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Nouvelles menaces de guerre
contre l'Iran qui tarde à répondre aux exigences de suspendre
tout enrichissement d'uranium
James Cogan
Photo RIA Novosti
24 juin 2008
Le gouvernement iranien
cherche à repousser le moment où il devra répondre aux dernières
exigences qu’il suspende ses opérations d’enrichissement de
l’uranium alors qu’il est sous la menace de nouvelles sanctions
économiques de l’Union européenne et que des discussions sur des
frappes unilatérales par les États-Unis ou Israël sont en cours.
Le samedi 14 juin, le
haut représentant de l'Union européenne
pour la politique extérieure, Javier Solana,
a transmis à l’Iran une « offre » conjointe
des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France, de
l’Allemagne, de la Chine, de la Russie et de l’Union européenne
(UE). La proposition demandait à l’Iran de « suspendre
l’enrichissement et ses activités de traitement [de l’uranium] »
et de se soumettre ses installations nucléaires à des
inspections de l’Agence internationale de l’énergie atomique
(AIEA). En échange, les grandes puissances offriraient d’aider
l’Iran à développer une industrie de l’énergie nucléaire, dont
le combustible proviendrait de l’étranger, ainsi « que des
étapes vers une normalisation des relations économiques et
commerciales ».
L’Iran a toujours
déclaré que son usine de Natanz n’avait pas d’autre objectif que
de générer de l’uranium faiblement enrichi pour des centrales
nucléaires produisant de l’électricité. Un rapport présenté par
seize agences du renseignement américaines, le
National Intelligence Estimate (NIE) et rendu
public en décembre dernier stipulait que l’Iran n’a pas eu de
programmes d’armement nucléaire depuis 2003 et, même s’il avait
un, qu’il ne pourrait produire d’armes avant 2015. Le dernier
rapport de l’AIEA en mai n’a pas présenté de preuves que l’Iran
avait un programme de développement d’armes nucléaires depuis
2004.
L’offre du samedi 14 juin
est basée sur l’accusation de l’administration Bush que le
gouvernement iranien ment. Les grandes puissances ont déclaré
qu’elles « reconnaissaient le droit de l’Iran à faire usage de
l’énergie nucléaire exclusivement à des fins pacifiques en
conformité avec ses obligations en vertu du traité de
non-prolifération nucléaire (TNP) ». Cela ne les empêche pas de
demander encore une fois que l’Iran mette fin au traitement du
combustible nucléaire qui est essentiel au fonctionnement d’un
réacteur nucléaire (ce qui est autorisé en vertu du TNP),
jusqu’à ce que « la confiance internationale dans la nature
exclusivement pacifique du programme nucléaire iranien soit
rétablie ».
Les puissances européennes,
la Russie et la Chine jouent ici un rôle semblable à celui
qu’ils ont joué lorsque l’Irak niait les accusations américaines
qu’il possédait des « armes de destruction massive ». Plutôt que
ce soit les Etats-Unis qui soient forcés de prouver leurs
accusations de programmes d’armement secrets, il revient à
l’Iran de prouver son innocence. On a dit à Téhéran que la seule
façon que l’Iran peut prouver ses intentions pacifiques est de
cesser le développement de son industrie nucléaire et de se
soumettre à un régime dans lequel il dépendra du bon vouloir des
autres puissances pour obtenir le combustible nucléaire.
Que l’offre soit plutôt un
ultimatum a été démontré par le président américain George Bush
et le premier ministre britannique Gordon Brown le lundi
suivant. Brown a déclaré que si l’Iran n’acceptait pas cette
offre, alors les pays membres de l’UE se joindraient aux
États-Unis pour imposer des sanctions économiques encore plus
dures qui toucheraient directement les opérations de la
principale banque d’État de l’Iran, la banque Melli, ainsi que
son industrie pétrolière et gazière. Bush a réitéré que les
« Iraniens doivent comprendre que toutes les options sont sur la
table, toutefois », menaçant en réalité l’Iran de frappes
militaires américaines.
De plus, il est ordonné à
l’Iran d’accepter que les inspecteurs de l’AIEA et de l’ONU
puissent se rendre partout au pays, supposément pour inspecter
des installations secrètes. Il a été bien établi que plusieurs
des soi-disant « inspecteurs » que l’Irak a reconnus durant les
années 1990 étaient en fait des agents de la CIA. Ces agents
rassemblaient des informations qui furent utilisées lors des
bombardements aériens de 1998 et de l’invasion 2003. Dans le
contexte où l’administration Bush menace d’entreprendre des
actions militaires contre l’Iran sur la base d’allégations non
prouvées que Téhéran soutient les milices anti-américaines en
Irak, les Iraniens ont raison de s’inquiéter des conséquences de
se soumettre à un régime d’inspection.
