Mercredi 24 novembre 2010
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Voici de cela quelques jours, le chef
d’état-major de l’armée britannique, le général (Sir) David
Richards reconnaissait que la victoire en Afghanistan est
impossible. « Dans une guerre conventionnelle », a-t-il déclaré,
« la défaite et la victoire sont clairement tranchées et cela
est symbolisé par l’entrée des troupes dans la capitale du pays
vaincu ».
Il a fallu un certain nombre d’années à
l’élite militaire britannique pour comprendre que la guerre en
Afghanistan ne mène nulle part : leçon très utile, à retirer des
conflits du milieu et de la fin du vingtième siècle, c’est que
la puissance d’une armée conventionnelle ne peut vaincre
aisément une résistance civile.
Il est intéressant, aussi, d’étudier le cas
de l’Etat juif, qui a pratiqué une « stratégie » d’occupation
depuis soixante-deux ans. Et voici que pour une raison que
j’ignore, cela n’a toujours pas fait « tilt » : les Israéliens
restent convaincus qu’ils sont en mesure de vaincre des
Palestiniens particulièrement résilients au moyen de l’état de
siège, des tueries aveugles, de bombardements en tapis et de
guerre chimique.
Le résultat est on ne peut plus évident :
si, par ailleurs, on tient présent à l’esprit qu’Israël se
considère lui-même comme « une démocratie réservée aux seuls
juifs », alors tout Israélien juif est complice d’un crime de
guerre colossal perpétré contre une population civile.
Mais cela va plus loin : de plus en plus
nombreux, des militaires israéliens de tous les grades sont
directement impliqués dans d’interminables listes de crimes :
des femmes enceintes se voyant refuser toute assistance médicale
d’urgence, tandis que d’autres balancent des bombes sur des
quartiers densément peuplés. Certains utilisent des enfants
comme boucliers humains, tandis qu’une poignée d’entre eux
procèdent à des exécutions de militants de la paix. Et d’autres
se contentent d’alimenter les canons avec des bombes au
phosphore.
Ceux qui commettent ces crimes tombent en
réalité sous le coup de lois universelles. Ils peuvent être
emprisonnés n’importe où, dans le monde entier ; ils risquent de
passer le restant de leurs jours en prison.
Quelques Israéliens courageux doivent être
particulièrement préoccupés par la situation morale de leur
pays ; en effet, il y a de cela quelques jours, un
document identifiant 200 soldats israéliens soupçonnés de
crimes de guerre a fuité à l’extérieur d’Israël. Ce document a
pu être affiché sur Internet ; la liste comporte les noms, les
grades, les postes militaires, les photos et les adresses.
Les personnes ayant fait fuiter l’info et
l’ayant postée sur le net ont indiqué que les noms listés
étaient ceux « des responsables directs, des agents travaillant
pour l’Etat d’Israël, qui, durant les mois de décembre 2008 et
janvier 2009, avaient attaqué des dizaines de civils dans Gaza
assiégée. Les personnes énumérées… occupaient des postes de
commandement à l’époque de l’offensive ; par conséquent, non
seulement ils agissaient au nom d’un mécanisme étatique
criminel, mais ils encourageaient d’autres qu’elles à faire la
même chose. Ils endossent une claire responsabilité personnelle.
Leurs grades vont de commandants d’infanterie jusqu’aux échelons
les plus élevés de l’armée israélienne. Tous ont pris un rôle
actif et direct dans l’offensive (« opération plomb durci », ndt).
Le 17 novembre, je décidai de faire
rapidement allusion à cette histoire : j’ai affiché le lien avec
le site Israeli War Criminal sur mon blogue. Le 18, j’ai été fallacieusement
accusé par la chaîne d’infos en continu israélienne
Channel 10, ainsi que
par quelques autres blogues israéliens, d’avoir été la personne
à l’origine de la publication de ces nom et de ces photos.
