais un mouvement pour la justice ? : ne
me faites pas rigoler !
De façon très
significative, deux des orateurs, Lerner et Rick Ufford-Chase, un
représentant de l’Eglise presbytérienne américaine, sont
aujourd’hui à la tête d’organisations créées après que de
premiers efforts visant à faire connaître la question
palestino-israélienne aient échoué, face à l’opposition extrêmement
forte de partisans d’Israël. Lerner a créé le Network of
Spiritual Progressives après que son association Tikkun eut
rencontré trop d’opposition de la communauté juive, opposée
aux efforts visant à damer une piste de passage entre Israël et
les Palestiniens. Ufford-Chase, quant à lui, était le principal
porte-parole des Presbytériens à l’époque où cette Eglise
lança une campagne (c’était en 2004) visant à désinvestir
des compagnies américaines soutenant l’occupation israélienne ;
en effet, après que l’Eglise eut reculé, par rapport à cette
position, en 2006, sous les lourdes attaques de partisans d’Israël,
la Presbyterian Peace Fellowship [Confraternité presbytérienne
pour la paix], dirigée par Ufford-Chase, créa une nouvelle
association, focalisée spécifiquement sur l’Irak, et appelée
Peace Witness for Irak [Témoins de Paix pour l’Irak].
Et c’est ainsi
que le mouvement pacifiste a abandonné la Palestine et les
Palestiniens à la machine belliciste israélo-américaine. Ce lâchage
n’a absolument rien de nouveau ; simplement, plus le temps
passe, plus il est injuste. United for Peace and Justice a
toujours été extrêmement timoré à parler en défense des
Palestiniens. Cette association avait organisé une manifestation,
au mois de juin, pour dénoncer l’occupation israélienne, et
marquer le quarantième anniversaire de cette occupation. Mais ce
fut un événement tellement pour la forme que la section du site
de l’UFPJ [UJFP française, ndt] consacrée à sa « Campagne
pour une paix juste en Israël/Palestine » n’a pas été
remise à jour depuis… la mi-2004. Pax Christi s’attèle régulièrement
au désarmement nucléaire, s’occupe de the School of the
Americas, de l’Irak, de l’immigration, de Haïti – comme,
bien entendu, il doit le faire – mais… la Palestine ?
Rarement ; pour ne pas dire jamais ! Et ainsi de suite,
avec les autres associations, à de rares et notables exceptions
près ; on peut parcourir tout le catalogue des associations
pacifistes…
Le dernier bouquin
de Scott Ritter, intitulé Waging Peace [Mener la Paix] et consacré
à la nécessité d’une stratégie du mouvement anti-guerre, ne
mentionne pas du tout la situation particulièrement non-pacifique
qui règne en Israël / Palestine. MoveOn.org et d’autres
associations politiques donnent peu d’indication qu’ils aient
jamais entendu ne serait-ce que parler de la Palestine. Même
chose en ce qui concerne les animateurs progressistes d’émissions
de radio sur Air America, en particulier Thom Hartmann et Randi
Rhodes. Des initiatives venues de la base, comme la Déclaration
de Paix, ne mentionnent pas la Palestine, ni la tragédie pourtant
tout à fait évitable qui est en train de se dérouler là-bas.
Aucun des films – excellents – consacrés à l’agression de
l’administration Bush contre le monde entier – ni Fahrenheit
9/11, ni No End in Sight, ni aucun des autres films sortis durant
ces dernières années – ne contiennent un seul mot au sujet du
rôle extrêmement important joué par Israël dans la machinerie
impérialiste des Etats-Unis, ni au sujet de la carte blanche que
les fomenteurs de guerre américains ont donnée à Israël pour
procéder à l’escalade dans son oppression des Palestiniens et
dans son assassinat de la nation palestinienne.
Et c’est là le
point crucial : la machine de guerre d’Israël est, par
essence, partie constituante de la machine de guerre des
Etats-Unis, l’agression israélienne contre les Palestiniens
s’inscrit dans la guerre américaine « contre le
terrorisme », les Etats-Unis et Israël ne vont jamais nulle
part en guerre, dans la région du Moyen-Orient, sans qu’il y
ait entre eux une coordination et une coopération extrêmement étroites.
Les Etats-Unis rendent possibles l’occupation et l’oppression
des Palestiniens par Israël ; Israël facilite et encourage
la politique belliqueuse des Etats-Unis. L’un n’agit jamais
sans l’autre, et le calvaire des Palestiniens, par conséquent,
ne saurait être dissocié d’aucune des autres atrocités perpétrées
par cette machine de guerre, ailleurs au Moyen-Orient, que ce soit
en Irak, en Afghanistan, au Liban ou en Iran. Même si les
partisans d’Israël condamnent promptement toute tentative de
lier Israël à la planification de la guerre en Irak, ils n’hésitent
jamais à associer les Palestiniens aux « terroristes »
contre lesquels la guerre en Irak et la « guerre
anti-terroriste » sont censées être menées.
