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Kosovo
Indépendance
du Kosovo : la main insidieuse de Washington ?
Dans la ligne antirusse de Brzezinski
Jean-Geronimo
Zbigniew Brzezinski
18
mars 2008
A Fany, au combat du Che, et la victoire des Anges.
‘’Le Kosovo est un choc horrible qui reviendra comme un
boomerang, dans la gueule des occidentaux.’’
V. Poutine, 18/02/2008
Avec l’indépendance illégale du Kosovo, l’histoire semble
se répéter… La balkanisation de l’Europe a conduit le vieux
continent à un point de non retour, une tragédie programmée. Et
au-delà, elle introduit une certaine tension dans les relations
américano-russe. En ce sens et ‘’surtout dans la situation
actuelle’’, cette indépendance est ‘’une erreur’’,
selon l’ancien ambassadeur américain auprès de
l’Organisation des Nations Unies, John Bolton (1).
Une structure de conflictualité bipolaire Est/Ouest, ressurgie
des méandres de la Guerre froide, tend à se reconstituer. Et
elle oppose, de nouveau, blocs russe et américain dans une guerre
d’influence planétaire. Une hypothèse sous-jacente à ce bras
de fer est donc le retour d’une lutte idéologique entre deux
puissances messianiques, fondée sur une vision du monde
antagoniste. Ce retour de l’idéologie a été confirmé, le 22
février 2008, par la déclaration du représentant permanent de
la Russie auprès de l’Alliance atlantique, Dmitri Rogozine :
‘’Il s’agit d’un conflit entre deux conceptions du monde
(…)’’ (2). De ce point de vue et contrairement à l’étrange
croyance de Fukuyama (3) en une fin (libérale) de l’histoire,
une nouvelle forme de conflictualité idéologique semble émerger,
sous l’impulsion de la Russie comme levier de la révolte des
peuples opprimés. Et Moscou veut faire du Kosovo, considéré
comme le catalyseur final de l’implosion de l’ex-Yougoslavie
et par ce biais, de son expulsion définitive de l’Est européen,
un symbole fort de cette révolte légitime.
A l’origine de la création ex-nihilo de ce nouveau
micro-Etat européen, se trouve la main insidieuse de Washington.
Mais cela ne doit pas surprendre, dans la mesure où cette
situation s’inscrit dans la stratégie mondiale post-guerre
froide conduite par l’Amérique, en vue d’assurer une hégémonie
politique à finalité globalisante. Cette stratégie offensive
est explicite dans la doctrine néoconservatrice américaine qui,
sous l’impulsion de G.W. Bush et au nom de l’humanité, prône
un expansionnisme politique centré sur la neutralisation de ses
ennemis héréditaires. Et cela, dans la continuité historique
d’une lutte incessante de l’Etat américain contre la
‘’menace rouge’’ (communiste), n’hésitant pas à
instrumentaliser les mécanismes internationaux et considérant
les coûts humains comme de simples ‘’dégâts collatéraux’’.
Le 17 février 2008, le Kosovo - terre historique des serbes -
a donc été ‘’remise’’ à l’ethnie albanaise pour,
officiellement, garantir la paix éternelle dans une Europe
meurtrie par les conflictualités passées. Cela nous amène, avec
légitimité, à nous interroger sur les véritables motifs et, en
particulier, sur l’objectif politique sous-jacent à la stratégie
de long terme de l’Amérique (4). Dans son essence, en effet,
cette stratégie est structurellement centrée sur le contrôle
d’une puissance russe en phase finale de reconstruction et donc,
de retour sur la scène internationale. Car désormais, la Russie
fait peur et, en tant que puissance majeure, elle se présente
comme une menace pour l’hégémonie américaine, garante de la démocratie
libérale comme levier de la stabilité internationale. Cette
menace est explicitement mentionnée dans le discours néoconservateur
américain de R. Kagan accusant, le 8 février 2008, la Russie (et
la Chine) de s’opposer à la vague démocratique prônée par
Washington : ‘’(…) je suis très préoccupé par le retour
de grandes puissances autocratiques comme la Chine et la Russie
sur l’échiquier mondial. Parce qu’on sent très clairement
dans ces deux nations, en particulier, un désir de repousser les
assauts démocratiques venant des États-Unis, mais pas seulement,
afin de préserver leur propre pouvoir autoritaire.’’(5)
Dans ce schéma, la gestion politiquement suspecte de l’indépendance
kosovare apparait comme un élément clé – certes caché – de
la ‘’ligne Brzezinski’’(6) mise en oeuvre contre la Russie
depuis la chute du communisme soviétique, en décembre 1991.
Cette stratégie du ‘’roll back’’ (reflux) tend à dépasser
la politique du ‘’containment’’ (endiguement) de G. Kennan
(7) définie en phase de Guerre froide contre l’Union soviétique.
La nouvelle stratégie, de nature plus offensive et profitant de
la faiblesse temporaire de l’Etat russe causée par
l’implosion de l’URSS (8), vise à développer - sous
l’impulsion de Z. Brzezinski - le ‘’pluralisme géopolitique’’
sur le continent eurasien, dans l’optique de conforter la
domination américaine (9). L’objectif implicite de ce dernier,
ancien conseiller à la sécurité du président Carter, est
d’empêcher l’émergence d’une puissance concurrente en
Eurasie. Dans ce cadre, on observe un impact certain de la crise
serbe sur le (parfait) déroulement de cette stratégie
ouvertement anti-russe.
