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Kosovo

Indépendance du Kosovo : la main insidieuse de Washington ?
Dans la ligne antirusse de Brzezinski

Jean-Geronimo


Zbigniew Brzezinski

18 mars 2008

A Fany, au combat du Che, et la victoire des Anges.

‘’Le Kosovo est un choc horrible qui reviendra comme un boomerang, dans la gueule des occidentaux.’’
V. Poutine, 18/02/2008

Avec l’indépendance illégale du Kosovo, l’histoire semble se répéter… La balkanisation de l’Europe a conduit le vieux continent à un point de non retour, une tragédie programmée. Et au-delà, elle introduit une certaine tension dans les relations américano-russe. En ce sens et ‘’surtout dans la situation actuelle’’, cette indépendance est ‘’une erreur’’, selon l’ancien ambassadeur américain auprès de l’Organisation des Nations Unies, John Bolton (1).

Une structure de conflictualité bipolaire Est/Ouest, ressurgie des méandres de la Guerre froide, tend à se reconstituer. Et elle oppose, de nouveau, blocs russe et américain dans une guerre d’influence planétaire. Une hypothèse sous-jacente à ce bras de fer est donc le retour d’une lutte idéologique entre deux puissances messianiques, fondée sur une vision du monde antagoniste. Ce retour de l’idéologie a été confirmé, le 22 février 2008, par la déclaration du représentant permanent de la Russie auprès de l’Alliance atlantique, Dmitri Rogozine : ‘’Il s’agit d’un conflit entre deux conceptions du monde (…)’’ (2). De ce point de vue et contrairement à l’étrange croyance de Fukuyama (3) en une fin (libérale) de l’histoire, une nouvelle forme de conflictualité idéologique semble émerger, sous l’impulsion de la Russie comme levier de la révolte des peuples opprimés. Et Moscou veut faire du Kosovo, considéré comme le catalyseur final de l’implosion de l’ex-Yougoslavie et par ce biais, de son expulsion définitive de l’Est européen, un symbole fort de cette révolte légitime.

A l’origine de la création ex-nihilo de ce nouveau micro-Etat européen, se trouve la main insidieuse de Washington. Mais cela ne doit pas surprendre, dans la mesure où cette situation s’inscrit dans la stratégie mondiale post-guerre froide conduite par l’Amérique, en vue d’assurer une hégémonie politique à finalité globalisante. Cette stratégie offensive est explicite dans la doctrine néoconservatrice américaine qui, sous l’impulsion de G.W. Bush et au nom de l’humanité, prône un expansionnisme politique centré sur la neutralisation de ses ennemis héréditaires. Et cela, dans la continuité historique d’une lutte incessante de l’Etat américain contre la ‘’menace rouge’’ (communiste), n’hésitant pas à instrumentaliser les mécanismes internationaux et considérant les coûts humains comme de simples ‘’dégâts collatéraux’’.

Le 17 février 2008, le Kosovo - terre historique des serbes - a donc été ‘’remise’’ à l’ethnie albanaise pour, officiellement, garantir la paix éternelle dans une Europe meurtrie par les conflictualités passées. Cela nous amène, avec légitimité, à nous interroger sur les véritables motifs et, en particulier, sur l’objectif politique sous-jacent à la stratégie de long terme de l’Amérique (4). Dans son essence, en effet, cette stratégie est structurellement centrée sur le contrôle d’une puissance russe en phase finale de reconstruction et donc, de retour sur la scène internationale. Car désormais, la Russie fait peur et, en tant que puissance majeure, elle se présente comme une menace pour l’hégémonie américaine, garante de la démocratie libérale comme levier de la stabilité internationale. Cette menace est explicitement mentionnée dans le discours néoconservateur américain de R. Kagan accusant, le 8 février 2008, la Russie (et la Chine) de s’opposer à la vague démocratique prônée par Washington : ‘’(…) je suis très préoccupé par le retour de grandes puissances autocratiques comme la Chine et la Russie sur l’échiquier mondial. Parce qu’on sent très clairement dans ces deux nations, en particulier, un désir de repousser les assauts démocratiques venant des États-Unis, mais pas seulement, afin de préserver leur propre pouvoir autoritaire.’’(5)

Dans ce schéma, la gestion politiquement suspecte de l’indépendance kosovare apparait comme un élément clé – certes caché – de la ‘’ligne Brzezinski’’(6) mise en oeuvre contre la Russie depuis la chute du communisme soviétique, en décembre 1991. Cette stratégie du ‘’roll back’’ (reflux) tend à dépasser la politique du ‘’containment’’ (endiguement) de G. Kennan (7) définie en phase de Guerre froide contre l’Union soviétique. La nouvelle stratégie, de nature plus offensive et profitant de la faiblesse temporaire de l’Etat russe causée par l’implosion de l’URSS (8), vise à développer - sous l’impulsion de Z. Brzezinski - le ‘’pluralisme géopolitique’’ sur le continent eurasien, dans l’optique de conforter la domination américaine (9). L’objectif implicite de ce dernier, ancien conseiller à la sécurité du président Carter, est d’empêcher l’émergence d’une puissance concurrente en Eurasie. Dans ce cadre, on observe un impact certain de la crise serbe sur le (parfait) déroulement de cette stratégie ouvertement anti-russe.

