Opinion
Les puissances
européennes financent Al Quaïda en
achetant du pétrole pillé en Syrie
Johannes
Stern
Mercredi 22 mai
2013 D'après un
article paru le 19 mai dans le journal
britannique Guardian, l'Union
européenne (UE) finance directement des
terroristes islamistes sunnites soutenus
par les États-Unis et luttant en Syrie
contre le régime du président Bashar El-Assad.
Ces groupes sont en train de piller le
pétrole dans certaines parties de la
Syrie orientale qu'ils contrôlent et de
le revendre aux pays européens à des
prix défiants toute concurrence.
Le Guardian écrit : « La décision
de l'UE de retirer les sanctions contre
le pétrole syrien pour aider
l'opposition a accéléré une ruée pour le
contrôle des puits et des pipelines dans
les zones contrôlées par les rebelles et
a aidé à consolider l'emprise des
groupes jihadistes sur des ressources
essentielles du pays. »
D'après le
Guardian, les principaux
bénéficiaires de la levée des sanctions
de l'UE sont le Front Al Nusra et
d'autres groupes terroristes islamistes
du même genre. « Jabhat al-Nusra,
affilié à Al Quaïda et d'autres groupes
islamistes extrémistes, contrôle la
majeure partie des puits de pétrole dans
la province de Deir Ezzor, ils ont fait
fuir des tribus sunnites locales,
parfois par la force. Ils ont également
pris le contrôle d'autres champs de
pétrole contre des groupes kurdes plus
loin au Nord-Est, dans le gouvernorat
d'al-Hasakah. »
La décision de l'UE
de reprendre le commerce avec des champs
de pétrole tenus par Al Nusra dément
complètement le mensonge selon lequel
les puissances impérialistes mènent une
guerre en Syrie pour obtenir un
changement du caractère répressif du
régime syrien. En fait, ils construisent
et soutiennent des forces profondément
réactionnaires qui oppriment la
population.
Ces événements
montrent également que la prétendue «
guerre contre le terrorisme » --
l'affirmation que Washington et l'UE
luttent contre Al Quaïda, qui a servi de
justification pour les invasions
décidées par les États-Unis de l'Irak et
de l'Afghanistan – est un mensonge.
L'impérialisme arme et finance des
groupes terroristes liés à Al Quaïda qui
commettent de terribles crimes contre la
population syrienne, livrant ses
richesses à l'UE et à Washington.
La revue allemande
Spiegel Online a récemment fait
un reportage sur la manière dont les
islamistes fournissent les marchés
mondiaux en pétrole syrien à des prix
sacrifiés : « Depuis février, le groupe
rebelle Liwa al-Islam contrôle le champ
pétrolifère d'al-Thaura dans le
gouvernorat d'ar-Raqqah […] les rebelles
d'al-Thaura vendent dix cargaisons de
camions-citernes chaque jour. Ils se
font de l'argent facile et demandent
environ 13 dollars du baril. Sur le
marché mondial, cependant, un baril se
vend 100 dollars, mais cela n'a pas
grande importance ici. »
Abu Saif, un autre
combattant islamiste de la brigade Ahar,
liée aux Frères musulmans donne une
autre version de la façon dont les
islamistes pillent la Syrie. Jabhat al
Nusra investit dans l'économie syrienne
pour renforcer sa position en Syrie et
en Irak. Les combattants d'al-Nusra
vendent tout ce qui leur tombe sous la
main, du blé aux pièces archéologiques
en passant par l'équipement industriel,
les outils de forage, les voitures, les
pièces détachées et le pétrole brut.
Pour sécuriser le
pétrole, les terroristes assassinent
toute personne qui leur barre la route.
Dans un cas très connu, les combattants
d'Al Nusra ont rasé le village d'al-Musareb
près de Deir Ezzor, tuant 50 de ses
habitants après une dispute avec des
membres des tribus locales au sujet d'un
pétrolier. Les meurtres de masse par
lesquels les groupes terroristes
contrôlent le territoire dont ils ont
besoin pour approvisionner en pétrole
l'impérialisme européen sont prouvés par
des vidéos disponibles sur YouTube.
Les puissances
impérialistes s'appuient sur des groupes
terroristes dans le cadre de leur
stratégie pour contrôler les vastes
ressources énergétiques du Moyen-Orient
et d'Asie centrale. Ces intérêts
fondamentaux sous-tendent les guerres
menées contre l'Afghanistan, l'Irak, et
la Libye, ainsi que les préparatifs en
cours d'une guerre contre l'Iran chiite
– auquel le régime d'Assad à dominante
alaouite est étroitement lié. Comme la
Syrie, l'Iran a longtemps été sur la
"liste noire" de l'impérialisme, depuis
que Washington et ses alliés d'Europe et
du Moyen-Orient le considèrent comme
l'un des principaux obstacles au
contrôle du commerce du pétrole dans le
Golfe persique, et par conséquent du
monde entier.
