L’histoire le montre, les
Etats fauteurs de guerre se sont toujours efforcés de tromper
l’opinion sur les raisons et causes de leur agression. Un
exemple parmi d’autres est la fausse attaque de la station de
radio de Gleiwitz, organisée par les Nazis, qui fut le prétexte
de l’attaque de la Pologne et marqua ainsi le début de la
Deuxième Guerre Mondiale. Ou encore « l’incident »
de la Baie de Tonkin qui fut fabriqué par les États-Unis afin
d’avoir un prétexte pour envahir le Vietnam. Ou, plus récemment,
la falsification des preuves concernant les soi-disant armes de
destruction massive de Saddam Hussein et qui permirent à
l’administration états-uniennes, aux mains maculées de pétrole
et de sang, de dépecer l’Irak et de s’emparer de ses
ressources pétrolières.
Israël vient d’apporter sa
contribution à cette pyromanie mondiale, organisée par
« l’Internationale démocratique » et menée avec
un entrain redoublé depuis que Bush junior et ses comparses
sont au pouvoir. Les raisons de l’attaque israélienne sont
multiples : depuis des années, Israël s’efforce, avec
l’aide active des États-Unis, de balkaniser le Moyen-Orient
afin de garantir son hégémonie vis à vis de ses voisins
arabes, toujours présentés comme « menaçant
l’existence de l’État hébreu » . Dans cette stratégie,
l’État d’Israël s’est fixé, entre autres « objectifs
stratégiques » , de sécuriser sa frontière au Nord et
d’éliminer définitivement la résistance libanaise du
Hezbollah, qui garde la frontière côté libanais.
La pseudo « Révolution
des Cèdres » au Liban n’a pas profité à Israël ;
le nouveau gouvernement à Beyrouth est faible et s’avère
incapable de répondre aux exigences de l’administration états-unienne
et à celles du gouvernement de Tel-Aviv. Il est notamment
incapable de désarmer véritablement la milice chiite. Au
contraire.
Par ailleurs, peu avant le début
de la guerre, Israël se retrouvait dans la situation d’un
boxeur K.O., allongé sur le ring. En effet, des preuves avaient
été découvertes par les Libanais qui démontraient que les
services secrets de l’État hébreu étaient activement
impliqués dans des activités terroristes au Liban :
notamment des attentats à la bombe, des voitures piégées et
des assassinats de cadres palestiniens et d’élus du
Hezbollah. Par ailleurs un faisceau d’indices était mis au
jour et qui semblait désigner Israël et non la Syrie comme étant
l’instigateur de l’attentat sanglant qui avait coûté la
vie à l’ancien Premiers ministre libanais, Rafic Hariri.
Le fait que cette guerre,
pourtant planifiée de longue date par Israël, ait été déclenchée
dans l’urgence face aux découvertes embarrassantes des
Libanais et qu’elle se soit muée en une débâcle pour
l’agresseur n’a finalement pas beaucoup d’importance. Elle
aura au moins prouvé une chose : la guerre menée par la
machine militaire surpuissante contre le Liban est représentative
des futures batailles du XXIème siècle, menées sans complexes
et avec une cruauté criminelle. On cible désormais la
population civile avec des actes de terreur et on détruit
sciemment des infrastructures vitales afin de faire souffrir la
population et la briser. Ni « l’Internationale démocratique »
ni l’ONU se sont véritablement opposés à la punition
collective imposée aux Libanais. Ils restèrent muets face aux
innombrables bombardements d’infrastructures civiles,
d’usines de lait en poudre, d’écoles, d’hôpitaux,
d’ambulances, de convois de réfugiés, de voitures
individuelles ou de motocyclettes, de quartiers d’habitation
densément peuplés ainsi que la quasi totalité des routes et
ponts autoroutiers du pays. Bien au contraire, les politiques
des États-Unis et l’Union européenne, dont la Première
Ministre allemande Angela Merkel, accordèrent indirectement un
blanc-seing à l’agresseur israélien en refusant de
mentionner, et encore moins de condamner, l’utilisation par
Israël d’armes interdites par la communauté internationale,
par exemple que des obus au phosphore, des bombes à sous
munitions et apparemment également des obus contenant de
l’uranium appauvri.