En effet, l’atteinte à l’intégrité d’un Etat slave allié de Moscou est perçue par celle-ci comme une gifle politique donnée par un leadership américain avide de sanctionner sa victoire finale de la Guerre froide et en définitive, de montrer à la Russie qu’elle n’est plus le gendarme en zone post-soviétique. En d’autres termes, il s’agit d’une rupture totale avec la vieille doctrine Brejnev de la ‘’souveraineté limitée’’, conférant à la Russie - sous le régime soviétique - un droit inaliénable d’ingérence dans sa zone d’influence politique, désormais convoitée par l’Otan sous contrôle américain. Ce faisant, Washington tend à démontrer l’inutilité stratégique de la Russie au cœur de son ancienne zone de domination, suprême humiliation. Parfois, les leçons (américaines) de l’histoire sont implacables.

Objectif latent : érosion de l’influence russe.

Dans ce contexte, il conviendrait de s’interroger sur la signification latente (réelle) de la crise kosovare. A première vue, l’indépendance du Kosovo apparait comme une aspiration profonde d’un peuple ‘’martyre’’ à l’autodétermination, au nom du ‘’Droit des peuples’’ à disposer d’eux même. Mais il ne s’agit là que d’une apparence trompeuse.

Sur un plan théorique, il s’agit donc d’un noble objectif d’une population albanaise aspirant à maitriser librement son destin. En réalité, il s’agit d’une lecture de la démocratie à géométrie variable qui permet, de facto, de légaliser une forme de coup d’Etat sanctionnant d’une part, une véritable ségrégation ethnique anti-serbe au profit de la composante albanaise et d’autre part, une défaite politique de l’Etat russe, allié historique de la Serbie. A ce jour, la seule ‘’épuration ethnique’’ de masse réellement identifiable touche principalement les serbes dont, au final, 200 000 d’entre eux ont été contraints de fuir la province sous la violence meurtrière des nationalistes kosovars, face à l’étrange passivité occidentale (10). En outre on peut, avec légitimité, s’interroger sur la tendance observée depuis la mise sous tutelle occidentale du Kosovo en 1999, au ‘’blanchiment’’ de quelques criminels de guerre notoires (parfois condamnés) de l’ex-UCK albanaise. Et, plus inquiétant encore, on a pu voir certains d’entre eux accéder - sous bienveillance américaine - à des fonctions politiques importantes dans le nouveau Kosovo (11) ( !). La politique a parfois ses raisons, que la morale (libérale) ignore…

Sur un plan concret, la province du Kosovo est considérée comme le cœur historique de la Serbie. Le fait que l’ethnie albanaise soit devenue majoritaire dans la province serbe, sur la base de critères démographiques quantitatifs, ne donne aucun droit à l’indépendance (12). Dans sa nature, une telle logique conduirait à menacer la viabilité politique de nombreux Etats souverains. Le Kosovo reste une partie intégrante de la Serbie qui, à l’origine - en particulier, sous la période yougoslave de Tito - s’est efforcée, parfois dans la douleur, d’intégrer la population albanaise. Et ceci, en dépit de certaines dérives nationalistes incontrôlables et souvent meurtrières. Etrange situation où, en quelque sorte, le bébé (albanais) devenu grand décide, un beau jour, de renier ses parents naturels (serbes) parce qu’il veut choisir librement une ‘’autre vie’’. En outre, la déclaration d’indépendance est une violation du droit international fondé sur le double principe de l’intangibilité des frontières et de l’intégrité territoriale des Etats : il y a eu violation de la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU.

