Opinion
Chávez, Evo et
Obama (Première partie)
Fidel
Castro Ruz

Fidel
Castro - Photo: RIA Novosti
Mercredi 28
septembre 2011
Je fais une pause dans les tâches qui
occupent tout mon temps ces jours-ci
pour dire quelques mots au sujet de la
soixante-sixième session de l’Assemblée
générale des Nations Unies qui offre une
occasion singulière à la science
politique.
Cette réunion annuelle demande un gros
effort et constitue une dure épreuve
pour ceux qui occupent les plus hautes
responsabilités politiques dans bien des
pays. Quant aux amateurs de cet art, qui
ne sont pas peu nombreux dans la mesure
où il touche vitalement tout le monde,
il leur est difficile d’échapper à la
tentation d’observer ce spectacle
interminable, quoiqu’instructif.
Il existe tout d’abord une foule de
thème épineux et de conflits d’intérêts.
Un grand nombre de participants doivent
prendre position au sujet de faits qui
constituent des violations de principes
flagrantes. Ainsi, quelle position
adopter devant les massacres de l’OTAN
en Libye ? Quel gouvernement
souhaite-t-il vraiment laisser un
témoignage qu’il a appuyé le crime
monstrueux des États-Unis et de leurs
alliés de l’OTAN dont les avions dernier
cri, avec ou sans pilote, ont réalisé
plus de vingt mille missions d’attaque
contre un petit État du Tiers-monde d’à
peine six millions d’habitants,
alléguant des mêmes prétextes qu’ils ont
avancés hier pour attaquer ou envahir la
Serbie, l’Afghanistan, l’Iraq, et qu’ils
avancent aujourd’hui pour menacer de le
faire contre la Syrie ou n’importe quel
autre pays du monde ?
Or, n’est-ce donc pas le gouvernement de
l’État hôte de l’ONU qui a réalisé la
boucherie du Vietnam, du Laos et du
Cambodge, l’attaque mercenaire de la
baie des Cochons à Cuba, l’invasion de
Saint-Domingue, la « sale guerre » au
Nicaragua, l’occupation de la Grenade,
l’attaque du Panama et le massacre de
ses habitants d’El Chorrillo ? Qui donc
a fomenté les coups d’États militaires
et les tueries au Chili, en Argentine et
en Uruguay, qui se sont soldés par des
dizaines de milliers de morts et de
disparus ? Je ne parle pas de faits
survenus voilà cinq cents ans quand les
Espagnols inaugurèrent le génocide en
Amérique ou voilà deux cents ans, quand
les Yankees exterminaient les Indiens
aux États-Unis ou esclavageaient les
Africains, bien que, selon la
Déclaration de Philadelphie, « tous les
hommes naissent libres et égaux » ; non,
je parle de faits survenus ces dernières
décennies et survenant aujourd’hui même.
On ne saurait manquer de rappeler et
d’évoquer ces faits face à un événement
aussi important et aussi marquant que
cette session de l’Organisation des
Nations Unies qui met à l’épreuve la
fermeté politique et la morale des
gouvernements.
Beaucoup y représentent des pays petits
et pauvres qui ont besoin de l’appui et
de la coopération internationale, de la
technologie, des marchés et des crédits
que les puissances capitalistes
développées ont manipulés à leur guise.
Malgré le monopole que les médias
exercent d’une manière éhontée et les
méthodes fascistes auxquelles recourent
les États-Unis et leurs alliés pour
berner et duper l’opinion mondiale, la
résistance des peuples se durcit, et
l’on peut le constater dans les débats
en cours aux Nations Unies.
De nombreux dirigeants du Tiers-monde
ont, malgré les obstacles et les
contradictions susmentionnés, exposé
leurs idées avec courage. Ainsi, on ne
perçoit plus dans les voix des
gouvernements latino-américains et
caribéens le honteux accent
lèche-bottes, manière OEA, qui
caractérisait les prises de position des
chefs d’État ces dernières décennies.
Deux d’entre eux se sont adressés à
l’Assemblée générale, et tous deux, le
président bolivarien Hugo Chávez,
sang-mêlé des races qui forme le peuple
vénézuélien, et Evo Morales, de la pure
lignée millénaire des indigènes, ont
présenté leurs vues à cette session, le
premier à travers un message, le second
en direct pour répondre au discours du
président yankee.