L’opération commando israélienne
Quelques jours après que le
ministre israélien de la Défense, Amir Peretz ait poussé son
cri de guerre et ordonné, le 12. juillet 2006 à son aviation
de « détruire les villages du Hezbollah ainsi que
l’infrastructure du Liban » , le Premier ministre
libanais, Fouad Siniora a pu constater que ce n’était pas le
Hezbollah mais son pays qui avait été détruit. A Tel-Aviv on
a pris pour prétexte la capture des soldats Ehud Goldwasser et
Eldad Regev par la milice chiite, au matin du 12 juillet, pour déclencher
sans attendre une guerre dévastatrice et sans aucun égard pour
les vies innocentes.
Que s’est il exactement passé
ce jour là ? Ce mercredi, à 9h05 exactement, un communiqué
de l’organisation résistante, lu sur l’antenne de la
station de télévision du Hezbollah, Al Manar,
annonçait que, ses « soldats ont attaqué
une patrouille israélienne près de la frontière et fait
prisonnier deux soldats. » Hassan Sayyed Nasrallah,
chef de la milice chiite, expliqua que « cette
opération était planifiée depuis 5 mois » par son
organisation. Comme l’explique Philip Abi Akl dans le journal
conservateur libanais Daily Star, la milice
affirmait vouloir, par cette action, « tenir
une promesse vis à vis du peuple libanais. L’enlèvement
permettrait d’échanger les soldats israéliens contre des
prisonniers libanais retenus en Israël » [1].
Le Dr. Mazin Qumsiyeh, ancien enseignant à la Duke & Yale
University, et auteur du livre Partage de la
terre de Canaan précise : « Le
Hezbollah est un mouvement libanais de résistance armée, fondé
après l’invasion israélienne du Liban en 1982. Il est
important de rappeler, pour ceux qui auraient la mémoire
courte, que - pour la seule année 1982 - des dizaines de
milliers de Libanais et de Palestiniens (ces derniers étant déjà
des réfugiés de la guerre israélienne de 1948) furent
assassinés par les troupes d’occupation israéliennes dans le
Sud du Liban. Le Hezbollah a connu une grande popularité et
obtenu le soutien d’une bonne partie de la population
libanaise (y compris chez les chrétiens) à cause de sa
victoire sur la brutale machine militaire d’occupation israélienne,
victoire ayant permis de chasser Israël et ses vassaux de la
plus grande partie du territoire libanais. Bien sûr, Israël
continue d’occuper illégalement Gaza, la Cisjordanie (y
compris Jérusalem-Est), les « fermes de Chebaa »
ainsi que le plateau du Golan. De la même manière Israël
continue à s’opposer au droit international en interdisant
aux réfugiés palestiniens de retourner dans leurs maisons et
de retrouver leurs terres. Plus important encore : l’armée
israélienne continue a garder prisonniers de très nombreux
citoyens libanais ainsi que plus de 10.000 prisonnier politiques
palestiniens. L’histoire des enlèvements de Libanais et de
Palestiniens par Israël remonte à loin. Par ailleurs ces
prisonniers sont régulièrement torturés. » [2].
Le Hezbollah lui même n’a
donné aucune indication quand au lieu de l’enlèvement. Ce
n’est que le lendemain de l’enlèvement que l’AFP indique :
« Aux dires de la police libanaise, les
deux soldats ont été faits prisonniers sur territoire
libanais, dans la région de Aïta Al-Chaab, proche de la frontière
israélienne, région qui avait été la cible d’une incursion
de l’unité israélienne tôt dans la matinée. » La
lettre d’information française Réseau
Voltaire indique de son côté, « De
manière délibérée, Tsahal (l’armée israélienne) a envoyé
un commando dans l’arrière-pays libanais à Aïta al Chaab.
Il a été attaqué par le Hezbollah, faisant deux prisonniers.
Israël a alors feint d’être agressé et a attaqué le Liban » [3].
Le quotidien italien La Reppublica cite des
sources au sein du Hezbollah pour affirmer que « la
capture a eu lieu dans la zone Aïta Al Chaab, non loin du
village Zarit » , les deux se situant au Liban. Les
Français dénoncent par ailleurs le fait que, « à
la demande du colonel Sima Vaknin-Gil, chef de la censure
militaire israélienne, la presse occidentale a accepté de
relayer une version tronquée des événements survenus ces
derniers jours au Proche-Orient. (...) Sur injonction de la
censure militaire israélienne, les agences de presse et médias
ayant des journalistes accrédités en Israël ont renoncé à
informer leurs lecteurs du lieu où les soldats israéliens ont
été faits prisonniers » . La journaliste suisse Silvia
Cattori, travaillant pour le Réseau Voltaire s’est vue
enlever son accréditation de travail en Israël pour avoir
refusé de d’obéir aux consignes de la censure militaire » [4].