En fait, cette violation flagrante des règles internationales a été ‘’initiée’’ dés 1999, lors de l’attaque aveugle de l’Otan contre la Serbie de Milosevic, sans accord préalable du Conseil de sécurité de l’ONU. Or l’institution de l’ONU reste une des rares tribunes démocratiques dans le monde, permettant une libre expression des peuples – et qui, par ce biais, est un frein à l’unilatéralisme américain. Cette violation systématique du droit international est renforcée par la tendance de Washington à privilégier la force dans le règlement des crises. D’autant plus que cette utilisation de la puissance par l’Amérique est réalisée au nom de sa ‘’destinée manifeste’’, selon l’étrange conviction de N. Podhoretz. Ce dernier est avec Kagan, Kristol, Perle et Wolfowitz, un des leaders du courant néo-conservateur et néo-impérialiste, dont le poids est déterminant dans l’orientation de la ligne extérieure américaine. Ce courant prône un interventionnisme militaire planétaire, en vue de généraliser la démocratie libérale, considérée comme le levier optimal du nouvel ordre mondial (13). Cette étrange certitude est au cœur de l’idéologie néoconservatrice américaine, relayée par R. Kagan : ‘’la volonté de démocratiser le monde ne date pas d’hier ni de Bush : elle est consubstantielle à l’Amérique elle-même.’’ (14) Sous l’impulsion des néoconservateurs américains et sous prétexte de ‘’démocratiser le monde’’, pour reprendre l’expression de Kagan, le ‘’facteur force’’ (la puissance) est devenu l’élément premier de la régulation internationale et surtout, a été stratégiquement utilisé dans la crise kosovare. Une raison majeure est que l’émancipation politique du Kosovo, en affaiblissant l’Etat serbe – soutien de Moscou – tend à accélérer l’érosion de l’influence russe en Europe. De ce point de vue, on ne peut que s’étonner de l’empressement de certains Etats à reconnaitre l’indépendance du Kosovo. Mais, a fortiori, on ne s’étonnera pas de constater que Washington ait été un des premiers Etats à le faire.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov a déclaré que le 17 février 2008, jour de la proclamation unilatérale de l’indépendance du Kosovo, suivie de sa reconnaissance par une série d’Etats, ”restera dans les mémoires comme le jour où le droit international et le système contemporain des relation internationales ont été bafoués” (15). Et surtout, cette auto-proclamation kosovare pourrait à terme gangréner la région balkanique, point névralgique et politiquement fragile du vaste espace eurasien. Cette situation est une source potentielle d’instabilité structurelle à l’échelle internationale. Et ce, contrairement à l’étrange conviction du secrétaire d’Etat américain à la Défense, R. Gates, qui ‘’ne pense pas que cela puisse provoquer un effet domino’’ (16). Dans un premier temps, un risque majeur est que cette situation crée un dangereux précédent pour les mouvements séparatistes dans le monde, notamment en Géorgie avec les indépendantismes abkhaze et ossète qui, avec légitimité, peuvent appuyer leurs revendications sur l’exemple du Kosovo (17). Mais à terme, cette situation explosive sert le projet américain de contrôle de l’Eurasie. L’instabilité ethno-nationaliste - via l’émergence de micro-Etats - maintient en effet une forme de division politique au cœur du vieux continent et de ce fait, elle tend à bloquer toute tentative de ‘’retour russe’’. En cela, il s’agit d’une stratégie consciente visant, sur longue période, à empêcher toute remise en cause de l’autorité américaine dans sa ‘’chasse gardée’’. De manière incontestable, il s’agit là d’un élément clé de la ligne anti-russe de Brzezinski.

Sous l’impulsion de la vertueuse Amérique, la gestion politiquement orientée des organisations internationales en vue d’un Kosovo indépendant cache une volonté objective de cette dernière de réduire l’espace politique russe. Cela est attesté par la présence au Kosovo de la base stratégique la plus importante en Europe et sans doute, hors des Etats-Unis (18). Par nature, l’existence de telles bases exerce une pression militaire implicite sur la Russie et ses régions frontalières. En définitive, il s’agit pour Washington de s’opposer à la Russie et à son retour comme grande puissance, perçue comme une menace géopolitique. Depuis la fin de la Guerre froide et au mépris de toute légalité internationale, l’application parfaite de ce principe a permis un recul considérable de la puissance russe sur ses zones périphériques - notamment en Europe de l’Est, en Asie centrale, au Caucase et dans les Pays baltes. Autrement dit, le glacis sécuritaire historique, assurant une profondeur stratégique en vue de protéger la Russie des attaques majeures, a été considérablement réduit.

Or cette stratégie d’érosion de l’autorité russe sur l’espace eurasien a été menée sur la base de méthodes moralement douteuses et politiquement suspectes. Une politique continue de désinformation a permis de justifier, au printemps 1999, le bombardement de la Yougoslavie (et les massacres ‘’collatéraux’’ de civils) et par la suite, la partition de cette dernière en minuscules Etats indépendants (19). De ce point de vue, le Kosovo est une illustration parfaite de manipulation de l’information - élevée par Washington au rang de doctrine (20) - dans le but de convaincre l’opinion publique de la dangerosité structurelle d’un ‘’axe du mal’’, autrefois symbolisé par le bloc communiste sous leadership russe. Une application (tristement) célèbre de cette doctrine fut le coup d’Etat militaire du 11 septembre 1973 au Chili (21). Déjà, à l’époque, cette stratégie d’ingérence américaine s’inscrivait dans une lutte anti-communiste implacable favorisant la montée des dictatures fascistes en Amérique latine. Indiscutablement, il y a là les prémisses d’une forme de paranoïa inertielle, structurée contre la Russie post-communiste et, en cela, s’inscrivant dans le prolongement de la Guerre froide.

Impact collatéral : déstabilisation de l’espace eurasien.

Aujourd’hui, les Balkans eurasiens sont une véritable bombe à retardement susceptible de déstabiliser la région. Comme l’a souligné le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Kamynine, ‘’l’UE porte préjudice à la stabilité dans les Balkans et en Europe, et encourage le séparatisme en essayant de régler le problème du Kosovo de façon unilatérale’’ (22). Cette crainte russe pour la stabilité internationale a été réitérée par le président Vladimir Poutine. Selon lui, ‘’le précédent du Kosovo est un précédent inquiétant mettant à mal l’ensemble du système des relations internationales, construit depuis des siècles. Il peut bien entendu provoquer une réaction en chaîne d’événements imprévisible’’, a indiqué V. Poutine lors du sommet de la Communauté des Etats indépendants qui se tenait vendredi 22 février 2008. Ceux qui reconnaissent l’indépendance du Kosovo ne sont pas conscients des conséquences de leurs actes, a déclaré le président russe. ‘’En fin de compte, c’est une arme à double tranchant, qui pourrait fort bien se retourner contre eux un jour ou l’autre’’, a conclu V. Poutine (23). L’analyse de l’expert américain, M. Bolton, conforte la position russe : ‘’A mon avis, du point de vue américain, la création d’un Kosovo indépendant contribuerait à la déstabilisation des Balkans’’ et il ajoute que c’est ‘’un problème dont nous n’avons pas du tout besoin dans les Balkans, car il existe d’autres intérêts américains dans cette partie du monde’’ (24). Les risques d’une radicalisation de l’instabilité nationaliste sont, désormais, énormes. En ce sens, on peut redouter aujourd’hui une véritable épidémie séparatiste à l’échelle mondiale, fondée sur l’instrumentalisation politique du droit à l’autodétermination. Le problème est que l’instrumentalisation américaine des lois internationales est devenue une règle en zone post-soviétique.