En effet, l’atteinte à l’intégrité d’un Etat slave
allié de Moscou est perçue par celle-ci comme une gifle
politique donnée par un leadership américain avide de
sanctionner sa victoire finale de la Guerre froide et en définitive,
de montrer à la Russie qu’elle n’est plus le gendarme en zone
post-soviétique. En d’autres termes, il s’agit d’une
rupture totale avec la vieille doctrine Brejnev de la
‘’souveraineté limitée’’, conférant à la Russie - sous
le régime soviétique - un droit inaliénable d’ingérence dans
sa zone d’influence politique, désormais convoitée par
l’Otan sous contrôle américain. Ce faisant, Washington tend à
démontrer l’inutilité stratégique de la Russie au cœur de
son ancienne zone de domination, suprême humiliation. Parfois,
les leçons (américaines) de l’histoire sont implacables.
Objectif latent : érosion de l’influence russe.
Dans ce contexte, il conviendrait de s’interroger sur la
signification latente (réelle) de la crise kosovare. A première
vue, l’indépendance du Kosovo apparait comme une aspiration
profonde d’un peuple ‘’martyre’’ à l’autodétermination,
au nom du ‘’Droit des peuples’’ à disposer d’eux même.
Mais il ne s’agit là que d’une apparence trompeuse.
Sur un plan théorique, il s’agit donc d’un noble objectif
d’une population albanaise aspirant à maitriser librement son
destin. En réalité, il s’agit d’une lecture de la démocratie
à géométrie variable qui permet, de facto, de légaliser une
forme de coup d’Etat sanctionnant d’une part, une véritable ségrégation
ethnique anti-serbe au profit de la composante albanaise et
d’autre part, une défaite politique de l’Etat russe, allié
historique de la Serbie. A ce jour, la seule ‘’épuration
ethnique’’ de masse réellement identifiable touche
principalement les serbes dont, au final, 200 000 d’entre eux
ont été contraints de fuir la province sous la violence meurtrière
des nationalistes kosovars, face à l’étrange passivité
occidentale (10). En outre on peut, avec légitimité,
s’interroger sur la tendance observée depuis la mise sous
tutelle occidentale du Kosovo en 1999, au ‘’blanchiment’’
de quelques criminels de guerre notoires (parfois condamnés) de
l’ex-UCK albanaise. Et, plus inquiétant encore, on a pu voir
certains d’entre eux accéder - sous bienveillance américaine -
à des fonctions politiques importantes dans le nouveau Kosovo
(11) ( !). La politique a parfois ses raisons, que la morale (libérale)
ignore…
Sur un plan concret, la province du Kosovo est considérée
comme le cœur historique de la Serbie. Le fait que l’ethnie
albanaise soit devenue majoritaire dans la province serbe, sur la
base de critères démographiques quantitatifs, ne donne aucun
droit à l’indépendance (12). Dans sa nature, une telle logique
conduirait à menacer la viabilité politique de nombreux Etats
souverains. Le Kosovo reste une partie intégrante de la Serbie
qui, à l’origine - en particulier, sous la période yougoslave
de Tito - s’est efforcée, parfois dans la douleur, d’intégrer
la population albanaise. Et ceci, en dépit de certaines dérives
nationalistes incontrôlables et souvent meurtrières. Etrange
situation où, en quelque sorte, le bébé (albanais) devenu grand
décide, un beau jour, de renier ses parents naturels (serbes)
parce qu’il veut choisir librement une ‘’autre vie’’. En
outre, la déclaration d’indépendance est une violation du
droit international fondé sur le double principe de
l’intangibilité des frontières et de l’intégrité
territoriale des Etats : il y a eu violation de la résolution
1244 du Conseil de sécurité de l’ONU.
En fait, cette violation flagrante des règles internationales
a été ‘’initiée’’ dés 1999, lors de l’attaque
aveugle de l’Otan contre la Serbie de Milosevic, sans accord préalable
du Conseil de sécurité de l’ONU. Or l’institution de l’ONU
reste une des rares tribunes démocratiques dans le monde,
permettant une libre expression des peuples – et qui, par ce
biais, est un frein à l’unilatéralisme américain. Cette
violation systématique du droit international est renforcée par
la tendance de Washington à privilégier la force dans le règlement
des crises. D’autant plus que cette utilisation de la puissance
par l’Amérique est réalisée au nom de sa ‘’destinée
manifeste’’, selon l’étrange conviction de N. Podhoretz. Ce
dernier est avec Kagan, Kristol, Perle et Wolfowitz, un des
leaders du courant néo-conservateur et néo-impérialiste, dont
le poids est déterminant dans l’orientation de la ligne extérieure
américaine. Ce courant prône un interventionnisme militaire planétaire,
en vue de généraliser la démocratie libérale, considérée
comme le levier optimal du nouvel ordre mondial (13). Cette étrange
certitude est au cœur de l’idéologie néoconservatrice américaine,
relayée par R. Kagan : ‘’la volonté de démocratiser le
monde ne date pas d’hier ni de Bush : elle est consubstantielle
à l’Amérique elle-même.’’ (14) Sous l’impulsion des néoconservateurs
américains et sous prétexte de ‘’démocratiser le
monde’’, pour reprendre l’expression de Kagan, le
‘’facteur force’’ (la puissance) est devenu l’élément
premier de la régulation internationale et surtout, a été stratégiquement
utilisé dans la crise kosovare. Une raison majeure est que l’émancipation
politique du Kosovo, en affaiblissant l’Etat serbe – soutien
