Lundi 20 septembre 2010
http://www.gilad.co.uk/writings/gilad-atzmon-on-jewish-loyalty.html
La reconnaissance d’Israël en tant qu’Etat
exclusivement juif a été l’une des principales exigences
formulées par le Premier ministre Benjamin Netanyahu au cours
des dernières conversations avec les Palestiniens. Mais le
ministre des Affaires étrangères Lieberman est allé encore plus
loin : il exige de tous les Israéliens qu’ils jurent leur
loyauté envers l’Etat juif. Le slogan de Lieberman, dans cette
campagne, est : « pas d’acte d’allégeance = pas de
citoyenneté ».
« Nous ne saurions continuer à ignorer des
problèmes tel que celui que pose Hanin Zuabi, qui s’identifie
totalement au camp ennemi », a déclaré
Lieberman dimanche passé. Il faisait allusion à une députée
arabe à la Knesset qui avait été déchue de son immunité
parlementaire après avoir été à bord du navire héros Mavi
Marmara et avoir assisté au massacre perpétré par Israël en
haute-mer.
La situation dans laquelle nous nous
trouvons : Israël est fondamentalement une société libérale
occidentale « multiculturelle », où toutes les ethnies et toutes
les minorités se voient imposer de jurer allégeance à la forme
la plus achevée de la pratique tribale juive chauvine.
Les questions tournant autour de
l’allégeance sont essentielle dans le discours politique juif.
C’est par exemple le doute entourant la loyauté de Dreyfus
qui fit de Herzl un sioniste. C’est sa loyauté envers les
juifs qui amena
Jonathan Pollard à trahir les Etats-Unis. C’est l’engagement
éthique et universaliste de Mordechai Vanunu qui le fit se
détourner de la loyauté juive. Comme nous le savons, il continue
à payer chèrement son engagement. Il semble bien, par
conséquent, que la « loyauté envers les juifs » soit une
exigence cruciale au sein du logos sioniste.
Mais c’est là où nous sommes confrontés à
une difficulté évidente : bien qu’il soit clair que les juifs
politiques exigent allégeance, la nature de cette loyauté est
quant à elle loin d’être claire. Personne, pas même Lieberman
n’a jamais donné la moindre indication de ce que signifie « la
loyauté envers l’Etat juif ». Manifestement, personne, y compris
au sein de la gauche juive, n’a jamais réussi à définir un
système juif universel, moral ou éthique de valeurs, pour la
simple et bonne raison qu’un tel système n’existe pas.
J’imagine que la loyauté juive est un
signifiant vide de sens ; c’est une notion dynamique, qui change
constamment et qu’il est impossible de fixer. Comme de juste, la
loyauté juive est aux antipodes de toute notion d’universalisme,
d’éthique ou d’intégrité ; dans la pratique, elle se résume à :
« Les juifs d’abord ! ».
Dans un récent document vidéo,
Max Blumenthal a réussi à rassembler quelques jeunes juifs
morbides enthousiastes à l’idée de jurer leur loyauté à l’Etat
juif, à son armée juive et à ses commandants. Manifestement, le
rapport Goldstone n’a pas fait assez de vagues en Israël, ni
dans les milieux des jeunesses sionistes de par le monde. Une
des juives américaines interviewées était d’accord avec
l’expulsion des Palestiniens de « son » pays au cas où ils
refuseraient de jurer allégeance à la primauté juive. Une autre
juive reconnaissait qu’en matière de loyauté Israël arrivait en
tête, alors que son pays natal, le Canada, arrivait bon second.
Cela pose manifestement la question de savoir à quoi les juifs
politiques sont fidèles.