Dans leur ouvrage récent
consacré au lobby israélien, John Mearsheimer et Stephen Walt
fournissent une masse de preuves révélant le rôle joué par
Israël et ses lobbyistes dans la fomentation de la guerre en
Irak, à laquelle ils apportent un soutien acharné. De fait,
cette guerre a été vantée par ses préconisateurs néocons
comme une avancée vers la capitulation des Palestiniens (selon
l’adage « le chemin de Jérusalem passe par Bagdad »),
l’idée étant qu’en écrasant et en humiliant Saddam Hussein
et l’Irak, les Etats-Unis intimideraient, du même coup, les
Palestiniens, qui se rendraient à Israël sans autre forme de
procès. Mais la communauté pacifiste évite soigneusement de
reconnaître la connexion israélienne avec la guerre. Elle ignore
aussi, délibérément, les réalités bijectives des relations américano-israéliennes,
lorsqu’elles affirment que la guerre en Irak serait le sujet brûlant
du moment, car c’est le pays où des Américains sont en train
de se faire tuer, et c’est donc le seul problème auquel les
manifestations de protestation devraient se consacrer. On se
demande bien pourquoi la « paix et la justice »
n’avaient jamais préoccupé cette communauté pacifiste, avant
la guerre en Irak, dès lors que les Palestiniens souffraient de
l’injustice et de l’oppression du fait des menées d’Israël
et des Etats-Unis, et ce depuis des décennies !?
En-dehors des
Etats-Unis, les interrelations entre le conflit palestino-israélien
et les troubles dans le reste de la région sont parfaitement
comprises. Des sondages d’opinion, effectués en Europe et au
Moyen-Orient, ont montré à plusieurs reprises que le soutien américain
à Israël est la cause principale de la montée d’un anti-américanisme
dans le monde entier. En Irlande, d’après le président du
Comité de Solidarité Irlande-Palestine, James Bowen (il l’a écrit
dans un article publié par le quotidien israélien Ha’aretz),
le « dégoût » face aux injustices perpétrées par
Israël contre les Palestiniens – en particulier les
confiscations de terres et les démolitions de maisons, qui évoquent
terriblement les pratiques britanniques répressives en Irlande,
voici de cela un siècle – a atteint « un tel niveau que même
des institutions fondamentalement conservatrices, qui évitent
habituellement d’évoquer les questions politiques, sont amenées
à exprimer leur inquiétude ». Une académie irlandaise
d’artistes, sponsorisée par l’Etat et habituellement
apolitique, a publié un appel, voici quelque mois, encourageant
les artistes et les institutions culturelles irlandais à « réfléchir
profondément » avant d’engager de quelconques
participation à des événements ou coopération avec des
institutions culturelles israéliennes sponsorisées par l’Etat
israélien. « La détestation [d’Israël] se répand dans
le monde entier », a ainsi écrit Bowen. Il en va de même,
en Grande-Bretagne, où des boycotts universitaire, culturel et
entrepreneuriaux d’Israël ont été préconisés par diverses
associations.
Mais non ;
rien n’y fait. En dépit du dégoût irlandais, des boycotts en
Angleterre, de la détestation dans le monde entier de
l’oppression israélienne financée par les Etats-Unis envers un
autre peuple, la communauté pacifiste et le mouvement anti-guerre
américain sont sans voix. Une immense injustice envers les
Palestiniens ne suscite qu’un intérêt minime chez ceux qui se
focalisent obsessionnellement sur l’Irak, certes un problème
grave et urgent. Pourtant, le conflit palestino-israélien, en en
particulier la situation invivable qui est faite aux Palestiniens
est aujourd’hui, et pas seulement aujourd’hui (cela remonte
bien avant l’époque où l’Irak est devenu une urgence), le
problème central dans la politique moyen-orientale, le centre
volatil de la région la plus volatile du monde. Cette situation
invivable des Palestiniens forme le socle de la plus forte récrimination
du peuple arabe – une récrimination contre Israël, le
criminel, et contre les Etats-Unis, en leur qualité de pourvoyeur
d’armes et de bienfaiteur d’Israël, et aussi une récrimination
envers les dirigeants des pays arabes, qui n’ont pas aidé les
Palestiniens, ou ne se sont pas dressés pour prendre leur défense.
Le mouvement anti-guerre ignore ce problème extrêmement grave et
explosif, ce problème qui est sous-jacent à tous les autres,
tournant le dos aux Palestiniens et ignorant les traitements de
plus en plus brutaux qu’Israël leur inflige. En détournant ses
yeux de la Palestine, ce mouvement se détourne de la justice, et
se tourne, en revanche, vers une paix fallacieuse, ou, à tout le
moins, incomplète.
Ainsi, le mouvement
anti-guerre, pour l’essentiel, se contente de protester contre
la guerre en Irak, pour des motifs auto-centriques, parce que
cette guerre tue des Américains, et détourne d’énormes
financements de besoins domestiques criants. Le mouvement
anti-guerre, par bien des aspects, est le reflet du mode de pensée
et des sentiments de la société américaine dans son ensemble,
et la peur, palpable, tant chez les protestataires que chez les
hommes politiques du parti démocrate, d’être perçus comme ne
« soutenant pas notre armée », ne soutenant pas l’Amérique
comme ils le devraient, et par conséquent, pas assez patriotes,
est puissante et omniprésente, parce que la société américaine,
dans son ensemble, a fait de cette question [irakienne] un point
de fixation majeur.