La chaîne Telesur a transmis les trois
prises de position, ce qui a permis de
connaître, dès mardi soir, 20 septembre,
le message du président Chávez que
Walter Martínez a lu à son programme
Dossier. Obama, lui, a pris la parole
mercredi matin, en tant que chef d’État
du pays hôte de l’ONU, et Evo Morales
l’a fait ce même jour en début
d’après-midi. Pour faire court, je
reprendrai les paragraphes essentiels de
chaque texte.
Chávez n’a pas pu assister
personnellement au sommet des Nations
Unies, parce que douze années de lutte
inlassable, sans un jour de repos, ont
menacé sa santé et mis sa vie en danger
et qu’il se bat aujourd’hui avec courage
pour se rétablir pleinement. Mais il ne
pouvait pas ne pas aborder le point le
plus épineux de cette session historique
dans son message courageux que je
reproduis presque intégralement :
Je m’adresse à l’Assemblée générale de
l’Organisation des Nations Unies […]
pour ratifier aujourd’hui et en ce lieu
l’appui total du Venezuela à la
reconnaissance de l’État de Palestine,
au droit de la Palestine de se convertir
en un État libre, souverain et
indépendant. Il s’agit là d’un acte de
justice historique envers un peuple qui
porte en soi depuis toujours toute la
douleur et toute la souffrance du monde,
Le grand philosophe français Gilles
Deleuze a dit, empruntant l’accent de la
vérité […] : « La cause palestinienne
est avant tout l’ensemble des injustices
que ce peuple a souffert et continue de
souffrir. »
Il est aussi –
oserai-je ajouter – une volonté de
résistance permanente et irrépressible
qui est d’ores et déjà inscrite dans la
mémoire héroïque de la condition
humaine. […] Mahmoud Darwish, cette voix
infinie de la Palestine possible, nous
parle depuis le sentiment et la
conscience de cet amour :
Qu’avons-nous besoin du souvenir
Le Carmel est en nous
Et sur nos paupières pousse l’herbe de
Galilée
Ne dis pas : Que ne courrions-nous pas
comme un fleuve pour le rejoindre
Nous sommes dans la chair de notre pays
Il est en nous
Contre ceux qui soutiennent à tort que
ce que le peuple palestinien a souffert
n’est pas un génocide, Deleuze soutient
avec une lucidité implacable : « D’un
bout à l’autre, il s’agira de faire
comme si le peuple palestinien, non
seulement ne devait plus être, mais
n’avait jamais été. » C’est là
- comment dire ? – le degré zéro du
génocide : décréter qu’un peuple
n’existe pas ; lui nier le droit à
l’existence.
[…] Aussi la solution du conflit du
Moyen-Orient passe-t-elle forcément par
la justice à rendre au peuple
palestinien : telle est la seule voie si
l’on veut conquérir la paix.
L’on souffre et l’on s’indigne de
constater que ceux qui ont subi l’un des
pires génocides de l'Histoire se sont
convertis en bourreaux du peuple
palestinien ; l’on souffre et l’on
s’indigne de constater que le legs de
l’Holocauste est la Nakba. Et l’on
s’indigne tout court de constater que le
sionisme continue de recourir au
chantage de l’antisémitisme contre ceux
qui s’opposent à ses sévices et à ses
crimes. Israël a instrumentalisé et
instrumentalise d’une façon éhontée et
vile la mémoire des victimes. Et il le
fait pour pouvoir agir en toute impunité
contre la Palestine. Il n’est pas
oiseux, soit dit en passant, de rappeler
que l’antisémitisme est une plaie
occidentale, européenne, dont les Arabes
ne sont pas partie prenante. N’oublions
pas en plus que c’est le peuple sémite
palestinien qui souffre de l’épuration
ethnique pratiquée par l’État
colonialiste israélien.
Qu’on me comprenne bien : autre chose
est refuser l’antisémitisme, autre
chose, et très différente, d’accepter
passivement que la barbarie sioniste
impose au peuple palestinien un régime
d’apartheid. D’un point de vue éthique,
quiconque refuse le premier doit
condamner le second.
…le sionisme, comme vision du monde, est
foncièrement raciste. Les affirmations
de Golda Meir en sont, dans le cynisme
atterrant, la preuve criante : « Comment
pourrions-nous rendre les territoires
occupés ? Il n’y a personne à qui les
rendre ! Ce qu’on appelle les
Palestiniens n’existe pas. Ce n’est pas
comme on pensait : qu’il existait un
peuple dit palestinien, qui se considère
lui-même palestinien, et qu’à notre
arrivée nous avons expulsé et auquel
nous avons enlevé son pays. Non, ils
n’existaient pas. »
[…]
Lisez et relisez donc ce document qui
est passé à l’Histoire comme la
Déclaration de Balfour de 1917 : le
gouvernement britannique s’arrogeait la
faculté de promettre aux juifs un foyer
national en Palestine, méconnaissant
délibérément la présence de ses
habitants et leur volonté. Et rappelons
que chrétiens et musulmans ont vécu en
paix, des siècles durant, en Terre
sainte jusqu’à ce que le sionisme ait
entrepris de la revendiquer comme sa
propriété entière et exclusive.
