Pas de preuves irréfutablesNombreux
sont les médias américains qui ont
affiché leur scepticisme. «Il faut être
prudent, avant de proférer ce genre
d’accusations...en fin de compte, il n’y
a pas de preuves irréfutables qui
condamnent Téhéran. Ce n’est pas la
première fois que Téhéran est accusée de
choses qu’elle n’a pas commises. Ce
n’est pas la première fois que
Washington lance des accusations, sans
aucun fondement, (ADM, en Irak, par
exemple)», commente le "Newsweek". Et
s’il fallait supposer l’authenticité de
cette accusation, «quoique très peu
probable», il faudrait, selon le
journal, y percevoir trois choses, dans
la pensée iranienne d’aujourd’hui:
La première est que le régime iranien
est persuadé qu’il devrait mener une
guerre secrète contre les Etats-Unis, et
qu’il est peut-être convaincu que ce
sont les USA qui sont derrière le virus
"Stucksnuts" qui a nui à son programme
nucléaire...
La deuxième est que dans sa guerre
contre les USA, ce régime est disposé à
aller beaucoup plus loin qu’il ne l’a
fait, dans le passé...
Et la troisième est que l’Iran ne
craint plus les moyens de rétorsion
américains traditionnels, vu que ces
derniers sont débordés par leurs
problèmes internes, ce qui exclut
l’éventualité de leur recours à
déclencher une nouvelle guerre, au
Moyen-Orient, et que l’Iran est persuadé
que son programme nucléaire est assez
puissant, pour dissuader les Etats-Unis
de mener une frappe.
Téhéran n’a pas intérêt
Quant au chroniqueur du magazine "The
Atlantic, Steeve Clemons", il ne voit
pas d’intérêt iranien, dans ce présumé
complot. “Que voudrait dire, pour
Téhéran, l’assassinat de l’ambassadeur
saoudien, aux Etats-Unis ? Pourquoi
Téhéran voudrait-elle viser un homme
ordinaire, au lieu d’une personnalité
haut-placée ? Pourquoi avoir choisi ce
timing, en particulier, alors que l’Iran
n’a pas exploité la décennie qui a suivi
les évènements du 11 septembre ou
l’invasion de l’Irak ?", s’est interrogé
Clemons, sceptique. Et de conclure :
«Ces deux hommes auraient, peut-être,
planifié cet attentat, mais sans la
connaissance de Téhéran et sans aucun
lien avec la brigade d’Al-Qods».
Deux poids, deux mesures américaines
Quant au "Los Angeles Times", il a
été plus tranchant, dans sa position
accusant les Etats-Unis de «deux poids,
deux mesures américaines» : «Il y a deux
semaines, les avions américains ont tué
le dirigeant d’Al-Qaïda, Anouar Awaliki,
sur le territoire yéménite. Qu’est-ce
qui lui permet de tuer ses ennemis, sur
le territoire des autres, alors qu’un
autre Etat ne peut pas faire de même ?»
Rappelant que les États-Unis ont,
également, liquidé Ben Laden, sans en
avoir informé, préalablement, les
autorités pakistanaises, le "Los Angeles
Times" conclut que les Etats-Unis ne
peuvent continuer d'agir, en toute
liberté, en Afghanistan, en Irak et
ailleurs, sans en rendre compte au monde
entier, alors qu’ils interdisent aux
autres Etats de faire de même.
Pas assez "pro", pour être l'œuvre de
Téhéran
Pour Rasool Nafisi, spécialiste des
Gardiens de la Révolution, basé aux
Etats-Unis, l'implication supposée d'un
cartel de la drogue mexicain et les
défauts constatés dans les préparatifs
du complot semblent exclure un feu vert
de haut niveau.
"Je doute que ce soit l'œuvre du
régime iranien, au vu du choix de la
cible, du moment choisi et des acteurs
retenus", explique-t-il à l’AFP.
"Si on regarde les assassinats commis
par le passé, il aurait dû y avoir un
groupe chargé de la planification",
ajoute le spécialiste, évoquant
l'élimination, en 1992, de l'opposant
Sadegh Sharafkandi, à Berlin. "Dans ce
cas précis, on pense plutôt à un acteur
isolé".
Pas le modèle habituel
Même analyse, de la part de Suzanne
Maloney, spécialiste du Moyen-Orient, à
l'Institut Brookings, laquelle remarque
que le complot "ne correspond pas au
modèle habituel de l'implication de
l'Iran, dans des activités terroristes".