Des responsables ont
indiqué que Téhéran penchait vers le rejet de l’offre. Un
porte-parole du gouvernement, Gholam Hossein Elham, a déclaré
dans les heures suivant l’arrivée de Solana en Iran que « les
demandes pour arrêter et suspendre nos activités ne sont pas
recevables ». Le représentant du pays à l’AIEA, Ali Asghar
Soltanieh, a déclaré dans un discours qu’il a donné mercredi que
la demande que l’Iran mette fin à son programme d’énergie
nucléaire était « illégitime et illégale » sous le TNP.
Toutefois, l’offre n’a pas
été rejetée officiellement. Un haut dirigeant iranien, Ali
Larijani, a plutôt déclaré que l’Iran « étudierait
attentivement » la proposition. Le gouvernement a aussi nié un
reportage d’un journal iranien qui avait affirmé que l’Iran
avait retiré 75 milliards $ de banques européennes en
anticipation des sanctions de l’UE. L’Union européenne n’a pas
encore entrepris de mesures allant vers la saisie des actifs
iraniens, contrairement à la déclaration prématurée de Gordon
Brown lundi dernier selon qui l’UE annoncerait une telle mesure
lors de la rencontre des ministres des Affaires étrangères de
l’UE qui avait lieu le jour même.
Les manœuvres de l’Iran
pour gagner du temps viennent de ce que Téhéran reconnaît qu’une
réponse négative pourrait être utilisée pour justifier une
attaque unilatérale par Israël sur l’usine d’enrichissement de
Natanz et d’autres installations nucléaires. Cette attaque
pourrait ensuite être suivie d’une réponse massive conjointe des
Etats-Unis et d’Israël contre toutes représailles iraniennes,
réelles ou imaginaires.
Plus tôt ce mois-ci, le
vice-premier ministre israélien, Shaul Mofaz a clairement énoncé
la position largement adoptée au sein des cercles de l’élite
dirigeante en Israël. Il a déclaré que les sections étaient
« inefficaces » et qu’« attaquer l’Iran dans le but de bloquer
ses plans nucléaires est inévitable ». Cette déclaration de
Mofaz a récemment été reprise par l’ancien ministre de la
Défense israélien, le travailliste Epharaim Sheh, qui a déclaré
sur Radio Israël que « les Juifs sont, au final, seuls debout
devant le mal » et que la guerre avec l’Iran aura lieu dans
« les années qui viennent ».
Un reportage sur Spiegel
Online paru le lundi 16 juin indiquait : « Il y a un
consensus au sein du gouvernement israélien qu’une attaque
aérienne contre les installations nucléaires iraniennes est
devenue inévitable. "La plupart des membres du conseil des
ministres israéliens ne croient plus que les sanctions
convaincront le président Mahmoud Ahmadinejad à prendre une
autre avenue", a dit le ministre de l’Immigration Yaakov Edri. »
Bruce Riedel, un expert sur
le Moyen-Orient, a dit au journal : « Il y a un risque qu’Israël
croit qu’il n’a qu’un temps limité pour agir et qu’il a le feu
vert des politiciens américains », avant tout à la
Maison-Blanche de Bush.
Nouvelles accusations d’un programme
d’armement iranien
Il est inquiétant que de
nouvelles allégations ont fait surface pour alimenter la
campagne anti-iranienne aux Etats-Unis et en Israël qui
remettaient en question l’évaluation du NIE que l’Iran était à
des années d’acquérir l’arme nucléaire.
Jusqu’à maintenant, la
seule « preuve » que l’Iran était sur le point d’obtenir l’arme
nucléaire consistait en des plans pour une ogive nucléaire
supposément trouvés sur un ordinateur portatif volé transmis à
la CIA par un informateur en Iran. Le gouvernement iranien a
rejeté les plans comme étant une fabrication.
Le
New York Times, le
Washington Post
et le Wall Street Journal, qui ont tout trois joué un
rôle capital dans la dissémination des mensonges sur les « armes
de destruction massive » en Irak, ont publié le 15 et 16 juin
des déclarations de David Albright de l’Institut pour la science
et la sécurité internationale selon qui des plans pakistanais
d’armes nucléaires de conception très avancée pouvaient avoir
été vendus à l’Iran par le spécialiste nucléaire Abdul Qadeer
Khan.