A cet égard, la double extension de l’Otan et de l’UE a été de manière incontestable dirigée contre les intérêts russes et, en particulier, contre toute ‘’velléité impérialiste’’ de Moscou. Sur ce point, il est révélateur que le prochain élargissement de l’Otan cible, de manière prioritaire, les Balkans eurasiens (Albanie, Croatie, Macédoine), autrement dit, une zone stratégique et historiquement liée à la Russie soviétique. En cela, l’étau otanien se resserre dangereusement autour de l’espace politique russe. Dans la vision américaine, il s’agit de prévenir toute politique expansionniste de la puissance russe, suspectée de vouloir reconstituer son ancien empire. Depuis la fin de l’Union soviétique en 1991, l’intégration politique accélérée au bloc occidental de certains Etats autrefois ‘’amis socialistes’’ de Moscou est, de ce point de vue, un levier idéal pour Washington. Ce rapprochement avec l’Occident concerne, en particulier, les pays de l’Est (anciens alliés de l’URSS) et même d’anciennes républiques soviétiques (Etats baltes, Azerbaïdjan, Géorgie, Ukraine). Cette intégration politiquement non neutre est considérée par la Russie comme un comportement de Guerre froide injustifié et volontairement provocateur, visant à l’isoler. Cela a conduit Moscou à se sentir marginalisée et surtout, perçue comme un ennemi virtuel. Dans cet axe, Moscou est persuadée d’être la cible réelle du futur bouclier nucléaire américain ABM (Anti Ballistic Missile) implanté en Europe de l’Est (Pologne et Tchéquie). Aujourd’hui, tout indique que le bouclier anti-missile américain devrait être étendu à l’espace eurasien, principalement en zone post-soviétique (Azerbaïdjan, Géorgie, Ukraine), voire en Turquie.

En outre, la Russie pense que, renouant avec un vieux reflexe de la lutte anti-soviétique, Washington tend de nouveau à utiliser l’Otan comme son ‘’bras armé’’ et au-delà, comme son instrument de politique extérieure. Dans ses grandes lignes, l’inflexion anti-russe des doctrines stratégiques de l’Otan et de l’Amérique renforce cette hypothèse. D’autant plus qu’elles considèrent, de manière formelle, la zone eurasienne post-soviétique comme une zone potentielle d’intervention, comme l’atteste la position de l’Otan en Géorgie (25). Les Balkans font donc officiellement partie de cette zone, comme l’a confirmé, sans ambigüité, le secrétaire général de l’OTAN, Jaap de Hoop Scheffer. Selon lui, l’Alliance atlantique y conduira sa propre politique, quelle que soit la réaction russe. Il précise notamment : ‘’Je pense que nous pouvons agir dans la région, y compris au Kosovo, sans faire attention aux déclarations préjudiciables provenant de certains endroits (jg: la Russie)” (26). Or cette nouvelle configuration géopolitique menace l’espace historique de la Russie et par ce biais, ses intérêts nationaux élargis à la CEI. Face à ces nouvelles menaces, la Russie a été contrainte de modifier sa ligne stratégique.

L’inflexion politique de V. Poutine va dans ce sens et s’appuie sur la modernisation de l’armée russe (27). Sa doctrine sécuritaire actuelle dénonce d’une part, les ingérences occidentales dans son Etranger proche comme des manœuvres illégales et elle précise d’autre part, que la Russie est prête à assurer la défense de ses intérêts vitaux (donc de la zone post-soviétique) au moyen de l’arme nucléaire, si toutes les autres possibilités ont été épuisées. Cette position, reprise par le nouveau président Dmitri Medvedev, s’inscrit désormais dans une ligne stratégique russe cohérente, structurellement centrée sur la protection nucléaire de son espace politique potentiel, qui s’étend à la CEI. La Russie doit avoir le droit de recourir à l’arme nucléaire tactique pour protéger ses alliés de l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) et, à cette fin, ce Traité doit être amendé, estime le politologue russe Leonid Ivachov, ancien chef de la Direction de coopération militaire internationale du ministère russe de la Défense (1996-2001). Le Général Ivachov affirme ainsi : ‘’Il faut que la doctrine nationale en matière d’arme nucléaire tactique soit étendue à tous les pays de l’OTSC, en qualité de garantie de dissuasion.’’ (28) L’Organisation OTSC regroupe, outre la Russie, l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan. Il s’agit donc d’une structure politico-sécuritaire, dirigée contre les nouvelles menaces impérialistes et hégémoniques, et rassemblant une grande partie des ex-républiques soviétiques. Cette structure peut être considérée comme la partie pro-russe de la zone eurasienne post-communiste et au-delà, comme le nerf politique de l’ancienne puissance communiste restant sous leadership russe.