Mais, pour le Premier ministre
israélien Ehud Olmert les soldats ont été enlevés sur
territoire israélien. « Les évènements
de ce matin ne sont pas une attaque terroriste, mais l’action
d’un État souverain qui a attaqué Israël sans raison. Le
Liban en paiera le prix » a t’il menacé lors
d’une conférence de presse en présence du premier ministre
japonais Junichiro Koizumi tout en annonçant une riposte
« très douloureuse et très étendue »
. Son ministre de la Défense Amir Peretz et les services
secrets avaient de toute évidence prévu le coup depuis
longtemps et tout préparé. C’est la raison pour laquelle, le
jour même de l’enlèvement des deux soldats, le 12 juillet,
l’armée israélienne envahit le Liban tandis que la rapide
mobilisation des réservistes et l’extension des opérations démontrent
clairement qu’Israël avait tout planifié longtemps à
l’avance, et ne réagissait donc pas simplement à l’enlèvement
de ses deux soldats. Outre les bombardement extrêmement ciblés
- qui montrent à quel point les services israéliens et leurs
collaborateurs sur le terrain avaient repéré les cibles au
Liban, l’armée israélienne disposait par ailleurs des
coordonnées détaillées de chaque restaurant, de chaque usine
de savon, de chaque école, le tout repéré depuis longtemps en
prévision de cette guerre. Peretz savait parfaitement ce
qu’il disait quand il menaçait de « ramener
le Liban 50 ans en arrière » avec ses bombardement.
Ce n’étaient pas des paroles de vantard, il savait qu’il en
avait les moyens [5].
Le Liban : une guerre préparée en
laboratoire
« De
toutes les guerres qu’Israël a menées depuis 1948, celle-ci [contre
le Liban] est la seule pour laquelle le pays était
parfaitement préparé » , a déclaré Gerald
Steinberg, professeur d’études politiques à l’université
Bar-Ilan de Ramat Gan, quelques jours après le début du
conflit. Cet universitaire, qui travaille pour le ministère
israélien des Affaires étrangères et de la Sécurité
nationale, ajoute : « Dans un certain
sens, les préparatifs ont débuté dès le mois de mai 2000,
juste après le retrait israélien [du Liban].
En 2004 la campagne militaire, prévue pour une durée de trois
semaines et à laquelle nous assistons en ce moment, était déjà
planifiée et a été simulée et testée en laboratoire depuis
un ou deux ans. » . [6].
Matthew Kalman confirme ces
dires le 21 juillet 2006 dans le San Francisco
Chronicle : « Il y a plus d’un
an, un haut gradé de l’armée israélienne a commencé à présenter
à des diplomates, des journalistes et des think tanks états-uniens
et autres, des simulations PowerPoint non destinées au public
et comportant des détails révélateurs de l’opération
actuellement en cours. » L’identité de ce gradé,
selon Kalman, a été tenue secrète. Ce militaire a présenté
les plans d’une « campagne de trois
semaines » contre le Liban en ces termes :
« La première semaine sera consacrée à
la destruction des roquettes puissantes et de longue portée du
Hezbollah, au bombardement du poste de commandement et de contrôle
et à rendre impraticables les grands axes de transport et de
communication du pays. La deuxième semaine devra être
principalement consacrée aux attaques contre des localités
abritant des rampes de lancement de missiles ou des dépôts
d’armes. La troisième semaine, on enverra un effectif plus
important de forces terrestres […] pour détruire les cibles
repérées au cours des missions de reconnaissance [...] Par
contre il n’est pas prévu d’occuper à nouveau le Sud-Liban
pour une longue période. » .
Moshé Marzuk, un ancien membre
des Services secrets militaires israéliens, aujourd’hui
chercheur à l’Institut du contre-terrorisme d’Herzlia,
ajoute : « Israël a tiré les leçons
des guerres précédentes au Liban, en Cisjordanie et à Gaza,
tout comme des expériences des États-Unis en Afghanistan et en
Irak : l’armée à compris qu’un campagne militaire
classique serait inefficace » . Néanmoins, cela
faisait dix ans qu’Israël projetait d’attaquer à nouveau
le Liban, quelle que soit la stratégie employée [7]
Clean Break – Déclaration de guerre à l’Orient
arabe
Wayne Madsen, un ancien agent de
la NSA, une des agences de renseignement états-unienne, écrivait
le 22 juillet 2006 : « Les 17 et 18
juin 2006, au cours d’une conférence de l’American
Enterprise Institute (néo-conservateur), à Beaver Creek.
