The
Jerusalem Post
Conférence d’Herzliya. Tout tient en un
mot de quatre lettres : I.R.A.N.
Haviv
Rettig
in The Jerusalem Post, 25 janvier 2007
http://www.jpost.com/servlet/Satellite?cid=1167467815735&pagename=JPost%2FJPArticle%2FShowFull
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier
A
en juger à la tonalité de la Conférence d’Herzliya, cette année,
l’establishment israélien, bien que s’extirpant à
grand-peine d’un scandale pour tomber immédiatement dans un
autre, n’a qu’une obsession : l’Iran.
Panel
après panel, les conférenciers ont décliné jusqu’à la nausée
la « menace existentielle » censée émaner du
gouvernement « messianique totalitaire » aux manettes
à Téhéran. Des membres de cabinets ministériels, des représentants
de l’armée, la smala habituelle des anciens généraux, des
analystes politiques et jusqu’à la poignée des responsables du
Mossad, ont débattu tant publiquement qu’en petit comité, de
la menace nucléaire [iranienne], de ses implications géostratégiques
et psychologiques et des méthodes susceptibles de l’éliminer.
Et,
mises à part des observations initiales relatives au Président
Moshe Katsav, le Premier ministre Ehud Olmert a consacré la
totalité de son discours, lors de la cérémonie de clôture de
la conférence annuelle, à ce même sujet.
Observons
toutefois que cette focalisation sur l’Iran n’était pas le
seul fait des Israéliens présents à la conférence. Le
sous-secrétaire d’Etat [américain] pour les questions
politiques, Nicholas Burns, vint à Herzliya, cette semaine dire
aux participants que la menace iranienne était « sans
conteste, le défi le plus important que nous ayons à relever,
aujourd’hui ».
Thomas
Pickering, qui assumait les fonctions de Burns avant lui, avertit
contre le fait que « la prolifération nucléaire est véritablement
la caractéristique de la présente ère nucléaire, et son danger
majeur ».
Peter
MacKay, ministre canadien des Affaires étrangères, a affirmé
que son pays était « profondément préoccupé au sujet de
l’Iran », insistant sur le fait que « Téhéran ne
doit pas être autorisé à obtenir des armes nucléaires. »
Et
ce fut toujours et encore la même chose, avec des parlementaires
allemands, l’ancien Premier ministre espagnol José Maria Aznar,
le député d’opposition et ancien ministre de la Justice
canadiens Irwin Cotler, entre autres.
Tout
ceci soulève une question évidente « Que pensent – de spécifique
– l’establishment sécuritaire israélien, ainsi que les
participants américains et européens à la conférence, qu’il
soit possible de faire, et qui doive être fait, à ce sujet ?
Tous
sont tombés d’accord sur le fait que la menace émanant du
gouvernement du président Mahmoud Ahmadinejad était réelle et
immédiate. D’après le professeur de Princeton, le célèbre spécialiste
d’histoire islamique, j’ai nommé Bernard Lewis, « Ahmadinejad
croit réellement au message apocalyptique qu’il propage [au
sujet du retour imminent du Mahdi messianique]. Cela fait de lui
un homme extrêmement dangereux. « Une Destruction Mutuelle
Garantie », pour lui, ça n’est pas une dissuasion, mais
une incitation. »
S’ajoute
à cela, pour le Dr. Dan Schueftan, de l’Université de Haïfa
(un expert très respecté ès sécurité israélienne), le fait
qu’une « bombe chiite » amènerait les pays arabes
sunnites à construire leur propre « bombe sunnite »,
transformant un Moyen-Orient perclus de conflictualité en un
environnement ingérable et spectaculairement plus dangereux
encore.
Pourtant,
il y a de très bonnes raisons d’être extrêmement préoccupé
par toute frappe occidentale entendant éliminer le programme nucléaire
iranien. D’après Shmuel Bar, analyste de l’Institut pour la
Politique et la Stratégie du Centre Interdisciplinaire d’Herzliya,
qui a travaillé pour les milieux du renseignement israélien
durant trois décades, une frappe américaine déclencherait les
impulsions primales de survie du régime iranien. Cela aurait à
coup sûr pour conséquence une agression totale de l’Iran
contre les champs pétrolifères koweïtiens et saoudiens, dans
une tentative pour extorquer un niveau de prix [du pétrole]
capable de dissuader l’Occident d’amplifier son assaut pour le
porter au niveau du changement de régime [en Iran], a-t-il déclaré
au Jerusalem Post.
De
plus, il existe un « danger réel » que le régime
iranien soit en mesure d’instiguer des grèves chez les chiites
du Sud de l’Irak, a déclaré le Dr. Ian Bremer, président de
la compagnie de consultants en matière de risques économiques,
Eurasia Group. Cela pourrait considérablement faire baisser la
production de pétrole, qui pourrait même passer de plus d’un
million de barils par jour jusqu’à zéro baril, ne serait-ce
que pour une courte période », a-t-il averti.
De
plus, comme l’ont fait observer plusieurs analyses, toute frappe
qui ne serait pas assez drastique pour renverser le régime
iranien et discréditer totalement Ahmadinejad ne pourrait que déclencher
une vague de soutien à la faction Ahmadinejad au sein du régime,
lui donnant un avantage décisif dans la lutte complexe de pouvoir
qui caractérise la vie politique iranienne.