Globalement, l’accent est mis sur une gestion préventive de l’atome, sur la base de la ”projection de force” comme vecteur de la dissuasion nucléaire. Dans la continuité soviétique, l’arme nucléaire - comme critère de puissance - retrouve donc une indéniable fonction politique. Ainsi, dans le prolongement de ‘’l’atome rouge’’ (29), Moscou tend à utiliser sa puissance nucléaire comme levier de sa politique extérieure, en s’appuyant in fine sur certaines normes soviétiques. Désormais, la possibilité d’une guerre régionale, plus ou moins larvée, n’est plus écartée par certains membres de l’élite politico-militaire russe. A ce jour, en effet, les points d’affrontements potentiels - sur le plan politique - entre l’Occident américanisé et la Russie fédérale se sont multipliés. Moscou dénonce un activisme croissant de la puissance américaine - associée à une Europe vassalisée - dans son proche Etranger, dans l’optique d’encercler la puissance russe et de la contenir. Pour l’heure on peut rappeler les principaux problèmes : élargissement de l’Otan et de l’UE (concernés : EE, CEI), extension du Bouclier antimissile américain (concernés : EE, CEI), indépendance unilatérale du Kosovo, ingérence américaine - sur la base du levier otanien - en CEI, crises nationalistes (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Tchétchénie), contrôle des ressources énergétiques et de leur transport (Asie centrale, Caucase).

Globalement, la politique extérieure américaine s’inscrit donc dans la ligne Brzezinski du reflux de la puissance russe au cœur de l’Eurasie, centre stratégique du monde selon ce dernier. Le contrôle du continent eurasien serait, selon Zbigniew Brzezinski, un point clé dans une optique de stabilisation, voire de renforcement de la puissance américaine. Washington s’efforce, en effet, de freiner l’émergence de toute puissance hostile - et a fortiori de toute coalition d’Etats - potentiellement menaçante pour son pouvoir en Eurasie. Dans ce but, elle vise à affaiblir la puissance russe et à la décrédibiliser au cœur même de son espace de domination traditionnel. Elle alimente ainsi l’instabilité ethno-nationaliste en zone post-soviétique et n’hésite pas à soutenir, voire à financer des mouvements indépendantistes ouvertement anti-russe (30). Pour mémoire, on peut rappeler dans un récent passé, l’aide politico-militaire de l’Amérique généreusement offerte aux ‘’mouvements de résistance’’ taliban (Afghanistan (31)), tchétchène (Russie) et kosovare (Serbie). L’Amérique a poussé la provocation jusqu’à soutenir une série de ‘’révolutions colorées’’ - d’inspiration libérales - dans l’optique d’exclure la Russie de son espace historique et de provoquer une sorte ‘’d’effet domino’’ géopolitique (Géorgie en 2003, Ukraine en 2004 et Kirghizstan en 2005) (32). En fait, derrière ces prétendues révolutions démocratiques se cache, une fois de plus, la main de Washington.

Dans le cadre de cette offensive stratégique, on note l’influence déterminante de Brzezinski qui a, en particulier, soutenu les plans d’indépendance de différents Etats en vue de les détacher de la sphère soviéto-russe (Pologne et Ukraine dans les années 80, Tchétchénie aujourd’hui (33)). Il s’agit donc d’une ingérence politique soigneusement programmée et qui vise, in fine, à étendre l’empire idéologique américain. Objectivement, il y a là les éléments d’une confrontation idéologique. A la base, cette ingérence américaine a été justifiée comme allant ‘’dans le sens de l’histoire‘’ et de la démocratie, seule valeur universelle. Ainsi, c’est au nom d’une légitimité messianique confiée par l’histoire, que la prude Amérique tend à justifier sa politique antirusse à visée mondiale et à terme, totalisante. Bref, tous les coups sont bons sur le grand Echiquier eurasien. Et cela, quels qu’en soient les coûts.

Marginalisation humiliante de Moscou : trahison de l’Occident.

Dans ce schéma, le démembrement de l’ex-Yougoslavie - dont le Kosovo n’est qu’une simple étape - s’inscrit dans la politique américaine post-Guerre froide de compression de l’influence russe en Europe. Au final, il aboutit à un déclin géopolitique radical de Moscou sur l’espace eurasien et surtout, à sa marginalisation. Mais plus inquiétant, la politique agressive de l’Amérique tend à raviver un anti-occidentalisme latent – en fait, principalement dirigé contre elle. En dernière instance, cette politique explique l’augmentation sensible du budget de défense et la redéfinition (en cours) de la doctrine stratégique russe contre l’hostilité croissante de l’Amérique. Dans ce but, la doctrine russe a été recentrée sur la force nucléaire, comme vecteur de sa politique sécuritaire. Sur la base du levier nucléaire, Moscou sait qu’elle peut rétablir l’ancien équilibre stratégique de la Guerre froide et dans le même temps, accélérer son retour sur la scène internationale comme superpuissance respectée. Autrement dit, dans l’optique d’affronter le nouvel impérialisme américain, Moscou a considérablement durci sa doctrine militaire sur la base d’une anticipation des menaces majeures.

