Au-delà de la
propagande : l'invraisemblance
Discours de la guerre et double pensée,
l'exemple de la Syrie
Jean-Claude Paye, Tülay Umay
Jeudi 3 juillet 2014
Revenant sur l’accusation énoncée contre
la République syrienne d’avoir utilisé
des armes chimiques contre son propre
peuple, les sociologues Jean-Claude Paye
et Tülay Umay relèvent les
contradictions volontaires du discours
atlantiste : deux affirmations
contradictoires sont lancées au même
moment par la même source, tandis que
les faits sont transformés en un degré
de certitude. L’auditeur n’a alors plus
aucun moyen de contester le discours
officiel, sauf à se révolter contre la
mauvaise foi de ses propres autorités.
Depuis les
attentats du 11 septembre, nous
assistons à une transformation de la
manière dont les médias rendent
compte de l’actualité. Ils nous
enferment dans l’irréel. Ils fondent
une vérité non sur la cohérence d’un
exposé, mais sur son caractère
sidérant. Ainsi, le sujet reste
pétrifié et ne peut plus établir un
rapport à la réalité.
Les médias nous mentent, mais, en
même temps, nous montrent qu’ils
nous mentent. Il ne s’agit plus de
modifier la perception des faits
afin d’obtenir notre adhésion, mais
de nous enfermer dans le spectacle
de la toute puissance du pouvoir.
L’exhibition de l’anéantissement de
la Raison repose sur des images qui
ont pour fonction de se substituer
aux faits. L’information ne porte
plus sur la capacité de percevoir et
de représenter une chose, mais sur
la nécessité de l’éprouver ou plutôt
de s’éprouver à travers elle.
De Ben Laden à Merah, en passant
par le « tyran » Bachar el-Assad,
le discours des médias est devenu la
production permanente de fétiches,
ordonnant de s’abandonner à ce qui
est « donné à voir ».
L’injonction n’a pas pour objectif,
comme la propagande, de convaincre.
Elle enjoint simplement le sujet à
donner chair à l’image de la « guerre
des civilisations ». Le
dispositif discursif de la « guerre
du Bien contre le Mal »,
actualisant le processus orwellien
de la double pensée, doit devenir un
nouveau réel qui dé-structure
l’ensemble de notre existence, de la
vie quotidienne aux rapports
politiques globaux.
Ce savoir-faire est devenu
actuellement omniprésent, notamment
en ce qui concerne la guerre en
Syrie. Il consiste à annuler un
énoncé en même temps qu’il est
prononcé, tout en maintenant ce qui
a été préalablement donné à voir et
à entendre. L’individu doit avoir la
capacité d’accepter des éléments qui
s’opposent, sans relever la
contradiction existante. La langue
est alors réduite à la communication
et ne peut remplir sa fonction de
représentation. La dé-construction
de la faculté de symboliser empêche
toute protection vis-à-vis du réel
et nous livre à celui-ci.
Énoncer en même
temps une chose et son contraire
Dans les comptes-rendus du
conflit en Syrie, la procédure de
double pensée est omniprésente.
Énoncer en même temps une chose et
son contraire, produit une
désintégration de la conscience. Il
n’est plus possible de percevoir et
d’analyser la réalité. Dans
l’incapacité de mettre l’émotion à
distance, on ne peut plus
qu’éprouver le réel et ainsi lui
être soumis.
Les opposants au régime de Bachar
El Assad sont nommés à la fois comme
des « combattants de la liberté »
et des fondamentalistes islamiques
ennemis de la démocratie. Il en est
de même en ce qui concerne
l’utilisation d’armes chimiques par
les belligérants. Les médias, en
l’absence de preuves, expriment une
certitude de la culpabilité du
régime syrien, malgré qu’ils
mentionnent l’usage de telles armes
par les « rebelles ». Ils ont
notamment relayé les déclarations de
la magistrate Carla Del Ponte,
membre de la commission d’enquête
indépendante de l’Onu sur les
violences en Syrie, qui a déclaré,
le 5 mai 2013 à la télévision
suisse : « selon les témoignages
que nous avons recueillis, les
rebelles ont utilisé des armes
chimiques, faisant usage de gaz
sarin ». Cette magistrate, qui
est également l’ancienne procureure
du Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie peut difficilement
être qualifiée de complaisante
envers le « régime de Bachar El-Assad ».
