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Antiwar
La surprise de Septembre (il faut s'y préparer)
Justin Raimondo
Justin Raimondo - Photo Wikipedia
on
Antiwar.com, 3 septembre 2008
http://www.antiwar.com/justin/?articleid=13401
Tandis
que la bande des journaleux se perdent en conjectures quant à la
signification et aux conséquences de l’ascension de Sarah Palin,
de mairesse d’un trou perdu à future éventuelle vice-présidente
des Etats-Unis – et quand à la question de savoir si la vie
privée de sa fifille est un gibier autorisé pour tous les médias
à l’exception du National Enquirer – ceux parmi nous dont le
boulot est de monter la garde sur les remparts et de donner les
véritables infos se demande quand – et non pas : si – le Parti
de la Guerre va sortir un lapin de son proverbial chapeau.
Depuis des mois, je lance des avertissements, sur ce site, sur
une attaque américaine imminente contre l’Iran, et voici
qu’aujourd’hui, je pense que les Hollandais ont raison de
confirmer mon diagnostic. Leur service de renseignement, a
indiqué la presse, se serait retiré d’une opération clandestine
à l’intérieur du territoire iranien au motif qu’une frappe
américaine est juste au coin de la rue – c’est une « question de
semaines », a écrit De Telegraaf, un quotidien batave.
Selon cet
article, les Hollandais avaient infiltré le projet d’armement
allégué des Iraniens, et ils étaient fermement installés dans la
place lorsqu’ils ont eu vent que les Américains s’apprêtaient à
lancer une attaque par missiles contre des installations
nucléaires iraniennes. Prudemment, ils ont alors décidé de
renoncer à leur opération, et ils se sont retirés.
Vous vous
en souvenez sans doute : cela fait des mois que les Israéliens
menacent de frapper l’Iran de leur propre chef : ce qui a
changé, c’est le fait que maintenant, apparemment, les
Etats-Unis ont cédé devant ce qui n’est qu’un cas de chantage
éhonté, et qu’ils ont accepter de faire le boulot à leur place.
Nous
n’avons pas beaucoup entendu parler de l’Iran, ces jours
derniers, tout du moins, en comparaison des titres menaçants
d’il y a quelques mois, où les rumeurs de guerre tournoyaient,
rapides et véhémentes. La « menace » russe semble avoir
supplanté la « menace » iranienne, dans la parodie de choix
opéré par le Parti de la Guerre. Ce que nous ignorons encore,
toutefois, c’est si ces deux points focaux de tension sont
intimement reliés entre eux.
D’après
un article du vétéran correspondant du Washington Times Arnaud
de Borchgrave, l’intime coopération des Israéliens avec l’armée
géorgienne dans la mise au point du blitz contre l’Ossétie du
Sud déclenché par le président Saakashvili avait eu pour origine
une promesse des Géorgiens de permettre aux Israéliens
d’utiliser les terrains d’aviation de la Géorgie afin de
concocter leur frappe contre l’Iran.
Le
principal problème auquel Tel Aviv était confronté, pour rendre
ses menaces contre l’Iran ne serait-ce que crédibles, était la
distance à couvrir pour les avions de combat israéliens, qui
auraient eu une grande difficulté à parvenir sur leurs cibles et
à en revenir sans se réapprovisionner en carburant. Grâce à
l’accès aux aéroports de l’ « Israël du Caucase », comme
Borchgrave appelle la Géorgie – en citant Saakashvili – la
probabilité d’une attaque israélienne entra dans le monde des
possibilités réalistes. De Borchgrave affirme :
« Aux
termes d’un accord secret conclu entre Israël et la Géorgie,
deux aérodromes du Sud de la Géorgie ont été désignés pour le
décollage de bombardiers israéliens, dans l’éventualité
d’attaques préemptives (israéliennes) contre des installations
nucléaires iraniennes. Cela aurait la vertu de réduire
considérablement la distance que les bombardiers israéliens
auraient eu à couvrir avant de pouvoir frapper leur cible en
Iran. Ajoutons que, pour atteindre l’espace aérien géorgien,
l’armée de l’air israélienne survolerait la Turquie.
