Opinion
« Bye Bye Sarkozy
! »
La vengeance posthume de Mouammar
Kadhafi
Gilles
Munier
Gilles
Munier
Lundi 30 avril
2012
Après une enquête
de près de 10 mois, le site Mediapart*
a publié, le 28 avril dernier, une
lettre signée par Moussa Koussa, chef
des services de renseignement extérieur
libyen de 1994 à 2011, affirmant que le
Bureau de liaison du comité populaire
général libyen « appuyait »
la campagne présidentielle de 2007 de
Nicolas Sarkozy à hauteur de cinquante
millions d’euros. Le document, trouvé
dans les archives des services secrets,
devrait permettre à des juges français –
ou à une commission parlementaire
– de savoir si la somme, non déclarée à
la Commission nationale des comptes
de campagne et des financements
politiques (CCFP), a été versée.
Après l’attaque de la Libye par les
forces de l’Otan, Seïf al-islam Kadhafi
a dit détenir « tous les détails, les
comptes bancaires, les documents, et les
opérations de transfert » de
l’opération, et demandé au « clown »
Sarkozy de rendre les cinquante millions
d’euros au Trésor libyen. Aujourd’hui,
il est incarcéré à Zenten dont la milice
arabo-berbère doit beaucoup aux
parachutages d’armes par la France. Visé
par un mandat d'arrêt de la CPI pour
« crimes contre l'humanité », Seïf
al-islam n’a pour l’instant été inculpé
que de « non licence pour ses
chameaux» et «élevage illégale de
poissons» ! Le CNT – c'est-à-dire
les amis de Sarkozy et de BHL -
réclament en vain son transfert à
Tripoli pour y être jugé… ou assassiné
au cours d’une fausse tentative
d’évasion.
Côté libyen, outre
Seïf al-islam, deux dirigeants peuvent
être entendus par d’éventuels enquêteurs
:
- Abdallah
al-Senoussi, beau-frère du colonel
Kadhafi, recherché par la CPI, est
théoriquement en résidence surveillée en
Mauritanie. Comme Seïf al-islam, il
affirme avoir les preuves du financement
de la campagne de 2007. Senoussi est
également recherché par la France où il
a été condamné par contumace à la
réclusion criminelle à perpétuité, pour
son rôle dans l’attentat contre un DC 10
d’UTA en septembre 1989 au-dessus du
Niger (170 morts dont 54 Français).
Nicolas Sarkozy, dit-il, lui aurait
promis de « tourner la page ».
Depuis, le vent a tourné…
- Bachir Saleh,
ancien directeur de cabinet de Kadhafi,
était le grand argentier du régime.
Francophone, il présidait le Libyan
African Portfolio (LAP), un fonds
souverain libyen pesant 8 milliards de
dollars par lequel transitaient
certaines opérations occultes du régime.
Bien que recherché par Interpol pour
escroquerie – selon Le Canard
Enchaîné du 4 avril dernier – il a
été exfiltré en France où il a aussitôt
obtenu un titre de séjour… « au nom
du regroupement familial » !
Une très grave
affaire d’Etat
Bachir Saleh et
Moussa Koussa - qui vit luxueusement
au Qatar - ont évidement démenti les
« allégations » de Mediapart,
tout comme Brice Hortefeux – ancien
ministre de l’Intérieur et ami de trente
ans de Sarkozy - en présence duquel
aurait été validé l’accord « sur le
montant et les modes de versement »
des cinquante millions d’euros. Il a
déclaré n'avoir « jamais rencontré
Moussa Koussa et Bachir Saleh ».
Interviewé sur Canal +, à quelques jours
du deuxième tour de l’élection
présidentielle française, Nicolas
Sarkozy a qualifié l’article de
Mediapart d’ « infamie », de
« montage ». Il s’est étonné que
des journalistes donnent « du crédit
aux fils Kadhafi et aux services secrets
de Kadhafi », alors qu’il
entretenait les meilleures relations
avec ces derniers lorsqu’il était
ministre de l’Intérieur, et ensuite par
l’intermédiaire de Claude Guéant.
Pour Ziad
Takieddine, intermédiaire
franco-libanais qui a introduit la
sarkozie en Libye, l’enquête sur cette
affaire «sera difficile parce que
beaucoup d'intervenants sont morts
pendant la guerre en Libye ». Il
pense « qu'ils ont essayé par tous
les moyens de tuer Seïf al-Islam »
pour le punir de ses révélations. Ziad
Takieddine est également persuadé que
Claude Guéant l’a fait arrêter à son
retour de Tripoli – le 5 mars 2011,
sur l’aéroport du Bourget - parce
qu’il croyait que les documents prouvant
le financement de la campagne de Nicolas
Sarkozy étaient dans ses bagages.
Un président
illégitime, si…
La plainte de
Nicolas Sarkozy contre Mediapart
pour publication de « faux grossier »,
si elle n’est pas retirée après la
présidentielle, promet un beau déballage
sur les dessous de la guerre de Libye.
Si l’affaire est « réelle », a
déclaré Ségolène Royal sur BFM-TV, cela
voudra dire que Nicolas Sarkozy «a
exercé son mandat de façon illégitime ».
Dans le camp de François Hollande, la
prudence est néanmoins de mise. Bernard
Cazeneuve, un de ses porte-paroles, a
simplement déclaré : «Si les faits
révélés par Mediapart étaient
définitivement confirmés par d’autres
documents ou les instructions
judiciaires en cours, il serait alors
établi que le président sortant à menti
aux Français, pour dissimuler la réalité
d’une très grave affaire d’Etat».
Reste à savoir si
le candidat socialiste, élu président le
8 mai prochain, laissera la justice
faire son travail jusqu’au bout. Ceux
qui ont enquêté sur le financement des
campagnes présidentielles de François
Mitterrand et de Jacques Chirac n’ont
pas été bien loin.
*
http://www.mediapart.fr/article/offert/d46040d627f535132430faed1c2f8d67
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© G. Munier/X.
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Publié le 30 avril 2012 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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