(Colorado), l’ancien Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahu,
Nathan Sharansky [8],
un membre de la Knesset et le vice-président des États-Unis
Dick Cheney sont tombés d’accord pour envahir le Liban »
Cheney « a donné son feu vert »
poursuit Wayne Madsen. Netanyahu est retourné en Israël où il
a fait part, « au cours d’une rencontre entre anciens
Premiers ministres, du soutien de l’administration Bush » [9]
La rencontre entre Cheney et
Netanyahu, rapportée par Madsen présente un caractère quelque
peu explosif. En 1996, le Study Group on a New Israeli Strategy
Toward 2000, un groupe de néo-conservateurs américains du
think tank privé The Institute for Advanced Strategy and
Political Studies, avait élaboré pour Netanyahu, alors Premier
ministre israélien, le projet tristement célèbre A
Clean Break : A New Strategy for Securing the Realm [10].
Dans ce pamphlet militariste,
les stratèges néo-conservateurs exhortaient Israël à dénoncer
l’intégralité des accords de paix d’Oslo avec les
Palestiniens, à envahir les territoires autonomes et à
« attaquer le Hezbollah, la Syrie et l’Iran,
les trois principaux agresseurs du Liban » . Le groupe
qui avait rédigé le pamphlet était supervisé par Cheney et
dirigé par Richard Perle, surnommé le « prince des ténèbres »
, membre du premier gouvernement de Bush Jr et l’un des pires
fauteurs de guerre lors de la préparation de l’invasion de
l’Irak. Parmi les rédacteurs figuraient d’autres membres du
cabinet Cheney, tels que Douglas Feith et David Wurmser ;
toutes ces personnes sont également membres du fameux « Golden
Circle » , qui regroupe les dirigeants de l’United
States Committee for a Free Lebanon (SCFL), une officine dont
nous aurons l’occasion de reparler.
Le Clean Break
affirme : « La Syrie menace Israël
depuis le territoire libanais. Israël devrait attaquer le
Hezbollah, la Syrie ainsi que l’Iran, qui sont les principaux
agresseurs du Liban : mener des attaques contre les
installations militaires syriennes au Liban et, si cela devait
s’avérer inefficace, attaquer des objectifs ciblés en Syrie
même » [11].
Israël doit en outre « utiliser les
groupes d’opposition libanais pour affaiblir le pouvoir syrien
au Liban » . Les groupes libanais, associés à Israël,
pourraient « attaquer les objectifs
militaires syriens présents sur leur territoire » ou
« si cela devait s’avérer insuffisant »
, Israël pourrait même « attaquer des
objectifs ciblés en Syrie » et montrer ainsi que
« le territoire syrien n’est plus considéré
comme un sanctuaire » . Bien sûr il faut également
renverser le régime de Saddam Hussein en Irak. Finalement un
« nouveau Proche-Orient »
devrait voir le jour, composé d’États affaiblis et morcelés,
sans unité interne et dirigés par des marionnettes, tandis
qu’Israël jouirait d’une hégémonie incontestée sur la région.
Autrement dit, un projet qui ressemble énormément au « nouveau
Proche-Orient » dont Condoleezza Rice, la secrétaire
d’État des États-Unis, rêvait publiquement en juillet
dernier, au début du conflit.
Ce genre de projets est tout à
fait du goût de Daniel Pipes [12]
directeur de la « revue de géopolitique
renommée » Middle East Forum et
thuriféraire anti-arabe patenté. Pipes s’évertue depuis des
années à prêcher une politique états-unienne au Moyen-Orient
orientée vers une solide alliance avec Israël, la Turquie et
d’ » autres démocraties, si elles
adviennent » , car pour lui, le Moyen-Orient est
« une source majeure de problèmes pour
les États-Unis à cause de la quantité prodigieuse de
dictatures, d’idéologies radicales, de conflits existentiels
et de frontières, de violence politique et d’armes de
destruction massive qui s’y trouvent » . [13].