de Moscou – tend à accélérer l’érosion de l’influence
russe en Europe. De ce point de vue, on ne peut que s’étonner
de l’empressement de certains Etats à reconnaitre l’indépendance
du Kosovo. Mais, a fortiori, on ne s’étonnera pas de constater
que Washington ait été un des premiers Etats à le faire.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov a déclaré que le 17
février 2008, jour de la proclamation unilatérale de l’indépendance
du Kosovo, suivie de sa reconnaissance par une série d’Etats,
”restera dans les mémoires comme le jour où le droit
international et le système contemporain des relation
internationales ont été bafoués” (15). Et surtout, cette
auto-proclamation kosovare pourrait à terme gangréner la région
balkanique, point névralgique et politiquement fragile du vaste
espace eurasien. Cette situation est une source potentielle
d’instabilité structurelle à l’échelle internationale. Et
ce, contrairement à l’étrange conviction du secrétaire
d’Etat américain à la Défense, R. Gates, qui ‘’ne pense
pas que cela puisse provoquer un effet domino’’ (16). Dans un
premier temps, un risque majeur est que cette situation crée un
dangereux précédent pour les mouvements séparatistes dans le
monde, notamment en Géorgie avec les indépendantismes abkhaze et
ossète qui, avec légitimité, peuvent appuyer leurs
revendications sur l’exemple du Kosovo (17). Mais à terme,
cette situation explosive sert le projet américain de contrôle
de l’Eurasie. L’instabilité ethno-nationaliste - via l’émergence
de micro-Etats - maintient en effet une forme de division
politique au cœur du vieux continent et de ce fait, elle tend à
bloquer toute tentative de ‘’retour russe’’. En cela, il
s’agit d’une stratégie consciente visant, sur longue période,
à empêcher toute remise en cause de l’autorité américaine
dans sa ‘’chasse gardée’’. De manière incontestable, il
s’agit là d’un élément clé de la ligne anti-russe de
Brzezinski.
Sous l’impulsion de la vertueuse Amérique, la gestion
politiquement orientée des organisations internationales en vue
d’un Kosovo indépendant cache une volonté objective de cette
dernière de réduire l’espace politique russe. Cela est attesté
par la présence au Kosovo de la base stratégique la plus
importante en Europe et sans doute, hors des Etats-Unis (18). Par
nature, l’existence de telles bases exerce une pression
militaire implicite sur la Russie et ses régions frontalières.
En définitive, il s’agit pour Washington de s’opposer à la
Russie et à son retour comme grande puissance, perçue comme une
menace géopolitique. Depuis la fin de la Guerre froide et au mépris
de toute légalité internationale, l’application parfaite de ce
principe a permis un recul considérable de la puissance russe sur
ses zones périphériques - notamment en Europe de l’Est, en
Asie centrale, au Caucase et dans les Pays baltes. Autrement dit,
le glacis sécuritaire historique, assurant une profondeur stratégique
en vue de protéger la Russie des attaques majeures, a été
considérablement réduit.
Or cette stratégie d’érosion de l’autorité russe sur
l’espace eurasien a été menée sur la base de méthodes
moralement douteuses et politiquement suspectes. Une politique
continue de désinformation a permis de justifier, au printemps
1999, le bombardement de la Yougoslavie (et les massacres
‘’collatéraux’’ de civils) et par la suite, la partition
de cette dernière en minuscules Etats indépendants (19). De ce
point de vue, le Kosovo est une illustration parfaite de
manipulation de l’information - élevée par Washington au rang
de doctrine (20) - dans le but de convaincre l’opinion publique
de la dangerosité structurelle d’un ‘’axe du mal’’,
autrefois symbolisé par le bloc communiste sous leadership russe.
Une application (tristement) célèbre de cette doctrine fut le
coup d’Etat militaire du 11 septembre 1973 au Chili (21). Déjà,
à l’époque, cette stratégie d’ingérence américaine
s’inscrivait dans une lutte anti-communiste implacable
favorisant la montée des dictatures fascistes en Amérique
latine. Indiscutablement, il y a là les prémisses d’une forme
de paranoïa inertielle, structurée contre la Russie
post-communiste et, en cela, s’inscrivant dans le prolongement
de la Guerre froide.
Impact collatéral : déstabilisation de l’espace eurasien.
Aujourd’hui, les Balkans eurasiens sont une véritable bombe
à retardement susceptible de déstabiliser la région. Comme
l’a souligné le porte-parole du ministère russe des Affaires
étrangères, Mikhaïl Kamynine, ‘’l’UE porte préjudice à
la stabilité dans les Balkans et en Europe, et encourage le séparatisme
en essayant de régler le problème du Kosovo de façon unilatérale’’
(22). Cette crainte russe pour la stabilité internationale a été
réitérée par le président Vladimir Poutine. Selon lui,
‘’le précédent du Kosovo est un précédent inquiétant
mettant à mal l’ensemble du système des relations
internationales, construit depuis des siècles. Il peut bien
entendu provoquer une réaction en chaîne d’événements imprévisible’’,
a indiqué V. Poutine lors du sommet de la Communauté des Etats
indépendants qui se tenait vendredi 22 février 2008. Ceux qui
reconnaissent l’indépendance du Kosovo ne sont pas conscients
des conséquences de leurs actes, a déclaré le président russe.