« Nos enquêtes devront encore être
approfondies, vérifiées et
confirmées à travers de nouveaux
témoignages, mais selon ce que nous
avons pu établir jusqu’à présent,
pour le moment ce sont les opposants
au régime qui ont utilisé le gaz
sarin », a-t-elle ajouté [1].
Quant à la Maison-Blanche, elle a
n’a pas voulu tenir compte de ces
témoignages et a toujours exprimé
une position inverse. Ainsi, en ce
qui concerne le massacre de Ghouta
du 21 août, elle a diffusé un
communiqué expliquant qu’il y a « très
peu de doutes » de l’usage par
la Syrie d’armes chimiques contre
son opposition. Le communiqué ajoute
que l’accord syrien, pour laisser
pénétrer les inspecteurs de l’Onu
dans la zone concernée, vient « trop
tard pour être crédible »
Réduction du
qualitatif au quantitatif
Suite à l’utilisation, le 21 août
2013, d’armes chimiques dans la
banlieue de Damas, M. Kerry a
réaffirmé la « forte certitude »
des États-Unis concernant la
responsabilité du régime syrien. Un
rapport du renseignement US, diffusé
par la Maison-Blanche et disant
s’appuyer sur de « multiples »
sources, a aussi affirmé que le
gouvernement syrien a eu recours à
des gaz neurotoxiques dans cette
attaque, dont il est « hautement
improbable » qu’elle ait été commise
par les rebelles [2].
L’individu est placé hors du
pouvoir de différenciation du
langage. Le qualitatif, la
certitude, est réduite au
quantitatif, aux « différents
degrés de certitude » exprimés
préalablement par Obama ou bien à la
« forte certitude » prononcée
par J. Kerry. Le « très peu de
doutes », quant à la culpabilité
du régime syrien, fait aussi miroir
à la responsabilité « hautement
improbable » attribuée aux
opposants. La qualité est alors
restreinte à une différence de
quantité. La qualité, ce qui est,
devient, en même temps, ce qui n’est
pas ou du moins ce qui peut ne pas
être, puisqu’elle n’exprime plus une
certitude, mais un degré ou une
certaine quantité de certitude ou de
doute. Se produit alors une
équivalence entre des termes
opposés, « certitude » et « doute ».
La différence qualitative se réduit
à un écart entre des quantités. Il
n’y a plus d’autre qualité que celle
de la mesure.
Cette réduction du qualitatif au
quantitatif a, par ailleurs, déjà
envahi notre vie quotidienne. Il n’y
a plus de pauvres, mais des « moins
favorisés ». De même nous ne
rencontrons plus d’invalides, mais
des « moins valides ». Les
travaux les moins qualifiés sont
actuellement auréolés par une
dénomination opérant un déni de la
dé-qualification subie. Ainsi, une
femme de ménage devient une « technicienne
de surface », la caissière
disparaît au profit de « l’hôtesse
de caisse » et l’ouvrier est
promu comme « opérateur de
production ».
Le pouvoir séparateur du langage
est annihilé. Les mots sont
transformés en locutions verbales
qui construisent un monde
homogénéisé. Nous vivons dans un
univers dans lequel tout le monde
est favorisé. Il n’y a plus de
différences qualitatives entre les
êtres, mais seulement quantitatives.
La vision d’un monde d’une parfaite
homogénéité ou il n’existerait plus
que des égaux, ne se différenciant
plus que de manière quantitative, a
déjà été anticipée par Georges
Orwell dans La Ferme des animaux :
tous sont des égaux, mais certains
le seraient plus que d’autres [3].
