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Palestinethinktank
Unis par un bulldozer - Et puis, à la
réflexion ?
Gilad Atzmon
4 juillet 2008
http://palestinethinktank.com/2008/07/04/united-by-a-bulldozer-and-i-think-to-myself-by-gilad-atzmon/
http://www.gilad.co.uk
http://www.myspace.com/giladaztmon
D’après
Haaretz, le Shin Bet (service de sécurité israélien), l’avocat
général militaire (des Forces Israéliennes de Défense), le
ministre de la Défense Ehud Barak et le Premier ministre
lui-même, Olmert, sont tous favorables à la démolition du
domicile de « terroristes ».
Il n’y a
pas grand-chose à ajouter, si ce n’est que, pour une fois, les
juifs semblent être d’accord entre eux sur quelque chose. Non
seulement ils sont d’accord, mais ils se livrent même à une
compétition à qui sera le plus catégorique et véhément, en la
matière. Ils veulent tous prendre la tête de la belligérance
hébraïque actuelle. Chacun d’entre eux s’efforce de donner, ou
de redonner, forme à une image authentique de vengeance. Force
est bien de le reconnaître : la compassion n’est pas un produit
porteur, dans l’Etat juif…
De fait,
il est presque amusant de lire les déclarations d’Olmert :
« C’est
une attaque venue de l’intérieur d’Israël », dit le Premier
ministre israélien, fin observateur. « Cela crée un enchaînement
de scénarios dont nous n’avions jamais pensé que nous aurions à
les traiter, par le passé », poursuit-il, et je ne sais pas si
je dois rire ou pleurer. Bien que les Israéliens investissent
énormément d’efforts dans la discrimination à fondement racial
contre leurs citoyens palestiniens (qu’ils étiquettent eux-mêmes
« Arabes israéliens », et non pas, tout simplement, concitoyens
israéliens), ils n’en sont pas moins incapable de prédire qu’un
jour ou l’autre, tout risque de sauter. Honnêtement, je trouve
cela difficile à croire. Toutefois, M. Olmert, à ce point dans
son discours, me titille les nerfs. « Nous », dit-il « avons
investis des milliers de shekels dans la construction de… »
Stop ! Arrête, là ! A ce stade, j’ai vraiment besoin de faire
une pause, et de m’éloigner de ce n’importe-quoi. Il faut que
j’aille boire un verre d’eau. Bien entendu, je m’attends à ce
qu’Olmert suive le mantra aveugle de la droite israélienne :
« Nous
avons investi des milliers de shekels dans la construction de
l’infrastructure, dans l’éducation, dans des logements pour les
personnes âgées, dans tous ces villages palestiniens, et eux, au
lieu de nous remercier, que font-ils ? Que font ces ingrats ?
Ils viennent tout simplement, nous tuer !? »
Mais, vous
savez quoi ? J’ai eu tort : ça n’est pas ce que dit Olmert ;
non, en lieu et place, il dit la vérité. Voici exactement ses
propos :
« Nous
avons investi des milliers de shekel dans la construction d’une
barrière de sécurité. Et, bien que celle-ci ait été efficace, il
s’avère qu’une barrière ne pourra jamais apporter de solution au
problème du terrorisme venu de l’intérieur d’Israël, de notre
propre camp ?? »
Eh oui,
c’est là une découverte très triste, pour les Israéliens. Leur
mur mégalomaniaque de béton armé de douze mètres de hauteur –
qu’ils appellent « barrière » (pour une raison que j’ignore) –
ne les a pas sauvés. Il ne leur a pas apporté la sécurité. Faire
de Gaza un camp de concentration, cela n’a pas non plus épargné
à Sderot, ni à Ashkelon, d’être visés par les roquettes Qassâm.
Pas la peine de sortir de Saint-Cyr pour comprendre que, quand
la « muraille » sera achevée, Herzliya, Ramat Asharon et Tel
Aviv seront menacées du même sort. Israël ferait bien
d’envisager de construire un solide mur en béton armé au-dessus
de ses zones peuplées. Sensible comme je le suis au langage
poétique des Israéliens, je subodore déjà qu’ils appelleront ce
toit quelque chose dans le genre de « nuage de défense »,
« plafond de sécurité », voire même « arc-en-ciel en béton » ??