Rappelons encore [..] qu’à la fin de la
Seconde Guerre mondiale, le peuple
palestinien verrait sa tragédie empirer
par son expulsion à la fois de son
territoire et de l’Histoire. La
résolution 181 des Nations Unies –
ignominieuse et illégale – recommanda en
1947 la partition de la Palestine en un
État juif, en un État arabe et en une
zone sous contrôle international
(Jérusalem et Bethléem), concédant ainsi
[…] 56 p. 100 du territoire au sionisme
pour qu’il y constitue son État. Cette
Résolution violait de fait le droit
international et bafouait d’une manière
flagrante la volonté des grandes
majorités arabes : le droit des peuples
à l’autodétermination devenait lettre
morte.
[…]
…contrairement à ce qu’Israël et les
États-Unis prétendent faire accroire au
monde à travers les transnationales de
la communication, ce qu’il est arrivé et
ce qu’il continue d’arriver en Palestine
n’est pas – disons-le avec Saïd – un
conflit religieux : c’est un conflit
politique marqué au sceau du
colonialisme et de l’impérialisme ; ce
n’est pas un conflit millénaire : c’est
un conflit contemporain ; ce n’est pas
un conflit qui est né au Moyen-Orient :
c’est un conflit qui est né en Europe.
Quel était et quel est encore le nœud du
conflit ? Le fait qu’on privilégie dans
les discussions et les analyses la
sécurité d’Israël, jamais celle de la
Palestine. L’histoire récente le
corrobore : il suffit de rappeler la
nouvelle équipée génocidaire déclenchée
à Gaza par Israël à travers l’opération
Plomb fondu.
On ne saurait ramener la sécurité de la
Palestine à la simple reconnaissance
d’un gouvernement autonome et d’un
contrôle policier limités dans ses
« enclaves » de la Rive Ouest du
Jourdain et de la bande de Gaza, tout en
ignorant non seulement la création de
l’État palestinien dans les frontières
antérieures à 1967, avec Jérusalem-Est
comme capitale, les droits de ses
nationaux et le droit de son peuple à
l’autodétermination, mais encore le
droit à la compensation et le droit au
retour de la moitié de la population
palestinienne dispersée dans le monde
entier, aux termes de la Résolution 194.
Il est incroyable qu’un pays, Israël,
qui doit son existence à une résolution
de l’Assemblée générale puisse mépriser
à ce point les résolutions émanant des
Nations Unies ! Voilà ce que dénonçait
le père Miguel D’Escoto quand il
réclamait la fin du massacre de la
population de Gaza fin 2008 et début
2009.
[…]
On ne saurait ignorer la crise des
Nations Unies. J’ai soutenu en 2005,
devant cette même Assemblée générale,
que le modèle des Nations Unies
périclitait. Le fait que le débat sur la
question de Palestine ait été ajourné et
qu’on soit en train de le saboter
ouvertement en est une nouvelle
confirmation.
Washington ne cesse de répéter depuis
plusieurs jours qu’il opposera son veto,
au Conseil de sécurité, à ce qui sera
une résolution majoritaire de
l’Assemblée générale : à la
reconnaissance de la Palestine comme
membre de plein droit de l’ONU. Nous
avons d’ores et déjà déploré, aux côtés
des nations sœurs qui constituent
l’Alliance bolivarienne des peuples de
Notre Amérique (ALBA), dans la
Déclaration de reconnaissance de l’État
de Palestine, qu’une aspiration si juste
soit bloquée par ce biais. L’Empire,
nous le savons tous, prétend dans ce cas
comme dans d’autres imposer un
deux-poids-deux-mesures dans l’arène
internationale : c’est là la double
morale yankee qui, tout en violant le
droit international en Libye, permet à
Israël de faire ce qu’il lui chante,
devenant ainsi le principal complice du
génocide que la barbarie sioniste commet
contre les Palestiniens. Je rappelle une
phrase de Saïd qui met bien le doigt sur
la plaie : compte tenu des intérêts
d’Israël aux États-Unis, la politique de
ce pays au Moyen-Orient est donc
israélocentriste.