Mais il est un
problème plus important, auquel est confronté le mouvement
anti-guerre. Ce problème, c’est la hantise de se voir taxer
d’être faibles face au terrorisme et face à l’Islam. En une
ère où la fomentation, par la droite, d’un « clash des
civilisations » entre l’Occident et le monde musulman,
ainsi que d’un puissant préjugé antimusulman, contamine de
plus en plus gravement le discours public, il est tout simplement
par trop inconfortable, pour beaucoup de gens de gauche, d’être
pris du mauvais côté de la barrière, en train prendre parti
pour la justice pour les Palestiniens et tous les Arabes, et tous
les musulmans. Les protestataires anti-guerre redoutent de se voir
associés avec les insurgés irakiens, et encore pire, avec les
Palestiniens, qui sont considérés comme des « rebelles »
et des « terroristes » « agressant » Israël.
Beaucoup d’entre eux, qui n’avaient jamais accusé le coup
lorsqu’ils se faisaient qualifier de communistes parce qu’ils
soutenaient le Viet Cong durant la guerre au Vietnam, craignent
pire que tout, aujourd’hui, d’être étiquetés « islamofascistes »
(quoi que ce terme soit bien censé signifier), ou encore « terroristes »,
ou, horresco referens,
d’être accusés de « coucher avec l’OLP ». Etre
considéré comme soutenant les droits des musulmans ou des
Arabes, en des temps où les musulmans s’opposent aux Américains
en Irak et aux Israéliens en Palestine et ailleurs, c’est tout
simplement intolérable, pour une grande majorité de la gauche.
Ainsi, l’attitude « nous contre eux » des néocons
de l’entourage de Bush a, de bien des manières, pris le contrôle
du mouvement anti-guerre aussi, quand bien même cela signifie que
l’injustice peut prospérer à sa guise.
La
Justice, d’abord !
D’aucuns
qualifient cela de racisme. Le jazzman israélo-britannique et
militant Gilad Atzmon, un antisioniste iconoclaste qui commente fréquemment
les questions moyen-orientales, a fait une conférence à
l’université de Denver
[ http://peacepalestine.blogspot.com/2007/04/gilad-atzmon-jazz-and-jihad-discourse.htm
], au mois d’avril, durant laquelle il a fustigé la société
occidentale, de manière générale, en raison de son « indifférence
collective » devant les crimes commis au Moyen-Orient
« pour nous, et en nos propres noms ». Il a accusé le
mouvement anti-guerre d’auto-complaisance, qui le rend indifférent
même aux pires injustices. Relevant qu’il y a un « dénominateur
commun, entre la Palestine, l’Irak et l’Afghanistan »,
dans une large mesure attribuable à l’influence exercée par
Israël et ses partisans sur la politique extérieure des
Etats-Unis « l’Amérique opère, officiellement, comme une
force au service d’Israël… actuellement, elle est en train de
combattre les dernières poches souveraines de la résistance
musulmane »), Atzmon a accusé à juste titre les Américains,
et les Européens, de manière générale, de ne se préoccuper
des musulmans que « dès lors qu’ils arrêtent d’être
musulmans ». La notion de clash entre les cultures et les
civilisations, a-t-il dit, trouve des échos, y compris au sein du
mouvement de solidarité [avec les Palestiniens].
« Nous avons
une tendance naturelle à attendre que l’objet de notre
solidarité adopte notre point de vue, tout en laissant tomber le
leur propre. Autant Blair et Bush insistent à démocratiser le
monde musulman, nous, les soi-disant humanistes, nous avons nos
propres agendas divers variés concernant cette région du monde
et son peuple. En Europe, des marxistes archaïques sont
convaincus qu’une « politique de la classe ouvrière »
serait la seule issue viable de ce conflit, et sa solution.
D’autres, des socialistes et des égalitaristes désillusionnés,
parlent de libérer les musulmans de leurs entraves religieuses.
Les cosmopolites, au sein du mouvement de solidarité, auraient
tendance à suggérer aux Palestiniens l’idée que le
nationalisme et l’identité nationale appartiendraient au passé.
De manière notable, nous aimons, pour la plupart d’entre nous,
les Arabes et les musulmans que pour autant qu’ils se comportent
comme des blancs, comme des Européens de l’époque post-siècle
des Lumières ».
La société
occidentale – mouvement anti-guerre inclus – a accusé Atzmon,
a « réussi à ne rien faire, en permanence, pour les
peuples irakien, palestinien et afghan. » Soutenir les
musulmans, voilà qui est « probablement un pont trop loin,
pour la plupart des Occidentaux. » Ne sommes incapables
d’accepter l’ « altérité » des musulmans,
aussi « nous nous berçons nous-mêmes d’idéologie
pacifistes, au prix de la douleur d’autres peuples que le nôtre. »
C’est
là un verdict sans appel. Mais, de fait, la vérité, c’est que
le mouvement anti-guerre, aujourd’hui, se préoccupe fort peu de
justice pour ceux qui sont différents, et qu’il considère
« autres », ce qui sape gravement l’impact de ce
mouvement. Il ne se soucie en particulier pas de justice pour ceux
qu’Israël considère ses ennemis. En fin de compte, cet outrage
considéré « minime » est dans l’ordre des choses.
Le mouvement anti-guerre a besoin d’un nouveau point de
focalisation, centré sur la réalisation de la justice
universelle, dans le monde entier, pré-condition d’une paix
authentique. Seule, cette approche nouvelle permettra de réaliser
la paix à laquelle la communauté pacifiste aspire.