Les plans ont prétendument
été découverts sur les ordinateurs de trois citoyens suisses qui
sont détenus à cause de leur association avec Khan. Les trois
hommes, emprisonnés en Suisse, auraient accepté en 2003 de
coopérer avec la CIA pour donner des informations sur les
transactions entre Khan et la Libye. Albright affirme qu’ils
n’ont pas informé les agences de renseignement américaines du
fait qu’ils possédaient des plans pour un modèle plus
perfectionné.
Dans le rapport d’Albright,
publié le 16 juin, on pouvait lire ceci : « Parmi les plans
suisses, on trouvait celui pour une ogive nucléaire plus petite,
plus perfectionnée que ceux trouvés en Libye. Ce design aurait
été idéal pour deux autres des principaux clients de Khan,
l’Iran et la Corée du Nord. Les deux pays avaient le problème de
développer une ogive nucléaire assez petite pour leurs missiles
balistiques et cette conception aurait permis précisément cela.
Ces plans auraient aussi simplifié la tâche de construire une
arme nucléaire pour quiconque les obtiendrait. »
Des officiels suisses
auraient eu des difficultés à décrypter les fichiers. Sans
expliquer pourquoi, Albright déclare qu’ils n’ont demandé l’aide
de l’AIEA qu’en 2006. Le gouvernement américain a demandé une
copie des plans et les a obtenus. Le gouvernement suisse aurait
ensuite procédé à la destruction des originaux.
Le principal objectif du
reportage d’Albright semble être de fournir un prétexte pour
demander que le gouvernement pakistanais nouvellement élu
permette à Khan d’être interrogé sur la question de la vente
d’informations à l’Iran. Le Wall Street Journal a
commenté : « La possibilité que l’Iran possède les plans
d’armement du réseau Khan inquiète particulièrement les experts
en contre-prolifération des Etats-Unis et de l’Occident. »
Khan a répondu aux
allégations d’Albright par la voie d’Agence France-Presse dans
les jours qui ont suivi. Il a déclaré : « C’est un mensonge. Il
n’y a aucune vérité là-dedans. Nous n’avons jamais préparé [de
plans d’armement]. Nous ne sommes pas des concepteurs. Nous ne
sommes pas de disséminateurs. »
Le scientifique a été
pardonné par le président Pervez Musharraf en 2004, mais placé
sous surveillance à domicile après avoir avoué qu’il avait vendu
la technologie nucléaire. Il est revenu sur son admission après
que les partisans de Musharraf furent défaits aux élections de
février 2008, déclarant qu’il n’avait avoué que sous la
contrainte de la force et de l’intimidation.
Une attaque sur l’Iran, peu
importe comment elle sera justifiée, sera un crime de grande
proportion. Derrière l’hystérie manufacturée sur les programmes
d’armement nucléaire se trouve la détermination de l’élite
dirigeante américaine et leur État-satellite, Israël, à assurer
leur domination sur le Moyen-Orient et, ainsi, sur la principale
source de pétrole au monde. Les efforts du régime iranien sur
une période de plusieurs années pour cultiver des liens
politiques et économiques avec l’UE, la Russie et la Chine sont
considérés à Washington comme une menace directe à ses intérêts
dans la région.
Il y a plus de deux ans, le
journaliste Seymour Hersh a exposé dans le New Yorker un
plan détaillé d’attaques aériennes massives contre l’Iran, avec
l’utilisation possible d’armes nucléaires contre des bunkers
souterrains fortifiés. Les sources de Hersh ont révélé que les
cibles se comptaient par « centaines » et qu’elles ne se
limitaient pas aux installations militaires et aux bâtiments
gouvernementaux, mais comprenaient des centrales électriques,
des ponts, des réseaux de distribution de l’électricité et
d’autres infrastructures civiles.
Il n’y a aucun doute qu’il
existe en Israël une couche d’éléments de droite dérangés
favorables à l’utilisation de l’arsenal nucléaire pour
assassiner des millions d’Iraniens et réduire tout le pays en
ruines. En avril, le ministre israélien de l’Infrastructure
nationale, Benjamin Ben-Eliezer, a dit qu’une guerre avec l’Iran
résulterait en la « destruction de la nation iranienne ». Der
Spiegel a cité les récentes remarques de l’historien Benny
Morris qui a déclaré que « Si la question est de savoir qui de
l’Iran ou d’Israël doit périr, alors ce sera l’Iran. »
(Article original
anglais paru le 20 juin 2008)
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Publié le 24 juin 2008 avec l'aimable autorisation du WSWS
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