‘’En fin de compte, c’est une arme à double tranchant, qui
pourrait fort bien se retourner contre eux un jour ou
l’autre’’, a conclu V. Poutine (23). L’analyse de
l’expert américain, M. Bolton, conforte la position russe :
‘’A mon avis, du point de vue américain, la création d’un
Kosovo indépendant contribuerait à la déstabilisation des
Balkans’’ et il ajoute que c’est ‘’un problème dont
nous n’avons pas du tout besoin dans les Balkans, car il existe
d’autres intérêts américains dans cette partie du monde’’
(24). Les risques d’une radicalisation de l’instabilité
nationaliste sont, désormais, énormes. En ce sens, on peut
redouter aujourd’hui une véritable épidémie séparatiste à
l’échelle mondiale, fondée sur l’instrumentalisation
politique du droit à l’autodétermination. Le problème est que
l’instrumentalisation américaine des lois internationales est
devenue une règle en zone post-soviétique.
A cet égard, la double extension de l’Otan et de l’UE a été
de manière incontestable dirigée contre les intérêts russes
et, en particulier, contre toute ‘’velléité impérialiste’’
de Moscou. Sur ce point, il est révélateur que le prochain élargissement
de l’Otan cible, de manière prioritaire, les Balkans eurasiens
(Albanie, Croatie, Macédoine), autrement dit, une zone stratégique
et historiquement liée à la Russie soviétique. En cela, l’étau
otanien se resserre dangereusement autour de l’espace politique
russe. Dans la vision américaine, il s’agit de prévenir toute
politique expansionniste de la puissance russe, suspectée de
vouloir reconstituer son ancien empire. Depuis la fin de l’Union
soviétique en 1991, l’intégration politique accélérée au
bloc occidental de certains Etats autrefois ‘’amis
socialistes’’ de Moscou est, de ce point de vue, un levier idéal
pour Washington. Ce rapprochement avec l’Occident concerne, en
particulier, les pays de l’Est (anciens alliés de l’URSS) et
même d’anciennes républiques soviétiques (Etats baltes,
Azerbaïdjan, Géorgie, Ukraine). Cette intégration politiquement
non neutre est considérée par la Russie comme un comportement de
Guerre froide injustifié et volontairement provocateur, visant à
l’isoler. Cela a conduit Moscou à se sentir marginalisée et
surtout, perçue comme un ennemi virtuel. Dans cet axe, Moscou est
persuadée d’être la cible réelle du futur bouclier nucléaire
américain ABM (Anti Ballistic Missile) implanté en Europe de
l’Est (Pologne et Tchéquie). Aujourd’hui, tout indique que le
bouclier anti-missile américain devrait être étendu à
l’espace eurasien, principalement en zone post-soviétique
(Azerbaïdjan, Géorgie, Ukraine), voire en Turquie.
En outre, la Russie pense que, renouant avec un vieux reflexe
de la lutte anti-soviétique, Washington tend de nouveau à
utiliser l’Otan comme son ‘’bras armé’’ et au-delà,
comme son instrument de politique extérieure. Dans ses grandes
lignes, l’inflexion anti-russe des doctrines stratégiques de
l’Otan et de l’Amérique renforce cette hypothèse. D’autant
plus qu’elles considèrent, de manière formelle, la zone
eurasienne post-soviétique comme une zone potentielle
d’intervention, comme l’atteste la position de l’Otan en Géorgie
(25). Les Balkans font donc officiellement partie de cette zone,
comme l’a confirmé, sans ambigüité, le secrétaire général
de l’OTAN, Jaap de Hoop Scheffer. Selon lui, l’Alliance
atlantique y conduira sa propre politique, quelle que soit la réaction
russe. Il précise notamment : ‘’Je pense que nous pouvons
agir dans la région, y compris au Kosovo, sans faire attention
aux déclarations préjudiciables provenant de certains endroits
(jg: la Russie)” (26). Or cette nouvelle configuration géopolitique
menace l’espace historique de la Russie et par ce biais, ses intérêts
nationaux élargis à la CEI. Face à ces nouvelles menaces, la
Russie a été contrainte de modifier sa ligne stratégique.
L’inflexion politique de V. Poutine va dans ce sens et
s’appuie sur la modernisation de l’armée russe (27). Sa
doctrine sécuritaire actuelle dénonce d’une part, les ingérences
occidentales dans son Etranger proche comme des manœuvres illégales
et elle précise d’autre part, que la Russie est prête à
assurer la défense de ses intérêts vitaux (donc de la zone
post-soviétique) au moyen de l’arme nucléaire, si toutes les
autres possibilités ont été épuisées. Cette position, reprise
par le nouveau président Dmitri Medvedev, s’inscrit désormais
dans une ligne stratégique russe cohérente, structurellement
centrée sur la protection nucléaire de son espace politique
potentiel, qui s’étend à la CEI. La Russie doit avoir le droit
de recourir à l’arme nucléaire tactique pour protéger ses
alliés de l’Organisation du Traité de sécurité collective
(OTSC) et, à cette fin, ce Traité doit être amendé, estime le
politologue russe Leonid Ivachov, ancien chef de la Direction de
coopération militaire internationale du ministère russe de la Défense
(1996-2001). Le Général Ivachov affirme ainsi : ‘’Il faut
que la doctrine nationale en matière d’arme nucléaire tactique
soit étendue à tous les pays de l’OTSC, en qualité de
garantie de dissuasion.’’ (28) L’Organisation OTSC regroupe,
outre la Russie, l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le
Kirghizistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan. Il s’agit donc
d’une structure politico-sécuritaire, dirigée contre les
nouvelles menaces impérialistes et hégémoniques, et rassemblant
une grande partie des ex-républiques soviétiques. Cette
structure peut être considérée comme la partie pro-russe de la
zone eurasienne post-communiste et au-delà, comme le nerf
politique de l’ancienne puissance communiste restant sous
leadership russe.