Ce viol de la Syrie
arrache son voile à la décision cynique
des organisations de la pseudo-gauche
des classes moyennes – comme l'International
Socialist Organisation (ISO), le
parti allemand Die Linke, le
Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) en
France, ou encore le Socialist
Workers Party (SWP) de
Grande-Bretagne – de présenter la guerre
en Syrie comme une « révolution ». Leur
position de classe émerge clairement
maintenant : elles applaudissent le
pillage du pétrole syrien pour faire
monter les profits des groupes
pétroliers et en font une « révolution »
et elles présentent les pillards comme
des « révolutionnaires. »
Le soutien étranger
de plus en plus fort accordé aux forces
islamistes sunnites est accompagné de
nouvelles menaces de la part de
l'impérialisme américain et de ses
alliés pour faire fuir Assad, et
accélérer les préparatifs pour une
intervention militaire directe.
Lors d'une
conférence de presse avec le premier
ministre turc Reccep Tayyip Erdogan
jeudi dernier à Washington, le président
américain Barack Obama a promis «
d’exercer une pression de plus en plus
forte sur le régime d'Assad et de
travailler avec l'opposition syrienne.
Nous sommes d'accord sur le fait qu'Assad
doit partir. »
Vendredi, le chef
de la CIA, John Brennan, a rencontré le
premier ministre israélien Benjamin
Netanyahou, le ministre de la Défense
Moshe Ya'alon, le chef d'état-major de
l'armée israélienne Benny Gantz, et le
chef du Mossad Tamir Pardo pour discuter
de la Syrie. Lors d'une réunion du
gouvernement le lendemain, Netanyahou a
menacé de lancer de nouveaux raids
aériens contre la Syrie, disant
qu'Israël agirait « avec détermination
[…] pour garantir les intérêts suprêmes
de l'Etat d’Israël et empêcher le
transfert d'armes sophistiquées au
Hezbollah et à d'autres éléments
terroristes. »
Israël a déjà
bombardé Damas il y a deux semaines,
ostensiblement pour empêcher des armes
d'être transférées de la Syrie au
Hezbollah. La milice chiite libanaise
est un allié proche de la Syrie et de
l'Iran et est considérée comme un des
principaux obstacles à la domination
militaire d'Israël au Proche-Orient.
Samedi, le
président Syrien Bashar el-Assad a
accordé un entretien au journal argentin
Clarin et à l'agence de presse
argentine Telam, depuis son
palais de la capitale syrienne, Damas.
Il a juré de rester au pouvoir, accusant
Israël et d'autres « puissances
étrangères » de soutenir l'opposition
islamiste. « Israël soutient directement
les groupes terroristes de deux
manières, premièrement il leur accorde
un soutien logistique, et il leur dit
également quels sites attaquer et
comment les attaquer, » a-t-il dit.
Il a nié que son
gouvernement ait utilisé des armes
chimiques, disant que « l'Occident »
pourrait orchestrer une intervention en
s'appuyant sur de fausses accusations :
« L'Occident ment et invente des preuves
pour déclencher des guerres ; c'est dans
ses habitudes. »
Il a dit qu'une
intervention est « une probabilité
claire, en particulier maintenant que
nous avons réussi à faire reculer les
groupes armés dans de nombreuses régions
de Syrie. » Cependant, il a ajouté «
nous sommes prêts à parler à toute
personne qui veut bien parler, sans
exception. »
Assad a clairement
dit qu'il espérait rester au pouvoir en
convainquant Washington qu'il est un
garant des intérêts américains plus fort
et plus fiable qu'Al Quaïda dans la
région : « l'Amérique est pragmatique.
S'ils se rendent compte qu'ils sont
battus et que le régime est vainqueur,
les Américains trouveront un accord avec
le pouvoir réel. »
Cette soumission à
Washington montre la faillite du
nationalisme arabe. En fait, comme le
dit clairement le reportage du
Guardian, Washington et ses alliés
impérialistes européens financent et
soutiennent l'opposition islamiste pour
faire tomber le régime.
Le gouvernement
d'Obama est également en train
d'augmenter ses efforts pour parvenir à
un accord avec Moscou, le principal
allié de la Syrie. Le week-end dernier,
le ministre des Affaires étrangères
Russe Sergei Lavrov est tombé d'accord
avec son homologue Américain John Kerry
pour négocier une fin de la guerre
syrienne. Au cours d'une telle
conférence, Washington insisterait pour
une sortie « négociée » d'Assad et son
remplacement par un pantin plus
manipulable approuvé par Moscou.
Lavrov cherche
également à calmer les inquiétudes
américaines et israéliennes concernant
les possibles ventes de missiles russes
à la Syrie. Il a insisté pour dire que
ces armes « n'altéraient en aucun cas
l'équilibre des forces dans cette région
ou ne donnaient un avantage dans la
lutte contre l'opposition. »
La Russie ne
fournirait à la Syrie que des missiles
de défense côtière SS-N-26, mais aucun
SA-21 anti-aérien, dans le cadre d'une
vente conclue en 2011. Lavrov a
également juré que la Russie ne
signerait aucun nouvel accord avec la
Syrie.
(Article original
paru le 20 mai 2013)
Copyright 1998 - 2012 - World Socialist
Web Site - Tous droits réservés
Publié le 22 mai 2013 avec l'aimable
autorisation du WSWS
Le
dossier Syrie
Les dernières mises à jour
|