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Rapport
LIBAN: Une « génération perdue » d'enfants
irakiens réfugiés
Hanine, 14 ans, a fui
Bagdad avec sa mère et son frère après avoir assisté à la mort
de son père,
un chrétien, brûlé vif par des miliciens. Elle vit dans la peur
d'être arrêtée ou expulsée
Photo: Simba Russeau/IRIN
BEYROUTH, 20 juin 2008 (IRIN)
Sur les 10
millions de réfugiés du monde, la moitié sont des enfants, selon
les estimations de l’organisation britannique World Vision, des
enfants qui deviendront les produits d’une « génération perdue »
si davantage de mesures ne sont pas prises pour pourvoir à leurs
besoins.
« Pour préserver la jeune génération qui grandit aujourd’hui,
nous devons protéger les enfants de la violence, améliorer
l’accès [à l’aide] humanitaire et fournir davantage de
ressources ciblées sur les besoins particuliers des enfants »,
pouvait-on lire dans un rapport, publié par World Vision le 20
juin, à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, et qui
souligne le sort des enfants irakiens réfugiés en Jordanie.
Ces problèmes sont manifestes au Liban, où selon les estimations
du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR),
la moitié des 50 000 réfugiés irakiens sont des enfants.
Ali, 14 ans, ses parents et ses cinq frères sont arrivés au
Liban il y a deux ans, après avoir fui Bagdad, où leurs vies
étaient menacées. « La situation était très difficile », s’est
souvenu Ali. « Les crimes… Ils massacraient les gens devant nos
yeux ».
Éducation
Ali, qui vit dans une banlieue chiite de Beyrouth, est un des
rares enfants irakiens à recevoir une éducation. Sur les 590
foyers de réfugiés interrogés dans le cadre d’une étude publiée
en juillet 2007 par le Danish Refugee Council (DRC), seuls 38
pour cent envoyaient leurs enfants à l’école.
« J’apprends à lire, à écrire et à utiliser un ordinateur, ici,
au Liban », a expliqué Ali. « On peut aller jouer dehors, au
Liban. En Irak, on ne pouvait pas. Mais je préfèrerais quand
même rentrer en Irak, parce qu’ici, les autres enfants nous
embêtent à cause de notre statut de réfugiés ».
Depuis son ouverture, dans le Sud de Beyrouth, en septembre
2007, le Centre de ressources éducatives du Norwegian Refugee
Council (NRC) a permis à environ 800 enfants irakiens d’intégrer
le système éducatif libanais grâce à des cours de rattrapage
intensifs et à des programmes psychosociaux.
Deux cent cinquante autres enfants ont aussi commencé
dernièrement à suivre des cours dans le cadre de projets
satellites dans les régions rurales du Liban, notamment des
cours d’anglais, de compétences pour la vie, ainsi que des
formations professionnelles de base.
« Le centre a une fonction extrêmement précieuse : il permet
d’éduquer les jeunes qui risqueraient autrement d’être victimes
d’exploitation par le travail ou, dans le cas des jeunes filles,
d’être confinées au milieu domestique jusqu’au mariage », selon
Robert Beer, chargé de projet éducatif à NRC Liban.
Blessures
Selon l’étude du DRC, environ un Irakien
interrogé sur 10 a déclaré avoir été enlevé, menacé ou avoir
vécu des événements traumatisants. Assise dans la cour de son
école, Hanine, 14 ans, a raconté qu’elle avait fui Bagdad avec
sa mère et son frère après avoir assisté à la mort de son père,
un chrétien.
Ali, 14 ans, ses
parents et ses cinq frères sont arrivés au Liban il y a deux
ans,
après avoir fui Bagdad, où leurs vies étaient menacées.
Il est l'un des rares enfants irakiens à recevoir une éducation.
Photo: Simba Russeau/IRIN
« Je ne suis ni heureuse ni triste », a
expliqué Hanine. « Ils ont aspergé mon père d’essence et l’ont
brûlé vif ».
Le traumatisme de la jeune fille est d’autant plus grave qu’au
Liban, elle vit dans la crainte constante d’être arrêtée ou
expulsée. « Mon frère a été détenu en prison parce qu’il n’avait
pas les papiers légaux qu’il fallait », a poursuivi Hanine. «
J’avais tellement peur pour lui ».
Heureusement, le frère de Hanine a été relâché et vit
aujourd’hui avec sa sœur et leur mère dans un quartier chrétien
de Beyrouth.
Un statut incertain
En tant que pays non-signataire de la Convention de 1951 sur les
réfugiés, le Liban n’a pas adopté de loi nationale sur les
réfugiés et ne reconnaît même pas le statut des quelque 10 000
Irakiens inscrits sur les registres du HCR.
Ces Irakiens sont donc traités comme des immigrés clandestins
et, s’ils entrent en contact avec les autorités, risquent d’être
arrêtés pour n’avoir ni permis de travail ni permis de séjour.
Une fois qu’ils ont purgé leurs courtes peines, ils se
retrouvent confrontés au choix déplaisant d’être expulsés ou de
rester en prison, selon un rapport de Human Rights Watch, publié
en décembre 2007.
En octobre 2007, le HCR a déclaré que pas moins de 584 Irakiens
se trouvaient en prison pour avoir enfreint les lois sur
l’immigration. Ayant déjà purgé leurs peines, bon nombre étaient
détenus arbitrairement.
En février, les services libanais de renseignements généraux ont
donné trois mois aux demandeurs d’asile irakiens pour
régulariser leur statut ; pour ce faire, il fallait leur
délivrer les permis de séjour et de travail qu’on leur refusait
jusque-là.
Mais le 16 juin, lorsque la prolongation de la période de grâce
est arrivée à son terme, seuls 13 prisonniers irakiens avaient
été libérés, d’après le HCR et Caritas, une des principales
organisations non-gouvernementale de défense des droits humains
au Liban, et peu d’Irakiens étaient parvenus à trouver un
employeur pour pouvoir régulariser leur situation.
« Les Irakiens doivent trouver une personne qui soit disposée à
les parrainer en couvrant les 4 000 dollars de frais nécessaires
à l’obtention d’un permis de travail et au parrainage », a
expliqué Lala Arabian d’Amnesty International, au Liban. « C’est
une somme importante, [ce qui explique qu’un] grand nombre
d’Irakiens se soient retrouvés clandestins de nouveau, au terme
de cette période d’essai ».
Caritas dirige à l’heure actuelle un programme de parrainage
professionnel, pour tenter de régulariser davantage de réfugiés
irakiens.
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