Actualités du droit
La France devra
renoncer à ses lois anti-étranger
et anti-islam
Gilles Devers
Lundi 24 septembre
2012
Ce WE était présenté
comme celui de tous les dangers, et
comme il ne s’est rien passé, tout le
monde veut tourner la page. Pas moi, car
l’attitude du « gouvernement » montre
que les difficultés sont devant nous.
Le grand flop du
fantasme sécuritaire
La donnée de base est
claire : la communauté musulmane en
France, dans son extrême diversité, se
contrefiche de Charlie et des
cinglés US qui veulent torpiller la
campagne d’Obama. Bien sûr, les
musulmans voient ce qui se passe, et
souhaiteraient qu’il en soit autrement.
Mais ils retiendraient volontiers la
formule de Jacques Chirac : « Ca m’en
touche une,… sans faire bouger l’autre
».
La communauté
musulmane est la plus tranquille qui
soit, et cela reste un mystère de savoir
ce qu’on lui reproche. De toute
l’histoire de la République, on ne
connait pas une seule manifestation
violente de sa part ! Rien à voir avec
les guerres de religion du XVI° siècle
qui pendant dix ans, ensanglantèrent la
France, avec plus de 100 000 morts. Rien
à voir avec les Français de souche, qui
sous Pétain, ont envoyé 80 000 Juifs
dans les camps de la mort nazis.
Restons rationnels
et factuels
Les faits ? Voici une
petite liste des affaires qui ont
enflammé la France à propos de l’Islam
ces deux dernières années, dans ce pays
qui compte entre 5 à 7 millions de
musulmans :
-
une demande
d’annulation de mariage pour cause de
non-virginité ;
-
un restaurant
Quick servant du hallal à Roubaix, à la
satisfaction des clients ;
-
300 femmes portant
le niqab, outre celles venues des pays
adorés que sont le Qatar et l’Arabie
Saoudite, qui font vivre les joailliers
de Paris ;
-
une femme portant
la burqa ;
-
deux rues occupées
pour des prières une fois par semaine,
une à Marseille et l’autre à Paris ;
-
des aménagements
d’horaires de piscine, réservés à toutes
les femmes, dans une poignée de
municipalités courageuses ;
- une femme cadre
administratif dans une créche portant un
foulard ;
-
trois moniteurs de
colonie de vacances pratiquant le
ramadan, et sanctionnés pour cela
pendant 48 heures ;
Rien d’autre. Donc,
des évènements insignifiants au regard
de ce qu’est un grand pays.
Et pourtant… ça
canarde sans relâche
Cette semaine, cela a
été une véritable hystérie
gouvernementale. Deux cents amis qui
font une prière collective aux
Champs-Elysées, et c’était la République
en danger !
Alors que rien ne
bouge dans la communauté, a été décidée
une interdiction générale de manifester
sur tout le territoire, genre état
d’urgence ! Dans tous les
centres-villes, d’impensables
regroupements de forces de police, avec
au final pour nos amis les flicmen, des
crampes au motif tournage de pouces
intensif…
Et une presse
chaud-bouillante, prête à transformer le
moindre éternuement en tsunami… Parfois,
ils m'inquiètent.
Consternant.
Alors ?
Je critiquerais
volontiers le « gouvernement », mais il
faudrait être sûr qu’existe un
gouvernement, et ça, ce n’est pas
évident. En six mois, ces amateurs,
rescapés du rejet du sarkozysme, sont
liquéfiés. A ce stade et si vite, c’est
du jamais vu.
Hollande a eu de
fortes paroles : « Je rejette ce qui
divise et qui oppose ». Niveau :
dissertation de 4°. Petit rappel qui a
son intérêt : Hollande était venu
témoigner en faveur de Charlie Hebdo
lors du procès des caricatures.
Valls ? Maire d’Evry,
il regrettait devant une caméra le trop
grand nombre d’immigrés sur le marché,
et demandait qu’on lui ajoute des
white et des
blancos. Quel dommage de ne pas
l’avoir collé au tribunal correctionnel,
on en aurait été débarrassé.