Toutefois,
il faut dire la vérité : certains d’entre eux ne sont pas
entièrement d’accord avec Olmert. Ainsi, du violeur avéré et
néanmoins Vice-premier ministre Haim Raman (du parti Kadima),
qui a déclaré sur la Radio de l’Armée, mercredi matin, qu’Israël
devait traiter Jabel Mukabber ou Zur Baher, des quartiers de
Jérusalem Est, comme si ce fussent des villages palestiniens, et
révoquer le statut de résidents permanents de ceux qui y
habitent.
Pour ceux
qui ne le sauraient pas, le Violeur vice-Premier ministre est
l’architecte à l’origine de l’ainsi dite « barrière de
sécurité ». Apparemment, il veut aujourd’hui modifier sa
sinistre idée originelle. Au lieu d’un simple mur de sécurité
massif et morne, il suggère d’en faire quelque chose
d’élastique, qui permette d’enfermer les « mauvais Arabes »
derrière. Dès lors qu’un « Arabe » serait méchant, voire vivrait
dans le voisinage d’un Arabe méchant, on mettrait tout un
village arabe derrière le mur, ou bien on se contenterait de
confisquer leur carte de résidences à tous ceux qui y résident.
De fait,
l’Etat juif est en train de devenir de plus en plus dynamique et
innovateur, avec ses murs de ghetto émergeant depuis peu, et ses
mesures retorses de discrimination raciale. Voici les propos de
Ramon :
« Une des
principales raisons qui ont fait que cette attaque s’est
produite, hier, avec une telle facilité, c’est le fait qu’il y a
des villages palestiniens, lesquels, pour une raison que
j’ignore, sont appelés « Jérusalem ». Il nous faut les traiter
comme nous traitons Ramallah, Bethléem, Jénine et Naplouse !...
Ce sont des villages palestiniens, qui n’ont jamais fait partie
de Jérusalem ; ils ont été annexés à la ville, en 1967… Aucun
Israélien n’y a jamais vécu, et aucun Israélien n’y va
jamais ! »
Voilà,
tout est dit : « Aucun Israélien n’a jamais vécu là, et aucun ne
s’y rend ».
Nul ne
saurait mieux définir le sentiment judéo-centrique que Ramon. La
citoyenneté d’un Palestinien apparemment détenteur d’une carte
d’identité israélienne pourrait être définie en fonction de
l’importance qu’il a (ou non) aux yeux (au minimum) d’un juif
israélien. D’après Ramon, si aucun « Israélien » ne se rend dans
un village arabe, alors ce village doit être enfermé derrière
des murs. On peut se demander ce qu’il en est des villages
palestiniens, à l’intérieur d’Israël, qui ne sont pas situés à
proximité du mur et qui, néanmoins, ne sont pas fréquentés par
des Israéliens juifs ? Si nous leur en accordons le temps, les
Israéliens vont soit les épurer ethniquement, soit les entourer
de barrières…
Le message
est clair. Les Israéliens sont, de fait, unis, et il est bel et
bon qu’ils soient ainsi unis, car cela nous permet de comprendre
ce qu’est, en réalité, l’Etat juif. Malheureusement, il n’y a
aucun partenaire de paix, dans la société israélienne. La
solution à deux Etats est un doux rêve, et l’Etat unique n’est
pas une solution future : il est d’ores et déjà en train de se
concrétiser, au moyens de faits accomplis sur le terrain, c’est
ce qui est connu comme l’arme ultime des Palestiniens : la
soi-disant bombe démographique…
L’Etat
juif a atteint la phase ultime de son déclin. Apparemment, ses
dirigeants n’essaient plus de dissimuler leur péché. C’est avant
tout le niveau de mal qu’ils mettent en actes quotidiennement
qui finira par les consumer. Une culture qui se nourrit ainsi de
haine et de vengeance est condamnée à s’effondrer. Tout ce qu’il
nous reste à faire, c’est maintenir la pression et
les dénoncer, ainsi que
leurs partisans parmi nous, pour ce qu’ils sont réellement.
Malheureusement, et c’est vraiment, là, une tragédie, les
Palestiniens sont aux premières lignes de la bataille la plus
cruciale qui soit dans la perspective d’un monde meilleur. Les
Palestiniens ont été enfermés dans un combat à mort contre une
identité nationale juive autocentrée, psychotique,
fantasmatique, assoiffée de sang, qui ne connaît aucune pitié.