Une grande partie des membres du
comité exécutif de ce forum semblent entretenir par ailleurs
des liens étroits avec l’American Enterprise Institute de
Cheney et Perle ainsi qu’avec l’United States Committee for
a Free Lebanon (USCFL). Ziad K. Abdelnour, le président du
comité et influent banquier de Wall Street (à une époque on
le considérait comme un futur Ahmed Chalabi libanais), savait dès
juillet 2002 que « le meilleur moyen pour
les Libanais d’accéder à la paix passe par un alignement sur
la politique états-unienne. ».
« Le règlement
de la guerre au Liban ne se situe pas au Moyen-Orient. Ni au
Liban. Ni même sur le sol libanais. Nous ne gagnerons jamais
sur le sol libanais. Les cartes sont à Washington. »
Depuis longtemps Abdelnour avait déclaré la guerre totale à
son pays natal, un pays dont il disait que « c’est
un État -Gestapo, exactement comme la France sous
l’occupation nazie allemande » [14].
Abdelnour et Pipes entretiennent des liens inquiétants ;
ils ont publié ensemble, en mai 2000, sous le titre « En
finir avec l’occupation syrienne au Liban, le rôle des États-Unis »
( « Ending Syria’s Occupation of Lebanon : The U.S.
Role » ) une étude élaborée dans le cadre d’un
soi-disant Groupe d’études libanaises (Lebanon Study Group).
Cette publication va-t’en-guerre milite pour une intervention
militaire contre la Syrie afin de détruire les prétendues
armes de destruction massive qui y seraient dissimulées et
mettre fin à la présence militaire syrienne au Liban..
Des plans d’attaque prêts depuis 2004
Ziad K. Abdelnour souhaite débarasser
le Liban de la Syrie - par quelle que manière que ce soit - et
renverser le régime syrien afin de transformer la région en
une zone économique capitaliste. Pour arriver à ces fins il
semble qu’il entretienne depuis des années des contacts et
des échanges avec des dirigeants et des responsables tant à
Tel-Aviv qu’à Washington, qui lui fournissent des
informations. Dans son livre sur l’affaire Hariri, paru en
mars 2006 en Allemagne sous le titre Mordakte
Hariri – Unterdrückte Spuren im Libanon , l’auteur de
cet article publie un interview de Ziad K. Abdelnour, où ce
dernier fait allusion à une montée de la menace de guerre :
Interview de
Ziad K. Abdelnour, réalisé le 24. Dezember 2005 :
Q :En septembre 2003,
vous teniez un discours très optimiste : « Au Liban,
un millier de guerilleros libanais n’attendent qu’un signal
(de votre part) pour lancer l’insurrection et repousser tant
les Syriens, qui ont la haute main sur tous les leviers de la
politique libanaise depuis une génération, que le Hezbollah,
le groupe terroriste chiite qui s’est installé dans le Sud à
partir de l’étroite zone qui longe la côte orientale de la Méditerranée.
Tout ce dont nous avons besoin, c’est d’un soutien de
l’aviation de guerre américaine. »
R : Je ne me souviens pas
avoir jamais fait une telle déclaration et je me demande d’où
vous tirez ces propos déformés.
Q :Vous avez même déclaré :
« Cela ne durera pas trois semaines comme en Irak. Cela
durera 48 heures. L’expulsion (des Syriens) devrait prendre
encore 48 heures de plus. C’est un boulot soit pour les Israéliens,
soit pour les Américains. » Pourquoi ceci devrait-il être
un « boulot » pour les Israéliens ? Vous
voulez dire l’Armée du Liban Sud (ALS), ou bien Tsahal (IDF),
ou encore les deux ? A : Pourquoi
j’ai dit que c’était un boulot pour les Israéliens ?
Eh bien, il est évident que ce sont soit les Américains soit
les Israéliens qui auront à se charger de ce travail, dans un
avenir assez proche.
Q : Votre hypothèse d’un
« prise de contrôle en 48 heures » est erronée ;
elle se fonde sur le scénario « soulèvement armé de la
population et soutien aérien » , un scénario qui était
également celui d’Ahmed Chalabi, l’ancien chef du Congrès
national irakien. Ce scénario rencontre-t-il la même adhésion
chez les hommes politiques états-uniens de premier plan ?
R : Mon
hypothèse d’une prise de contrôle en 48 heures ? De
quoi parlez-vous, je vous le demande ? C’est de la
science-fiction que vous écrivez, c’est un livre de
propagande politique, qu’est-ce que vous écrivez au juste ?