"Il me paraît tout à fait plausible
que le complot soit le fait d'électrons
libres, mais je ne sais pas dans quelle
mesure l'armée iranienne tolère ce genre
de dissidence", note-t-elle. "Que le
plus gros soutien mondial du terrorisme
se serve d'un vendeur de voitures
d'occasion texan et de narco-terroristes,
pour un attentat aussi énorme et sans
précédent, semble défier l'imagination",
souligne Mme Maloney. "Cela ne ressemble
pas au dispositif terroriste
professionnel de l'Iran".
Invraisemblable, l’alliance avec des
cartels de la drogue
Par ailleurs, et d’un autre angle,
des experts, dans les cartels mexicains
de drogue, ont rejeté l'hypothèse d'un
appui des narcotrafiquants mexicains à
des actions terroristes, aux Etats-Unis.
Certaines organisations criminelles
mexicaines ont, certes, la capacité
opérationnelle de mener à bien un
attentat, mais auraient peu intérêt à
provoquer, ainsi, la colère de
Washington, avec, pour effet, de porter
atteinte au cœur du "narco business",
c'est-à-dire la vente de drogue, aux
Etats-Unis, selon ces analystes.
Rappelons que, dans l’histoire
américaine, il est question que le
présumé premier suspect arrêté,
l’irano-américain Mansour Arbabsiar,
lequel voulait soudoyer un agent
américain qui se faisait passer, au
Mexique, pour un membre d'un cartel,
d'accord pour perpétrer cet attentat.
Arbabsiar a été arrêté, le 29 septembre,
à New York, après avoir été refoulé, la
veille, vers les Etats-Unis, par les
services d'immigration mexicains, sur la
base d'informations fournies par les
autorités américaines.
Le scénario d’une télénovela
Parallèlement, le "New York Times",
citant une source anonyme, proche de
l'enquête, a affirmé que les auteurs du
complot prévoyaient, en outre, de payer
un cartel mexicain de la drogue, pour
faire sauter l'ambassade d'Israël, à
Washington, et celles d'Israël et de
l'Arabie saoudite, à Buenos Aires. "Cela
ressemble, plutôt, au scénario d'une
télénovela ou d'un bon film", a dit à
l'AFP José Reveles, auteur de livres sur
les trafiquants de drogue. "Si on
parvenait à établir un lien entre des
Mexicains et des groupes extrémistes,
cela serait, de manière individuelle,
mais je ne crois pas que ce serait au
nom d'un cartel, parce que leur priorité
n'est pas d'attaquer les Etats-Unis".
"Ce que veulent les cartels, c'est faire
leur commerce, en secret, pas faire un
autre travail", estime, pour sa part,
Raul Benitez, du Centre de recherche sur
l'Amérique du Nord, à l'Université
nationale autonome du Mexique (UNAM).
Les Zeta visés?
En février, la secrétaire à la
Sécurité intérieure américaine, Janet
Napolitano, avait indiqué que les
autorités américaines n'excluaient pas
la possibilité d'une alliance entre le
réseau Al-Qaïda et Los Zeta,
organisation criminelle, créée, par
d'anciens militaires d'élite de l'armée
mexicaine, avec des ramifications, dans
une vingtaine d'Etats du pays, ainsi que
dans plusieurs pays latino-américains.
En juillet, le Président américain,
Barack Obama, avait estimé que les Zeta
constituaient une menace pour la
sécurité internationale.
Les cartels ne sont pas des
suicidaires
Mais, selon les experts mexicains, le
fait que les Zeta étendent leur activité
à plusieurs pays est une chose. Qu'ils
se lancent dans une action terroriste,
qui les mettrait en position
d'affrontement direct avec les
Etats-Unis, en serait une autre. "Ce
n'est pas la logique des Zeta. Aucun
cartel n'a envie de ce genre de
visibilité", selon Benitez. "Il n'y a
aucune logique à ce que les Zeta
souhaitent entrer dans des attentats
terroristes qui attirent encore plus
l'attention de Washington sur eux",
estime, également, Reveles. "Plusieurs
dirigeants des Zeta, avant de déserter
de l'armée mexicaine, avaient suivi un
entraînement militaire et idéologique
donné par des instructeurs américains",
souligne-t-il.
Reveles estime, aussi, que "les
cartels agissent, dans des territoires
qu'ils connaissent et dont il est
possible de s'échapper. Ce ne sont pas
des suicidaires".