Opinion
Depardieu: l'arbre
qui découvre la forêt
Karine
Bechet-Golovko
© Karine
Bechet-Golovko
Lundi 7 janvier
2013 On peut dire merci à Gérard
Depardieu pour plusieurs raisons.
Tout d'abord en ces temps de fêtes,
il a enfin permis aux journalistes
d'avoir quelque chose à dire et à
redire. Les chaînes françaises en
saturent et les auditeurs aussi. Il
a également permis aux hommes
politiques de parler d'autres choses
que des moyens qu'ils comptent
mettre en oeuvre pour relever le
pays et ils peuvent se lancer dans
de grandes tirades - un peu fade -
sur l'amour de la Patrie. Mais que signifie cette "affaire"
Depardieu qui s'introduit en la
bûche et la poire sur nos tables de
fête? Un acteur français de renom décide
de s'exiler pour raison fiscale,
même le Conseil constitutionnel
reconnait qu'à 75% la taxe
requalifiée en un impôt par les
Sages devient confiscatoire, donc
inconstitutionnelle. Mais il tourne
à droite, à l'Est, et non à gauche,
à l'Ouest. Il devra y résider pour
bénéficier du régime fiscal
favorable, ce à quoi il semble se
préparer. Et de hurler à l'unisson à
la haute trahison. D'appeler Pussy
Riot pour remplacer Depardieu dans
le coeur des français - remarquez,
elles seraient plutôt bien dans les
Valseuses. Deux aspects au problème: l'un
technique, l'autre idéologique. D'un point de vue technique,
reprenons les chiffres. Il y a en
France, environ 5 millions personnes
qui ont la double nationalité,
pourtant personne ne parle de 5
millions de traitres. Aux Etats
Unis, pour des raisons fiscales,
selon le Federal Register, 1781
américains ont abandonné leur
nationalité américaine en 2011, soit
16% de plus qu'en 2010 et 7 fois
plus qu'en 2008. Mais, en ce qui
concerne les expatriés, qui
bénéficient d'avantages fiscaux, les
chiffres sont édifiants. 5 à 7
millions d'américains expatriés.
Sont-ils des traitres? En ce qui concerne les relations
franco-russes, G. Depardieu est loin
d'être le seul à aller chercher en
Russie ce qu'il ne trouve pas en
France. Selon les données de
Eurostat publiées par le journal
belge Le Soir, "Les Français forment
le plus gros contingent d’Européens
à avoir acquis la nationalité russe,
avec 4.503 Français devant 4.191
Allemands, 1.925 Finlandais et 1.881
Italiens. Eurostat n’a pas compilé
les chiffres inverses ". Et maintenant pour l'idéologie. Soit
nous considérons que nous vivons
dans un monde libéral, ouvert, dans
lequel chaque individu est libre de
choisir la société qui lui
correspond. Et dans le cynisme
ambiant, l'argent est un critère de
poids. Soit nous en appelons à la
Patrie, au danger national, à la
Mère patrie qui a besoin des efforts
de ses enfants pour sortir d'une
période difficile, à un "mariage"
pour le meilleur et pour le pire qui
exclue le divorce. Mais cette
conception n'est plus en phase avec
la nouvelle conception de la société
développée en France. Bref, il faut
choisir.
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