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Opinion
Algérie, la mobilisation de l'opposition en février 2011 :
qui marche avec qui ?
Habib Souaïdia
Saïd Sadi
Vendredi 4 février 2011
Depuis les émeutes de janvier 2011, grâce à la presse
algérienne et internationale, le docteur Saïd Sadi, président du
Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), est devenu
en quelques jours le plus grand « opposant » de l’Algérie
indépendante ! Ce retour fracassant d’un parti ultraminoritaire
sur la scène politique algérienne, où il développe un soudain
activisme en direction des Algériens et de la communauté
internationale, est-il le fruit du hasard ou une nouvelle
conspiration contre le peuple algérien ? A-t-on oublié le
soutien résolu du RCD au coup d’État militaire de 1992 ? A-t-on
oublié sa pleine approbation de l’état d’urgence décrété en
février 1992 et toujours en vigueur à ce jour ? A-t-on oublié le
silence assourdissant de ce parti et sa complaisance face aux
massacres, à la torture, aux exactions extrajudiciaires et aux
multiples violations des droits de l’homme perpétrées lors de la
« sale guerre » conduite par les chefs de l’armée contre la
population ? A-t-on oublié que le RCD a contribué, dès 1994, à
la création de milices ayant multiplié les exactions ? A-t-on
oublié les liens historiques entre ce parti, créé en 1989, et le
Département de renseignement et de sécurité (DRS), commandé
depuis vingt ans par le général Mohamed Médiène, dit
« Toufik » ? Comment pourrait-on aujourd’hui donner crédit à un
parti qui, depuis quelques années, prétend s’afficher comme
« opposant » au régime des généraux, au seul motif que ceux-ci
l’ont écarté parce qu’il ne leur servait plus à grand-chose, et
alors même qu’il n’a jamais renié sa complicité avec les crimes
contre l’humanité commis par certains secteurs de l’armée et par
le DRS dans les années 1990 ?
Tandis que les partis politiques de la fausse opposition, et
à leur tête le RCD, lorgnent vers le pouvoir incarné par le
général Toufik et mesurent la distance qui les en sépare encore,
leurs militants souvent désabusés ont des doutes, à force de
regarder passer, de leur plateforme trop immobile, les révoltes
bruyantes des « inorganisés ». Sitôt qu’un mouvement social se
développe, ces partis ne peuvent pas ignorer toute cette force
qu’ils ne contrôlent pas. Mais on ne renie pas si facilement une
organisation. Surtout quand elle a servi, comme le RCD, depuis
plus de vingt ans, un régime d’oppression, d’abord activement,
puis dans une prétendue opposition sans conséquence. D’où la
tentative du RCD de jouer le cheval de Troie au sein du fragile
mouvement d’opposition réelle qui tente aujourd’hui de se
structurer en soutien à la colère du peuple.
Je sais que je vais déplaire à certains de mes compatriotes
et à beaucoup d’amis, mais je préfère être franc qu’hypocrite.
Je n’ai rien, bien au contraire, contre la marche qui va être
organisée à Alger le 12 février 2011 par des militants des
droits de l’homme, des syndicats autonomes et divers membres de
la société civile, mais je suis contre le jeu de rôles qu’essaye
d’y jouer le RCD.
Je n’ai pas envie de changer une démocratie de façade par une
autre. Comme tout Algérien, je veux un changement réel qui nous
débarrassera définitivement de notre funeste police politique,
le DRS, le seul vrai pouvoir, celui qui organise à son profit le
pillage de nos richesses et qui fabrique la hogra. Or,
manifester avec le RCD, c’est comme manifester avec le DRS.
Pour certains, cela veut dire qu’il s’agit comme toujours
d’un jeu du pouvoir qui utilise les Algériens les uns contre les
autres. Je dirais plutôt au RCD et à ses semblables de jouer
cartes sur table et de dire pour une fois aux Algériens la
vérité. Qu’ils nous expliquent pourquoi ils ne se sont jamais
sérieusement mobilisés pour soutenir les victimes des violations
des droits de l’homme de la décennie noire, qu’il s’agisse des
victimes de l’armée ou des groupes armés se réclamant de
l’islamisme ! Qu’ils nous disent qui a applaudi l’arrivée de
Bouteflika à la tête de l’État en 1999, alors que la vraie
opposition a dénoncé dès le départ le fait qu’il n’était que la
« vitrine » des généraux ! Qui à des députés dans les assemblées
désignées et non élues ?
Vous savez bien que tout est faux en Algérie : faux
président, fausse presse libre, faux partis, faux députés,
fausse opposition. Il n’y a que le DRS qui est réel. Et il est
tellement réel que le docteur Saïd Sadi a même eu le privilège
de rencontrer récemment le général Toufik en tête à tête, pour
lui dire que « l’Algérie va mal ». Merci, général Toufik, pour
votre franchise ! Il n’y a que vous qui puissiez s’immiscer
comme un voleur de poules dans les organes dits
« d’opposition », pour tenter de casser ceux qui sont à la
pointe des combats démocratiques.
Une telle réalité révèle aussi que les faux opposants et les
faux démocrates, dès lors qu’ils accèdent à des fonctions de
responsabilité dans l’appareil d’État, ne peuvent que devenir
des antidémocrates et dévoiler leur fourberie. C’est l’une des
raisons pour laquelle je ne m’associe pas avec le diable. Il ne
suffit pas de se proclamer opposant pour être un démocrate et un
patriote.
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