Certitude
absolue en l’absence de preuve
Le mot, ce qui qualifie et
différencie les choses, est remplacé
par une image, par ce qui est tout
en n’étant pas. Au contraire du mot
qui se réfère à un objet, le degré
de certitude, ne porte que sur le
sentiment du locuteur. Ces locutions
verbales n’ont pas pour but de
désigner les choses de
l’extériorité, mais de mettre la
personne qui reçoit le message dans
le regard de celui qui parle, de
l’enfermer dans la torsion du sens
qu’il effectue.
La certitude exprimée peut se
détacher des faits et se présente
comme purement subjective. Elle ne
se rapporte pas à une observation,
mais fait référence à une affection
se présentant comme objective grâce
à une opération de quantification.
La certitude des autorités
états-uniennes et françaises se
spécifie aussi par le fait qu’elle
est construite sur des données
équivoques, sur l’invocation de
preuves de la responsabilité du
régime syrien, bien qu’ils
rappellent l’impossibilité de savoir
qui a effectué les frappes et
comment ont été utilisées les armes
chimiques. Il n’est plus possible de
construire une certitude objective,
car l’observation des faits est
désamorcée et laisse la place à la
sidération du sujet. La certitude
exprimée ne sépare plus le vrai du
faux, puisque la capacité de juger
est suspendue.
Précisément, certitude subjective
et objective sont indifférenciées.
Il ne s’agit pas de croire ce qui
est énoncé, mais de croire
l’autorité qui parle, quoi qu’elle
dise. Les déclarations des
présidents Obama et Hollande se
donnent immédiatement comme
certitude absolue, c’est à dire
qu’elles occupent la place que
Descartes donne à Dieu « comme
principe de garantie de la vérité
objective du vécu subjectif
... » [4].
La question de passer par l’étape de
la vérification objective, à travers
le jugement d’existence, ne se pose
pas dans la mesure ou la certitude
énoncée est libérée de toute
contrainte spatiale et temporelle.
Elle est posée en l’absence de
limite, en l’absence de ce que la
psychanalyse nomme le « Tiers »,
le lieu de l’Autre [5].
Suppression de
la place du « Tiers »
La certitude absolue, se
présentant comme toute, installe un
déni du réel, de ce qui nous
échappe. Elle ne reconnaît pas la
perte. Constituer un « nous »
n’est plus possible car, celui-ci ne
peut que se former qu’à partir du
manque. La monade, elle, ne manque
de rien, car elle est en fusion avec
la puissance étatique. Les fétiches
fabriqués par les « informations »
bouchent le trou du réel, occupent
la place du manque et opèrent un
déni du tiers.
La certitude absolue s’oppose à
la constitution d’un ordre
symbolique intégrant le « tiers
» [6],
le lieu du langage. Le propre de la
fonction du langage est de signifier
le réel, en sachant que le mot n’est
pas le réel lui-même, mais ce par
quoi ce réel se trouve représenté.
Jacques Lacan exprime cette
nécessite par son aphorisme « Il
faut que la chose se perde pour être
représentée » [7].
Au contraire, la certitude
absolue colle les mots aux choses et
ne rend pas compte de leurs
rapports. En l’absence du «
tiers », elle empêche toute
articulation du réel avec le
symbolique. Cette absence de nouage
est la formation d’une psychose
sociale dans laquelle le dit du
pouvoir devient le réel. La carence
permet également l’émergence d’une
structure perverse qui renverse
l’acte de la parole et empêche de
nommer le réel de la psychose..
Nous inscrivant dans la psychose,
le discours des autorités françaises
et américaines relève du déni
pervers. Il constitue un coup de
force contre le langage , « coup
de force car le désaveu se situe au
niveau du fondement logique du
langage » [8].
Le démenti du réel s’effectue par
une chosification des mots et une
procédure de clivage. Le coup de
force cynique consiste en ceci : « pervertir
ce par quoi s’énonce la loi, faire
du langage le discours raisonnable
de la déraison » [9],
tel celui de la « guerre
humanitaire » ou de la « lutte
contre le terrorisme ».