Je voudrais conclure en faisant entendre
la voix de Mahmoud Darwish dans un poème
mémorable
Sur cette terre :
Il y a sur cette terre ce qui mérite de
vivre
Il y a sur cette terre,
Le commencement des commencements,
La fin des fins.
On l’appelait Palestine et on l’appelle
désormais Palestine.
Madame, je mérite, parce que vous êtes
ma dame,
Je mérite de vivre.
Elle continuera de s’appeler la
Palestine. La Palestine vivra et
vaincra ! Vive la Palestine libre,
souveraine et indépendante !
Hugo Chávez Frías
Président de la République bolivarienne
du Venezuela
Quand la session s’est ouverte le
lendemain matin, ses mots étaient gravés
dans le cœur et l’esprit des délégués
réunis.
Le dirigeant bolivarien n’est pas un
ennemi du peuple juif. Fort de sa
sensibilité si particulière, il hait
profondément le crime brutal que les
nazis ont commis contre des enfants, des
femmes et des hommes, jeunes ou vieux,
dans les camps de concentration où –
faut-il le rappeler, bien que personne
ne le mentionne ? – les gitans ont été
victimes de crimes atroces et d’une
tentative d’extermination, et où des
centaines de milliers de Russes ont
aussi péri en tant que race inférieure
selon les conceptions raciales nazies.
De retour dans son pays en provenance de
Cuba, le jeudi 22 septembre au soir, il
s’est référé, indigné, au discours
prononcé par Barack Obama aux Nations
Unies. Je l’ai rarement entendu parler
avec un tel désenchantement d’un
dirigeant qu’il traitait jusque-là avec
un certain respect en tant que victime
de la propre histoire de discrimination
raciale aux États-Unis, dont il
conservait un souvenir respectueux
découlant de leurs échanges au Sommet de
Trinité-et-Tobago, mais qu’il n’aurait
jamais cru capable d’agir comme un
George W. Bush :
« Hier, nous avons écouté une série de
discours, et avant-hier aussi, aux
Nations Unies, des discours précis comme
celui de la président Dilma Rousseff,
des discours d’une grande charge morale
comme celui du président Evo Morales,
mais aussi un discours, celui du
président Obama, qu’on pourrait
qualifier de monument au cynisme. Oui,
un cynisme, peint sur son propre visage
qui était d’ailleurs tout un poème !
Obama lançant un appel à la paix, vous
imaginez un peu ? Au nom de quelle
morale ? Oui, un monument historique au
cynisme, ce discours du président Obama.
« On a aussi entendu des discours
précis, ouvrant des voies : celui du
président Lugo, celui de la présidente
argentine, fixant des positions
courageuses face au monde. »
Une fois la session inaugurée à New
York, mercredi 21 septembre au matin,
par le discours de la présidente
brésilienne, le président étasunien est
monté à la tribune et a pris la parole :
Depuis presque sept décennies, quand
bien même les Nations Unies ont
contribué à empêcher une troisième
guerre mondiale, nous vivons encore dans
un monde balafré par les conflits et
tourmenté par la pauvreté. Quand bien
même nous proclamons notre amour de la
paix et notre haine de la guerre, le
monde reste en proie à des troubles qui
nous mettent tous en danger.
Je serais curieux de savoir à quel
moment, selon Obama, l’ONU a empêché une
troisième guerre mondiale !
Je suis entré en fonction alors que les
États-Unis livraient deux guerres. Qui
plus est, les extrémistes violents qui
nous ont fait entrer en guerre en
premier lieu – Oussama ben Laden et son
organisation Al-Qaeda – avaient toujours
les coudées franches. Aujourd’hui, nous
avons fixé un nouveau cap.
Les opérations militaires des USA en
Iraq vont prendre fin d’ici à la fin de
l’année. Nous allons avoir des relations
normales avec un pays souverain, membre
de la communauté des nations. Ce
partenariat égal se renforcera grâce à
notre soutien à l’Iraq, à son
gouvernement et à ses forces de
sécurité, à son peuple et à ses
aspirations.
De quel pays parle vraiment Obama?
Tout en mettant fin à la guerre en Iraq,
les États-Unis et nos partenaires de la
coalition ont commencé une transition en
Afghanistan. D’ici à 2014, un
gouvernement afghan et des forces de
sécurité toujours plus capables
entreprendront d’assumer la
responsabilité de l’avenir du pays. Et à
mesure qu’ils le feront, nous retirerons
nos forces tout en construisant un
partenariat durable avec le peuple
afghan.
