Opinion
Chávez, Evo et
Obama (Deuxième partie et fin)
Fidel
Castro Ruz
Fidel
Castro - Photo: RIA Novosti
Jeudi 29
septembre 2011
Il se peut – ce qui reste à prouver –
que notre Prix Nobel cherche à se
tromper lui-même, ce qui expliquerait
les contradictions incroyables de ses
raisonnements et la confusion qu’il
instille à ses auditeurs.
Il n’y a pas un iota d’éthique, voire de
politique, dans sa tentative de
justifier sa décision déjà annoncée
d’opposer son veto à toute résolution
favorable à la reconnaissance de la Palestine comme un État indépendant membre de
plein droit des Nations Unies. Jusqu’à
des hommes politiques qui sont loin
d’avoir une pensée socialiste et
dirigent des partis qui ont été des
alliés proche d’Augusto
Pinochet, proclament le droit de la Palestine à être membre de l’ONU.
Les déclarations de
Barack Obama
sur le point principal discuté
aujourd’hui à l’Assemblée générale de
cette organisation ne peuvent soulever
les applaudissements que des canons, des
missiles et des bombardiers de l’OTAN.
Le reste de son discours sont des mots
creux, dénués d’autorité morale et de
signification. Constatons par exemple la
vacuité de ses idées quand, dans un
monde affamé et pillé par les
transnationales et la surconsommation
des pays capitalistes développés, il
affirme :
Pour stopper les maladies qui traversent
les frontières, nous devons renforcer
notre système de santé publique. Nous
continuerons de lutter contre le
VIH/sida, la tuberculose et le
paludisme. Nous mettrons l’accent sur la
santé de la mère et de l’enfant. Et nous
devons œuvrer de concert pour prévenir,
dépister et combattre toutes sortes de
danger biologique, qu’il s’agisse d’une
pandémie comme le H1N1, ou d’une menace
terroriste ou d’une maladie curable.
[…] Pour préserver notre planète, nous
ne devons pas différer les actions que
demandent les changements climatiques.
Nous devons exploiter le pouvoir de la
science pour sauver les ressources qui
sont rares. Et nous devons continuer de
travailler ensemble pour prolonger les
progrès que nous avons faits à
Copenhague et à
Cancún, de façon que l’ensemble
des principales économies ici présentes
persiste dans les engagements que nous
avons pris. Nous devons œuvrer de
concert pour transformer l’énergie qui
fait fonctionner nos économies et
soutenir les autres qui vont dans cette
direction. Tel est l’engagement que nous
demande la prochaine génération.
Et pour garantir que nos sociétés
atteignent leur vrai potentiel, nous
devons permettre à nos citoyens
d’atteindre le leur.
Tout le monde sait que les États-Unis
n’ont pas signé le Protocole de Kyoto et
qu’ils ont saboté tous les efforts
consentis pour préserver l’humanité des
terribles conséquences des changements
climatiques, bien que ce soient eux qui
consomment un part considérable et
disproportionnée des carburants et des
ressources du monde.
Je ne peux renoncer au plaisir de
reproduire les paroles idylliques par
lesquelles il a prétendu duper les
hommes d’État réunis devant lui :
Je sais qu’aucune ligne droite ne
conduit à ce progrès, ni aucun chemin
isolé au succès. Nous venons de cultures
différentes et nous apportons avec nous
des histoires différentes. Mais
n’oublions jamais que même si nous nous
réunissons ici en tant que chefs de
différents gouvernements, nous
représentons des citoyens qui partagent
les mêmes aspirations essentielles :
vivre dans la dignité et la liberté ;
bénéficier d’une éducation et jouir de
possibilités ; aimer nos familles, aimer
et adorer notre Dieu ; vivre dans une
paix qui rende la vie digne d’être
vécue.
C’est la nature de notre monde imparfait
qui nous contraint à apprendre
constamment ces leçons. […] …ceux qui
sont venus avant nous ont jugé que la
paix était préférable à la guerre, la
liberté à la répression, la prospérité à
la pauvreté. Tel est le message qui
émane, non des capitales, mais des
citoyens, de notre peuple.
Et quand la première pierre de cet
édifice a été posée, le président Truman
est venu à New York et a dit : « Les
Nations Unies sont essentiellement une
expression de la nature morale des
aspirations humaines. » La nature morale
des aspirations humaines. Comme nous
vivons dans un monde qui change à une
allure époustouflante, c’est là une
leçon que nous ne devons jamais oublier.