Nul n’est besoin de préciser que cela ne
m’a pas rendu particulièrement populaire en Israël. Ma boîte mél
ressembla très vite à une zone de combat israélienne, et un de
mes récents clips
youtube [cliquer !] qui avait été tourné par la télé
israélienne est très vite devenu une plateforme d’expression
pour la vile laideur israélienne.
Tout cela me rappelait la raison pour
laquelle j’avais dénoncé ma judéité et pour laquelle j’avais
quitté Israël. Cela ravivait mes souvenirs, me rappelant pour
quelle raison, il y a quelques années de cela, j’avais décidé de
ne plus jamais remettre les pieds dans ce lieu maudit. Les
Israéliens étaient désemparés et en colère. Il leur fallait un
bouc émissaire. Et, après tout, « faire retomber la faute sur
quelqu’un d’autre » est bien plus facile que de reconnaître que
quelque chose ne tourne systématiquement et catégoriquement pas
rond chez soi./p>
Le 19, la chaîne d’infos israélienne a
réussi à me joindre : ils étaient sur la piste du tireur de
sonnette d’alarme… Evidemment, je ne pouvais les aider ;
d’ailleurs je ne souhaitais pas le faire. A ce que je sache,
personne ne sait quelles sont les personnes qui ont été à
l’initiative de la publication de cette liste. Bien
qu’initialement les Israéliens eurent prétendu que la liste
était controuvée et qu’elle comportait de nombreux noms qui
n’avaient rien à voir avec les crimes commis à Gaza (en
2008-2009), les médias israéliens reconnurent très vite que
cette liste avait été fuitée par une source interne aux Forces
Israéliennes de Défense et qu’elle était probablement
authentique.
Je me suis efforcé de faire remarquer à
l’investigateur de la chaîne israéliennne Channel 10 que la
publication de la liste set la meilleure chose qui se soit
produite en Israël depuis des années : cette liste constitue un
avertissement très clair pour les futurs combattants israéliens.
Elle aura pour effet de leur suggérer qu’une conduite
non-éthique pourrait avoir des conséquences très lourdes et
directes pour eux. Une telle reconnaissance est vitale pour les
Israéliens, afin qu’ils puissent commencer à amender leur
comportement et à trouver une façon de vivre en paix avec leurs
voisins.
L’on est fondé à trouver bizarre que dans
la soi-disant « unique démocratie au Moyen-Orient » une liste de
200 criminels de guerre suspects ait pu faire l’objet d’une
fuite : voilà que tous les médias se mettent en chasse d’un
tireur d’alarmes au lieu de se colleter avec le véritable
problème. Cela montre sous son vrai jour une société à la dérive
en train de s’éloigner de toute forme de reconnaissance du droit
international, pour ne pas parler de prise de conscience en
matière éthique.
Toutefois, je sais très bien pour quelle
raison les Israéliens sont tellement furieux : les gens, dans le
monde entier, ne se rendent pas compte du fait que, pour les
Israéliens, l’Etat juif n’est pas autre chose qu’une prison.
Autant les Israéliens clament aimer leur pays, il n’est rien
qu’ils aiment autant que de laisser ce pays derrière eux, et
j’imagine que les Israéliens sont en train de commencer à
comprendre la véritable signification de la dé-légitimation de
leur Etat : celle-ci est en train d’atteindre un point de
non-retour, et elle est devenue une affaire personnelle, parce
que les gens dont le nom est couché sur la liste devront y
réfléchir à deux fois avant de mettre les pieds dans un avion.
De façon piquante, les gens qui ont publié
la liste ont eu recours à une tactique utilisée par les
institutions juives et sionistes après la Seconde guerre
mondiale : au lieu de pourchasser les dirigeants et les
commandants militaires, les chasseurs de nazis avaient recueilli
des informations concernant des gens ordinaires : officiers du
rang, simples soldats, gardiens ; bref, ces gens ordinaires qui
avaient perpétré des crimes contre l’humanité…