Les législations antiterroristes
se présentent comme des actions
rationnelles de démantèlement du
droit au profit de la fabrication
d’images. Le droit états-unien est
particulièrement riche de ces
constructions imagées, tel le « loup
solitaire », un terroriste isolé
se rattachant à une mouvance
internationale, « l’ennemi
combattant » ou le « belligérant
illégal » qui existent, car
désignés comme tels par le président
états-unien. L’ennemi combattant,
comme le belligérant illégal, peut
être un citoyen US n’ayant jamais
fréquenté un champ de bataille et
dont « l’action guerrière »
se résume à un acte de protestation
contre un engagement militaire.
L’écart avec le dit du pouvoir n’est
plus possible. De même, toute
protection face à son réel menaçant
est levée. Le réel se manifeste sans
voilement et peut alors nous
pétrifier.
La suppression du Tiers réduisant
l’individu à une monade, n’ayant
plus d’Autre que la puissance
étatique, permet au pouvoir,
notamment en ce qui concerne le
discours sur la guerre en Syrie, de
fabriquer un nouveau réel. Les
preuves de la culpabilité du régime
syrien existent, car il le déclare.
Une
« inquiétante étrangeté »
L’absence de « tiers » nous
installe dans la transparence, dans
un au-delà du langage. Elle supprime
l’articulation entre intérieur et
extérieur. L’expression de la toute
puissance du président états-unien,
sa volonté, de se libérer des
contraintes du langage et de tout
ordre juridique, nous dévoile notre
condition, sa réduction à la « vie
nue ». Il se produit alors «
une variété particulière de
l’effrayant » que Freud nomme
Unheimliche [10],
terme sans équivalent en Français et
traduit aussi bien par « inquiétante
étrangeté » que par « inquiétante
familiarité ».
Elle serait, selon la définition
de Schelling, quelque chose qui
aurait dû demeurer caché et qui a
reparu. Dévoilées, les choses du
monde apparaissent dans leur
présence brute, en tant que Réel. Là
où l’individu se croyait chez lui,
il se sent tout à coup chassé de
chez lui et devenu étrangement
étranger à lui-même. Le dedans de
notre condition, notre néantisation,
est exorbitée, jetée dehors et nous
apparaît sous la forme d’une
manifestation de jouissance de
l’exécutif étasunien. Par la mise en
scène de notre division,
l’inquiétante étrangeté, en devenant
ce qui nous est le plus familier,
supprime l’intime en se substituant
à lui.
Freud évoque une dissociation du
Moi. Ce dernier est alors éclaté et
ne peut plus faire écran au Réel, à
la menace qui le pétrifie. Freud
parle de la formation d’un Moi
étranger qui peut se transformer en
conscience morale et traiter l’autre
partie comme un objet [11].
Ce mécanisme resurgit comme
retour du refoulé archaïque, celui
qui a pour objet de voiler la
détresse originaire du nourrisson.
L’inquiétante étrangeté, produite
par le discours d’Obama, est du même
ordre. Il instrumentalise ce qui
s’est passé en Irak, afin d’empêcher
tout oubli de notre impuissance.
Ainsi, il conforte « le retour
permanent du même », constitutif
du sentiment d’inquiétante étrangeté
ou d’inquiétante familiarité. La
procédure de répétition se présente
comme un processus inexorable, comme
une puissance que l’on ne peut
confronter.
Jacques Lacan confirme cette
lecture. Reprenant les travaux de
Freud sur l’inquiétante étrangeté,
il montre que l’angoisse surgit
quand le sujet est confronté au « manque
du manque », c’est-à-dire à une
altérité toute-puissante qui
l’envahit au point de détruire en
lui toute faculté de désir [12].
En fait, les deux traductions, la
première mettant en avant
l’étrangeté, la seconde son
caractère familier, font chacune
ressortir un aspect de cette
angoisse particulière que l’on peut
également aborder grâce à la notion
de transparence. L’intérieur et
l’extérieur se confondant,
l’individu est à la fois saisi par
l’étrangeté de voir son impuissance,
par son dénuement intérieur exhibé à
l’extérieur de lui-même et par la
colonisation de son intime par le
spectacle, devenu familier, de la
jouissance de l’autre.
