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Nucléaire
Israël démasqué
Karim MOHSEN
Lapsus ou non, il n’en
reste pas moins que le chef du gouvernement israélien a confirmé
l’existence d’un arsenal nucléaire israélien.
La situation s’est quelque peu
emballée depuis que Robert Gates a brisé le tabou autour du nucléaire
israélien. La langue d’Ehud Olmert a-t-elle fourché?
L’important est que le Premier ministre israélien s’est
surpris à reconnaître un fait sur lequel Israël a toujours
maintenu l’équivoque: ses activités nucléaires militaires. «L’Iran
menace ouvertement, explicitement et publiquement de rayer Israël
de la carte. Pouvez-vous dire qu’il s’agit du même niveau de
menace lorsqu’ils (les Iraniens) aspirent à avoir des armes
nucléaires, comme la France, les Américains, les Russes et Israël?»
a lâché Olmert qui répondait à une question d’un journaliste
de la télévision allemande à Berlin où il était mardi en
visite officielle. Certes, le Premier ministre israélien a tenté,
ensuite, de corriger cette «sottise» en reprenant une
formule utilisée par tous les responsables israéliens ces dernières
années comme quoi Israël «ne sera pas le premier pays à
introduire la bombe atomique dans la région». On sait ce
qu’il en est dans la réalité, Israël étant bien le seul Etat
du Moyen-Orient a posséder l’arme nucléaire. La confirmation
par Olmert -à son corps défendant?- de la véracité d’un
secret qui n’en est pas un, en fait, a, en tout cas, déclenché
un tollé en Israël où chacun essayait de minimiser les propos
du chef du gouvernement. Ensuite, des conseillers d’Olmert ont
tenté de rattraper le coup, l’un d’eux indiquant, sous le
couvert de l’anonymat, que «c’est un véritable lapsus, ce
n’était pas préparé. Et c’est embarrassant pour Israël,
surtout sur un sujet pareil, aussi délicat». Pourquoi le
nucléaire ouvert au débat pour tous les pays du monde ne le
serait-il pas pour Israël? De fait, l’affaire du nucléaire
israélien est revenue au devant de la scène politique
internationale au lendemain de la déclaration du nouveau secrétaire
d’Etat américain à la Défense, Robert Gates, lequel interrogé
par le Congrès (dans le cadre de sa confirmation au poste de
ministre de la Défense) a eu ces mots révélateurs en disant que
l’Iran est «entouré de puissances nucléaires, avec le
Pakistan à l’est, la Russie au nord, Israël à l’ouest».
Par cette déclaration, Robert Gates a brisé le tabou et
l’ambiguïté qui entouraient le nucléaire israélien. Réagissant
à la déclaration de Robert Gates, Shimon Peres, père du nucléaire
israélien, avait réaffirmé la «politique d’ambiguïté»
israélienne. Le vice-Premier ministre israélien a, ainsi, déclaré
à la radio publique israélienne qu’«Israël n’a pas à
dire ou ne pas dire si nous disposons de l’arme nucléaire, il
suffit que l’on craigne que nous la détenons et cette crainte
constitue elle-même un élément de dissuasion». Toutefois,
aujourd’hui des choses ont été dites, trop ou peu, autour du
nucléaire israélien et il serait criminel de la part de la
communauté internationale qui focalise sur le nucléaire iranien
d’ignorer l’autre danger qui menace la paix du monde: le nucléaire
israélien. Aussi, l’Agence internationale de l’Energie
atomique se doit, comme elle le fait pour l’Iran et d’autres
pays soupçonnés d’avoir ou de tenter d’avoir l’arme nucléaire,
de se saisir du cas israélien. Le ministre israélien des
Infrastructures, Benyamin Ben Eliezer, a demandé aux Israéliens
de se taire sur la question du nucléaire après les déclarations
d’Ehud Olmert qui a laissé entendre que son pays possédait
l’arme atomique. «Je recommande à tout ceux qui veulent
continuer de parler de cette affaire, de cesser de le faire, au
nom de Dieu et au nom de la sécurité d’Israël» et
d’ajouter «Je suis partisan de la politique d’ambiguïté
et je ne considère pas les propos de M.Olmert comme une
affirmation selon laquelle Israël a des armes nucléaires».
Certes, mais n’est-ce pas un peu tard alors que les déclarations
de M.Ben Eliezer sont, en elles mêmes une reconnaissance, par défaut,
du fait nucléaire israélien. Mordechai Vanunu, l’ingénieur
nucléaire israélien qui a révélé au monde, en 1986, qu’Israël
avait des activités nucléaires militaires, déclaration qui lui
a valu 18 ans de prison, commentant les propos d’Olmert à
indiqué «Il n’y a rien de nouveau dans les propos d’Olmert
(...) mais il est bon qu’Israël ait décidé de mettre cela
dans le domaine public. Le monde ne doit pas seulement parler de
l’Iran mais aussi d’Israël comme d’une menace nucléaire,
afin de dénucléariser le Proche-Orient et contribuer à la paix».
Un spécialiste du dossier nucléaire israélien, Yossi Melman, a,
pour sa part, estimé que «la politique d’ambiguïté d’Israël
a cessé de l’être car tous les dirigeants de la planète
supposent qu’Israël détient l’arme nucléaire». Selon
les experts internationaux, Israël dispose de quelque 200 ogives
nucléaires. A propos de sanctions, le Premier ministre israélien,
Ehud Olmert, a demandé, lors d’une conférence de presse à
Berlin avec la chancelière allemande Angela Merkel, des «efforts
collectifs internationaux» afin que les sanctions contre l’Iran,
discutées par le Conseil de sécurité des Nations unies, «empêchent»
ce pays de disposer de l’arme atomique, Olmert indiquant que «les
efforts collectifs internationaux doivent mener à des décisions
sans équivoque» sur le dossier nucléaire iranien. Mais Israël,
encore plus en infraction avec les règlements internationaux en
vigueur sur le nucléaire, peut-il demander des sanctions contre
l’Iran quand Israël est lui-même éligible aux sanctions que
l’on compte infliger à l’Iran? Désormais, il faut jouer
carte sur table car, si menace il y a sur la paix et la stabilité
dans le monde, elle vient directement de l’Etat hébreu qui
cache au monde son activité nucléaire militaire. Et
contrairement aux affirmations lénifiantes du porte-parole du département
d’Etat américain, Sean McCormack, selon lequel «le
gouvernement israélien a dit qu’il n’y avait pas de
changement dans sa politique, qui est de ni confirmer ni nier la
possession d’armes nucléaires» et que «donc, à ma
connaissance, il n’y a aucun changement dans aucune politique»,
les choses ne sont pas aussi simples. Israël, qui est une
puissance nucléaire, non déclarée, doit être mis sur le même
plan que tout pays qui transgresse les règles de l’Aiea en la
matière. La politique qui consiste à fermer les yeux sur le nucléaire
israélien et à focaliser sur l’Iran, la Corée du Nord, sur
l’Irak hier, entre autres, n’est plus productive et ne peut
plus avoir cours car il y va, plus que jamais, de la crédibilité
de la non-prolifération nucléaire lorsque l’on permet à Israël
de garder son arsenal nucléaire tout en sanctionnant d’autres
pays pour les mêmes motifs.
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