« L’attaque contre l’Ossétie du Sud ordonnée par Saakashvili
dans la nuit du 7 août a donné aux Russes un prétexte qui leur a
permis d’ordonner aux Forces Spéciales (russes) d’investir ces
installations israéliennes, dans lesquelles un certain nombre de
drones israéliennes auraient été saisis. »
Des
rapports faisant état d’un nombre indéterminé
de « conseillers » israéliens en Géorgie (allant de cent
à mille) ne dit rien de bon, en ce qui concerne la situation sur
le terrain. Les Israéliens étant d’ores et déjà installés dans
ce pays, c’est toute la logistique d’une telle attaque par le
revers qui serait grandement simplifiée. Les pilotes israéliens
n’auraient plus qu’à survoler l’Azerbaïdjan, et ils se
retrouveraient dans l’espace aérien iranien – avec Téhéran sous
leur feu.
Confrontés à ce fait accompli – si l’on doit en croire les
Hollandais – les Américains semblent avoir capitulé. Si tel est
effectivement le cas, il ne nous reste plus beaucoup de temps.
Bien que de Borchgrave écrive que « le fait que l’aviation
israélienne puisse toujours compter sur ces bases aériennes [en
Géorgie, ndt] pour lancer des raids de bombardement contre les
installations nucléaires iraniennes est désormais [après
l’intervention défensive russe, ndt] remis en doute », je ne
vois pas, personnellement, pour quelle raison la défaite des
Géorgiens dans la guerre de Saakashivili contre les Ossètes
devrait nécessairement signifier que le projet [israélien, ndt]
de frapper l’Iran via
la Géorgie aurait été ajourné. De fait, à la lecture du
compte-rendu sidérant que fait de Borchgrave de l’ampleur de la
collaboration Tel Aviv-Tbilissi, on ne peut trouver des raisons
supplémentaires, pour tous ceux que cette question préoccupent,
de continuer à se faire des cheveux blancs :
« Saakashvili
était convaincu qu’en envoyant 2 000 de ses soldats en Irak
(lesquels soldats furent immédiatement rapatriés par la voie des
airs par les Etats-Unis après que la Russie ait lancé une
contre-attaque massive contre la Géorgie), il serait récompensé
de sa loyauté. Il ne pouvait imaginer que le président Bush, un
ami personnel, l’aurait laissé dans la merde. La Géorgie, selon
la vision que Saakashvili avait de son pays, était l’ « Israël
du Caucase ».
Saakashvili, un homme brouillon et imbu de lui-même, a désormais
encore plus de raisons de passer derrière le dos de Tonton Sam
et de donner aux Israéliens une position de tir imprenable sur
Téhéran. Avec cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de la
tête des Américains, les arguments en faveur d’une frappe des
Etats-Unis bien plus limitée n’en deviennent que par trop
évidents.
En
définitive, si les Israéliens passaient à l’attaque, c’est la
totalité du monde musulman qui se rangerait, uni, derrière les
Iraniens. Si, d’un autre côté, les Etats-Unis faisaient le sale
boulot d’Israël, Tel Aviv s’agitant dans l’ombre, cela serait
vraisemblablement bien moins provocateur, et cela pourrait même
générer un soutien implicite chez les dirigeants sunnites des
alliés arabes de l’Amérique. C’est ce qui va se passer, quoi
qu’il en soit, selon ce raisonnement, aussi, nous pourrions tout
aussi bien faire le boulot directement, plutôt que de le
sous-traiter aux Israéliens, qui ont menacé –
via des commentateurs
« indépendants » comme l’historien et super-faucon israélien
Benny Morris – d’utiliser des armes nucléaires contre des villes
iraniennes.
En termes
de politique intérieure américaine, la route de la guerre contre
Téhéran avait été pavée depuis bien longtemps : les deux
principaux partis et leurs candidats à la présidence ont donné
au Parti de la Guerre le feu vert pour frapper Téhéran –
explicitement pour McCain, tacitement, dans le cas d’Obama –
mais non moins fermement l’un que l’autre.
Le décor est planté, les répétitions sont terminées, et les
acteurs connaissent leur texte : tandis que le rideau se lève
sur l’Acte I de la tragédie « La Troisième Guerre Mondiale »,
respirez un bon coup, et priez tous les dieux que vous voudrez
que ce drame mortel sera avorté.
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier
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