Ca me dépasse là, vraiment. [15]
Q :Ces propos de votre part
figurent dans une interview que vous avez accordée en septembre
2003 à Mr. Spencer Ackerman et dans laquelle vous avez ébruité
ce plan. Je vous ai déjà fait parvenir la version intégrale
de cet entretien. [16]
R : Toutes
ces sources (articles de journaux) que vous citez proviennent de
journalistes libéraux ou de gauche bien connus qui tournent les
choses de telle manière qu’en fin de compte elles plaisent à
leurs patrons... c’est de la daube, de la pure propagande, mon
cher . [17]
Commentaire de Spencer Ackermann :
« Il est étonnant d’entendre Ziad dire
qu’il n’a aucun souvenir de ces citations. Je suis
absolument certain du contraire. De fait, quand l’article est
paru en 2003 dans le journal New York Press, il m’a écrit
pour me dire qu’il le considérait comme incisif mais néanmoins
objectif — pour autant que je sache, il n’en a jamais
contesté un seul mot auprès de moi ni de qui que ce soit au
journal. En tout cas, je voudrais que ce soit bien clair :
le ton de mon article était ironique, mais lors des événements
des années 2002 et 2003, au moment où j’ai interviewé Ziad,
il souhaitait très sérieusement se trouver à la pointe de la
lutte pour libérer le Liban de la Syrie. » [18]
Six mois plus tard, la libération
du Liban se faisant attendre, Abdelnour réconforte ses acolytes
en leur faisant part d’informations qui circulent au sein
d’un réseau confidentiel regroupant des Libanais exilés, des
néoconservateurs états-uniens, des politiciens et des
lobbyistes de l’administration Bush. Ci-dessous quelques unes
de ces informations, peu nombreuses mais révélatrices, que le
banquier politicien avait envoyé à ses amis :
De :
« Ziad K. Abdelnour »
Date : Mon Apr 26, 2004 2:44 am Je t’assure que cette
administration avance à toute vapeur contre LES DEUX, la Syrie
et l’Iran. J’ai eu pas moins de trois discussions privées
à ce sujet avec le président et des personnalités-clés de
son administration. Meilleures salutations, ZKA
De : « Ziad K.
Abdelnour »
Date : Sat Sep 4, 2004 7:34 pm Les jours de la Syrie au
Liban sont comptés. Comme nous le disons depuis quelque temps déjà
au sein de l’USCFL (United States Committee for a Free Lebanon),
il n’y a pas d’autre voie que la manière forte... La force
est en marche. Le Hezbollah et la Syrie, l’un comme l’autre,
peuvent déjà considérer que leur grande aventure libanaise
tire à sa fin, ils vont en déguerpir sous peu. Observez
attentivement ce qui va se passer prochainement et souvenez-vous
de ce que je vous ai dit aujourd’hui. ZKA
De : « Ziad K.
Abdelnour »
Date : Sun Sep 5, 2004 12:45 am Commencer par l’Iran,
puis redescendre la filière jusqu’au Hezbollah en passant par
la Syrie. Je ne peux vraiment pas vous révéler qui va
provoquer l’Iran, je trahirais l’effet de surprise ;
mais je peux vous assurer qu’ils seront mis en pièces tous
les trois, en commençant par l’Iran. Les plans sont déjà échafaudés.
Oui, nous allons vivre un scénario très sombre et ce sera le
chapitre II de la campagne de Bush... Pas étonnant que toutes
les gauches et les Arabes soient furibonds... Vous savez bien...
ou au moins vous vous doutez bien de ce qui se joue ici.
Franchement, je préfère encore avoir une deuxième guerre
civile au Liban que de continuer dans le statu quo actuel...Avec
Bush au pouvoir, c’est garanti à 100 %. Les plans sont prêts,
la tactique et la stratégie aussi.
Suite de l’interview de Ziad
K. Abdelnour les 24. et 25 décembre 2005 :
Q :Après la révolution
dite « des cèdres » et les premières élections
« démocratiques » de mai et juin 2005, le Liban a
enfin accédé au statut d’État libre. Vous pouvez donc vous
retirer, vous et tous les autres, et vous concentrer sur vos
projets économiques !