Après avoir publié
l’article de Bill Christison intitulé « Un mouvement pour
la justice mondiale» [A Global Justice Movement], le 27 août,
[ http://www.amazon.com/exec/obidos.ASIN/0502217187/counterpunchmaga
],
CounterPunch a reçu beaucoup de réactions favorables, indiquant
que le concept de « la justice comme pré-condition de la
paix », ou « la justice, d’abord ; la paix,
ensuite » était bien une idée neuve et révolutionnaire,
qui fut pour bien des gens une véritable épiphanie. C’est là
une indication de la piètre part prise par la justice dans la
pensée des citoyens ordinaires, fussent-ils pacifistes. Cela
n’aurait pas dû être quelque chose de tellement nouveau…
Il y eut également
quelques réactions de détracteurs, clamant que l’idée de
mettre la paix en seconde position après la justice était erronée,
car Gandhi et Martin Luther King avaient toujours œuvré pour la
paix. Mais c’est là une incompréhension de l’œuvre et de
l’objectif du gandhisme. Gandhi, très clairement, ne s’est
pas battu pour la paix au prix de l’injustice, ni pour la paix
à n’importe quel prix. Il a toujours considéré que l’Inde
était en paix, sous la férule britannique, mais que cette paix
n’était pas juste. L’essence du satyagraha de Gandhi, et du
mouvement des droits civils de King, c’était la résistance à
l’injustice, à travers la désobéissance civile non-violente
– afin, précisément, en d’autres termes, de déranger la
paix en menant une action directe non-violente contre des lois
iniques.
Mais l’idée de
la justice avant tout est nouvelle, pour la plupart des gens.
Considérez combien nombreuses sont les associations anti-guerre
qui comportent uniquement le mot « paix » ou les mots
« paix et justice » – dans cet ordre – dans leur
intitulé. United for Peace and Justice me vient immédiatement à
l’esprit. Mais qu’en serait-il, si nous renversions les
priorités, et si nous parlions de « justice et paix »,
en lieu et place ? Pensez au « processus de paix »
au Moyen-Orient, si souvent rabâché. Et si on y substituait le
« processus de justice » au Moyen-Orient ? Dès
lors, un nouvel éclairage serait apporté à la question, qui
nous obligerait à reconnaître que, quoi que nous passions notre
temps à parler de « paix et de justice », peu
d’entre nous se préoccupent réellement de la justice, qui
constitue pourtant la moitié de cette équation. Et la justice
s’évanouit, carrément, en tant que préoccupation, dès lors
que le responsable de l’injustice est Israël ; peu de
gens, y compris au sein de la communauté des pacifistes et des
anti-guerre militants, se préoccuperont d’une manière
quelconque de l’injustice israélienne. Le mouvement anti-guerre
est un « mouvement pour la paix-à-n’importe-quel-prix »,
et pour la plupart des militants, obtenir la paix, sans réaliser
une véritable justice pour tous les peuples, cela serait
amplement suffisant…
Mais le simple
cessez-le feu, ça n’est pas la paix ! La justice
n’arrive pas, tout simplement, dans les fourgons de la paix,
comme une sorte de cadeau Bonux ; la justice, il faut y
travailler d’arrache-pied, et il faut qu’elle soit établi
avant (et pour) qu’il y ait la paix, une paix réelle. La paix,
sans la justice, c’est un concept vide. Les opprimés ne
demandent jamais la paix ; leur lutte, toujours et en tout
lieu, est un combat pour obtenir la justice. Mettre fin à la
guerre en Irak sans rendre justice au peuple irakien, voilà qui
n’amènera pas la paix, pas une paix réelle, en tout cas. Mais
il y a plus grave encore : mettre fin au rôle des Etats-Unis
en Irak, cela n’apportera certainement pas la justice, ni une
paix authentique, au peuple palestinien.
Le concept de
« justice » n’est pas facile à définir, mais il
existe des standards de justice, en droit international et dans
les us internationaux, qui cadrent ce concept et en donnent une définition
tout à fait discernable. Le corpus des lois humanitaires
internationales définies après la Seconde guerre mondiale
fournit un guide éclairé permettant de garantir la dignité et
la valeur des individus et de garantir les droits « considérés
essentiels pour une vie dans une société JUSTE », comme le
dit l’association israélienne des droits humains, B’Tselem.
Ces lois incluent la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme
(de 1948), qui définit les droits des individus et les
obligations des Etats envers lesdits individus, ainsi que divers
accords et conventions portant sur les droits politiques et
civils. De plus, les lois humanitaires, comme les conventions de
La Haye et de Genève, régissent l’attitude à tenir dans la
menée de la guerre, et en particulier le comportement des soldats
de puissances occupantes.
En revanche, des
standards similaires de « paix » sont inexistants,
tant dans le droit que dans la coutume. La « paix »
est un mot qui signifie des choses différentes selon les
individus, et la paix d’une personne est souvent une injustice,
pour une autre. Pour Israël, la paix signifie la sécurité – même
si, et peut-être en particulier lorsque, les Palestiniens sont désavantagés
et se voient dénier la justice. Pour les Palestiniens, la paix
signifie un redressement des injustices qui leur sont infligées
depuis plus de soixante ans.
La plupart des
combats les plus épiques de l’histoire humaine pour le bien ont
été des luttes non pas pour la paix, mais pour la justice.