Globalement, l’accent est mis sur une gestion préventive de
l’atome, sur la base de la ”projection de force” comme
vecteur de la dissuasion nucléaire. Dans la continuité soviétique,
l’arme nucléaire - comme critère de puissance - retrouve donc
une indéniable fonction politique. Ainsi, dans le prolongement de
‘’l’atome rouge’’ (29), Moscou tend à utiliser sa
puissance nucléaire comme levier de sa politique extérieure, en
s’appuyant in fine sur certaines normes soviétiques. Désormais,
la possibilité d’une guerre régionale, plus ou moins larvée,
n’est plus écartée par certains membres de l’élite
politico-militaire russe. A ce jour, en effet, les points
d’affrontements potentiels - sur le plan politique - entre
l’Occident américanisé et la Russie fédérale se sont
multipliés. Moscou dénonce un activisme croissant de la
puissance américaine - associée à une Europe vassalisée - dans
son proche Etranger, dans l’optique d’encercler la puissance
russe et de la contenir. Pour l’heure on peut rappeler les
principaux problèmes : élargissement de l’Otan et de l’UE
(concernés : EE, CEI), extension du Bouclier antimissile américain
(concernés : EE, CEI), indépendance unilatérale du Kosovo, ingérence
américaine - sur la base du levier otanien - en CEI, crises
nationalistes (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Tchétchénie),
contrôle des ressources énergétiques et de leur transport (Asie
centrale, Caucase).
Globalement, la politique extérieure américaine s’inscrit
donc dans la ligne Brzezinski du reflux de la puissance russe au cœur
de l’Eurasie, centre stratégique du monde selon ce dernier. Le
contrôle du continent eurasien serait, selon Zbigniew Brzezinski,
un point clé dans une optique de stabilisation, voire de
renforcement de la puissance américaine. Washington s’efforce,
en effet, de freiner l’émergence de toute puissance hostile -
et a fortiori de toute coalition d’Etats - potentiellement menaçante
pour son pouvoir en Eurasie. Dans ce but, elle vise à affaiblir
la puissance russe et à la décrédibiliser au cœur même de son
espace de domination traditionnel. Elle alimente ainsi
l’instabilité ethno-nationaliste en zone post-soviétique et
n’hésite pas à soutenir, voire à financer des mouvements indépendantistes
ouvertement anti-russe (30). Pour mémoire, on peut rappeler dans
un récent passé, l’aide politico-militaire de l’Amérique généreusement
offerte aux ‘’mouvements de résistance’’ taliban
(Afghanistan (31)), tchétchène (Russie) et kosovare (Serbie).
L’Amérique a poussé la provocation jusqu’à soutenir une série
de ‘’révolutions colorées’’ - d’inspiration libérales
- dans l’optique d’exclure la Russie de son espace historique
et de provoquer une sorte ‘’d’effet domino’’ géopolitique
(Géorgie en 2003, Ukraine en 2004 et Kirghizstan en 2005) (32).
En fait, derrière ces prétendues révolutions démocratiques se
cache, une fois de plus, la main de Washington.
Dans le cadre de cette offensive stratégique, on note
l’influence déterminante de Brzezinski qui a, en particulier,
soutenu les plans d’indépendance de différents Etats en vue de
les détacher de la sphère soviéto-russe (Pologne et Ukraine
dans les années 80, Tchétchénie aujourd’hui (33)). Il
s’agit donc d’une ingérence politique soigneusement programmée
et qui vise, in fine, à étendre l’empire idéologique américain.
Objectivement, il y a là les éléments d’une confrontation idéologique.
A la base, cette ingérence américaine a été justifiée comme
allant ‘’dans le sens de l’histoire‘’ et de la démocratie,
seule valeur universelle. Ainsi, c’est au nom d’une légitimité
messianique confiée par l’histoire, que la prude Amérique tend
à justifier sa politique antirusse à visée mondiale et à
terme, totalisante. Bref, tous les coups sont bons sur le grand
Echiquier eurasien. Et cela, quels qu’en soient les coûts.
Marginalisation humiliante de Moscou : trahison de
l’Occident.
Dans ce schéma, le démembrement de l’ex-Yougoslavie - dont
le Kosovo n’est qu’une simple étape - s’inscrit dans la
politique américaine post-Guerre froide de compression de
l’influence russe en Europe. Au final, il aboutit à un déclin
géopolitique radical de Moscou sur l’espace eurasien et
surtout, à sa marginalisation. Mais plus inquiétant, la
politique agressive de l’Amérique tend à raviver un
anti-occidentalisme latent – en fait, principalement dirigé
contre elle. En dernière instance, cette politique explique
l’augmentation sensible du budget de défense et la redéfinition
(en cours) de la doctrine stratégique russe contre l’hostilité
croissante de l’Amérique. Dans ce but, la doctrine russe a été
recentrée sur la force nucléaire, comme vecteur de sa politique
sécuritaire. Sur la base du levier nucléaire, Moscou sait
qu’elle peut rétablir l’ancien équilibre stratégique de la
Guerre froide et dans le même temps, accélérer son retour sur
la scène internationale comme superpuissance respectée.
