Salah Hamouri a été arrêté et placé en détention par les
autorités israéliennes le 13 mars 2005. Ce n’était pas la
première fois que les autorités militaires interpellaient ce
jeune Franco-Palestinien (aujourd’hui âgé de 22 ans) : à 16
ans il avait déjà été détenu pendant 4 mois pour avoir collé
des affiches, et deux ans plus tard il avait été placé
durant 5 mois en « détention administrative », selon une
procédure qui permet aux autorités israéliennes de maintenir
un prisonnier en détention autant de temps qu’elles le
souhaitent sans avoir à justifier des raisons de celle-ci,
et qui concerne aujourd’hui plus d’un millier de
Palestiniens.
Mais les faits qui lui sont reprochés en 2005 sont plus
graves : on lui reproche d’être membre d’une organisation de
jeunesse liée au Front Populaire de Libération de la
Palestine et donc illégale aux yeux des Israéliens et
surtout d’avoir projeté d’assassiner le Rabbin Ovadia Yossef,
leader spirituel du Parti Shaas (12 élus à la Knesset,
membre de la coalition gouvernementale). Le Rabbin Yossef
s’est notamment distingué, au cours de ces dernières années,
en traitant les Arabes de «
fourmis qui pullulent
», de «
vipères », et en appelant à «
anéantir
» les Palestiniens à coups de «
super-missiles ».
Il est aussi celui qui a déclaré que les victimes du
génocide juif étaient la réincarnation d’âmes pécheresses
qui devaient expier leurs fautes
1…
Israël reproche à Salah d’être passé en voiture devant la
résidence du Rabbin et donc ( ? ) d’avoir planifié un
attentat contre lui. C’est trois mois après avoir été aperçu
devant le domicile d’Ovadia Yossef que Salah a été arrêté à
Ramallah et confié aux soins de la justice militaire
israélienne, qui, au terme de plus de 3 ans de procédure, a
fini par le condamner, le 17 avril dernier, à 7 ans
d’emprisonnement. Les deux autres jeunes qui avaient déjà
été jugés pour la même « affaire » avaient écopé de 3 et 12
ans de prison.
C’est dans l’appartement familial, situé à al-Ram, près de
Ramallah, que j’ai rencontré les parents de Salah. Salah
tient sa nationalité française de sa mère, Denise Hamouri,
née à Bourg-en-Bresse, qui vit en territoire palestinien
depuis plus de 25 ans et enseigne dans une école catholique.
Son père, Hassan, possède un restaurant à Jérusalem.
« Un délit d’intention »
«
En fait, ce que l’on reproche à mon fils, affirme
Denise Hamouri,
c’est d’avoir eu l’idée de faire quelque
chose. Pas de l’avoir fait. C’est ce que l’on appelle un
délit d’intention ». En effet, sur la base de sa seule
présence à proximité du domicile d’Ovadia Yossef et de son
appartenance présumée à une organisation de jeunesse liée au
FPLP, la justice militaire israélienne a reconnu Salah
coupable de « complot ». «
Ils n’ont produit aucune
preuve, ni aucun témoin pouvant confirmer cet éventuel
complot », poursuit sa mère. «
C’est sans doute
pour cela qu’ils ont dû reporter l’audience à plus de 25
reprises... Ils ont fouillé la maison de fond en comble, à
la recherche d’armes. Et ils n’ont rien trouvé ». Pour
éviter que l’affaire ne s’éternise et que la sentence ne
soit plus lourde, Salah et sa famille ont suivi les conseils
de leur avocate Léa Tsemel, et accepté le principe du «
plaider coupable ». «
Ils nous ont dit qu’il valait
mieux que nous acceptions cette procédure en sous-entendant
que sinon la peine pourrait être beaucoup plus longue.
Avions-nous vraiment le choix ? Ce genre de tribunal, ce
n’est pas la Justice. C’est l’occupation, tout simplement
», ajoute-t-elle.
La justice militaire israélienne est réputée pour la
lourdeur des peines qu’elle prononce et pour le peu de cas
qu’elle fait des éléments qui contredisent l’accusation,
phénomène largement dénoncé par de nombreuses ONG
israéliennes, palestiniennes et internationales. «
Le
cas de Salah a été pris en charge par une juridiction
militaire car il a été arrêté près de Ramallah, en
territoire palestinien. C’est un choix délibéré de leur
part. Ils auraient tout à fait pu l’arrêter à Jérusalem, où
il se rendait très souvent… ». Le père indique qu’outre
le manque de preuves et de témoins, un élément a dû peser
dans le choix de confier Salah à la justice militaire : «
Salah, avec sa peau blanche, ses cheveux clairs et ses
yeux bleus, est considéré comme beaucoup plus dangereux par
les autorités israéliennes. Il peut en effet plus facilement
passer pour un occidental et ne pas être « repéré » en
Israël. Ils voulaient être sûrs de le faire condamner
».
