Opinion
Attentat de
Bourgas : où en est l'enquête ?
Jonathan Moadab
Jeudi 26 juillet
2012
Si Benjamin Netanyahou, ce fin
limier, avait, deux heures après le
drame de Bourgas, identifié les
responsables de l’attaque comme étant
l’Iran, cette accusation n’a pas
convaincu les enquêteurs qui continuent
de rechercher les coupables.
Même le conseiller pour
l’antiterrorisme de Barack Obama a
désavoué les conclusions hâtives du
Premier ministre israélien, en rappelant
qu’il
fallait connaître les conclusions de
l’enquête bulgare avant de se prononcer
à ce sujet. Il a néanmoins souligné
que les Etats-Unis étaient inquiets des
activités du Hezbollah et de l’Iran.
L’autopsie
confirme que la bombe était portée par
un homme
Concernant l’auteur de l’attentat, le
docteur Galina Mileva, médecin légiste
ayant participé à l’autopsie, est arrivé
aux
conclusions suivantes :
- Il avait “entre 25 et 30 ans, voir un
peu plus” (les premières déclarations
parlaient de 36 ans)
- Au vu de ce qu’il restait du corps («
la tête, les bras et les jambes sont
tout ce qui est resté, le torse étant
détruit », la thèse d’un porteur de
bombe se confirme : « J’estime qu’il
avait l’explosif avec lui. Il aurait pu
être mis à feu à distance par un
complice ou par lui-même »
- Ses cheveux d’une longueur de 7 à 8
cm, laissent penser qu’il portait une
perruque.
- Point important : l’auteur de
l’attentat ne semble pas s’être trouvé à
l’intérieur du bus lors de l’explosion :
«Si trois kilogrammes d’équivalent TNT
avaient explosé à l’intérieur de ce bus,
le bilan aurait été de loin plus grave»
- Son ADN et les doigts qui restent font
l’objet d’une étude de comparaison avec
les bases de données.
L’auteur de
l’attentat a bénéficié de complices
Selon l’AFP, l’auteur de l’attentat
aurait séjourné en Roumanie avant les
faits. Des “traces biologiques”
de cet homme ont effectivement été
relevées dans un hôtel de Varna. Le
quotidien Troud affirme qu’une femme
aurait séjourné dans ce même hôtel (l’hotel
Perfekt, un trois étoiles), et que
celle-ci aurait été en contact avec un
deuxième homme, peut être un complice.
Le signalement donné par le docteur
Galina Mileva diffère du suspect qui
avait tenté de louer une voiture la
veille de l’attentat à l’aéroport de
Bourgas, au bord de la mer Noire. Selon
le Point, citant des témoins, cet
homme avait “le crâne presque rasé”, “un
visage brun” et “l’air d’un Arabe”. Ce
qui ne correspond pas à la longueur de
cheveux constatée sur la tête du porteur
de la bombe.
L’existence de complices laisse
entrevoir la possibilité que le porteur
de la bombe ne soit pas celui qui l’a
actionné. Ainsi, on peut aussi envisager
que celui-ci ne savait pas exactement ce
qu’il portait dans son sac imposant (il
pouvait penser qu’il s’agissait de
drogue par exemple, il n’y avait “que”
trois kilos d’explosif), et qu’une
tierce personne ait fait exploser la
bombe à l’aide d’une télécommande. Les
enquêteurs n’excluent aucune piste.
L’arme du
crime : le trolite
Ainsi que l’a expliqué le ministre de
l’intérieur bulgare, Tsvetan Tsvetanov,
l’explosif utilisé était du trotile.
Le Figaro a développé ce point : “Le
trolite, appelé aussi tolite, est un
explosif fabriqué avec du
trinitrotoluène (TNT). Utilisé en génie
militaire, les différents mouvements
terroristes y ont aussi fréquemment
recours. Pour déterminer la nature de
l’explosif utilisé dans l’attentat de
Bourgas, les enquêteurs bulgare étaient
assistés d’un expert en explosifs
américain faisant partie d’une équipe
d’Interpol, l’organisation de
coordination des polices du monde
entier.” Les analyses se
poursuivent sur l’origine de l’explosif.