La paix est dure à instaurer, mais nous
savons qu’elle est possible. Ainsi donc,
faisons donc en sorte, ensemble, qu’elle
soit définie par nos espoirs, non par
nos peurs. Bâtissons ensemble la paix,
mais une paix – ce qui est le plus
important – qui soit durable.
Je vous remercie.
L’écouter jusqu’au bout mérite plus que
de la gratitude : un prix !
Comme je l’ai déjà dit, le président de
l’État plurinational de Bolivie,
Evo Morales
Ayma, a pris
la parole en début d’après-midi, entrant
rapidement dans le vif des points
essentiels :
…la différence est très claire entre la
culture de la vie et la culture de la
mort ; entre la vérité et la fausseté ;
entre la paix et la guerre.
…je sens qu’il va nous être difficile de
nous comprendre dans le cadre de
politiques économiques qui concentrent
le capital en quelques mains. Les
données prouvent que 1 p. 100 de la
population mondiale concentre 50 p. 100
des richesses. Avec de si profonds
clivages, comment peut liquider la
pauvreté ? Et si nous ne liquidons pas
la pauvreté,
comme pourra-t-on garantir une
paix durable ?
Quand j’étais enfant, je me rappelle
parfaitement que, quand les peuples se
soulevaient contre le système
capitaliste, contre les modèles
économiques de pillage permanent de nos
ressources naturelles, on accusait les
dirigeants syndicaux, les dirigeants
politiques de gauche d’être des
communistes et qu’on les arrêtait ;
qu’on réprimait militairement les forces
sociales à coups de confinements,
d’exils, de massacres, de persécutions,
d’incarcérations, d’accusations d’être
des communistes, des socialistes, des
maoïstes, des marxistes-léninistes. Je
constate que ce n’est plus le cas
maintenant : on ne nous accuse plus de
marxistes-léninistes, on nous accuse de
narcotrafiquants ou de terroristes…
…des interventions se préparent contre
les présidents, contre les
gouvernements, contre les peuples qui ne
sont pas en faveur du capitalisme et de
l’impérialisme.
…on nous parle d’une paix durable. Mais
quelle paix durable peut-elle exister
avec tant de bases militaires
étasuniennes ? Quelle paix durable
peut-elle exister devant tant
d’interventions militaires ?
À quoi servent donc ces Nations Unies si
un petit groupe de pays y décide
d’interventions, de massacres ?
Si nous voulons que cette
organisation-ci, les Nations Unies, ait
assez d’autorité pour faire respecter
ses résolutions, eh bien, nous devons
commencer par penser à la refonder…
Tous les ans, la quasi-totalité des
membres des Nations Unies – exception
faite des USA et d’Israël – vote la
levée du blocus économique imposé à
Cuba. Et pourtant, qui fait respecter
cette résolution ? Bien entendu, le
Conseil de sécurité ne va jamais faire
respecter cette résolution de
l’Assemblée générale ! […] J’ai du mal à
comprendre comment une organisation de
tous les pays du monde ne respecte même
pas ses propres résolutions. Qu’est-ce
donc que les Nations Unies ?
Je tiens à dire que
la Bolivie
n’ignore pas la reconnaissance de
la Palestine
par les Nations Unies : au contraire,
la Bolivie
donne la bienvenue à
la Palestine
aux Nations Unies.
Vous savez que je proviens du mouvement
paysan indigène et que nos familles,
quand on parle d’une entreprise, pensent
qu’elle a toujours beaucoup d’argent,
que ses patrons sont des millionnaires,
et elles ne comprenaient pas qu’une
entreprise demande de l’argent à l’État
pour faire un investissement.
Voilà pourquoi je dis que ces
organisations financières
internationales font des affaires à
travers les entreprises privées, mais
qui paie tout ça ? Tout simplement les
peuples, les
Etats.
…la
Bolivie
a une demande historique envers le Chili
pour recouvrer un accès souverain au
Pacifique. Et elle a donc pris la
décision de recourir aux cours
internationales pour réclamer un accès
utile et souverain à l’océan Pacifique.
La résolution 37/10 de l’Assemblée
générale de l’ONU, en date du 15
novembre 1982, stipule que « le recours
à un tribunal international de justice
pour régler des différends entre États
ne saurait être considéré comme un acte
inamical ».
La Bolivie
se prévaut du droit et de la raison pour
recourir à une cour internationale,
parce que son enfermement est le fruit
d’une guerre injuste, d’une invasion.
Demander un règlement dans un cadre
international représente pour
la Bolivie
la réparation d’une injustice
historique.
