Opinion
Violence, armes
légales et démagogie
Jean-Guy Talamoni
Jean-Guy
Talamoni
Mercredi 21 mars 2012
(Publié dans le
Corse-Matin du 21.III.12)
Le préfet de Corse
a cru bon d’asséner dans vos colonnes un
certain nombre de poncifs et de
pseudo-recettes censées permettre un
recul de la violence (Corse-Matin du 16
mars). Plutôt que de s’interroger sur la
faillite de la politique pénale menée
par l’administration française, qui,
trop occupée à pourchasser les militants
nationalistes, a laissé depuis des
décennies prospérer les gangs et fleurir
les dérives mafieuses, il préfère en
revenir aux choses simples : la lutte
contre la détention d’armes, et tout
particulièrement des armes légales et
déclarées (lesquelles sont naturellement
les plus faciles à trouver !). Et tant
pis si ces armes là sont précisément
celles qui ne sont jamais utilisées lors
des actes de violence : le tout est de
laisser croire au bon peuple que l’on
s’occupe de sa sécurité !
Le procureur
d’Ajaccio reconnait d’ailleurs lui-même
la vacuité du raisonnement, admettant
que « l’équation pas d’armes, pas de
violence peut sembler simpliste ». Et
effectivement, face à un problème
difficile appelant une approche
complexe, on nage ici en pleine pensée
simplifiante, à travers des opérations
de réduction parfaitement ineptes :
réduire la question de la violence à
celle de la détention d’armes, réduire
l’ensemble des armes à l’infime partie
de ces dernières utilisées par les
malfaiteurs (et qui ne sont évidemment
jamais déclarées !)…
C’est à
l’utilisation de ce type de pensée que
l’on reconnait immédiatement les formes
de démagogies les plus outrancières :
elle offre une grille de lecture
simplifiée à l’extrême – donc fausse – à
un problème complexe. Non sans
pertinence, le président de l’« ACA –
tir à la cible » fait observer qu’en
suivant un tel raisonnement, il faudrait
retirer leurs armes aux gendarmes ! Ce
ne serait en effet pas plus stupide que
de confisquer celles des chasseurs et
des tireurs sportifs…
Le plus étrange est
que le préfet se dit persuadé
d’anticiper une proposition de la
commission « violence » de l’Assemblée.
Siégeant au sein de cette commission,
nous tenons à affirmer pour notre part
que jamais nous ne cautionnerons la
démagogie et les raisonnements
réducteurs. S’il faut effectivement
affirmer sans ambiguïté que les armes
n’ont pas leur place dans les
discothèques, les bals et les soirées
étudiantes – et que ce genre de
comportement n’a pas à être paré d’un
supposé vernis culturel – il faut dire
avec autant de force que le tir sportif
et la chasse (laquelle constitue en
revanche une pratique identitaire) n’ont
pas à faire les frais d’événements qui
leurs sont étrangers.
Quant à
l’administration de l’Etat Français en
Corse, compte tenu du résultat de sa
politique, elle serait bien inspirée
d’adopter à cet égard une attitude plus
discrète, et de ne pas se prévaloir du
soutien des élus corses, soutien qui
semble loin de lui être acquis au-delà
même de notre groupe politique.
Jean-Guy Talamoni
Le
dossier Corse
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