L’affaire du Kosovo apparait donc comme une humiliation politique, une véritable agression pour un Etat russe estimant avoir déjà ‘’trop reculé’’ depuis la fin de la Guerre froide. Sa fierté nationale est atteinte. Cette incompréhension russe est renforcée par le sentiment d’être trahie par l’Occident alors que, dans le passé, elle a fait des concessions historiques à son égard. Et aujourd’hui, elle veut faire du Kosovo une preuve incontestable de son retour international et de sa capacité à s’opposer à l’hyperpuissance américaine, structurellement encline à imposer son diktat hors des lois internationales. Grigori Karassine, secrétaire d’Etat vice-ministre russe des Affaires étrangères, a confirmé le 13 mars 2008 que la Russie restera fidèle à sa ligne politique. Elle ne renoncera donc pas à sa position de principe sur le Kosovo et les conflits ‘’gelés’’ dans l’espace post-soviétique : ‘’Il est évident que nous défendrons notre prise de position tant sur le Kosovo que sur les questions de l’Abkhazie, de l’Ossétie du Sud et de la Transnistrie’’ (34).

Loin d’être une pure ‘’rhétorique verbale’’ (35), la révolte russe traduit un réel désespoir, la réaction d’une puissance blessée mais avide de revanche. Elle traduit dans le même temps un message politique clair pour l’Amérique, une ligne rouge à ne pas franchir, au cœur même de son espace historique structuré sous le communisme.

Désormais, le ‘’Renard rouge’’ russe a repris des forces. Et il est prêt à rebondir sur le Grand Echiquier eurasien, pour défendre son territoire naturel, contre ‘’l’Aigle noir’’ américain.

Un point de non retour a été franchi. L’Amérique est avertie.

Abréviations :

CEI : Communauté des Etats indépendants
EE : Europe de l’Est
OTSC : Organisation du Traité de sécurité collective
UE : Union européenne

Jean Geronimo est docteur en Economie et spécialiste de l’URSS et des questions russes
CREPPEM : Centre des Recherches Economiques sur la Politique Publique en Economie de Marché

Mail : Jean.Geronimo@upmf-grenoble.fr

Notes :

1 www.fr.rian.ru, ‘’Kosovo : l’indépendance contredit les intérêts des Etats-Unis’’, John Bolton, 12/03/2008. M. Bolton, qui est aujourd’hui vice-président de l’American Enterprise Institute, structure proche de l’administration Bush, a fait cette déclaration sur l’antenne de la radio Echos de Moscou.

2 www.fr.rian.ru, ‘’ La Reconnaissance du Kosovo nuit aux relations entre la Russie et l’OTAN’’, Dmitri Rogozine, 22/02/2008.

3 Fukuyama F. (1992) : ‘’La fin de l’histoire et le dernier homme’’, éd. Flammarion.

4 Un objectif latent est d’attirer la sympathie politique des régions à dominante musulmane. En effet, l’indépendance d’un Kosovo musulman peut être considérée comme une tentative de Washington de se rapprocher de certains leaders nationalistes, présents dans les régions qu’elle s’efforce de contrôler (Afghanistan, Irak, Sud de la Russie, Asie centrale…). En quelque sorte, le ‘’Kosovo libre’’ serait une offrande religieuse de l’Amérique, sacrifiée sur l’autel de la politique anti-russe. Ce geste politique serait, en dernière instance, destiné à réduire la résistance politico-religieuse à l’impérialisme américain.

5 www.lefigaro.fr/debats/2008/02/08/01005, ‘’Le néoconservatisme et l’hyperpuissance américaine’’, débat R. Kagan/H. Védrine, 8/02/2008.

6 Brzezinski Z. (2000) : ‘’Le grand échiquier – L’Amérique et le reste du monde’’, éd. Hachette (1° éd. : Bayard, 1997) et Brzezinski Z. (2004) : ‘’Le Vrai Choix’’, éd. Odile Jacob.

7 En juin 1947, dans un article ‘’The Sources of Soviet Conduct’’, Kennan note la détermination de Staline à internationaliser la révolution communiste. Afin de contenir l’expansionnisme soviétique, il prône une politique d’endiguement, historiquement connue comme doctrine Truman.

8 Sous Eltsine, la politique extérieure russe a été objectivement inféodée aux dollars et à la ligne américaine. Dans les années 90, le nouvel ‘’Etat’’ russe (fédéral) est totalement décrédibilisé aux yeux de l’opinion publique et soumis à l’influence des oligarques, gagnés aux reformes libérales imposées par le ‘’consensus de Washington’’ - autrement dit, par la gouvernance mondiale américanisée. En définitive, ces reformes ont précipité le chaos économique de la Russie et la scandaleuse faillite de la transition post-communiste, démontrée par une ‘’décroissance économique’’ - croissance négative - jusqu’en 1999 !

9 Le ‘’Pluralisme géopolitique’’ de Brzezinski illustre un élément structurel de la Guerre froide, fondé sur le principe ‘’diviser pour mieux régner’’.