La
revendication de l’attentat écartée par
Sofia
Le journal
Almanar rapporte que le groupe «
Base du Djihad » (Qaïda d’al-jihad) a
revendiqué l’attentat perpétré en
Bulgarie. Dans un communiqué le groupe
assure que le jihad se poursuivra sur
toutes les scènes pour « combattre
les juifs et les Américains jusqu’à leur
départ de la terre de l’Islam. » «
Le mois de Ramadan est le mois de la
lutte et du martyre, c’est le mois de la
lutte contre les ennemis de Dieu, les
juifs et leurs collaborateurs les
Américains », stipulait le
communiqué, relayé par le site
« Arabs 48
».
Mais selon
Radio Bulgarie, le ministère bulgare
des Affaires étrangères a rejeté
l’affirmation selon laquelle le groupe
Qaedat al-Jihad serait responsable de
cet attentat. Selon eux, la
revendication du groupe de poursuivre
les Juifs et les Américains jusqu’à ce
qu’ils ne quittent les terres de l’Islam
a été qualifiée par la diplomatie
bulgare de « spéculative ».
Revers
diplomatique pour Israël
Ainsi que nous vous en rendions
compte dans notre
précédent article, Israël avait
décidé de mettre la pression sur l’Union
Européenne pour qu’elle place le
Hezbollah sur sa liste noire des
organisations terroristes. Or, Erato
Kozakou-Marcoullis, ministre des
affaires étrangères chypriote (dont la
nation préside actuellement l’UE) a
exprimé le refus de l’Union Européenne :
“Il n’y a pas de consensus pour
placer le Hezbollah sur la liste des
organisations terroristes“.
Suite à cette prise de position
cohérente avec l’état des
investigations, Ygal Pamor, le
porte-parole du ministre des affaires
étrangères israélien a déclaré : “Depuis
des années, nous fournissons des
informations à l’Europe sur
l’implication directe du Hezbollah dans
des attaques terroristes. (…)
Mais certains Etats membres de l’UE nous
ont clairement indiqué que pour des
raisons politiques, ils préfèrent ne pas
ajouter le Hezbollah sur la liste, même
s’ils ne contestent pas les preuves.“
Mais Mme Kozakou-Marcoullis a rappelé
que le Hezbollah était une organisation
qui, outre son bras armé, comprenait un
parti actif dans la politique libanaise.
L’arroseur
arrosé : l’Iran accuse Israël
L’Iran a rejeté toute implication
dans l’attentat contre l’autobus avec
des touristes israéliens à Bourgas et
accusé Israël d’avoir organisé
l’explosion,
a rapporté jeudi un correspondant de RIA
Novosti à New York.
“Une telle opération terroriste
n’a pu être conçue et commise que par ce
régime dont la courte histoire est
pleine d’attentats et d’assassinats
visant à impliquer les autres pays dans
ces jeux politiques“, a lancé
l’ambassadeur iranien auprès des Nations
unies Mohammad Khazaï lors de débats au
Conseil de sécurité.
“L’Iran ne s’est jamais livré et
ne se livrera jamais à des attentats
méprisables contre des innocents.”
“Il est stupéfiant que dans les
minutes ayant suivi cet attentat
terroriste, des responsables israéliens
aient annoncé que l’Iran était derrière“,
a déclaré M.Khazaï.
Ces déclarations visent à répondre
aux accusations émises par Israël contre
l’Iran et le Hezbollah deux heures
seulement après l’attentat. Avigdor
Lieberman avait notamment affirmé que
ces implications étaient des “informations
avérées“, sans pour autant fournir
d’élément concret pour nourrir ces
accusations.
Nous vous informerons des avancées de
l’enquête.
Jonathan
Moadab, journaliste indépendant
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