Nul ne doute, donc, que la marée de la
guerre est en train de refluer.
Quand je suis entré en fonction, à peu
près 180 000 Étasuniens servaient en
Afghanistan et en Iraq. D’ici la fin de
l’année, leur quantité aura diminué de
moitié et continuera de diminuer. Ceci
est capital pour la souveraineté de
l’Iraq et de l’Afghanistan, et tout
aussi essentiel pour le renforcement des
USA dans la mesure où nous édifions
notre nation chez nous.
De plus, nous allons finir ces guerres
en position de force. Voilà dix ans, il
y avait une plaie béante ouverte et des
amas d’acier tordus, un cœur brisé au
centre de cette ville-ci. La nouvelle
tour qui se dresse au Grounds Zéro
symbolise la renaissance de New York,
tandis qu’Al Qaeda est soumis
aujourd’hui à plus de pressions que
jamais, que son leadership s’est
dégradé, et qu’Oussama ben Laden,
quelqu’un qui a tué de milliers de
personnes dans des dizaines de pays, ne
mettra plus jamais la paix du monde en
péril.
De qui Ben Laden a-t-il été l’allié ?
Qui donc l’a entraîné et armé pour
combattre les Soviétiques en
Afghanistan ? Pas les socialistes ni les
révolutionnaires, en tout cas, nulle
part au monde !
Eh bien, oui, cette décennie a été
difficile. Mais nous sommes aujourd’hui
au carrefour de l’Histoire, et nous
avons l’occasion de nous acheminer
décisivement vers la paix. Mais, pour ce
faire, nous devons en revenir à la
sagesse de ceux qui ont créé cette
institution. La Charte des Nations Unies
nous appelle à « joindre nos forces pour
maintenir la paix et la sécurité
internationales ». […]
Qui donc a des bases militaires partout
dans le monde? Qui donc est le plus gros
exportateur d’armes ? Qui donc possède
des centaines de satellites espions ?
Qui donc investit plus d’un billion de
dollars par an en dépenses militaires ?
[…] Cette année a été une époque de
transformation extraordinaire. Toujours
plus de nations ont progressé pour
maintenir la paix et la sécurité
internationales. Toujours plus
d’individus réclament le droit universel
de vivre dans la liberté et la dignité.
Il a cité les cas du Soudan du Sud et de
la Côte-d’Ivoire. Sans dire, bien
entendu, que, dans le premier, les
transnationales yankees se sont
précipitées sur les réserves pétrolière
de ce nouvel État dont le président a
dit à l’Assemblée générale même des
Nations Unies qu’il s’agissait d’une
ressource précieuse, mais épuisable, et
a proposé de l’utiliser d’une manière
rationnelle et optimale.
Dans le cas de la Côte-d’Ivoire, Obama
n’a pas dit non plus que la paix y a été
instaurée avec l’appui des soldats
colonialistes d’un membre éminent de la
belliqueuse OTAN qui vient de larguer
des milliers de bombes sur la Libye.
Obama a mentionné ensuite la Tunisie,
attribuant aux États-Unis le mérite du
mouvement populaire qui y a renversé un
gouvernement allié de l’impérialisme.
Plus étonnant encore : Obama prétend
ignorer que les États-Unis ont été les
responsables de l’installation en Égypte
d’un gouvernement tyrannique et
corrompu, celui d’Hosni Moubarak, qui,
bafouant les principes de Nasser,
s’allia à l’impérialisme, vola à son
pays des dizaines de milliards et
asservit ce peuple courageux.
Voilà un an, l’Égypte avait connu le
même président depuis presque trente
ans. Mais, pendant dix-huit jours, les
yeux du monde ont été tournés vers la
place Taghir où des Égyptiens de tous
les horizons – hommes et femmes, jeunes
et vieux, musulmans et chrétiens –
réclamaient leurs droits universels.
Nous avons vu dans ces manifestants la
force morale de la non-violence qui a
illuminé le monde, de la Nouvelle-Delhi
à Varsovie, de Selma à l’Afrique du Sud,
et nous avons su que le changement était
arrivé en Égypte et dans le monde arabe.
[…] Face aux balles et aux bombes, le
peuple libyen a refusé jour après jour
de renoncer à cette liberté. Et quand il
a été menacé par ce genre d’atrocités
massives qui a si souvent sévi au siècle
dernier, les Nations Unies ont fait la
fête à leur Charte, le Conseil de
sécurité a autorisé toutes les mesures
requises pour éviter un massacre, la
Ligue arabe a réclamé cet effort, des
nations arabes ont rejoint la coalition
conduite par l’OTAN qui a barré la route
aux forces de Kadhafi.
