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L'impasse politique et institutionnelle palestinienne
Jean-François Legrain

Lancé en juin 2007 par le Président George W. Bush, le projet américain de convoquer une réunion internationale sur le Proche-Orient et plus particulièrement sur le conflit israélopalestinien vient de se concrétiser avec la tenue, le 27 novembre 2007, de la conférence d’Annapolis (Maryland)1.

Bien des critiques ont déjà été formulées sur cette réunion2. Conçue sur un mot d’ordre vague, voire inexistant, ses ambitions ont été sans cesse revues à la baisse pour n’aboutir, une fois tenue, qu’à une déclaration imprécise et non contraignante de bonnes intentions. Ses trois intervenants présentés comme principaux partagent une même caractéristique : leur insigne faiblesse politique. Le président américain, en fin de second mandat, dispose d’une marge de manoeuvre extrêmement réduite dans la région en raison de la situation irakienne, de sa mise en minorité au sein du législatif et des tensions internes à sa propre administration ; le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, en proie à un effondrement de ses soutiens et englué dans des affaires judiciaires, joue sa survie politique et celle de son parti ; le Président de l’Autorité palestinienne d’autonomie (AP) et du Comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Mahmud Abbas, ne contrôle quasiment plus rien à Gaza, exerce un semblant d’autorité, de jour seulement, sur quelques villes en Cisjordanie et préside une OLP qui a perdu quasiment tout crédit en tant que « représentant unique et légitime du peuple palestinien ». Aucun de ces responsables, dans l’hypothèse – qui reste encore à démontrer au moins pour les deux premiers d’entre eux – où ils auraient la volonté de rompre avec le statu quo, n’est ainsi actuellement capable de faire entrer dans la réalité une quelconque décision politique.

S’étant donné pour objectif de « soutenir les efforts du Premier ministre Olmert et du Président Abbas pour mettre en oeuvre la vision du Président Bush des deux États démocratiques, Israël et Palestine, vivant côte à côte en paix et en sécurité », la conférence d’Annapolis a paradoxalement mis en lumière l’état de glaciation totale dans lequel le processus de négociation se trouve figé depuis 1996 avec l’arrivée au pouvoir en Israël du Likoud et l’alignement des Travaillistes, initié par Ehud Barak, plusieurs fois ministre de la Défense, sur les positions du parti d’Ariel Sharon en ce qui concerne les questions de l’occupation3. Dans la mesure où fonctionne depuis plus de quinze ans un véritable « business du processus de paix », toutes les parties en présence ont eu intérêt à masquer cet état4. Ce faisant, la fiction du processus a masqué la réalité du renoncement de la communauté internationale à faire appliquer sa propre légalité à travers un alignement de facto sur le fait accompli israélien auquel s’est ajouté un renoncement récent au respect de la démocratie. Dès le début des années 1990, au sortir de la guerre du Golfe et à la veille de l’effondrement de l’Union Soviétique, en effet, les États-Unis avaient su imposer au monde les exigences israéliennes. Renonçant à la convocation d'une conférence internationale sous l’égide des Nations unies, organisme doté de mécanismes de contrainte, et basée sur « l'ensemble de leurs résolutions pertinentes », la communauté internationale avait alors accepté d'apporter sa caution à de simples forums bilatéraux parrainés par les États-Unis et (nominalement) par l’Union Soviétique ; les négociations multilatérales étaient quant à elles réservées aux questions qui ne touchaient en rien à la souveraineté, aux frontières et à la fin de l'état de guerre, domaines exclusivement réservés au bilatéral. En stricte continuité avec la conférence de Madrid de 1992 et les diverses négociations israélo-palestiniennes issues de l’accord d’Oslo de 1993, la conférence d’Annapolis fait de la légalité internationale (restitution des territoires occupés par la force, droit des réfugiés, etc.) l’objet même de la négociation censée une fois encore s’ouvrir en l’absence de tout mécanisme de contrainte, les États-Unis et leurs partenaires n’étant que de simples facilitateurs.

Conçue au lendemain même de la prise de contrôle militaire de la bande de Gaza par les forces de Hamas en juin 2007, la conférence d’Annapolis constitue l’un des éléments de la politique américaine et internationale mise en oeuvre en réponse à la victoire du mouvement islamiste lors des élections des membres du Conseil législatif palestinien (CLP) en janvier 2006. Elle participe ainsi, d’une façon ou d’une autre, de la dynamique de la « guerre civile » en Palestine avec l’exclusion délibérée de l’une des parties5.

En dépit de son incontestable légitimité démocratique issue des élections, Hamas se trouve en effet, toujours et encore, confronté à une conjonction des politiques palestinienne (Présidence, Fath et Organisation de libération de la Palestine-OLP), israélienne et internationale visant à lui interdire d’exercer son mandat. Le gouvernement israélien semble ainsi avoir pleinement réussi à instrumentaliser la « lutte contre le terrorisme » au profit de sa politique relative aux droits nationaux palestiniens jusqu’à faire du président Mahmud Abbas, de l’OLP et de la communauté internationale ses alliés.

En une premier lieu, je reviendrai sur chacune des étapes qui ont conduit de la tentative d’union nationale soutenue par l’Arabie saoudite à son effondrement à travers, d’une part, une initiative militaire de Hamas conçue comme une mesure préventive à un putsch de la Présidence encouragé par les États-Unis et, d’autre part, la proclamation de l’état d’urgence.

J’analyserai ensuite comment, par des mesures de politisation et de militarisation prises à Ramallah à coup de décrets présidentiels à l’encontre de l’administration, du judiciaire et de la société civile, et par les réactions induites à Gaza, c’est dorénavant la quasi totalité des institutions communes à la Cisjordanie et à la bande de Gaza qui est systématiquement vouée au démantèlement. Au delà de cette mise à bas des mécanismes de la démocratie au sein de l’AP, enfin, je montrerai comment l’irruption, au printemps 2007, du thème de la religion dans les mobilisations violentes à l’initiative de certains milieux Fath reprise par la Présidence témoigne d’une érosion certaine de la citoyenneté et du sentiment d’appartenance à un même peuple.

La suite en pdf sur le site de Jean-François Legrain

* J.-F. Legrain, chercheur CNRS/GREMMO (Maison de l'Orient et de la Méditerranée-Lyon)



Source : Jean-François Legrain


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