Autrement dit, dans l’optique d’affronter le nouvel impérialisme
américain, Moscou a considérablement durci sa doctrine militaire
sur la base d’une anticipation des menaces majeures.
L’affaire du Kosovo apparait donc comme une humiliation
politique, une véritable agression pour un Etat russe estimant
avoir déjà ‘’trop reculé’’ depuis la fin de la Guerre
froide. Sa fierté nationale est atteinte. Cette incompréhension
russe est renforcée par le sentiment d’être trahie par
l’Occident alors que, dans le passé, elle a fait des
concessions historiques à son égard. Et aujourd’hui, elle veut
faire du Kosovo une preuve incontestable de son retour
international et de sa capacité à s’opposer à
l’hyperpuissance américaine, structurellement encline à
imposer son diktat hors des lois internationales. Grigori
Karassine, secrétaire d’Etat vice-ministre russe des Affaires
étrangères, a confirmé le 13 mars 2008 que la Russie restera
fidèle à sa ligne politique. Elle ne renoncera donc pas à sa
position de principe sur le Kosovo et les conflits ‘’gelés’’
dans l’espace post-soviétique : ‘’Il est évident que nous
défendrons notre prise de position tant sur le Kosovo que sur les
questions de l’Abkhazie, de l’Ossétie du Sud et de la
Transnistrie’’ (34).
Loin d’être une pure ‘’rhétorique verbale’’ (35),
la révolte russe traduit un réel désespoir, la réaction
d’une puissance blessée mais avide de revanche. Elle traduit
dans le même temps un message politique clair pour l’Amérique,
une ligne rouge à ne pas franchir, au cœur même de son espace
historique structuré sous le communisme.
Désormais, le ‘’Renard rouge’’ russe a repris des
forces. Et il est prêt à rebondir sur le Grand Echiquier
eurasien, pour défendre son territoire naturel, contre
‘’l’Aigle noir’’ américain.
Un point de non retour a été franchi. L’Amérique est
avertie.
Abréviations :
CEI : Communauté des Etats indépendants
EE : Europe de l’Est
OTSC : Organisation du Traité de sécurité collective
UE : Union européenne
Jean Geronimo est docteur en Economie et spécialiste de l’URSS
et des questions russes
CREPPEM : Centre des Recherches Economiques sur la Politique
Publique en Economie de Marché
Mail : Jean.Geronimo@upmf-grenoble.fr
Notes :
1 www.fr.rian.ru, ‘’Kosovo : l’indépendance
contredit les intérêts des Etats-Unis’’, John Bolton,
12/03/2008. M. Bolton, qui est aujourd’hui vice-président de
l’American Enterprise Institute, structure proche de
l’administration Bush, a fait cette déclaration sur l’antenne
de la radio Echos de Moscou.
2 www.fr.rian.ru, ‘’ La Reconnaissance du
Kosovo nuit aux relations entre la Russie et l’OTAN’’,
Dmitri Rogozine, 22/02/2008.
3 Fukuyama F. (1992) : ‘’La fin de
l’histoire et le dernier homme’’, éd. Flammarion.
4 Un objectif latent est d’attirer la
sympathie politique des régions à dominante musulmane. En effet,
l’indépendance d’un Kosovo musulman peut être considérée
comme une tentative de Washington de se rapprocher de certains
leaders nationalistes, présents dans les régions qu’elle
s’efforce de contrôler (Afghanistan, Irak, Sud de la Russie,
Asie centrale…). En quelque sorte, le ‘’Kosovo libre’’
serait une offrande religieuse de l’Amérique, sacrifiée sur
l’autel de la politique anti-russe. Ce geste politique serait,
en dernière instance, destiné à réduire la résistance
politico-religieuse à l’impérialisme américain.
5 www.lefigaro.fr/debats/2008/02/08/01005,
‘’Le néoconservatisme et l’hyperpuissance américaine’’,
débat R. Kagan/H. Védrine, 8/02/2008.
6 Brzezinski Z. (2000) : ‘’Le grand échiquier
– L’Amérique et le reste du monde’’, éd. Hachette (1°
éd. : Bayard, 1997) et Brzezinski Z. (2004) : ‘’Le Vrai
Choix’’, éd. Odile Jacob.
7 En juin 1947, dans un article ‘’The
Sources of Soviet Conduct’’, Kennan note la détermination de
Staline à internationaliser la révolution communiste. Afin de
contenir l’expansionnisme soviétique, il prône une politique
d’endiguement, historiquement connue comme doctrine Truman.
8 Sous Eltsine, la politique extérieure russe a
été objectivement inféodée aux dollars et à la ligne américaine.
Dans les années 90, le nouvel ‘’Etat’’ russe (fédéral)
est totalement décrédibilisé aux yeux de l’opinion publique
et soumis à l’influence des oligarques, gagnés aux reformes
libérales imposées par le ‘’consensus de Washington’’ -
autrement dit, par la gouvernance mondiale américanisée. En définitive,
ces reformes ont précipité le chaos économique de la Russie et
la scandaleuse faillite de la transition post-communiste, démontrée
par une ‘’décroissance économique’’ - croissance négative
- jusqu’en 1999 !
9 Le ‘’Pluralisme géopolitique’’ de
Brzezinski illustre un élément structurel de la Guerre froide,
fondé sur le principe ‘’diviser pour mieux régner’’.
10 On doit, sur ce point, rappeler les émeutes
anti-serbes de mars 2004.