[..] Hier, les dirigeants de la nouvelle
Libye ont pris place ici, parmi nous, de
plein droit, et cette semaine les
États-Unis rouvrent leur ambassade à
Tripoli.
Voici comment la communauté
internationale est censée fonctionner :
des nations qui s’unissent au nom de la
paix et de la sécurité ; des individus
qui réclament leurs droits. Maintenant,
nous avons tous la responsabilité
d’appuyer la nouvelle Libye, le nouveau
gouvernement libyen qui doit relever le
défi de transformer ce moment de
promesse en une paix juste et durable
pour tous les Libyens.
Oui, cette année a été remarquable. Le
régime de Kadhafi est terminé. Gbagbo,
ben Ali, Moubarak ne sont plus au
pouvoir. Oussama ben Laden est parti, et
l’idée que le changement ne peut arriver
que par la violence a été ensevelie avec
lui.
Quelle façon euphémique de liquider la
question Ben Laden ! Quelles
qu’aient été les responsabilités de cet
ancien allié, il a été exécuté d’une
balle en plein visage devant sa femme et
ses enfants, puis lancé en mer depuis un
porte-avions, en violation des mœurs et
des traditions religieuses de plus d’un
milliard de croyants et des principes
juridiques élémentaires fixés dans tous
les systèmes pénaux. De telles méthodes
ne conduisent pas à la paix et n’y
conduiront jamais !
Il a affirmé aussitôt après :
Quelque chose se passe dans notre monde.
Ce n’est pas parce que les choses se
sont déroulées d’une certaine façon par
le passé qu’elles se dérouleront de la
même manière à l’avenir. La dalle
humiliante de la corruption et de la
tyrannie est en train de se soulever.
Les dictateurs sont mis en demeure. La
technologie met le pouvoir aux mains du
peuple. Les jeunes refusent fortement la
dictature et rejettent le mensonge selon
lequel des races, des peuples, des
religions, des ethnies ne désirent pas
la démocratie. La promesse écrite sur le
papier : « Tous les êtres humains
naissent libres et égaux en dignité et
en droits », est toujours plus à portée
de la main.
[…] L’aune de notre succès est si les
gens peuvent vivre dans une liberté, une
dignité et une sécurité durables. Et les
Nations Unies et leurs États membres
doivent jouer leur rôle pour soutenir
ces aspirations essentielles. Et nous
avons encore du pain sur la planche.
Puis Obama s’en est pris à un autre pays
musulman où, on le sait, ses services
secrets et ceux d’Israël assassinent
systématiquement les meilleurs
scientifiques en matière de technologie
militaire.
Il a, aussitôt après, menacer la Syrie
où l’agressivité yankee peut conduire à
un massacre encore plus épouvantable
qu’en Libye :
[…] Des hommes, des femmes et des
enfants ont été et torturés, emprisonnés
et tués par le régime syrien. Des
milliers ont été assassinés, dont
beaucoup durant la période sainte du
Ramadan. Des milliers d’autres ont fui à
travers la frontière. Le peuple syrien a
fait preuve de dignité et de courage
dans sa quête de la justice, protestant
pacifiquement, s’asseyant en silence
dans les rues, mourant pour les mêmes
valeurs que cette institution-ci est
censée défendre. Et la question
pour nous est claire : allons-nous
appuyer le peuple syrien ou allons-nous
appuyer ses oppresseurs ?
L’ONU a déjà appliqué de dures sanctions
aux dirigeants syriens. Nous soutenons
un transfert de pouvoir qui réponde au
peuple syrien, et beaucoup de nos alliés
nous ont rejoints dans cet effort. Mais,
pour le bien de la Syrie et pour la paix
et la sécurité dans le monde, nous
devons tous parler d’une seule voix : il
n’y a plus d’excuses pour ne pas agir.
Il est temps que le Conseil de sécurité
des Nations Unies sanctionne le régime
syrien et appuie le peuple syrien.
Reste-t-il, par hasard, un pays qui soit
à l’abri des menaces belliqueuses de cet
illustre défenseur de la sécurité et de
la paix internationales ? Qui donc a
concédé de telles prérogatives aux
États-Unis ?