Pourquoi, par exemple, les humanistes ont-ils lutté contre la
bigoterie et le racisme, à l’époque contemporaine ? Non
pas, en premier lieu, parce que ces violations fondamentales de la
décence humaine empêchent la paix, mais bien parce qu’elles
violent les standards communément reconnus de la justice.
L’Afrique du Sud blanche a vécu pacifiquement, durant le plus
gros de la période de l’apartheid. Les propriétaires
d’esclavages sudistes, dans les Etats-Unis d’avant la Guerre
de Sécession [une guerre civile, ndt], vivaient en paix, tout en
opprimant les Noirs. Israël a joui de la paix durant le plus gros
de son existence qui approche la soixantaine, tout en dépossédant
le peuple palestinien, en occupant le territoire palestinien, en
massacrant et en épurant ethniquement les Palestiniens. Mais les
Noirs sud-africains et les esclaves américains n’avaient pas la
justice, bien qu’ils vécussent en paix. Les Palestiniens non
plus, n’ont plus connu de justice, depuis qu’Israël a été
inventé.
Si nous voyons dans
la justice la première des priorités et si nous permettons aux
principes de justice d’être nos guides dans notre marche vers
une fin juste et pacifique du conflit palestino-israélien, alors
nous y gagnons une image limpide de la situation et de la seule
manière d’en sortir. Cela nous ramène inévitablement à 1948,
à l’épuration ethnique des Palestiniens, à la seule époque
et au seul événement pour lesquels la reddition de la justice
permettrait, en fin de compte, de résoudre ce conflit. La dépossession
des Palestiniens est une injustice fondamentale, d’où ont découlé
toutes les injustices subséquentes, c’est une injustice que
seul, un accord mutuel sur le droit au retour en Palestine des réfugiés
palestiniens, permettra de corriger. Il est important de
comprendre qu’Israël n’existe, en tant qu’Etat juif, que
parce qu’il a été fondé, en 1948, sur une injustice
gravissime envers le peuple palestinien. Il est également
fondamental de comprendre que les juifs ne seront pas « jetés
à la mer » si le sionisme et ses injustices prennent fin
– pas plus que le démantèlement de l’apartheid sud-africain
n’a eu pour conséquence le rejet à la mer des Blancs (voir
l’Appendice, pour une description de certaines des manières spécifiques
dont Israël perpètre l’injustice à l’encontre des
Palestiniens).
L’historien israélien
Ilan Pappé en a fait l’observation dans son ouvrage paru en
2004, Une Histoire de la Palestine contemporaine [A History of
Modern Palestine], qui est une histoire de la lutte, en Palestine,
vue du point de vue du peuple, et qui se distingue, à la manière
d’une version israélienne de l’ouvrage célèbre d’Howard
Zinn, Une histoire populaire des Etats-Unis [A People’s History
of the United States]. En substance : « pour qu’une
quelconque initiative de paix réussisse, il faut qu’au préalable,
le chapitre de la dépossession de la Palestine ait été clos ».
Or, loin de clore ce chapitre, fait observer Pappé, le processus
de paix dit d’Oslo a, tout au contraire, exigé des Palestiniens
qu’ils renonçassent à toute mémoire de cette dépossession,
qui était « l’unique raison de leur combat, depuis 1948 » !
Historien doté d’un sens rare de la compassion et d’un
sentiment de justice encore plus exceptionnel, Ilan Pappé en est
venu à envisager un futur de paix et de justice pour les
Palestiniens et les juifs, en Palestine : « Reconnaître
l’acte même de dépossession – en acceptation le principe du
droit du retour des réfugiés palestiniens – pourrait être
l’acte crucial à même d’ouvrir la route de l’issue du
conflit. Un dialogue direct entre les dépossédés et l’Etat
qui les a chassés est en mesure de renouveler le discours de paix
et pu conduire tant les peuples que leurs dirigeants à reconnaître
la nécessité de recherche une structure politique unifiée qui,
à différentes articulations historiques, dans cette histoire, a
semblé possible à plusieurs reprises. »
Tel est l’espoir,
et la promesse d’une justice rendue aux deux parties.
La Palestine est un
véritable défi, pour le mouvement anti-guerre, chez nous, aux
Etats-Unis. La situation en Palestine est une catastrophe
humanitaire monstrueuse, d’une ampleur qui coupe littéralement
le souffle. Tant que le mouvement anti-guerre n’aura pas
entrepris de rechercher la justice pour les Palestiniens, et non
plus seulement quelque vague « paix » indéfinie et
hautement politisée, ce mouvement ne sera pas respecté dans le
monde.
Ce n’est que dès
lors qu’il aura sérieusement commencé à protester contre
l’injustice perpétrée contre tous les peuples, dans le monde
entier, sans égard pour leur ethnie et leur religion – qu’ils
soient Palestiniens, Irakiens, Israéliens, Américains, ou quoi
que ce soit d’autre – que le monde pourra commencer à voir
dans les Américains un peuple normal. Dans l’attente, le monde
peut s’attendre à ce que l’injustice mondiale
s’approfondisse. La catastrophe en cours, créée par la
politique des Etats-Unis, va non seulement empirer, mais les
guerres seront sans fin, et la paix ne sera jamais réalisée.