L’allégeance étant cruciale dans le logos
sioniste, il convient d’élargir notre étude et de mettre ceux
qui s’identifient et agissent politiquement en qualité de juif
au défi de nous parler de leur allégeance. Par exemple,
j’aimerais bien en savoir un peu plus sur Lord Levy, le
collecteur de fonds numéro Un pour le parti travailliste à
l’époque où ce parti nous a entraînés dans une guerre
criminelle : à qui est-il fidèle, à Israël ou à la
Grande-Bretagne ? Et qu’en est-il des éditorialistes du Jewish
Chronicle David Aaronovitch et Nick Cohen : sont-ils au premier
chef fidèles à la Couronne britannique ou à l’Etat juif ? Si je
me le demande, c’est parce qu’ils ont pris tout deux parti en
faveur de la guerre contre l’Irak dans la presse nationale
britannique. Et qu’en est-il de David Miliband, le candidat bien
placé pour prendre la tête du parti travailliste, qui est par
ailleurs listé sur un site de ‘hasbara’ comme un
auteur de propagande israélienne ; à qui est-il fidèle ? Il
faudrait poser cette question aux membres des Amis travaillistes
d’Israël, des Amis conservateurs d’Israël et des Amis libéraux
démocrates d’Israël. Le plus tôt sera le mieux.
Mais si vous pensez que Lieberman est
unique dans son exigence de loyauté, vous vous trompez
lourdement. Ici, en Grande-Bretagne, Lord Goldstmith (oui, ce
même Goldsmith qui a gentiment donné à Tony Blair le ‘feu vert
« légal »’ pour envahir l’Irak en 2003…) est un grand partisan
de la loyauté. Déjà, en 2008, il préconisait l’institution de
cérémonies à destination des lycéens terminant leurs études
secondaires « afin de marquer le passage entre le statut
d’apprenti citoyen et celui de citoyen actif ». Il disait alors
qu’il était en faveur d’un serment d’allégeance à la Reine, mais
celui-ci pouvait être remplacé par un jurement de fidélité à la
Grande-Bretagne.
The Independent a reproduit des propos de Lord Goldsmith
selon qui la Grande-Bretagne n’est nullement en butte à une
crise de citoyenneté partagée, tout en ajoutant que la fierté
nationale avait décliné tout au long des vingt années passées,
en particulier chez les jeunes. Il mettait en garde contre le
fait qu’ « un tiers, voire plus, des Noirs, ne s’identifient pas
à la patrie qui les a vus naître ».
Goldsmith a peut-être raison, il y a sans
doute un déclin dans la fierté d’être Britannique, mais ce
déclin n’a pas vingt ans d’âge ; il résulte en réalité
directement de politiques désastreuses auxquelles il était censé
mettre un terme. De nos gamins, Goldsmith attend qu’ils soient
fiers de quoi, au juste ? Des guerres criminelles qu’il a
lui-même approuvées ? Du fait que la Grande-Bretagne n’a pas eu
la force légale de traiter comme elle l’aurait dû ceux qui nous
ont entraînés dans ces guerres et qui font de nous tous des
complices d’un génocide ?
La similitude entre Lieberman et Goldsmith
saute aux yeux. « Un tiers, voire plus, des Noirs, ne
s’identifient pas à la patrie qui les a vus naître », dit
Goldsmith. A l’instar de Lieberman, Goldsmith sait peu ou prou,
d’avance, qui est susceptible de réussir au « test de loyauté ».
La fiction d’une « politique inclusive » n’a d’autre fonction
que d’accentuer les différences et de marginaliser certaines
minorités. Comme Lieberman, Goldsmith, en son temps, a été
incapable de nous donner la moindre idée de ce que peuvent bien
être les valeurs britanniques. En lieu et place, il a eu recours
à un symbolisme et un légalisme tenant lieu de pensée morale.
Les jours d’Israël sont comptés. Il est impossible de
sauver l’Etat juif, car il est fondé sur une idéologie tribale
raciste. Mais la Grande-Bretagne, elle, peut encore se libérer
de sa période néoconne. Il lui suffit de dé-sioniser son système
politique et ses médias. Au lieu d’être féaux envers des Etats,
nous devons rester en phase avec l’éthique et l’universalisme.
Au lieu de succomber à la tentation de l’interventionnisme
moral, qu’il nous suffise de rechercher en nous-mêmes des lignes
directrices éthiques.