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L’administration
Bush menace le premier ministre irakien
tout en préparant un bain de sang à Bagdad
James Cogan
L’administration Bush a
encore menacé de déposer le premier ministre irakien Nouri
al-Maliki s’il ne collabore pas entièrement avec son
augmentation du nombre des soldats américains en Irak et ses
plans pour un assaut brutal contre le mouvement fondamentaliste
chiite dirigé par l’imam Moqtada al-Sadr.
Depuis le discours de Bush
qui donnait des précisions sur l’intensification de la guerre
en Irak mercredi de la semaine passée, la secrétaire d’Etat
Condoleezza Rice a déclaré à plusieurs reprises que Maliki
« vivait sur du temps emprunté ». Le nouveau secrétaire
à la Défense Robert Gates a fait les menaces les plus crues.
Lorsqu’il a comparu devant le comité du Sénat sur les
questions de l’armée, on a demandé à Gates ce qui adviendrait
si le premier ministre irakien refusait de se plier aux plans américains.
Gates a répondu : « Je crois que la première
conséquence d’un tel refus sera qu’il devra faire face à la
possibilité de perdre son emploi. »
Que la destruction du
mouvement de Sadr soit un objectif prioritaire du déploiement de
17 000 soldats américains supplémentaires à Bagdad est un
secret de polichinelle aux Etats-Unis et en Irak. Alors qu’elle
continue sur la voie téméraire dictée par l’objectif d’établir
sa domination sur les ressources pétrolières du Moyen-Orient,
l’administration Bush n’est pas prête à tolérer un
mouvement qui a un appui de masse au sein de la classe ouvrière
irakienne chiite et qui a promis que sa milice, l’Armée du
Mahdi, prendra les armes pour défendre l’Iran si jamais les
Etats-Unis l’attaquaient. L’armée américaine considère que
l’Armée du Mahdi est une dangereuse cinquième colonne
iranienne et a fait pression pour sa destruction depuis qu’une
trêve difficile fut établie pour mettre fin au soulèvement
sadriste contre l’occupation en 2004.
Une force conjointe des
Etats-Unis et de l’Irak se rassemble pour une offensive sur Sadr
City, une banlieue chiite de Bagdad densément peuplée dans
laquelle Sadr trouve la plus grande partie de son soutien. Une
brigade de la 82e division aéroportée américaine a quitté le
Koweït pour se rendre à la capitale irakienne où elle rejoindra
deux autres brigades blindées américaines ainsi que trois
brigades de l’armée irakienne à prédominance kurde. Le
commandement de l’armée américaine insiste sur le fait pour
avoir des unités de combat kurdes puisque la majorité des
troupes gouvernementales irakiennes sont chiites. Plusieurs
soutiennent ou sont sympathiques à la cause de Sadr et pourraient
refuser de se battre.
Dès la mi-février,
environ 40 000 soldats américains et irakiens, appuyés par
une force de frappe aérienne considérable, seront en position
pour entreprendre une sauvage guerre urbaine dans les rues de
Bagdad. Les sadristes font leurs propres préparations. Selon
plusieurs rapports, on a demandé à chaque famille de Sadr City,
comptant un total de deux millions d’habitants, de donner un
homme âgé entre 15 et 45 ans pour servir dans l’Armée du
Mahdi, ce qui fait que la milice pourrait compter plus de 100 000
soldats. Abdul Razzaq al-Nidawi, un porte-parole sadriste
en vue, a déclaré la semaine passée : « Nous
appelons le peuple américain à s’opposer à ce que l’on
envoie d’autres fils américains en Irak ce qui les empêchera
d’avoir à revenir dans un cercueil. »
Bien que les pertes du côté américain
augmenteraient de façon considérable lors d’une offensive, les
pertes les plus importantes seraient encourues par le peuple
irakien. Les miliciens chiites équipés seulement d’armes
modestes risquent d’être massacrés par les avions, les hélicoptères
et les tanks américains.
Rien ne pourrait démontrer de manière plus
évidente à quel point le gouvernement irakien est un pantin des
États-Unis que son approbation de l’attaque qui se prépare.
Les sadristes seraient le mouvement politique le plus populaire
parmi les chiites irakiens, qui constituent 60 pour cent de la
population. Ils ont fait appel aux sentiments anti-occupation de
la très grande majorité en exigeant un échéancier de retrait
des États-Unis et en demandant au gouvernement qu’il
s’attaque aux conditions sociales désastreuses du pays. Au même
moment, ils ont rejoint le gouvernement fantoche et forment la
plus grande faction de la coalition dirigeante des partis chiites,
l’Alliance irakienne unifiée (AIU). Maliki lui-même est un
proche allié de Sadr et il a réussi à obtenir la candidature de
premier ministre de l’AIU grâce aux votes de législateurs
sadristes.