En réalité, deux
approches se conjuguent
Il y a bien sûr une
énorme part de manip’. Après les Roms,
se faire les salafistes « purs et durs
», c’est du miel pour les sondages, et
surtout pour faire oublier les vrais
problèmes : récession économique,
augmentation du chômage, accord européen
de Sarko, saignée de 30 milliards
d’euros, qui va finir de tuer
l’économie...
Mais, plus grave, il
y a une part de sincérité, c’est-à-dire
que ces ignorants étaient persuadés que
les muslims allaient descendre en masse
dans la rue et demander la mort des
dessinateurs de
Charlie. Quand je vois le nombre de
cars de police qui sont restés
stationnés tout le samedi vers la place
des Terreaux, à Lyon, je me dis que le
ministère de l’Intérieur ne sait rien du
pays réel.
Le ministère ne
peut faire état d’aucune antériorité.
Aucune. Pour les caricatures du
Jyllands-Posten,
la seule réponse avait été une action en
justice... Demander l’application de la
loi, est-ce interdit quand on insulte
Dieu, juste pour se marrer ? Est-ce
violent de saisir la justice, contre une
ligne éditoriale de gros beauf raciste ?
Le ministère de
l’Intérieur est totalement décalé.
Un gros problème
de leadership
Les musulmans
français ne sont pas mieux servis par
leurs représentants officiels quand on
entend l’inénarrable Boubakeur Dalil
saluer, comme une découverte, la «
maturité » de la communauté. Mais, Dalil,
cette maturité est acquise depuis des
décennies,… notamment quand tu faisais
le beau dans la Mosquée de Paris, alors
que les musulmans n’avaient pour lieux
de culte que les hangars des grandes
industries ou les salles communes des
foyers SONACOTRA.
Cette maturité s’est
affichée de manière encore plus forte
quand la communauté a répondu par
l’indifférence à tes déclarations, seul
arabe et musulman à avoir reconnu comme
juste l’agression d’Israël sur la
population de Gaza, en décembre
2008/Janvier 2009, agression
constitutive de crimes de guerre avec 1
600 morts, 5 000 blessés graves, des
destructions en masse et toutes les
mosquées de Gaza frappées par des armes
lourdes.
La réalité est que
les autorités françaises sont à la
dérive
Devant le spectacle
d’une telle errance gouvernementale, un
regard rétrospectif est nécessaire.
Tout est parti de la
loi sur le foulard dans les écoles. Rien
de rationnel ne justifiait cette loi.
La jurisprudence du
Conseil d’Etat était établie, et
correspondait à ce qui se pratique dans
tous les pays civilisés du monde : la
liberté religieuse relève de la
conscience, et les manifestations
extérieures ne peuvent être sanctionnées
que si elles causent un trouble à
l’ordre public, en l’occurrence pour les
établissements scolaires, le
prosélytisme et le refus d’assiduité.
L’origine de cette
loi, qui a tout fait basculer ? Soyons
précis. Sarko, ministre de l’Intérieur,
s’investissait sur la question musulmane
pour ne pas être que le premier flic de
France, et Juppé a balancé cette
affaire, gratuitement, pour lui nuire.
Aucune demande ne venait des écoles.
C’était juste une manœuvre interne à
l’UMP.
La Gauche a fait
consensus, car sa ligne est SOS Racisme,
qui refuse les différences et a pour
projet de blanchir les arabes.
Houellebecq a vomi son intolérance dans
un roman, et tout est devenu possible,
car de label intellectuel. Etre
anti-Islam était désormais de bon ton.
Tout a suivi, à coup
de lois répressives, la France se
crispant sur une identité fantasmée, et
cartonnant tout ce qui n’était pas blanc
de chez blanc. Des restrictions
insensées sur l’accès au statut de
réfugié, la nationalité, le travail des
étrangers, l’accès aux études
supérieures, le refus de vote aux
élections locales, les sanctions
collectives contre les Roms... Je limite
la liste que tout le monde connait.
Guéant court après Le Pen, et Valls
court après Guéant. La France prend une
sale couleur bleu marine.
L’ONU condamne
désormais régulièrement la France pour
des atteintes aux droits fondamentaux,
mais la xénophobie d’Etat, pour qui les
étrangers et l’Islam sont des problèmes
sans autre solution que l'exclusion,
s’en moque.