R : Le
Liban est un pays libre depuis mai-juin ? Etes-vous sûr
que nous parlons du même Liban ? On y trouve encore
quantité d’agents des services secrets syriens, pleinement
tolérés par le président Lahoud. Ils sont présents à tous
les niveaux, jusqu’au plus petit sous-lieutenant des services
secrets libanais ; ils contrôlent la moindre facette de la
scène politique libanaise, ils orchestrent en permanence des
attentats de grande ampleur... comme ceux contre le premier
ministre Hariri, contre Samir Kassir, contre Gebran Tuesni, etc.
Et vous parlez de liberté ? Il en va de même pour le
Hezbollah, qui n’en fait qu’à sa tête et retient le pays
en otage tout en l’inondant de tentatives d’intimidation et
de propagande mensongère. Tant que le régime syrien n’aura
pas été remplacé, tant que l’infrastructure militaire du
Hezbollah n’aura pas été démantelée, je crains que le
Liban ne puisse accéder à la liberté. Je l’ai dit il y a
plus de dix ans déjà, bien avant n’importe quel dirigeant
libanais. Aujourd’hui, ils commencent tous à comprendre ;
mais malheureusement, au prix d’un énorme gâchis humain et
financier ! Et pourtant, je garde aujourd’hui encore une
grande confiance dans l’âme libanaise et je suis persuadé
que nous vaincrons... et bien plus tôt qu’on ne le croit. Que
Dieu protège les États-Unis d’Amérique.
Q :Pouvez vous m’indiquer
quelle est la voie qui permettrait au Liban de résoudre tous
ses problèmes ? Le pays a un « nouveau »
gouvernement suite à la révolution dite « des cèdres »
. Mais c’est toujours la même équipe aux commandes, une équipe
quelque peu usée, sans une seule nouvelle tête. Et en face il
n’y a qu’une opposition narcissique. Comptez-vous tous les
jeter à la mer ? Selon vous, qui est capable de conduire
votre pays vers un avenir plus prometteur ? Joumblatt,
Aoun, Siniora, Nasrallah, Berri, le blanc-bec Saad Hariri,
Geagea, Pakradouni ? Pour ma part, je n’en ai pas la
moindre idée. Et vous ?
R : Le
Liban ne sera pas LIBRE tant que le régime syrien n’aura pas
été remplacé et l’infrastructure militaire du Hezbollah
mise hors d’état. Le Liban ne sera pas LIBRE tant que la
vieille classe corrompue des politiciens libanais n’aura pas
été dépossédée de son pouvoir, à commencer par le président
Emile Lahoud. Le Liban ne sera pas LIBRE tant qu’on n’aura
pas promulgué une loi donnant le droit de vote aux Libanais de
la diaspora. Le Liban a des centaines, des milliers d’hommes
d’affaires et de politiciens compétents, possédant le
savoir-faire et les moyens nécessaires pour transformer le pays ;
mais ces gens-là n’émergeront pas tant qu’il n’y aura
pas de réelles élections démocratiques, libérées tant de la
contrainte syrienne que des pressions du Hezbollah, ce qui nous
ramène au point 1, qui est le point de départ de tout le
reste.
Q :Êtes-vous impliqué
dans l’évolution politique actuelle au Liban ou bien n’êtes-vous
encore qu’un homme d’affaires privé ?
R : Mon
activité politique a décuplé. Mais aujourd’hui, et c’est
la leçon que je tire du passé, il n’y a aucune raison de
faire savoir à tous les Libanais ce que nous comptons faire.
Ceux qui tirent les ficelles ne sont pas toujours sous les
projecteurs. Regardez l’activité des Syriens au Liban , il y
a là matière à s’instruire. Vous voulez battre votre ennemi ?
Jouez son jeu mieux que lui. À tous ceux qui veulent notre défaite,
je dis qu’ils doivent s’attendre à voir émerger au
contraire à une organisation plus puissante, qui deviendra
« le pire de leurs cauchemars ».
Q :Mais la partie est
terminée. L‘intervention en Irak a démobilisé les États-Unis.
Que peut faire Israël tout seul ? Pour ma part je ne sais
pas. Qu’en pensez-vous ?
R : Bush a
encore deux années à gouverner. Le match n’est pas gagné
tant que la partie n’est pas finie. Je crains que vos souhaits
ne se concrétisent pas. Mais libre à vous de rêver. [19]
Les États-Unis
impliqués dans les préparatifs de guerre israéliens
Seymour Hersh, un journaliste
d’investigation américain mondialement connu et lauréat du
prix Pulitzer, a publié le 14 août 2006 dans The
New Yorker son reportage « Watching Lebanon » [20]
dans lequel il affirmait que la guerre d’Israël contre le
Liban avait été préparée de longue date. Hersh se réfère
exclusivement à des sources anonymes au sein du gouvernement
des États-Unis et des services secrets, sources qui lui ont révélé
que l’enlèvement des deux soldats israéliens avait fourni le
prétexte rêvé pour déclencher une guerre planifiée depuis
longtemps par les stratèges israéliens.