Déni et clivage
du moi
La dissociation est une tentative
de défense archaïque, face à une
puissance à laquelle on ne peut
faire face. Cette désintégration du
Moi permet le retour d’un « déjà
vu » qui nous regarde. Il nous
fait l’injonction surmoique de nous
regarder en tant qu’infans, en tant
que celui qui ne parle pas,
provoquant alors un sentiment
d’inquiétante étrangeté.
Face à l’impératif de croire en
la responsabilité de Bachar El-Assad,
l’individu se doit de suspendre les
informations contraires et de les
traiter comme si elles n’existaient
pas. Il procède à un déni de tout ce
qui relève de la différence, le
fixant alors dans la position
régressive, celle de l’union avec la
mère, un stade précédant le langage,
avant l’apparition de la fonction du
père [13].
Le déni de la contradiction entre
une chose et son contraire, la
responsabilité du gouvernement
syrien et l’utilisation d’armes
chimiques par les rebelles, est
l’acte de refuser la réalité d’une
perception perçue comme dangereuse,
car l’individu devrait alors
affronter la toute puissance
affichée par le pouvoir. Pour
contenir l’angoisse produite par
l’inquiétante étrangeté, le sujet
est contraint de juxtaposer deux
raisonnements contraires et
parallèles. L’individu possède alors
deux visions incompatibles et
dénuées de tout lien. Le déni de
l’opposition entre ces deux éléments
supprime toute conflictualité, car
il fait coexister au sein du moi
deux affirmations opposées qui se
juxtaposent sans s’influencer. Il
s’appuie sur ce que la psychanalyse
appelle « clivage du moi ».
Le clivage donne au moi la
possibilité de vivre sur deux
registres différents, mettant côte à
côte, d’une part, un « savoir »,
l’utilisation de gaz sarin par les
rebelles et de l’autre un
« savoir-faire », une esquive de la
confrontation par une suspension de
l’information. Il s’agit d’empêcher
toute lutte, toute symbolisation,
afin de jouir de la toute puissance
du pouvoir. En l’absence de
perception d’un manque dans ce qui
nous est affirmé, on se trouve dans
un en-deçà du conflit et dans une
annulation de tout jugement.
La procédure a également été mise
en évidence par Orwell dans sa
définition de la « double pensée ».
Elle consiste à « retenir
simultanément deux opinions qui
s’annulent, alors qu’on les sait
contradictoires et croire à toutes
deux », tout en étant capable
d’en oublier une, lorsque
l’injonction surmoïque se manifeste.
Ensuite, il convient d’oublier que
l’on vient d’oublier, c’est à dire
« persuader consciemment
l’inconscient, puis devenir ensuite
inconscient de l’acte d’hypnose que
l’on vient de perpétrer » [14].
Le clivage est récurrent dans le
discours de la guerre en Syrie. Les
choses y sont régulièrement
affirmées, en même temps que ce qui
les infirme, sans qu’une relation
soit établie entre les différentes
énonciations. Contrairement aux
déclarations de Carla Del Ponte,
Washington serait d’abord parvenu,
« avec différents degrés de
certitude », à la conclusion que les
forces gouvernementales syriennes
ont fait usage de gaz sarin contre
leur propre peuple. Cependant,
Barack Obama a, en même temps,
déclaré que les États-Unis ne
savaient « pas comment [ces armes]
ont été utilisées, quand elles ont
été utilisées, ni qui les a
utilisées » [15].
L’opération place le sujet dans le
morcellement, dans l’incapacité de
réagir face au non sens de ce qui
est dit et montré. Il ne peut faire
face à une certitude qui se
revendique d’une absence de savoir.
Le renversement logique de la
construction langagière devient une
manifestation de la puissance de
l’exécutif états-unien. Il exhibe
une capacité de s’affranchir de
toute organisation du langage et
ainsi de tout ordre symbolique.
