Opinion
Attentat de
Bourgas :
Le grand bluff israélien contre l'Iran
et le Hezbollah
Jonathan Moadab
Samedi 4 août
2012
Notre premier
article sur l’attentat de Bourgas, qui
ne semble pas intéresser les rédactions
françaises, soulignait déjà qu’Israël
avait très -trop ?- rapidement accusé
l’Iran et le Hezbollah d’être à
l’origine de l’explosion qui a tué cinq
israéliens. L’Iran a vivement démenti
toute implication, mais les diplomates
israéliens continuent leur lobbying
politico-médiatique visant à faire
reconnaître le Hezbollah comme une
organisation terroriste par l’Union
Européenne d’une part, et de poursuivre
la diabolisation de l’Iran. Tout ceci,
sans apporter la moindre preuve de
l’implication de la République
Islamique, ou de l’organisation
libanaise…
Ainsi, le Premier Ministre israélien
Benjamin Netanyahou a déclaré dimanche
22 juillet détenir des informations
fiables reliant le Hezbollah à
l’attentat de Bourgas. S’exprimant dans
des interviews données à
Fox News Sunday et
CBS Face the Nation,
il a qualifié ces informations de “solides
comme un roc“. “Nous
savons avec certitude absolue, sans
l’ombre d’un doute, que ceci est une
opération du Hezbollah” a-t-il
déclaré. Interrogé par l’interviewer
Chris Wallace sur la nature de cette
information, le Premier Ministre
israélien a répondu que celle-ci avait
été partagée avec des “agences amies“.
Il a aussi exprimé le désir d’Israël de
voir le Hezbollah placé sur la liste
noire de l’UE.
Le
fait de classifier le Hezbollah comme
organisation terroriste viserait à
interdire tout transfert de fond de la
part de personnes ou d’entités résidants
au sein de l’Union européenne, ce qui
gênerait l’organisation dans la mesure
où les banques européennes sont des
intermédiaires importants de ces
transferts, selon le CAPE de Jérusalem.
Vladimir Shopov, politologue à la
Nouvelle Université Bulgare de Sofia, et
cité par le New York Times,
a déclaré à ce sujet qu’il “faudrait
avoir la certitude absolue ou presque
que le Hezbollah [soit] bien le
responsable. Il faudrait que les
enquêteurs soient réellement certains,
avec des preuves convaincantes, pour
pouvoir présenter les résultats devant
l’Union Européenne.”
Ce
que l’Union Européenne a refusé de faire.
Car ces preuves, personne ne semble en
avoir eu connaissance. Effectivement,
lors d’une conférence de presse commune
avec le conseiller en contre-terrorisme
de la Maison Blanche John Brennan
à Sofia ayant eu lieu le 25
juillet, le Premier Ministre bulgare
Boyko Borisov a admis qu’il n’avait eu
aucune information concernant le
terroriste ou ceux qui l’ont envoyé, a
noté le
Baltimore Sun sous la
plume de Ray Mc Govern, ancien analyste
de la CIA.
Ruprecht Polenz, député à la tête de la
commission des Affaires étrangères du
Bundestag,
a
lui aussi déclaré lors d’une émission de
radio allemande qu’il
n’y avait aucune preuve démontrant que
l’Iran ou le Hezbollah soit derrière
l’attaque de Bourgas.
Cela n’a pas empêché le ministre de la
Défense Ehud Barak de marteler sur
CNN le 30 juillet 2012
: “Nous sommes sûrs, sans aucun
doute, de la responsabilité du Hezbollah
dans l’exécution de cette opération.
L’opération, sa planification, et
l’exécution. Et nous savons que le
Hezbollah agit sous inspiration
iranienne. […] Nous avons des
preuves solides. Nous les avons partagé
avec vos services de renseignement, nous
les avons débriefés avec quelques
autres. Je n’ai donc aucun doute et
c’est bien sûr pour des raisons
évidentes que nous ne pouvons partager
cette information.“
L’Iran s’est vivement défendu des
accusations portées à son égard,
notamment au travers de son ambassadeur
à l’ONU Mohammad Khazaee, renvoyant la
responsabilité de l’attentat à Israël :
“Une
telle opération terroriste n’a pu être
menée que par le même régime dont la
courte histoire est pleine d’opérations
de terrorisme d’Etat et d’assassinat
visant à impliquer les autres pour de
maigres gains politiques“.
Il a ajouté que l’Iran ne s’engagerait
jamais dans “une si méprisable
attaque contre des civils innocents“.
En
réponse à cela, l’ambassadeur israélien
Haim Waxman a qualifié l’accusation “de
déplorable mais non surprenante venant
d’un gouvernement qui dit que le 11
septembre 2001 était une théorie du
complot et qui nie l’Holocauste.”
Cette rhétorique n’est pas sans rappeler
celle que
Manuel Valls avait employé dans une
interview en 2011
donnée au collectif We Are Change…
Ce
manque de preuve n’a pas empêché Barack
Obama, vendredi 27 juillet, de
signer la loi “United States-Israel
Enhanced Security Cooperation Act of
2012“ qui vise à
accorder des fonds supplémentaires (70
millions de dollars, soit 57 millions
d’euros) destinés à la production
israélienne du système intercepteur de
roquettes Iron Dome. Durant la séance,
le Président américain a cité l’attentat
du 18 juillet comme une preuve des
challenges sécuritaires mondiaux. “Laissez-moi
conclure en disant que l’événement
tragique que nous avons vu en Bulgarie
souligne à quel point il continue d’être
un défi, non seulement pour Israël mais
pour le monde entier, de prévenir les
attaques terroristes et de s’assurer que
le peuple d’Israël ne soit pas visé.
J’espère qu’en signant ce projet de loi,
une fois de plus le monde comprenne
combien nous sommes tous, Républicains
et Démocrates, en tant qu’américains,
engagés auprès de nos amis afin de
s’assurer qu’Israël soit sauf et en
sécurité”
a-t-il déclaré.
Cette signature, effectuée en compagnie
des membres juifs du Congrès Howard
Berman et Barbara Boxer à l’initiative
de cette loi,
a
eu lieu la veille de la visite du
concurrent d’Obama, Mitt Romney, en
Israël.
Conclusion
Visiblement incapable de défaire le
Hezbollah militairement (voir
l’opération “Raisins de la colère” de
1996, ou le conflit de 2006 où le
mouvement chiite libanais a rendu coup
pour coup à l’Etat Juif), Israël semble
décidé à l’affaiblir par la voie
diplomatique. Profitant des puissants
réseaux d’influence et relais
médiatiques à sa disposition, Israël
construit un story-telling ayant pour
but de rendre responsable le Hezbollah
et l’Iran d’une “vague
mondiale de terrorisme”
visant à nuire aux intérêts israéliens.
Cette démarche est d’ailleurs, en pleine
période pré-électorale, soutenue par
l’actuel occupant de la Maison Blanche
et ses prétendants, afin de courtiser
l’électorat sioniste américain.
Mais les responsabilités concernant
l’attentat de Bourgas n’ont toujours pas
été établies, et les responsables de
l’attaque courent toujours. Si aucun
fait ne semble pour le moment accréditer
la thèse de l’attaque sous faux-drapeau
évoquée par Mohamad Khazaee, les
gesticulations de la diplomatie
israélienne, qui ne sont pour le moment
que fondées sur des discours, ne font
finalement qu’accroître les suspicions.
Dans un prochain article, nous verrons
pourquoi le porteur de la bombe ne fût
finalement qu’un kamikaze… malgré lui.
Jonathan
Moadab, journaliste indépendant
Les dernières mises à jour
|