Selon Hersh, des diplomates israéliens
se seraient rendus à Washington au début de l’été, afin de
demander le « feu vert » pour l’agression et
prendre la mesure du soutien qu’ils pourraient attendre des États-Unis.
Cette information se recoupe avec les recherches de Madsen. Les
Israéliens auraient d’abord enrôlé le vice-président américain
Dick Cheney. Israël avait commencé par Cheney, car, selon
Hersh « convaincre Bush n’était pas un
problème. » D’après un spécialiste du
Proche-Orient, anonyme lui aussi, Bush avait de nombreuses
raisons de soutenir l’offensive militaire israélienne.
« Bush en voulait aux deux. Il en a après
l’Iran — maillon de l’Axe du Mal— et à ses
installations nucléaires ; d’autre part, dans le cadre
de son projet de démocratisation du Moyen-Orient, projet qui
sert ses intérêts, le Hezbollah était dans son collimateur.
Et un Liban « libéré » aurait constitué le
fleuron de son projet de construction d’un Proche-Orient démocratique. ».
Et surtout Bush voulait voir l’arsenal du Hezbollah détruit
afin que, dans le cas d’une attaque américaine contre les
installations nucléaires iraniennes, le risque de représailles
du Hezbollah contre Israël soit neutralisé.
Un ancien agent des services
secrets explique : « Nous avons dit
aux Israéliens : si vous devez aller au charbon, nous vous
soutiendrons sur toute la ligne. Et nous pensons que le plus tôt
sera le mieux. Plus vous attendrez, moins il nous restera de
temps pour procéder à une évaluation et faire nos plans
contre l’Iran avant que Bush ne quitte ses fonctions ».
Les militaires états-uniens espéraient d’ailleurs pouvoir
compléter leurs informations sur l’arsenal iranien, grâce
aux frappes israéliennes contre les réseaux de tunnels et de
bunkers du Hezbollah, leur conception étant, aux dires des
experts, semblable à celle des fortifications iraniennes.
Depuis le printemps 2006, sous la pression de la Maison Blanche,
des hauts responsables de la stratégie aérienne des États-Unis
consultaient les militaires israéliens au sujet d’éventuelles
frappes militaires contre les installations nucléaires
iraniennes. « La grande question, pour
notre aviation, c’était de savoir comment on allait pouvoir
faire mouche sur toute une série de cibles iraniennes
difficiles » ajoute l’ex-agent des services secrets,
car « chacun sait que ce sont des ingénieurs
iraniens qui ont conseillé le Hezbollah lors de la construction
des tunnels et des arsenaux souterrains. C’est pour cela que
l’aviation des États-Unis est allée soumettre ses nouveaux
plans d’opérations aux Israéliens et leur a dit :
« Concentrons-nous sur les bombardements et échangeons
nos informations : nous vous disons ce que nous savons de
l’Iran et vous ce que vous savez du Liban. ». Donald
Rumsfeld, le secrétaire à la Défense, était présent lors de
ces discussions.
Israël pensait en outre que ses
attaques aériennes - dirigées contre les infrastructures du
Liban et visant à leur anéantissement - dresseraient les
populations chrétiennes et sunnites contre le Hezbollah.
« La campagne de bombardements israélienne »
, toujours selon Hersh, « était conçue
pour être une préfiguration des plans états-uniens contre
l’Iran. ». Les gouvernements de Washington et
Tel-Aviv ont violemment critiqué ces révélations de Seymour
Hersh.
Il est donc difficile de croire
que, quand, au printemps 2006, George Bush, déclare - cité par
le quotidien libanais Ad Diyar - que
« l’été libanais sera chaud. »,
il s’agit là de l’expression d’une de ces prémonitions
« envoyées par Dieu » dont se
targue le Texan. À ce moment là, les préparatifs de guerre
d’Olmert étaient déjà en route depuis longtemps et le boss
de Washington lui avait manifestement déjà donné son accord
pour la démolition du Liban et du Hezbollah.