10 On doit, sur ce point, rappeler les émeutes anti-serbes de mars 2004.

11 A titre d’exemple, on rappellera que 2 anciens cadres de ‘’l’armée de libération du Kosovo’’, impliqués dans des massacres, (R. Haradinaj A. Ceku) ont occupé le poste de premier ministre du Kosovo ( !!). A ce jour, plusieurs anciens membres de l’UCK ont été accusés de crimes de guerre. D’autre part, le nombre exact de victimes de l’UCK n’est pas connu. Selon un rapport du gouvernement serbe, l’UCK serait responsable de 988 assassinats et 287 enlèvements entre le 1er janvier 1998 et le 10 juin 1999, alors que sous mandat de l’OTAN entre le 10 juin 1999 et le 11 novembre 2001, elle serait liée à 847 meurtres et 1154 enlèvements. Même s’il convient de rappeler la nature politique (non neutre) de ces chiffres, ils donnent une bonne approximation des dérives meurtrières imputables à l’UCK pro-albanaise. Enfin, il est curieux de constater que l’UCK a été supprimée en 1998 de la liste des ‘’organisations terroristes’’ du Département d’Etat des Etats-Unis – démontrant, à nouveau, une lecture de la démocratie à géométrie variable. Sources : www.wikipedia.org/wiki, ‘’Armée de libération du Kosovo’’, mars 2008. Dans la même logique, on notera que l’Ouzbékistan a été classée le 12/03/2008, par Washington, sur la liste des pays ‘’les moins démocratiques’’ au monde. Jusque là, cette république ex-soviétique était considérée comme un Etat politiquement viable, sur la voie de la démocratie. et, surtout, avec qui ‘’on pouvait faire des affaires’’. En fait, cette inflexion de Washington survient après la fermeture par l’Ouzbékistan de la base militaire américaine et son refus de l’ingérence économique et politique américaine. On soulignera aussi que l’Ouzbékistan (avec l’Ukraine, voire la Géorgie) fait partie des Etats stratégiques dans l’optique du contrôle de la zone eurasienne post-communiste, riche en énergie.

12 L’ethnie albanaise représente désormais 90 % de la population kosovare.

13 R. Kagan (2006, p. 69) rappelle que ‘’Les Etats-Unis sont à tous égards une société libérale, progressiste et, dans la mesure où ils croient à la puissance, les américains pensent que celle-ci doit servir à promouvoir les principes d’une civilisation libérale et d’un ordre mondial libéral’’. Voir : Kagan R. (2006) : ‘’La puissance et la faiblesse’’, suivi de ‘’Le revers de la puissance’’, éd. Hachette littératures.

14 http://www.lefigaro.fr, 8/02/2008, op. cit

15 www.fr.rian.ru, ‘’Le Kosovo n’est pas un cas unique’’, 21/02/2008.

16 www.fr.rian.ri, ‘’La reconnaissance du Kosovo sans effet sur l’intensification du séparatisme’’, R. Gates, 25/02/2008.

17 Avant le 17 février 2008, Moscou avait brandi la menace d’un ‘’changement de politique’’ à l’égard des territoires séparatistes géorgiens pro-russe d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, si la proclamation d’indépendance du Kosovo était reconnue. C’est chose faite aujourd’hui… D’autre part, le 14/03/2008, certains sénateurs russes ont proposé de reconnaitre l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, en cas d’adhésion de la Géorgie à l’Otan.

18 Le ‘’camp Bondsteel’’ est situé au sud de la province du Kosovo prés d’Urosevac, entre Pristina et Skopje en Macédoine. Il est intégré dans un dispositif de bases situées en Europe orientale, de la Bosnie à l’Albanie, via la Croatie.

19 A l’époque, après la cessation des combats du printemps 1999, une rumeur a été répandue - par des personnalités politiques occidentales - sur l’existence de camps de concentration serbes ( !!) et de 100 000 victimes. Ces informations, jamais vérifiées, ont été reprises comme vérité scientifique par les médias occidentaux. Or, quelques semaines après, une enquête des Nations Unies a révélé que, au total, le nombre de morts (toutes ethnies confondues) s’élevait à 2000 ! Prés de 5 ans après, en septembre 2004, Amnesty International a avancé le chiffre de 3272 victimes ( !!).

20 Alex Carey (1997) : ‘’Taking the risk out of democracy : corporate propaganda versus freedom and liberty’’, ed. by Andrew Lohrey ; foreword by Noam Chomsky. - Urbana; Chicago: University of Illinois press.

21 La stratégie de manipulation américaine a permis le renversement du régime démocratique de S. Allende, au profit de la sanglante dictature du Général Pinochet – illustrant (à nouveau) une lecture démocratique à géométrie variable. La Révolution assassinée, une fois de plus…

22 www.fr.rian.ru, ‘’Kosovo : le déploiement d’une mission de l’UE est illégal’’, M. Kamynine, 21/02/2008.

23 www.fr.rian.ru, ‘’La reconnaissance du Kosovo aura des conséquences imprévisibles’’, V. Poutine, 23/02/2008.

24 www.fr.rian.ru, op. cit.