La Bolivie
est un État pacifiste qui privilégie le
dialogue avec ses voisins, et c’est
pourquoi elle maintient ouvertes les
voies de négociation bilatérale avec le
Chili, sans pour autant renoncer à son
droit de recourir à une cour
internationale…
Les peuples ne sont pas responsables de
l’enfermement maritime de
la Bolivie. Les
fautifs, ce sont les oligarchies, les
transnationales qui s’emparent comme
toujours de leurs ressources naturelles.
Le Traité de 1904 n’a pas apporté
la paix ni l’amitié ; il a fait
que
la Bolivie
n’ait pas pu accéder pendant plus d’un
siècle à un port souverain.
…en Amérique, un autre mouvement des
pays latino-américains et caribéens est
en gestation, une nouvelle OEA sans les
États-Unis, pour nous libérer de
certains diktats. Heureusement, grâce à
la petite expérience que nous avons à l’UNASUR
[…] nous n’avons plus besoin, en cas de
différends entre pays […] que quelqu’un
vienne d’en-haut
et du dehors y mettre bon ordre.
Je veux aussi saisir l’occasion pour
aborder un point clef : la lutte contre
le trafic de drogues, que l’impérialisme
étasunien utilise à des fins
foncièrement politiques. En Bolivie,
la DEA
étasunienne ne luttait pas contre le
trafic de drogues ; elle contrôlait le
trafic de drogues à des fins politiques.
S’il existait un dirigeant syndical ou
un dirigeant politique
anti-impérialiste, eh bien
la DEA
était là pour l’impliquer. Nous avons
été de nombreux dirigeants, de nombreux
hommes politiques à échapper à ces
manigances de l’Empire pour nous
impliquer dans le trafic de drogues. Et
les tentatives se poursuivent.
Ces dernières semaines, des médias
étasuniens affirmaient que l’avion de la
présidence était arraisonné aux USA à
cause de traces de cocaïne. Quel
mensonge ! Mais c’est bien ainsi qu’on
tente de duper la population en
orchestrant une sale campagne contre le
gouvernement, voire contre l’Etat. Or,
que font les Etats-Unis ? Ils « décertifient »
la Bolivie
et le Venezuela. De quelle autorité
morale peuvent se prévaloir les
États-Unis pour certifier ou « décertifier »
les pays d’Amérique du Sud ou d’Amérique
latine ? Alors qu’ils sont le premier
consommateur de drogues au monde, alors
qu’ils sont les plus gros producteurs de
marihuana au monde ! […] Au nom de
quelle autorité morale peuvent-ils donc
certifier ou « décertifier » ?
C’est là une autre manière de faire peur
à nos pays ou de les intimider.
N’empêche que
la Bolivie
lutte contre le trafic de drogues d’une
manière absolument responsable.
Ce même rapport des États-Unis, ou
plutôt de leur département d’État,
reconnaît que la culture de la coca a
nettement diminué, que la prohibition
s’est améliorée.
Mais où est donc le marché ? Car c’est
le marché qui est à l’origine du trafic
de drogues. Eh bien, le marché est ici.
Et qui donc « décertifie »
les États-Unis pour n’avoir pas réduit
leur marché ?
Ce matin, le président mexicain,
Calderón, a
dit que le marché de la drogue
continuait de croître, mais que personne
ne prenait la responsabilité de le
réduire. […] Luttons donc en partageant
les responsabilités. […] En Bolivie,
nous n’avons pas peur. Finissons-en avec
le secret bancaire si nous voulons
vraiment lutter contre le trafic de
drogues.
L’une des crises, découlant de la crise
du capitalisme, est la crise
alimentaire. […] Nous avons une petite
expérience en Bolivie : on offre des
crédits aux producteurs de riz, de maïs,
de blé et de soja, sans aucun intérêt,
et ils peuvent même éponger leur dette
avec leurs produits. Ce sont des crédits
dans des conditions de faveur pour
stimuler la production. Et pourtant les
banques internationales ne prennent
jamais en considération les petits
producteurs, ou les associations, les
coopératives, qui peuvent très bien
contribuer si on leur en donne la
possibilité. […] Il faut en finir avec
le marché dit compétitif.
Dans une compétition, qui donc gagne? Le
plus puissant, celui qui a le plus
d’avantages. Les transnationales, et
toujours elles. Et qu’arrive-t-il alors
au petit producteur ? Qu’arrive-t-il
alors à la famille qui veut s’en sortir
par ses propres efforts? […] Avec cette
politique de concurrence, nous n’allons
jamais pouvoir régler la question de la
pauvreté.
Je dirai, pour conclure mon
intervention, que la crise du
capitalisme est désormais irréversible.