Nous devons répondre aux appels au
changement dans cette région. Au Yémen,
des hommes des femmes et des enfants se
réunissent tous les jours par milliers
dans les rues et sur les places dans
l’espoir que leur détermination et
l’effusion de sang l’emporteront sur un
système corrompu. Les Etats-Unis
appuient ces aspirations. Nous devons
œuvrer avec les voisins du Yémen et avec
nos partenaires dans le monde pour
chercher une voie qui conduise à une
passation pacifique de pouvoir de la
part du président Saleh et à
l’organisation dans les meilleurs délais
d’élections justes et libres.
Au Bahreïn, des mesures ont été prises
pour démarrer la réforme et la
responsabilité. Nous en sommes
satisfaits, mais il en faut plus. Les
États-Unis sont des proches amis du
Bahreïn, et nous continuerons d’appeler
le gouvernement et le principal bloc
d’opposition – le Wifaq – à poursuivre
un dialogue sérieux qui apporte les
changements pacifiques que désire le
peuple. Nous croyons que le patriotisme
qui maintient les Bahreïnis ensemble
doit être plus puissant que le
sectarisme qui les déchirerait. Ce sera
dur, mais c’est possible.
Obama se garde bien de dire qu’il s’y
trouve une des plus grandes bases
militaires étasuniennes de la région et
que les transnationales yankees
contrôlent et manipulent à leur guise
les plus grandes réserves de pétrole et
de gaz d’Arabie saoudite et des Émirats
arabes.
Nous croyons que chaque nation doit
suivre son propre chemin pour satisfaire
aux aspirations des peuples. Les
États-Unis ne sauraient espérer être
d’accord avec les vues politiques de
chaque personne ou de chaque individu.
Mais nous défendrons toujours les droits
universels que prône cette Assemblée.
Ces droits dépendent d’élections libres
et justes, d’une gouvernance
transparente et responsable, du respect
des droits des femmes et des minorités,
d’une justice égale pour tous et
équitable. Voilà ce que méritent nos
peuples. Tels sont les facteurs d’une
paix appelé à durer.
De plus, les États-Unis continueront
d’appuyer les nations en transition vers
la démocratie par plus de commerce et
d’investissements, afin que la liberté
soit accompagnée des chances. Nous
renforcerons notre engagement avec les
gouvernements, mais aussi avec la
société civile – les étudiants, les
hommes d’affaire, les partis politiques
et la presse. Nous avons interdit aux
violateurs des droits humains d’entrer
dans notre pays. Et nous avons
sanctionné ceux qui les bafouent à
l’étranger. Et nous serons toujours la
voix de ceux qui ont été bâillonnés.
Après ce long laïus, l’insigne Prix
Nobel de la paix a abordé la question
épineuse de son alliance avec Israël, un
pays qui ne figure pas, comme chacun
sait, parmi les détenteurs privilégiés
d’un des systèmes les plus modernes
d’armes atomiques et de vecteurs
capables d’atteindre des cibles
lointaines. Obama sait pertinemment
combien cette politique est arbitraire
et impopulaire.
Je sais maintenant, en particulier cette
semaine, que, pour beaucoup dans cette
salle, il est un point qui apparaît
comme un test pour ces principes et un
test pour la politique étrangère
étasunienne : le conflit entre Israël et
les Palestiniens.
Voilà un an, de cette même tribune, j’ai
lancé un appel à une Palestine
indépendante. Je croyais alors et je le
crois encore, que le peuple palestinien
mérite son État. Mais j’ai aussi affirmé
qu’une paix authentique ne pouvait se
faire qu’entre les Israéliens et les
Palestiniens eux-mêmes. Un an après,
malgré les efforts intenses consentis
par les États-Unis et d’autres acteurs,
les parties n’ont toujours pas comblé
leurs différends. Devant cette impasse,
j’ai avancé une nouvelle base de
négociations en mai dernier. Cette base
est claire. Chacun de vous la connaît.
Les Israéliens doivent savoir que tout
accord leur garantira la sécurité. Les
Palestiniens méritent de savoir ce que
sera la base territoriale de leur État.
Je sais que beaucoup sont frustrés par
ce manque de progrès. Moi aussi, je vous
l’assure. En fait, la question n’est pas
le but que nous cherchons, mais comment
l’atteindre. […] La paix demande qu’on
travaille dur. La paix ne viendra pas à
travers des déclarations et des
résolutions des Nations Unies – si
c’était si facile, elle aurait déjà été
faite. Somme toute, ce sont les
Israéliens et les Palestiniens qui
doivent vivre côte à côte. Somme toute,
ce sont les Israéliens et les
Palestiniens, et pas nous, qui doivent
tomber d’accord sur les points qui les
divisent : les frontières et la
sécurité, les réfugiés et Jérusalem.