11 A titre d’exemple, on rappellera que 2
anciens cadres de ‘’l’armée de libération du Kosovo’’,
impliqués dans des massacres, (R. Haradinaj A. Ceku) ont occupé
le poste de premier ministre du Kosovo ( !!). A ce jour, plusieurs
anciens membres de l’UCK ont été accusés de crimes de guerre.
D’autre part, le nombre exact de victimes de l’UCK n’est pas
connu. Selon un rapport du gouvernement serbe, l’UCK serait
responsable de 988 assassinats et 287 enlèvements entre le 1er
janvier 1998 et le 10 juin 1999, alors que sous mandat de l’OTAN
entre le 10 juin 1999 et le 11 novembre 2001, elle serait liée à
847 meurtres et 1154 enlèvements. Même s’il convient de
rappeler la nature politique (non neutre) de ces chiffres, ils
donnent une bonne approximation des dérives meurtrières
imputables à l’UCK pro-albanaise. Enfin, il est curieux de
constater que l’UCK a été supprimée en 1998 de la liste des
‘’organisations terroristes’’ du Département d’Etat des
Etats-Unis – démontrant, à nouveau, une lecture de la démocratie
à géométrie variable. Sources : www.wikipedia.org/wiki,
‘’Armée de libération du Kosovo’’, mars 2008. Dans la même
logique, on notera que l’Ouzbékistan a été classée le
12/03/2008, par Washington, sur la liste des pays ‘’les moins
démocratiques’’ au monde. Jusque là, cette république
ex-soviétique était considérée comme un Etat politiquement
viable, sur la voie de la démocratie. et, surtout, avec qui
‘’on pouvait faire des affaires’’. En fait, cette
inflexion de Washington survient après la fermeture par l’Ouzbékistan
de la base militaire américaine et son refus de l’ingérence économique
et politique américaine. On soulignera aussi que l’Ouzbékistan
(avec l’Ukraine, voire la Géorgie) fait partie des Etats stratégiques
dans l’optique du contrôle de la zone eurasienne
post-communiste, riche en énergie.
12 L’ethnie albanaise représente désormais
90 % de la population kosovare.
13 R. Kagan (2006, p. 69) rappelle que ‘’Les
Etats-Unis sont à tous égards une société libérale,
progressiste et, dans la mesure où ils croient à la puissance,
les américains pensent que celle-ci doit servir à promouvoir les
principes d’une civilisation libérale et d’un ordre mondial
libéral’’. Voir : Kagan R. (2006) : ‘’La puissance et la
faiblesse’’, suivi de ‘’Le revers de la puissance’’,
éd. Hachette littératures.
14 http://www.lefigaro.fr, 8/02/2008, op. cit
15 www.fr.rian.ru, ‘’Le Kosovo n’est pas
un cas unique’’, 21/02/2008.
16 www.fr.rian.ri, ‘’La reconnaissance du
Kosovo sans effet sur l’intensification du séparatisme’’,
R. Gates, 25/02/2008.
17 Avant le 17 février 2008, Moscou avait
brandi la menace d’un ‘’changement de politique’’ à
l’égard des territoires séparatistes géorgiens pro-russe
d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, si la proclamation d’indépendance
du Kosovo était reconnue. C’est chose faite aujourd’hui…
D’autre part, le 14/03/2008, certains sénateurs russes ont
proposé de reconnaitre l’indépendance de l’Abkhazie et de
l’Ossétie du Sud, en cas d’adhésion de la Géorgie à
l’Otan.
18 Le ‘’camp Bondsteel’’ est situé au
sud de la province du Kosovo prés d’Urosevac, entre Pristina et
Skopje en Macédoine. Il est intégré dans un dispositif de bases
situées en Europe orientale, de la Bosnie à l’Albanie, via la
Croatie.
19 A l’époque, après la cessation des
combats du printemps 1999, une rumeur a été répandue - par des
personnalités politiques occidentales - sur l’existence de
camps de concentration serbes ( !!) et de 100 000 victimes. Ces
informations, jamais vérifiées, ont été reprises comme vérité
scientifique par les médias occidentaux. Or, quelques semaines
après, une enquête des Nations Unies a révélé que, au total,
le nombre de morts (toutes ethnies confondues) s’élevait à
2000 ! Prés de 5 ans après, en septembre 2004, Amnesty
International a avancé le chiffre de 3272 victimes ( !!).
20 Alex Carey (1997) : ‘’Taking the risk out
of democracy : corporate propaganda versus freedom and
liberty’’, ed. by Andrew Lohrey ; foreword by Noam Chomsky. -
Urbana; Chicago: University of Illinois press.
21 La stratégie de manipulation américaine a
permis le renversement du régime démocratique de S. Allende, au
profit de la sanglante dictature du Général Pinochet –
illustrant (à nouveau) une lecture démocratique à géométrie
variable. La Révolution assassinée, une fois de plus…
22 www.fr.rian.ru, ‘’Kosovo : le déploiement
d’une mission de l’UE est illégal’’, M. Kamynine,
21/02/2008.
23 www.fr.rian.ru, ‘’La reconnaissance du
Kosovo aura des conséquences imprévisibles’’, V. Poutine,
23/02/2008.
24 www.fr.rian.ru, op. cit.