Oui, mais la vie
réelle…
Tout le problème est
que les faits sont têtus, et que la vie
réelle est à des années lumière de la
vie politique. Ce fatras de lois ne se
trouve qu’en France, comme cette
conception hallue de la
laïcité,... ce qui devrait éveiller
l’attention, mais ils n’entendent rien.
Ils foncent. Dans le vide.
La France qui innove
ne se trouve pas dans le XVI°
arrondissement de Paris mais dans le
9-3, et pas dans le VI° arrondissement
de Lyon mais à Vaulx-en-Velin. De
partout, dans les familles, les
quartiers, les entreprises, les
universités, les réussites sont là,
porteuses d’avenir. Aucune loi ne peut
rien faire contre cela, car se sont les
forces de la vie.
La France refuse
de voir son histoire en face
Essayons de rester
logiques. Toutes les lois et ces
pratiques répressives n'ont pas pour
objet de régler de vrais problèmes, car
la liste faite plus haut montre que cela
ne le justifie pas.
Il faut donc revenir
à cette évidence : la France refuse
d’admettre ce qu’elle doit à l’Afrique.
La France de 1789 était esclavagiste et
colonialiste. Ce sont les marques de son
histoire moderne. Par la violence des
armes, la puissance économique et la
force de lois injustes, elle s’est
imposée sur des terres qui n’étaient pas
à elle. Ce grand quart Nord-Ouest de
l’Afrique a été pour la France la source
de sa richesse et de son influence
politique. Quand il ne suffisait pas de
contrôler ces trente pays, la France a
appelé leurs ressortissants pour venir
sur le territoire métropolitain, jouer
un rôle irremplaçable pendant les deux
guerres mondiales ou pour assurer le
salariat des entreprises, pendant les
Trente Glorieuses.
Aujourd'hui, la
France dit : « Je ne vous connais pas,
restez chez vous ». Mais c’est juste
impossible, et je n’ouvre pas ici la
question des culpabilités. En deux
siècles de cette exploitation, ce sont
créés des liens que rien ne peut
dissoudre. Allez à Saint-Louis, à la
frontière entre le Sénégal et la
Mauritanie, vous y verrez un immense
monument. C’est celui dédié aux
Sénégalais de cette ville, morts pour la
France entre 1914 et 1918. Allez au
Chemin des Dames, et vous trouvez leurs
frères, morts en 1917. Pitié, arrêtez de
nous parler de deuxième génération...
nous sommes à la dixième !
La répression,
pour ne pas voir
En voulant cacher ces
signes religieux extérieurs qui ne
gênent personne, en interdisant l’idée
même d’une manifestation musulmane, en
fantasmant les violences de la plus
paisible des communautés, l’Etat montre
qu’il refuse de voir la société telle
qu’elle est.
Cette politique
insensée se blinde par des lois toujours
plus dures, toujours plus restrictives,
et qui, dans le monde, font de la France
un contre-modèle.
La France se prive
d’alliances qui seraient les plus
fructueuses, comme être le pays de
toutes les cultures et de toutes les
religions, avec des coopérations qui
marcheraient car elles conforteraient le
sort des peuples. Un seul exemple de ce
qu'il ne faut plus faire ? L’accord
économique passé entre l’Union
européenne et le Maroc, qui fait du
Maroc la terre d’élection pour les
grands groupes agro-alimentaires
français et espagnols, au détriment des
agriculteurs des deux rives. La
domination est une impasse.
Opposer le droit à
la loi
Notre histoire
commune s’est faite dans la violence et
l’injustice. Il reste des ardoises à
payer, mais il faut savoir tourner la
page. Nous avons tout à faire avec les
populations du Maghreb et de l’Afrique
de l’Ouest, qui nous sont si proches.
Le résultat de cette
répression légiférée est nul, car
l’analyse de départ est fausse. Il faut
donc combattre ces lois, méthodiquement,
avec les arguments de droit et le
respect des faits. La France retrouvera
alors la fidélité à son histoire. Nous
n’avons rien à redouter du Maghreb et de
l’Afrique de l’Ouest, mais tout à en
espérer, dans un grand mouvement, simple
et efficace : la civilisation du droit.
Le sommaire de Gilles Devers
Les dernières mises à jour
|