[…] La crise économique du capitalisme
n’est pas conjoncturelle, elle est
structurelle. Et pourtant, que font les
pays capitalistes ou les pays
impérialistes ? Ils cherchent le moindre
prétexte pour intervenir dans un pays et
pour en récupérer les ressources
naturelles.
Le président étasunien a dit ce matin
que l’Iraq était désormais libre, que
c’étaient les Iraquiens qui allaient
maintenant gouverner. Il se peut bien
que les Iraquiens gouvernent, mais leur
pétrole, aux mains de qui est-il
maintenant ?
Il s’est félicité : fini l’autocratie en
Libye, maintenant c’est la démocratie.
Peut-être bien, mais le pétrole libyen,
aux mains de qui restera-t-il
maintenant ? […] Les bombardements
n’avaient rien à voir avec Kadhafi ou
avec quelques rebelles : l’intérêt,
c’était la conquête du pétrole libyen.
…Ils
veulent donc régler leur crise,
la crise du capitalisme, en récupérant
nos ressources naturelles, à partir de
notre pétrole, de notre gaz, de nos
ressources naturelles.
…nous avons une énorme responsabilité :
défendre les droits de
la Terre
nourricière.
…la meilleure façon de défendre les
droits humains, maintenant, c’est de
défendre les droits de
la Terre
nourricière. […] Nous avons ici une
énorme responsabilité : approuver les
droits de
la Terre
nourricière. Voilà soixante ans, on a
approuvé
la Déclaration
universelle des droits de l’homme. Voilà
à peine soixante ans qu’on s’est rendu
compte aux Nations Unies que l’être
humain avait aussi des droits ! Après
les droits politiques, après les droits
économiques, après les droits des
peuples indigènes, nous avons maintenant
une énorme responsabilité : défendre les
droits de
la Terre
nourricière.
Nous sommes aussi convaincus que la
croissance infinie sur une planète finie
est insoutenable, impossible. La limite
de la croissance est la capacité de
génération des écosystèmes de
la Terre.
[…] Lançons un appel à […] un nouveau
décalogue de revendications sociales au
sujet des systèmes financiers, des
ressources naturelles, des services de
base, de la production, de la dignité et
de la souveraineté, et, sur ces bases,
commençons à refonder les Nations Unies,
pour qu’elles soient vraiment la plus
grande instance où régler les questions
de la paix, de la pauvreté, de la
dignité et de la souveraineté des
peuples du monde.
Nous espérons que l’expérience que j’ai
vécue comme président puisse servir à
quelque chose, de même que je viens
apprendre de beaucoup d’entre vous, afin
de continuer de travailler à l’égalité
et à la dignité du peuple bolivien.
Je vous remercie.
Après ces concepts clefs d’Evo
Morales, le président de l’Autorité
nationale de Palestine, Mahmoud Abbas,
qui a pris la parole deux jours plus
tard, a exposé les souffrances
dramatiques des Palestiniens :
…l’énorme injustice historique commise
contre notre peuple… Voilà pourquoi
décision a été prise d’établir l’État
palestinien sur seulement 22 p. 100 du
territoire palestinien et sur tout le
territoire palestinien occupé par Israël
en 1967. Faire ce pas historique, auquel
les États du monde ont applaudi,
permettrait […] de ramener la paix sur
la terre de la paix.
Notre peuple continuera de résister
pacifiquement à l’occupation d’Israël, à
ses colonies et à sa politique
d’apartheid, ainsi qu’à la construction
du mur d’annexion raciste […], armé de
rêves, de courage, d’espoir et de
slogans face aux chars, aux gaz
lacrymogènes, aux bouteurs et aux
balles.
…nous voulons tendre la main au
gouvernement et au peuple israéliens
pour instaurer la paix. Et je leur dis :
construisons ensemble, d’urgence, un
avenir pour nos enfants afin qu’ils
puissent jouir de la liberté, de la
sécurité et de la prospérité. […] Nouons
des rapports de coopération fondés sur
la parité, l’équité et l’amitié entre
deux États voisins,
la Palestine
et Israël, au lieu de ces politiques
d’occupation, de colonisation, de guerre
et d’extermination de l’autre.
Quasiment un demi-siècle s’est écoulé
depuis cette occupation brutale,
stimulée et appuyée par les États-Unis.
Et pourtant, il ne se passe pas un seul
jour sans que le mur continue de
s’ériger, sans que de monstrueux engins
mécaniques démolissent des logements
palestiniens, sans qu’un jeune, voire un
adolescent, palestinien soit blessé ou
tué.
Que de profondes vérités contiennent les
paroles d’Evo!
Fidel Castro Ruz
Le 26 septembre 2011
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