25 www.fr.rian.ru, ‘’L’indépendance du
Kosovo est une question spécifique à régler dans le cadre de
l’ONU’’, J. Appathurai , 12/03/2008. L’ingérence de
l’Otan en CEI post-soviétique est illustrée par la position de
son porte-parole James Appathurai. Lors d’une conférence de
presse organisée par RIA-Novosti, interrogé sur l’attitude de
l’OTAN envers la volonté d’indépendance exprimée par
l’Abkhazie, J. Appathurai a répondu que ’’la position
univoque de l’OTAN se résume au fait que l’intégrité
territoriale de la Géorgie doit être préservée’’. Le problème
de l’intégrité territoriale de la Serbie se posait aussi,
pourtant, avec acuité. Alors, ‘’deux poids, deux
mesures’’ ?
26 www.fr.rian.ru, ‘’L’Otan appliquera sa
propre politique dans les Balkans de l’Ouest’’, J. H.
Scheffer, 25/02/2008.
27 V. Poutine a ainsi affirmé : ‘’La
nouvelle stratégie à long terme de développement jusqu’en
2020 est appelée à constituer le fondement d’une modernisation
de qualité de l’armée et de la flotte’’. www.fr.rian.ru,
‘’L’armée russe, facteur de la stabilité
internationale’’, V. Poutine, 22/02/2008.
28 www.fr.rian.ru, ‘’La Russie doit avoir la
possibilité de recourir à l’arme nucléaire pour protéger ses
alliés’’, L. Ivachov, 12/03/2008.
29 www.regard-est.com, ‘’Le retour de
l’Atome rouge, amorce d’une guerre tiède ?’’, J.
Geronimo, 30/09/2007.
30 Ce soutien à une douteuse ‘’résistance
armée’’ a été appliqué en Afghanistan pro-soviétique
(mouvement taliban anti-soviétique), en Tchétchénie (mouvements
indépendantistes anti-russe de Maskhadov puis de Bassaïev) et au
Kosovo (indépendantisme pro-albanais et anti-serbe).
31 L’armement des troupes anti-soviétiques de
Ben Laden par les services secrets américains est antérieur de 6
mois à l’intervention soviétique en Afghanistan (décembre
1979) et donc, destiné à la provoquer. Brzezinski l’a reconnu
: ‘’ Nous n’avons pas poussé les Russes à intervenir, mais
nous avons sciemment augmenté la probabilité qu’ils le fassent
(…). Cette opération secrète était une excellente idée. Elle
a eu pour effet d’attirer les Russes dans le piège afghan
(…). Le jour où les Soviétiques ont officiellement franchi la
frontière, j’ai écrit au président Carter, en substance :
‘Nous avons maintenant l’occasion de donner à l’URSS sa
guerre du Vietnam’ (…).’’ Face à la montée de l’intégrisme
religieux, Brzezinski rétorque : ‘’Qu’est-ce qui est le
plus important au regard de l’histoire du monde ? Les talibans
ou la chute de l’empire soviétique ? Quelques excités
islamistes ou la libération de l’Europe centrale et la fin de
la Guerre froide ? ‘’ - www.voltairenet.org/article15298.html.
(souligné par moi).
32 Ces ‘’révolutions libérales’’ ont
été doublement soutenues sur le plan politique et financier par
des institutions anglo-saxonnes. Pour la plupart d’entre elles,
ces informations ont été confirmées par des sources
officielles, dont américaines.
33 Brzezinski a présidé dés 1999 le
‘’Comité américain pour la paix en Tchétchénie’’
(American Committee for Peace in Chechnya), installé dans les
locaux de Freedom House ( ! !). Dans ce cadre, il prétendait
travailler à des négociations de paix entre le gouvernement
russe et les indépendantistes de Mashkadov. Mais ces activités
enrobées d’intentions démocratiques ne pouvaient plus cacher
une évidence : celle d’un soutien total aux indépendantistes
pour entretenir une guerre périphérique, comme en Afghanistan en
1979, afin d’affaiblir la Russie et de la tenir à l’écart
des ressources stratégiques de la Caspienne. De ce point de vue,
on perçoit une inquiétante inertie de la stratégie anti-russe
de Washington. Le problème est que le caractère aveugle de cette
stratégie néglige des coûts politiques irréversibles, dont une
implication majeure serait l’émergence d’un ‘’Caucase
islamiste’’ revendiqué par certains chefs de guerre tchétchènes
et destiné, in fine, à regrouper les républiques voisines. En
ce sens, il y a un risque évident de contagion politique au grand
Sud de la Russie. Prés de 30 ans après la ‘’leçon
afghane’’, on peut s’interroger sur la rationalité et,
au-delà, sur l’intelligence politique des stratèges américains.
34 www.fr.rian.ru, ‘’Kosovo: la Russie défendra
sa position sur le Kosovo’’, G. Karassine, 13/03/2008.
35 La politologue Marie Mendras a, ainsi,
qualifié le nouveau discours russe, de pure ‘’agitation rhétorique’’.
(www.liberation.fr, ‘’Pour Poutine, la diabolisation de
l’occident est utile’’, M. Mendras, 18/07/2002). Selon nous,
ce discours s’inscrit plutôt dans la volonté de la puissance
russe d’affirmer son identité face à l’excès de domination
américain, selon un mode d’opposition structuré en phase soviétique.
En ce sens, le discours russe s’appuie sur les valeurs
politico-psychologiques du soviétisme, imprégnant un type
particulier de ‘’langage politique’’, véritable
‘’langage de pouvoir’’. Voir, notamment, les travaux de
Seriot P. (1985) : ‘’Analyse du discours politique soviétique’’,
Institut d’Etudes Slaves.
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