« Etre membre d’une organisation politique de
jeunesse, ici, c’est la moindre des choses »
Marc de Chalvron, correspondant de France 24 à Jérusalem,
était présent pendant une grande partie de ma rencontre avec
les parents de Salah. «
Les médias français ont mis
beaucoup de temps à s’intéresser à notre histoire »,
nous confie la mère. «
Cela commence tout juste à avoir
un petit écho, alors que cela fait plus de 3 ans que nous
les contactons régulièrement. Le Monde
a écrit un
article suite à la condamnation de Salah. L’Humanité
avait déjà parlé de mon fils à plusieurs reprises et l’a
de nouveau fait au moment du procès. Mais sinon, pas grand
chose ».
Lorsqu’il lui demande si son fils est, d’après elle, membre
d’une organisation de jeunesse liée au FPLP, Denise Hamouri
répond simplement : «
Nous vivons sous occupation
militaire. Et les jeunes veulent résister… Faire de la
politique, être membre d’une organisation politique de
jeunesse, ici, c’est la moindre des choses ». Les
élections étudiantes de l’Université de Bir Zeit, près de
Ramallah, qui se déroulaient le même jour, confirment ses
propos : près de 85% de participation ! De quoi faire rêver
les organisations étudiantes en France (moins de 5% de
participation en général à ce type de scrutin)…
Quant au « complot » contre le Rabbin, elle n’a aucun doute
: «
Ce n’était qu’une bravade. Ils sont bien passés en
voiture devant chez lui, mais ils n’ont à aucun moment eu
l’intention d’organiser son assassinat. D’ailleurs Israël a
mis trois mois à arrêter Salah. Ne pensez-vous pas qu’en
trois mois, s’ils avaient vraiment projeté de tuer le
Rabbin, ils seraient passés à l’acte ? ». L’absence de
preuves lors du procès de Salah semble aller dans son sens.
Le père pointe alors le caractère selon lui partial de la
Justice israélienne et le « deux poids, deux mesures » : «
Des extrémistes juifs projetaient de faire exploser la
Mosquée al-Aqsa à Jérusalem, ce qui aurait déclenché une
véritable guerre. Savez-vous ce qui leur est arrivé ? Ils
ont été relâchés au bout de 45 jours et sont rentrés chez
eux. 45 jours ! Et mon fils est condamné à 7 ans de prison…
Vous appelez ça la Justice ? ».
« Gilad Shalit doit être libéré, Salah Hamouri doit
être jugé »
Depuis l’arrestation de Salah en 2005, ses parents, et
notamment sa mère, en ont appelé à de multiples reprises aux
autorités françaises. « J’ai écrit plusieurs fois à
l’Elysée, je n’ai jamais eu de réponse. Le Ministre des
Affaires étrangères Bernard Kouchner m’a fait parvenir une
lettre qui semble être une réponse-type puisque tous ceux
qui l’ont contacté au sujet de Salah ont reçu la même
». Elle me la montre : c’est un courrier, antérieur au
procès, qui indique en substance que les autorités
françaises font tout pour que Salah « soit jugé de
manière impartiale dans les plus brefs délais ». Le mot
« libération » n’apparaît pas.
Denise Hamouri a eu une entrevue de 3 minutes avec le
ministre Kouchner lors de la visite de ce dernier en février
à Jérusalem. Il s’était alors engagé à faire pression sur
les autorités israéliennes pour que Salah soit « jugé
rapidement ». « Voilà, Salah a été jugé. Et
condamné. Et maintenant ? » demande la mère. « Le
président Sarkozy s’est engagé à venir en aide à tous les
Français en difficulté, où qu’ils se trouvent. Alors nous
attendons qu’il fasse quelque chose pour Salah »
ajoute-t-elle. Le père intervient : « Nicolas Sarkozy
semble vouloir aider tous les Français, sauf Salah Hamouri.
Le gouvernement français demande la libération de Gilad
Shalit [caporal de l’armée israélienne, de nationalité
franco-israélienne, détenu depuis deux ans dans la Bande de
Gaza]. Ils se mobilisent pour lui. Et mon fils ? «
Gilad Shalit doit être libéré, Salah Hamouri doit être jugé
». Voilà le message de la France… ».
Et à ceux qui jugeraient le parallèle avec Shalit
impropre au motif que ce dernier n’a pas été arrêté et
jugé par un Etat mais qu’il est retenu captif par un
groupe armé, Denise Hamouri répond : « Gilad Shalit
a été capturé alors qu’il était en uniforme,
qu’il portait des armes et qu’il était dans un véhicule
blindé. A priori il n’était pas là pour cueillir des
fleurs. C’est un prisonnier de guerre, voilà tout
».
Denise Hamouri en appelle à la mobilisation de la
population et des autorités françaises. « Maintenant
que Salah a été condamné, il est grand temps d’exiger sa
libération. Il a déjà passé trois ans dans les prisons
israéliennes. C’est bien assez long au regard des faits
qui lui sont reprochés ». Elle voit son fils deux
fois par mois, « 45 minutes, derrière un vitre, avec
des téléphones pour se parler », affirme « [qu’]
il va bien, [qu’] il lit beaucoup et
[que] les témoignages de soutien l’ont beaucoup
touché », mais pour elle les choses sont claires :
« 3 ans ça suffit ».
Un dernier message à faire passer ? « En France, il
faut continuer à faire pression pour que le gouvernement
ne nous oublie pas ».
A VOIR : Un extrait vidéo de ma rencontre avec les
parents de Salah Hamouri
ici.
Note