L’absurdité revendiquée de
l’énonciation est un coup de force
contre le fondement logique du
langage. Elle a alors un effet de
pétrification sur les populations et
les enferme dans la psychose.
[1]
« Les
rebelles syriens ont utilisé du gaz
sarin, selon Carla Del Ponte », Le
Monde.fr avec Reuters, 6 mai 2013.
[2]
« Syrie :
les États-Unis ont la "forte certitude"
que Damas a eu recours à des armes
chimiques », Le Monde.fr, 30 août
2013.
[3]
« Tous les animaux sont égaux, mais
certains animaux le sont plus que
d’autres », Georges Orwell, in
Animal Farm (La Ferme des animaux),
1945.
[4]
Charles-Éric de Saint Germain,
L’Avènement de la vérité Hegel,
Kierkegaard, Heidegger, L’Harmattan
2003, p. 37.
[5]
Dominique Temple, « Lacan
et la réciprocité », 2008.
[6]
Le « Tiers » est ce qui défusionne
l’enfant de la mère, lui donnant ainsi
accès au champ du langage et de la
parole. Il permet l’assujettissement du
sujet à un ordre symbolique
[7]
Jacques Lacan, « Fonction et champ de la
parole et du langage en psychanalyse » -
in : Écrits, Le Seuil, Paris,
1966].
[8]
Houriya Abdellouahed, « La tactilité
d’une parole. Le pervers et la
substance », in
Cliniques méditerranéennes
N° 72, Érès , p.5.
[9]
Op. Cit., p. 8.
[10]
Unheimliche est un adjectif
substantivé, formé à partir de deux
termes : le préfixe Un, exprimant
la privation et l’adjectif heimlich
(familier). La traduction « l’inquiétante
étrangeté », d’abord proposée par
Marie Bonaparte, ne tient compte ni de
la familiarité signifié par heimlich,
ni de la négation marquée par le Un.
Aussi d’autres traductions ont été
proposées telle que « l’inquiétante
familiarité ». Lire les remarques
préliminaires de François Stirn à la
traduction de
Une inquiétante étrangeté,
par Marie Bonaparte et E. Marty, Profil
Textes Philosophiques, Philosophie,
octobre 2008.
[11]
Le partage en deux éléments séparés a
pour conséquence « que l’un participe
au savoir, aux sentiments et aux
expériences de l’autre, de l’unification
à une autre personne, de sorte que l’on
ne sait plus à quoi s’en tenir quant au
moi propre, ou qu’on met le moi étranger
à la place du Moi propre —donc
dédoublement du Moi, division du Moi,
permutation du Moi— et enfin, le retour
permanent du même », S. Freud,
« Inquiétante étrangeté et clivage », in
L’Inquiétante étrangeté et autres
essais, Gallimard 1988, p. 236.
[12]
Régine Detambel, Sigmund Freud,
L’Inquiétante étrangeté,
Gallimard 1988.
[13]
« Inquiétante
étrangeté et clivage »
[14]
« Retenir simultanément deux opinions
qui s’annulent alors qu’on les sait
contradictoires et croire à toutes
deux... Oublier tout ce qu’il est
nécessaire d’oublier, puis le rappeler à
sa mémoire quand on en a besoin, pour
l’oublier plus rapidement encore.
Surtout, appliquer le même processus au
processus lui-même. Là, était l’ultime
subtilité. Persuader consciemment
l’inconscient, puis devenir ensuite
inconscient de l’acte d’hypnose que l’on
vient de perpétrer. La compréhension
même du mot « double pensée » impliquait
l’emploi de la double pensée. »,
George Orwell, 1984, première
partie, chapitre III, Gallimard Folio
1980, p.55.
[15]
« Les
rebelles syriens ont utilisé du gaz
sarin, selon Carla Del Ponte », Op.
Cit.
Jean-Claude Paye
Sociologue.
Dernier ouvrage publié en français :
De Guantanamo à Tarnac . L’emprise de
l’image
(Éd. Yves Michel, 2011). Dernier ouvrage
publié en anglais :
Global War on Liberty
(Telos Press, 2007).
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