Appendice :
un catalogue d’injustices
Pour dire les
choses carrément, Israël – encouragé et soutenu moralement,
politiquement et financièrement par les Etats-Unis – perpètre
une grave injustice envers le peuple palestinien, et ce depuis
soixante ans. La première et la plus grave de ces injustices a été
commise en 1948, année où 750 000 Palestiniens furent
contraints à abandonner leur maison – soit en raison des
combats à l’intérieur de leurs villes et villages, soit parce
qu’ils ont été délibérément chassés par les forces armées
sionisto-israéliennes, et qu’ils n’ont été ni autorisés à
rentrer chez eux, ni dédommagés. Ilan Pappé décrit, sans
omettre les détails d’une cruauté hallucinante, les plans
soigneusement préparés et mis en œuvre par les sionistes pour
expulser les Palestiniens et les déposséder de leurs terres,
dans son dernier ouvrage paru : The Ethnic Cleansing of
Palestine. Tant que ces réfugiés, qui sont au nombre de plus de
quatre millions, aujourd’hui, avec leur descendance, ne
recevront pas justice en étant autorisés à revenir et / ou à
être dédommagés en vertu d’une formule à définir et à arrêter
d’un commun accord, ni les Palestiniens, ni les Israéliens ne
jouiront jamais d’une véritable paix et d’une vraie stabilité.
La résolution 194
de l’Assemblée générale de l’Onu (décembre 1948), qui
stipulait que les réfugiés palestiniens « désireux de
rentrer chez eux et de vivre en paix avec leurs voisins doivent être
autorisés à le faire le plus tôt possible », ou, sinon,
être dédommagés – fut la première de très nombreuses
affirmations internationales de ce qui a fini par être désigné
comme le droit au retour des Palestiniens. On ne servira pas la
justice, ni on n’obtiendra la paix, tant que ce problème ne
sera pas réglé équitablement et démocratiquement, d’une manière
satisfaisante pour les droits humains et les aspirations
nationales à la fois des Palestiniens, dont ceux qui vivent dans
des camps de réfugiés loin de la Palestine, que des juifs israéliens.
Dès la création
d’Israël, en 1948, la justice pour les Israéliens a été établie
au prix d’une succession d’injustices à l’encontre des
Palestiniens. En Palestine-Israël, aujourd’hui, ce sont les
Palestiniens qui vivent sans connaître la justice. Simplement en
vertu du fait qu’Israël jouit d’une domination totale sur les
Palestiniens, et sur l’ensemble du territoire de la Palestine,
il ne saurait y avoir de justice impartiale bénéficiant aux
Palestiniens. L’absence de justice, dans la domination israélienne
sur les Palestiniens, est évidente dès lors qu’on examine les
aspects individuels de la situation prévalant en Palestine.
Ainsi, par exemple, l’exigence de la communauté internationale
que toute autorité gouvernementale palestinienne acceptent trois
pré-conditions aux négociations – à savoir la reconnaissance
du droit à exister d’Israël, la renonciation à la violence et
le respect des accords israélo-palestiniens conclus par le passé
– sans exiger d’Israël qu’il accepte, réciproquement, les
mêmes exigences, ne saurait instaurer une justice impartiale. Une
paix authentique ne saurait être obtenue tant qu’on n’exigera
pas d’Israël qu’il soit équitable envers les Palestiniens
sur ces questions, en reconnaissant le droit du peuple palestinien
à exister en tant que nation viable, en renonçant à sa propre
violence et en acceptant d’adhérer à tous les accords conclus
par le passé.
La justice est également
bafouée, dès lors qu’Israël maintient son contrôle, en
Cisjordanie, sur les terres et les propriétés expropriées
unilatéralement et sans compensation de leurs propriétaires
palestiniens tant privés que territoriaux, au motif de construire
des colonies et des routes à l’usage exclusif des citoyens
juifs d’Israël. La confiscation de terres d’un peuple, sans
compensation, pour quelque usage que ce soit, et en particulier à
l’usage exclusif d’un groupe ethnique ou d’une communauté
religieuse particuliers, ne peut être qualifiée de justice
impartiale. Aucune paix ne sera possible tant que cette très
grave injustice n’aura pas été, en préalable, corrigée.
L’association
israélienne La Paix, maintenant ! [Peace Now ! Shalom
Archav !] a publié un rapport, réactualisé en mars 2007,
sur la construction de colonies israéliennes, ou
d’implantations, sur des terres palestiniennes privées. Intitulé
G-U-I-L-T-Y !: Construction of Settlements upon Private Land
– Official Data [C-O-U-P-A-B-L-E ! Les constructions de
colonies sur des terres privées – Données officielles]
[ http://www.peacenow.org.il/data/SIP_STORAGE/fils/6/2846.doc
], ce rapport conclut que près de 32 % des terres confisquées
par les colonies sont, de fait, des propriétés privées
palestiniennes. Ce sont ainsi, au total, 131 colonies israéliennes
qui ont été, en partie ou entièrement, construites sur des
terres appartenant à des Palestiniens. Un précédent rapport de
Peace Now, intitulé « Apartheid Roads » [Routes d’Apartheid]
[ http://www.peacenow.org.il/site/en/peace.asp?pi=195&docid=1513
], a été publié en octobre 2005, qui décrit le réseau généralisé
de routes à accès réservé qui sillonne l’ensemble de la
Cisjordanie, routes construites, elles aussi, sur des terres
palestiniennes et accessibles exclusivement pour les Israéliens.
Ces routes relient les colonies israéliennes entre elles.