25 www.fr.rian.ru, ‘’L’indépendance du Kosovo est une question spécifique à régler dans le cadre de l’ONU’’, J. Appathurai , 12/03/2008. L’ingérence de l’Otan en CEI post-soviétique est illustrée par la position de son porte-parole James Appathurai. Lors d’une conférence de presse organisée par RIA-Novosti, interrogé sur l’attitude de l’OTAN envers la volonté d’indépendance exprimée par l’Abkhazie, J. Appathurai a répondu que ’’la position univoque de l’OTAN se résume au fait que l’intégrité territoriale de la Géorgie doit être préservée’’. Le problème de l’intégrité territoriale de la Serbie se posait aussi, pourtant, avec acuité. Alors, ‘’deux poids, deux mesures’’ ?

26 www.fr.rian.ru, ‘’L’Otan appliquera sa propre politique dans les Balkans de l’Ouest’’, J. H. Scheffer, 25/02/2008.

27 V. Poutine a ainsi affirmé : ‘’La nouvelle stratégie à long terme de développement jusqu’en 2020 est appelée à constituer le fondement d’une modernisation de qualité de l’armée et de la flotte’’. www.fr.rian.ru, ‘’L’armée russe, facteur de la stabilité internationale’’, V. Poutine, 22/02/2008.

28 www.fr.rian.ru, ‘’La Russie doit avoir la possibilité de recourir à l’arme nucléaire pour protéger ses alliés’’, L. Ivachov, 12/03/2008.

29 www.regard-est.com, ‘’Le retour de l’Atome rouge, amorce d’une guerre tiède ?’’, J. Geronimo, 30/09/2007.

30 Ce soutien à une douteuse ‘’résistance armée’’ a été appliqué en Afghanistan pro-soviétique (mouvement taliban anti-soviétique), en Tchétchénie (mouvements indépendantistes anti-russe de Maskhadov puis de Bassaïev) et au Kosovo (indépendantisme pro-albanais et anti-serbe).

31 L’armement des troupes anti-soviétiques de Ben Laden par les services secrets américains est antérieur de 6 mois à l’intervention soviétique en Afghanistan (décembre 1979) et donc, destiné à la provoquer. Brzezinski l’a reconnu : ‘’ Nous n’avons pas poussé les Russes à intervenir, mais nous avons sciemment augmenté la probabilité qu’ils le fassent (…). Cette opération secrète était une excellente idée. Elle a eu pour effet d’attirer les Russes dans le piège afghan (…). Le jour où les Soviétiques ont officiellement franchi la frontière, j’ai écrit au président Carter, en substance : ‘Nous avons maintenant l’occasion de donner à l’URSS sa guerre du Vietnam’ (…).’’ Face à la montée de l’intégrisme religieux, Brzezinski rétorque : ‘’Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les talibans ou la chute de l’empire soviétique ? Quelques excités islamistes ou la libération de l’Europe centrale et la fin de la Guerre froide ? ‘’ - www.voltairenet.org/article15298.html. (souligné par moi).

32 Ces ‘’révolutions libérales’’ ont été doublement soutenues sur le plan politique et financier par des institutions anglo-saxonnes. Pour la plupart d’entre elles, ces informations ont été confirmées par des sources officielles, dont américaines.

33 Brzezinski a présidé dés 1999 le ‘’Comité américain pour la paix en Tchétchénie’’ (American Committee for Peace in Chechnya), installé dans les locaux de Freedom House ( ! !). Dans ce cadre, il prétendait travailler à des négociations de paix entre le gouvernement russe et les indépendantistes de Mashkadov. Mais ces activités enrobées d’intentions démocratiques ne pouvaient plus cacher une évidence : celle d’un soutien total aux indépendantistes pour entretenir une guerre périphérique, comme en Afghanistan en 1979, afin d’affaiblir la Russie et de la tenir à l’écart des ressources stratégiques de la Caspienne. De ce point de vue, on perçoit une inquiétante inertie de la stratégie anti-russe de Washington. Le problème est que le caractère aveugle de cette stratégie néglige des coûts politiques irréversibles, dont une implication majeure serait l’émergence d’un ‘’Caucase islamiste’’ revendiqué par certains chefs de guerre tchétchènes et destiné, in fine, à regrouper les républiques voisines. En ce sens, il y a un risque évident de contagion politique au grand Sud de la Russie. Prés de 30 ans après la ‘’leçon afghane’’, on peut s’interroger sur la rationalité et, au-delà, sur l’intelligence politique des stratèges américains.

34 www.fr.rian.ru, ‘’Kosovo: la Russie défendra sa position sur le Kosovo’’, G. Karassine, 13/03/2008.

35 La politologue Marie Mendras a, ainsi, qualifié le nouveau discours russe, de pure ‘’agitation rhétorique’’. (www.liberation.fr, ‘’Pour Poutine, la diabolisation de l’occident est utile’’, M. Mendras, 18/07/2002). Selon nous, ce discours s’inscrit plutôt dans la volonté de la puissance russe d’affirmer son identité face à l’excès de domination américain, selon un mode d’opposition structuré en phase soviétique. En ce sens, le discours russe s’appuie sur les valeurs politico-psychologiques du soviétisme, imprégnant un type particulier de ‘’langage politique’’, véritable ‘’langage de pouvoir’’. Voir, notamment, les travaux de Seriot P. (1985) : ‘’Analyse du discours politique soviétique’’, Institut d’Etudes Slaves.

 



Source : Jean Géronimo


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