Opinion
Procès « Pétrole
contre nourriture » :
condamnés d'avance ?
Gilles
Munier
Gilles
Munier
Samedi 2 février
2013
(bloc-note
- 23/ 1/13).
«
J’ai violé l’embargo imposé par l’ONU au
peuple irakien. J’en suis fier et si
c’était à refaire : je le referai ».
Voila ce que j’ai dit le 23 janvier -
non par bravade - à la présidente du
tribunal qui avait énoncé les charges
retenues contre moi :
«
Trafic d’influence passif commis par un
particulier » et
«
Corruption d’agents publics étrangers ».
Je n’ai évidemment
jamais
«
trafiqué » ni
«
corrompu » personne. Je ne me suis
pas -
non plus - enrichi, au contraire.
J’ai fait que ce que me dictaient
d’abord ma conscience et les objectifs
des
Amitiés franco-irakiennes,
association dont je suis le secrétaire
général depuis 1986 : «faciliter par
des moyens de toute nature une meilleure
connaissance des problèmes rencontrés
par chacun des deux pays et de
contribuer à leur règlement » !
Concernant le
paiement de
«
surcharges » ou de
«
taxes » réclamé par le gouvernement
irakien aux entreprises qui enlevaient
du pétrole dans le cadre du programme
«
Pétrole contre nourriture » - dont
le trader
Aredio et la société
Taurus Petroleum qui soutenaient les
activités des
Amitiés franco-irakiennes – j’ai dit
que la décision était de leur ressort
mais que je l’approuvais, car l’argent
reçu par l’Irak était légitime et avait
allégé les souffrances du peuple. Je lui
ai précisé que ces
«
taxes » étaient prélevées sur la
marge bénéficiaire des entreprises
pétrolières, non sur le montant de ce
qui était théoriquement consacré à
l’achat de vivres et de médicaments.
Malheur aux vaincus !
La présidente du
tribunal m’a alors questionné sur une
somme de 200 000 $, toujours à ma
disposition dans une banque suisse. J’ai
répondu qu’il s’agissait du reliquat des
aides de la société d’affrètement suisse
Taurus Petroleum, et que l’argent
était sous séquestre depuis 2005 à la
demande des Etats-Unis ou du magistrat
instruisant l’affaire
«
Pétrole contre nourriture ». Elle le
savait, bien sûr.
Cette décision
m’avait empêché de poursuivre les
actions que je menais depuis la chute de
Bagdad pour soutenir l’opposition et la
résistance irakienne, et faire campagne
pour la libération des prisonniers
politiques en Irak. J’ai demandé à la
juge de faire débloquer ces fonds afin
de pouvoir relancer mes activités ! En
attendant, je n’en continuais pas moins
le combat avec les moyens à ma
disposition.
J’ai ajouté que
j’avais –
certes - violé une résolution de
l’ONU… mais que George W. Bush–
lui – avait violé la charte des
Nations unies, massacré plus d’un
million d’Irakiens, s’était emparé du
pétrole irakien, et que rien ne lui
arriverait.
J’ai conclu en
rappelant que j’étais alors en guerre
contre une administration américaine qui
martyrisait le peuple irakien et qui
s’apprêtait à envahir le pays. La
bataille ayant été perdue, je me
retrouvais donc sur le banc des accusés:
«
Malheur aux vaincus !
Condamné d’avance ?
En ce début de la
troisième semaine du procès -
10 ans après le renversement du
Président Saddam Hussein et 8 ans avoir
été mis en examen par le juge Philippe
Courroye - j’ai la nette impression
d’être condamné d’avance. Pour la
présidente du tribunal, il n’est
question que de
«
surcharges » payées au gouvernement
irakien, évidemment
«
illégales ». L’évocation de la
tragédie du peuple irakien et la
nécessité de lui venir en aide, la
laissent de marbre. On ne peut pas dire
que la juge soit indifférente à ces
malheurs, mais les évoquer lors de ce
procès semble une perte de temps,
«
hors sujet ».
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 3 février 2013 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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