Ce sont
virtuellement tous les aspects de la présence et du contrôle
permanents d’Israël à Jérusalem Est sous occupation, sur la
Cisjordanie et sur la bande de Gaza, qui dénient, enfin, aux
Palestiniens toute justice, telle qu’elle est définie par le
droit humanitaire international. Le droit international requière,
entre autres, qu’Israël, en tant que puissance occupante,
respecte le droit des Palestiniens à se déplacer librement dans
les territoires occupés. Ce droit est reconnu par la Convention
sur les droits civils et politiques. L’association israélienne
de défense des droits de l’Homme B’Selem a publié un rapport
intitulé : « Restrictions on Movement »
[Entraves aux déplacements]
[ http://www.btselem.org/English/Freedom_of_Movement
], consacré à ce droit ainsi qu’à d’autres, tout aussi déniés
aux Palestiniens. Ce rapport contient également des références
aux textes juridiques internationaux pertinents. Un rapport plus récent,
« Ground to a Halt : Denial of Palestinian’s Freedom
of Movement in the West Bank »
[ http://www.btselem.org/english/Publications/Summaries/2007807_Ground_to_a_Halt.asp
]
[Il faut mettre fin aux dénis de la liberté de se déplacer aux
Palestiniens], a été publié, en août 2007.
Un autre rapport de
B’Tselem, plus complet, intitulé « International Law »
[ http://www.btselem.org/English/International_Law/Index.asp
] décrit de quelle manière le droit international s’applique
aux territoires occupés. Ce rapport fournit des liens avec tout
un ensemble de lois humanitaires internationales et humanitaires,
dont les quatre Conventions de Genève de 1949, qui veillent à la
protection des civils durant les guerres et sous occupation
militaire (Convention qu’Israël a signée). La 4ème
Convention de Genève relative à la protection des personnes
civiles en temps de guerre, s’applique particulièrement bien
aux Palestiniens vivant dans les territoires occupés, ainsi
qu’au comportement de l’occupant israélien. Elle interdit,
entre autres choses, les punitions collectives, la déportation de
la population soumise à occupation, l’installation de
ressortissants de l’occupant dans le territoire qu’il occupe,
ainsi que la confiscation de propriété appartenant à la
population occupée – autant d’interdictions violées par Israël
à Jérusalem Est occupé, en Cisjordanie et dans la bande de
Gaza.
Le mur de séparation,
qu’Israël construit, sur le territoire occupé de la
Cisjordanie, depuis 2002, constitue une grave violation des droits
de l’homme à l’encontre des Palestiniens, ainsi qu’un déni
de justice. Cette muraille – composée sur la majorité de sa
longueur d’un no man’s land large de 80 à 100 mètres,
comportant une route pour les patrouilles armées, des tranchées
et des rouleaux de fil de fer barbelé de part et d’autre
d’une barrière électronique, ainsi, dans les zones urbanisées,
que d’un mur de béton armé de huit mètres de hauteur – est
presqu’entièrement construit sur le territoire palestinien, en
territoire occupé. Il englobe approximativement 10 % de la
Cisjordanie, plaçant cette partie du territoire cisjordanien du côté
israélien, rendu presque totalement inaccessible aux
Palestiniens. Beaucoup de villages palestiniens sont séparés de
leurs terres cultivables par la barrière de séparation. Ce sont
non moins de 50 communes, soit 245 000 personnes, qui sont
cernées par le mur sur trois, et parfois quatre côtés ;
l’entrée et la sortie de ces communes sont autorisées
uniquement aux piétons, les autres ne pouvant être atteintes
qu’en empruntant une route contrôlée par les Israéliens. Plus
de la moitié – jusqu’à 90 %, selon certaines évaluations
– des puits palestiniens d’eau potable se trouvent du côté
israélien. Afin de dégager le passage de cette muraille, des
dizaines de maisons palestiniennes ont été démolies.
Le mur encercle Jérusalem
Est occupée, plaçant quelque 200 000 jérusalémites
palestiniens du côté israélien de la barrière et les coupant
de leur hinterland cisjordanien. La muraille, autour de Jérusalem,
coupe également la majorité des Palestiniens de Cisjordanie de
leur capitale religieuse, politique et économique, Jérusalem.
L’un dans l’autre, le mur affecte directement un demi-million
de Palestiniens, séparant des habitants de leur école, de leur
emploi, de leur hôpital, et détruisant toute activité
commerciale. L’association israélienne de défense des droits
de l’homme B’Tselem a publié un rapport détaillé,
comportant plusieurs sous-sections, sur les conséquences du mur.
Il a pour titre : « Separation Barrier ».
[ http://www.btselem.org/English/Separation_Barrier/
]
En juillet 2004, la
Cour Internationale de Justice des Nations Unies a jugé, par un
vote à 14 voix contre une (la seule voix dissidente ayant été
celle du juge américain) que la construction du mur est « contraire
au droit international ». Israël a défié les injonctions
de la Cour internationale. Aucune paix n’est possible tant que
l’injustice créée par le mur persiste. La paix ne peut exister
quand un peuple pense avoir besoin d’un mur, quel qu’en soit
la nature, entre lui et son voisin. Construire ce mur profondément
à l’intérieur du territoire du pays voisin est une injustice
encore plus grave, et ce mur demeurera un obstacle insurmontable
à la paix, tant qu’il ne sera pas démantelé, ou au minimum
entièrement resitué à l’intérieur des frontières
internationalement reconnues d’Israël.