Inquiet de perdre potentiellement un
important appui, Maliki a résisté durant plusieurs mois aux
plans américains. En novembre dernier, il a déclaré à Bush
qu’il voulait que tous les soldats américains se retirent de
Bagdad. Gates a admis à la commission sénatoriale des Forces armées
que Maliki « souhaitait mener cette opération seul »
— autrement dit, laisser la capitale aux mains de l’armée
irakienne à majorité chiite qui se concentrerait à combattre
les guérillas arabes sunnites et qui ne lancerait pas d’attaque
contre les sadristes.
Toutefois, Maliki a fait savoir qu’il se
pliait aux exigences de Washington. L’élite chiite qu’il représente
n’est pas prête à risquer le pouvoir et le privilège
qu’elle a obtenus sous l’occupation américaine. Le week-end
dernier, à la suite de la déclaration de Gates et après
plusieurs jours sans commentaires sur le discours de Bush, son
cabinet a finalement publié une déclaration affirmant que
l’augmentation du nombre de soldats américains « représente
la vision commune et la compréhension mutuelle entre le
gouvernement irakien et l’administration américaine ».
Au cours des derniers jours, des représentants
de Bush ont insisté sur le fait que Maliki avait approuvé
qu’un assaut soit lancé sur les sadristes. Vendredi, le
porte-parole de la Maison-Blanche, Tony Snow, s’est adressé aux
journalistes : « Je crois que par ses paroles et ses
actes il s’attaque aux principales inquiétudes des États-Unis,
comme le fait de dire aux milices chiites qu’elles ne s’en
tireront pas. Et il a même donné des noms. Il a mentionné les
sadristes et il a mentionné Moqtada al-Sadr. »
Dimanche, Fox News a demandé au vice-président Dick
Cheney : « Si les forces américaines veulent entrer
dans Sadr City et s’en prendre à Moqtada al-Sadr,
promettez-vous, pouvez-vous promettre au peuple américain que
nous le ferons peu importe ce que Maliki dira ? »
Cheney a répondu que l’administration et Maliki « avaient
une compréhension des choses qui nous permettent d’aller de
l’avant pour accomplir le travail ».
Si Maliki hésite, des candidats alternatifs attendant dans les
corridors pour le remplacer. Abdul Aziz al-Hakim, qui s’est
entretenu en privé avec Bush en décembre et dirige le Conseil
suprême de la révolution islamique chiite en Irak (CSRICI), a
exprimé son appui total pour le « plan de sécurité de
Bagdad », disant que le « gouvernement devait frapper
d’un poing de fer contre ceux qui mettent en danger la sécurité
du peuple ». L’ambassadeur américain en Irak, Zalmay
Khalilzad, est apparemment encore en train d’assembler une
nouvelle coalition composée du CSRICI, de partis kurdes et
d’organisations sunnites pour remplacer l’actuel gouvernement
si nécessaire. Selon le Guardian britannique, le
dirigeant chiite, Ali al-Sistani, a donné son accord la semaine
dernière et ne s’opposera pas aux opérations militaires visant
à désarmer l’Armée du Mahdi.
Aux États-Unis, les supporteurs les plus virulents de la
guerre en Irak appellent pour un massacre à Sadr City et
l’assassinat de Moqtada al-Sadr. Mick Reagan , le fils de
l’ancien président Ronald Reagan, a écrit dans le Frontpage
Magazine : « Si nous ne permettons pas à nos
forces armées de faire ce qu’elles font le mieux – détruire
les choses et tuer les personnes – alors nous sommes aussi bien
d’emballer et de partir à la maison… Moqtadar al-Sadr doit
partir, de préférence pour aller rejoindre Saddam Hussein. Et
bientôt, très bientôt. »
Ralph Peters, un commentateur d’extrême droite qui a écrit
un article l’an dernier avec pour titre « Tuer Moqtada
maintenant », a déclaré dans le New York Post la
semaine dernière que le « grand test » de
l’escalade de Bush va ou non inclure « l’occupation, le
désarmement et la désinfection idéologique de Sadr City ».
Il demanda : « Que les règles d’engagement soient élargies.
Nous devons arrêter de jouer Barney Fife et combattre. Et
le président doit appuyer ses troupes quand les choses se
corseront. » (italiques dans l’original)
Seulement deux mois après que le peuple américain eut rejeté
la guerre en Irak lors des élections de mi-mandat au Congrès et
clairement indiqué qu’il en souhaitait la fin,
l’administration Bush prépare des crimes encore plus grands.
(Article original anglais
paru le 15 janvier 2007)
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