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Rapport
Des jeunes croupissent
des mois dans les prisons américaines d'Irak - HRW
Un soldat
américain discute avec des enfants irakiens lors d'une
patrouille à Bagdad
Photo: DVIC
BAGDAD, 2 juin 2008 (IRIN)
Le feu passe au
rouge à une intersection centrale de Bagdad, et tandis que les
voitures s’arrêtent, Haider Jassim Mohammed émerge, ses boîtes
de mouchoirs à la main, pour inviter les conducteurs à lui en
acheter. Quelques secondes plus tard, une bombe ciblée contre un
convoi de l’armée américaine explose au bord de la route à deux
pas de là, et Mohammed est arrêté.
« J’ai été appréhendé avec sept autres personnes par des soldats
américains car on me soupçonnait d’avoir fomenté l’attentat avec
des insurgés, et j’ai passé près de six mois dans deux prisons
de Bagdad et Bassora », a raconté à IRIN Mohammed, 13 ans, à
Bagdad.
Le jeune garçon a été accusé d’avoir collaboré avec des insurgés
en les informant du passage du convoi qui fut la cible de
l’attentat de 2006, une accusation dont le bien-fondé n’a pu
être prouvé par l’armée américaine, qui a dû le relâcher.
Le 26 mai 2008, l’armée irakienne a déclaré avoir trouvé six
jeunes, âgés de 14 à 18 ans, dans la cave d’une maison
abandonnée à Mossoul, une ville du nord du pays, après qu’un
militant saoudien, qui les formait aux attentats-suicides, eut
été tué au cours d’une opération militaire. Mossoul se trouve à
environ 600 kilomètres au nord de Bagdad.
Selon un officier militaire, qui a souhaité conserver
l’anonymat, ces six jeunes ont été contraints de suivre cet
entraînement par le militant saoudien, qui aurait menacé de
violer leurs mères et leurs sœurs, de détruire leurs maisons et
de tuer leurs frères et sœurs s’ils ne suivaient pas ses ordres.
Depuis le mois de mars 2003, l’armée américaine a placé 2 400
enfants irakiens en détention, dont certains à peine âgés de 10
ans, selon l’association Human Rights Watch, basée aux
Etats-Unis.
Dans sa déclaration du 21 mai, HRW a indiqué que le nombre
d’enfants détenus avait considérablement augmenté en 2007 pour
passer à 100 nouveaux cas par mois, en moyenne, contre 25 par
mois en 2006.
Le 12 mai de cette année, 513 enfants irakiens, qui
représenteraient une « menace impérative à la sécurité »,
étaient détenus par les autorités militaires américaines, a
déclaré HRW.
Ces enfants, incarcérés dans les principaux centres de détention
sous autorité américaine, Camp Cropper, à Bagdad, et Camp Bucca,
à Bassora, ne se voient pas désigner d’avocat, n’assistent pas
aux contrôles des motifs de détention tenus une fois par semaine
ou par mois et n’ont que des contacts extrêmement limités avec
leurs familles, selon les associations de défense des droits
humains.
Les orphelins à
Bagdad sont particulièrement vulnérables aux bandes criminelles
Photo: Zaineb Ahmed/IRIN
« Les forces américaines en Irak devraient
assurer que les enfants [placés] en détention soient traités
conformément à leur statut d’enfants, se voient accorder un
examen judiciaire dans les plus brefs délais et puissent
rencontrer des observateurs indépendants », a recommandé HRW.
En détention, Mohammed était bien traité par les Américains d’un
point de vue alimentaire, a-t-il dit, « mais de temps en temps,
les autres garçons me harcelaient et les Américains ne pouvaient
rien y faire ».
« Ils me prenaient ma couverture ou me forçaient à dormir par
terre », a-t-il ajouté. « Je n’ai pu voir ma mère qu’une seule
fois pendant ma période de détention, au cours de laquelle
personne ne m’a interrogé sur l’incident ».
Réinsertion
Selon Samira el Mousawi, qui dirige le comité parlementaire sur
les femmes et les enfants, les détenus juvéniles doivent suivre
une formation éducative spécialisée et recevoir un traitement
social pour être réinsérés.
« Ils sont bien traités en termes de nourriture et d’hébergement
», a expliqué Mme el Mousawi à IRIN. « Mais ces centres de
détention sous autorité américaine n’ont pas de programmes
appropriés pour ces enfants, contrairement aux centres irakiens
».
Clarisa Bencomo, chercheuse à HRW dans le domaine de l’enfance
au Moyen-Orient, a accusé l’armée américaine de ne pas faire ce
qu’elle-même demande dans le cadre d’autres conflits armés.
« Pour les conflits dans lesquels ils n’étaient pas directement
impliqués, les Etats-Unis ont été un leader de la réinsertion
des enfants-soldats au sein de la société », selon les propos de
Mme Bencomo, repris dans un communiqué de HRW. «
Malheureusement, ce type de leadership fait défaut en Irak ».
« La grande majorité des enfants détenus en Irak croupissent
pendant des mois en détention [dans les centres de] l’armée
américaine », a déploré Mme Bencomo. « Les Etats-Unis devraient
veiller à ce que ces enfants reçoivent immédiatement le conseil
d’un avocat et à ce que leur mise en détention soit soumise à un
contrôle judiciaire indépendant ».
L’armée américaine n’a pas répondu à la demande d’IRIN, qui
souhaitait obtenir ses commentaires sur la question.
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