Le
minuscule territoire de la bande de Gaza (
130 miles
carrés de superficie) est, lui aussi, entouré de murs, et ce
depuis le début du « processus de paix » d’Oslo, au
début des années 1990. Malgré l’ainsi dit
« désengagement » israélien de la bande de Gaza, en
2005, et le départ des colons et des soldats israéliens, Israël
maintient un contrôle total sur ce territoire, emprisonnant, au
sens littéral du terme, quelque 1,3 million de personnes. La
densité démographique de la bande de Gaza en fait une des
régions les plus densément peuplées au monde. Israël contrôle
la bande de Gaza des quatre côtés
, et ce territoire est dépourvu d’aéroport et de
port maritime en ordre de fonctionnement. Ni les gens, ni les
marchandises, ne peuvent entrer dans la bande de Gaza ou en sortir
sans autorisation israélienne, et, durant les périodes jugées
‘de crise’ par Israël, les points d’entrée et de sortie
son entièrement fermés, souvent durant plusieurs semaines
d’affilée, si bien que les importations vitales, comme celles
des denrées alimentaires, sont bloquées ; les produits
d’exportation, en particulier les fruits et légumes, sont bloqués
aussi, et les habitants de la bande de Gaza ne peuvent absolument
plus sortir, même pas pour des raisons médicales ou éducatives.
Israël contrôle, et à l’occasion suspend, les fournitures
d’électricité et d’essence à la bande de Gaza. B’Tselem a
publié un rapport détaillé sur la situation prévalant dans la
bande de Gaza, intitulé « The Gaza Strip after
Disengagement » [La bande de Gaza après le retrait unilatéral
israélien]
[ http://www.btselem.org/English/Gaza_Strip/
]
Des Palestiniens
commettent, certes, des injustices à l’encontre d’Israéliens
– essentiellement sous la forme d’attentats suicides contre
des civils, et de tirs de roquettes sur des zones civiles en Israël,
actions qui doivent être condamnées – mais en tant
qu’autorité gouvernementale non-souveraine et dépourvue de
contrôle sécuritaire ou judiciaire sur Israël et les Israéliens,
ainsi, quasiment, que de tout contrôle sur la population
palestinienne, les Palestiniens ne sont pas à même de commettre
le genre de violation systématique de la justice qu’Israël
perpètre à leur encontre. Bien que les attentats palestiniens
contre des civils doivent être condamnés, l’équité et l’équilibre
commandent que le terrorisme d’Etat perpétré par Israël
contre des civils soit également condamné, ainsi que les
violations des droits humains des Palestiniens par Israël.
Les Palestiniens
sont fondés, en droit, à résister à leur domination par Israël.
Le Protocole additionnel 1 aux Conventions de Genève considère
que la lutte contre « une domination coloniale et une
occupation étrangère, ainsi que contre des régimes racistes »
est légitime, et fait partie du droit de tout peuple à l’autodétermination.
[ http://www.unhchr.ch/html/menu3/b/93.htm
]. L’expert en droit international de l’Etat de l’Ohio, John
Quigley, a rédigé une plaidoirie pour la résistance
palestinienne, publiée en 2005 sous la forme d’un livre intitulé
« The Case for Palestine : An International Law
Perspective » [Plaidoirie pour la Palestine. Ce que dit le
droit international].
Le droit
international, explique Quigley, sous la forme de la Charte de
l’Onu et des résolutions répétées du Conseil de Sécurité
et de l’Assemblée générale de l’Onu, affirme le droit des
peuples à l’autodétermination et à résister aux infractions
de ce droit par tous les moyens nécessaires, y compris la force
militaire, mais sans attaquer de civils. Considérant d’autres
cas de domination étrangère sur des peuples colonisés, le
Conseil de Sécurité a même reconnu aux organisations de guérilla
le droit supérieur de recourir à la force contre des puissances
coloniales, et dans les résolutions adoptées au cours des années
1970 au sujet des représailles israéliennes consécutives à des
raids de la guérilla palestinienne, le Conseil avait considéré
légaux ces derniers, et il les avait « traités comme des
opérations menées par un peuple colonisé éligible au droit à
l’autodétermination », d’après Quigley.
Le sociologue et
commentateur politique récemment disparu, Baruch Kimmerling, écrivait,
dans Haaretz, peu après l’éclatement de l’Intifada al-Aqçâ,
en 2000, qu’il soutenait le droit des Palestiniens à
s’opposer, y compris par la force, à l’occupation. « La
perpétuation des circonstances d’occupation et de répression »,
disait Kimmerling, « donne aux Palestiniens, quoi qu’il en
soit, le droit à résister à cette occupation par tous les
moyens dont ils disposent, et à se soulever, violemment, contre
cette occupation. C’est là un droit moral inhérent tant au
droit naturel qu’au droit international. »
Traduit
de l’étazunien par Marcel Charbonnier
* Kathleen
Christison est une ancienne analyste politique à la CIA ;
elle travaille sur les questions moyen-orientales depuis une
trentaine d’années. Elle est l’auteur des ouvrages « Perceptions
of Palestine » et « The Wound of Dispossession »
[La Blessure de la dépossession]. Elle est joignable à son
adresse mél :
kathy.bill.christison@comcast.net.
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