Pour
toutes ces raisons, Robert Satloff, Directeur de l’Institut
Washington pour la Politique Moyen-Orientale, pense qu’ « à
propos de l’Iran, la majorité des analyses diplomatiques états-uniennes
proposent des moyens dissuasifs et non pas la prévention. N’était
le fait qu’Israël se focalise sur la prévention, l’élite
politique états-unienne aurait glissé vers la dissuasion, et
dans ce cas, l’attention se concentrerait sur Israël, et non
pas sur l’Iran ».
De
fait, beaucoup de participants ont évoqué – et ont reflété,
dans leurs opinions propres – une préférence américaine pour
l’encouragement au changement de régime. « Ahmadinejad
s’est aliéné beaucoup d’Iraniens, et même le leader
Khamenei commence à voir en lui un handicap », a déclaré
au Jerusalem Post Robert Einhorn, ex-assistant au Secrétaire d’Etat
chargé de la non-prolifération, et membre du Conseil des
Relations Extérieures. « Voici encore seulement six mois de
cela, les Iraniens étaient fiers de leur pays, qui était considéré
comme un leader du monde musulman, jusque dans la rue arabe
sunnite. Aujourd’hui, il est critiqué publiquement pour avoir
provoqué les résolutions de l’Onu [critiquant le programme
nucléaire iranien] », a-t-il expliqué, ajoutant que le
gouvernement iranien « pourrait juger de son propre intérêt
de mettre à la décharge ce véritable paratonnerre attirant sur
lui les foudres des critiques ».
A
la question de savoir comment il interprétait le déploiement récent
de deux porte-avions de la marine américaine dans le Golfe
persique, et si cela était une indication de préparatifs américains
en vue d’une opération militaire contre l’Iran, le président
de la conférence, Uzi Arad, un ancien directeur du Mossad, nous a
déclaré : « J’ai posé exactement cette
question à des amis américains ».
Ces
« amis » l’ont rabroué, en lui demandant de ne
« pas être ethnocentrique à ce point », a-t-il dit,
avec malice. « L’Amérique a bien deux ou trois autres intérêts,
au Moyen-Orient, mis à part la protection d’Israël »,
a-t-il ajouté, et le déploiement américain entendait en réalité
uniquement calmer quelques nerfs à vif chez certains alliés de
l’Amérique, dans le Golfe.
La
plupart des participants à la Conférence d’Herzliya,
toutefois, ne considérèrent pas que le changement de régime
soit une conséquence probable de pressions internationales, et prédirent
un échec retentissant de l’initiative diplomatique. Ils
voulurent voir dans le récent déploiement naval un signe que
cette vision des choses était partagée par l’administration
Bush.
Comme
l’a expliqué Bar à la conférence, il est extrêmement peu
probable qu’Ahmadinejad tombe en raison des critiques
internationales, la Garde Révolutionnaire du régime qu’il
dirige contrôlant près de 30 % de l’économie iranienne,
« et absolument tous les flingues », dans ce pays.
Un
analyste ayant de la bouteille a indiqué au Post que si Arad a
sans doute de bons amis dans les milieux civils
du renseignement, c’est au Ministère de la Défense que se fie,
quant à elle, l’administration Bush en matière de
planification stratégique.
Plusieurs
observateurs à la conférence d’Herzliya ont procédé à une
évaluation des intentions de l’administration américaine, et
ont fait part de leur impression que le déploiement dans le Golfe
persique avait sans doute une signification beaucoup plus large.
« Il
me semble que je sens le brouillard de la guerre », a dit le
colonel (réserviste) Eran Lerman, ancien analyste en chef à la
direction du renseignement de l’armée israélienne, résumant
l’impression des autres participants, qui ont refusé d’être
enregistrés.
Burns
a lui-même fait observer que « l’Iran, de par les
politiques qui sont les siennes, a causé une sévère réaction
aux Etats-Unis, qui a, depuis lors, provoqué un regain
d’efforts d’espionnage et d’obtention d’informations
paramilitaires concernant ce pays ». Il a même déclaré,
à la tribune, que l’ « Iran n’est plus en position
offensive, mais plutôt sur la défensive ».
Etait-ce
là une indication que les ennemis de l’Iran étaient, quant à
eux, en position offensive ? Et qu’a voulu dire Olmert,
quand il a affirmé le « droit d’Israël à une liberté
totale de réaction », déclarant qu’il y a un moment à
partir duquel « plus aucune des lois de la diplomatie
classique ne tient plus » ?
Les
préparatifs en vue d’une frappe états-unienne, ou israélienne,
contre l’Iran, tant en termes militaro-logistiques que
diplomatiques et psychologiques, vont bon train.
Pour
citer Bremer : « Il y a deux horloges en train de
cliqueter » : celle de la réforme – ou du changement
– du régime iranien, et celle de la course du régime iranien
à l’acquisition de l’arme nucléaire.
Le
consensus général, à Herzliya, était que si l’horloge nucléaire
devait être perçue, en Occident, comme avançant plus vite que
la première [celle de la réforme ou du renversement du régime
iranien], une frappe militaire états-unienne totale – en dépit
des terribles risques encourus – deviendrait inévitable.
Copyright 1995-2007 The
Jerusalem Post - http://www.jpost.com/
|