Aujourd’hui, alors qu’Israël et les lobbies qui le soutiennent
font manifestement tout ce qu’ils peuvent afin de nous entraîner
dans une troisième guerre mondiale, la moindre des choses que
nous puissions faire, c’est soutenir les Palestiniens. Les
choses étant ce qu’elles sont, une petite nation dépossédée et
courageuse fait face, totalement seule, à ce qui semble le plus
grand ennemi de la paix au monde, j’ai nommé Israël. Aussi
désespérant que cela semble, cette bataille palestinienne, c’est
notre bataille. Libérer la Palestine, c’est sauver l’humanité.
Deuxième
partie : et puis, je me dis, en moi-même… ?
Je vous
livre une question qui me turlupine depuis un jour ou deux.
Sachant
qu’aucune organisation palestinienne combattante de la liberté
n’a revendiqué la responsabilité de l’attentat au bulldozer qui
s’est produit, voici deux jours, je me demande pourquoi les
Israéliens sont tellement persuadés qu’il s’agissait d’un
attentat terroriste ?
Il aurait
pu tout aussi bien s’agir d’un homme légèrement dérangé, qui
aurait pu avoir une engueulade au téléphone avec sa femme, ou
alors une dispute carabinée avec son patron israélien, qui lui a
peut-être fait péter une durite ?
J’aurais
tendance à penser que, pour que l’on puisse déclarer qu’un
incident est un attentat terroriste, il faut qu’on ait établi,
au préalable, qu’il y avait un scénario ou un mobile
terroriste ? Sans avoir établi une telle motivation, nous sommes
condamnés à admettre que nous avons affaire, dans le cas
d’espèce, à une affaire criminelle, qui doit faire l’objet d’une
enquête. Nous devons, tout aussi bien, nous garder de conclure
de manière par trop hâtive.
Toutefois,
dans le cas qui nous occupe, les Israéliens semblent
particulièrement sûrs d’eux. Pour eux, il n’y a pas le moindre
doute : le conducteur du bulldozer n’était rien de moins qu’un
terroriste assassin.
Pour les
Israéliens, un événement devient un acte de terreur dès lors
qu’un juif y a été terrorisé (idéalement, par un Gentil, mais ça
n’est pas nécessairement le cas).
Mais c’est
là qu’intervient un gauchissement absolument effrayant.
Dès lors
que tout juif, sur notre Planète, peut potentiellement être
terrorisé pratiquement par tout et n’importe quoi et par
n’importe qui, nous sommes condamnés à admettre qu’en ce qui
concerne les juifs, l’univers et ses habitants peuvent être
considérés comme un gigantesque acte de terreur potentiel. De
même que le réchauffement climatique global et le cancer peuvent
terrifier certains juifs, nous sommes tous, potentiellement, des
terroristes, en raison du seul fait que nous existons, et que
nous gueulons la vérité.
Prenant
connaissance d’Olmert et de ses brigades de démolition de
maisons, je suggère que nous prenions certaines mesures et que
nous nous préparions à la démolition de nos propres habitations.
Avec un peu de chance, cela se terminera « simplement » par la
construction, par Haim Ramon, d’un « mur de sécurité » qui nous
emprisonnera.
Il faut
dire la vérité. Avant l’émancipation des juifs, c’était les
juifs qui s’enfermaient – volontairement – derrière des murs.
Grâce à l’ascension de la toute-puissance régionale qu’est
Israël, ce sont désormais les juifs (les Israéliens) qui
enferment les goyim (les Palestiniens) derrière des murs, et ce,
contre leur volonté.
D’un point
de vue exclusivement nationaliste juif, ce retournement est vécu
comme un succès majeur et incontestable.
Nous avons intérêt à ne pas oublier que l’arsenal israélien, lequel est
composé de plusieurs centaines de bombes nucléaires, n’a pour
finalité ni la décoration, ni l’aide humanitaire. Une arme
nucléaire que l’on aura introduite à l’acte I sera activée avant
la scène finale. Et, au cas où vous ne le comprendriez pas, ils
en ont fabriqué suffisamment pour nous tous. Manifestement,
s’ils l’ont fait, c’est qu’ils avaient une raison, pour cela…
Traduit de
l’anglais par Marcel Charbonnier
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