Somme toute, la paix dépend d’un
compromis entre des gens qui sont
appelés à vivre ensemble bien longtemps
après que nous ayons prononcé nos
discours, bien après que nos scrutins
aient été dépouillés.
Il s’est lancé ensuite dans une longue
tirade pour expliquer l’inexplicable et
justifier l’injustifiable :
[…] Il est incontestable que les
Palestiniens ont vu cet espoir [un État
souverain] retardé durant trop
longtemps. C’est justement parce que
nous croyons si fort aux aspirations du
peuple palestinien que les États-Unis
ont investi tant de temps et tant
d’efforts dans la construction d’un État
palestinien, et dans les négociations
qui peuvent aboutir à un État
palestinien.
Mais qu’on nous comprenne bien:
l’engagement des États-Unis envers la
sécurité d’Israël est inébranlable.
Notre amitié avec Israël est profonde et
durable. […]
[…]
Le peuple juif a forgé un État réussi
sur sa patrie historique. Israël mérite
d’être reconnu. Il mérite des relations
normales avec ses voisins. Et les amis
des Palestiniens ne leur rendent aucun
service en ignorant cette vérité […]
[…] Chaque partie a des aspirations
légitimes, et c’est bien cet aspect-là
qui rend la paix si difficile. Et l’on
ne pourra sortir de l’impasse que
lorsque chaque partie se mettra dans la
peau de l’autre, de façon que chaque
partie voie le monde à travers les yeux
de l’autre. Voilà ce que nous devons
encourager. Voilà ce que nous devons
promouvoir.
En attendant, les Palestiniens sont
toujours bannis de leur patrie ; leurs
logements sont détruits par de
monstrueux engins mécaniques, et un mur
odieux, bien plus élevé que celui de
Berlin, les sépare les uns des autres.
Obama aurait mieux fait de reconnaître
que les Israéliens eux-mêmes sont
désormais las de voir les ressources de
leur pays gaspillées en dépenses
militaires, ce qui les prive de la paix
et de l’accès à des moyens de vie
élémentaires. À l’instar des
Palestiniens, ils souffrent les
conséquences de ces politiques imposées
par les États-Unis et par les secteurs
les plus militaristes et les plus
réactionnaires de l’État sioniste.
Tout en relevant ces défis de conflit et
de révolution, nous devons reconnaître
aussi et nous rappeler que […] la paix
véritable dépend de la création des
chances qui rendent la vie digne d’être
vécue. Pour ce faire, nous devons faire
face aux ennemis communs de l’humanité :
les armes atomiques et la pauvreté,
l’ignorance et les maladies. […]
On n’y entend goutte à ce galimatias du
président étasunien devant l’Assemblée
générale ?
N’empêche qu’il prône aussitôt après son
inintelligible philosophie :
Pour éloigner le spectre de la
destruction massive, nous devons œuvrer
de concert pour poursuivre la paix et la
sécurité dans un monde exempt d’armes
nucléaires. Ces deux dernières années,
nous nous sommes engagés sur cette voie.
Depuis notre Sommet de Washington sur la
sécurité nucléaire, près d’une
cinquantaine de nations ont pris des
mesures pour garantir leur matériau
nucléaire contre les terroristes et les
contrebandiers.
Peut-il exister pire terrorisme que la
politique agressive et belliciste d’un
pays dont l’arsenal d’armes atomiques
peut détruire plusieurs fois la vie
humaine sur cette planète ?
Mais Obama continue de nous faire des
promesses :
Les États-Unis continueront de
travailler à l’interdiction des essais
d’armes nucléaires et de la production
de la matière fissile nécessaire à leur
production.
Et nous avons commencé à marcher dans la
bonne direction. Et les États-Unis se
sont engagés à remplir leurs
obligations. Mais, tout en les
remplissant, nous avons renforcé les
traites et les institutions qui
contribuent à stopper la prolifération
de ces armes. […]
Le gouvernement iranien ne peut prouver
que son programme est pacifique. […]
Quelle scie, de nouveau ! Mais cette
fois-ci l’Iran n’est pas seul : il est
en compagnie de la République
démocratique et populaire de Corée.
La Corée du Nord doit prendre des
mesures concrètes pour renoncer à ses
armes et à son attitude belligérante
contre le Sud. Il existe un avenir de
plus grandes possibilités pour les
peuples de ces nations si leurs
gouvernements respectent leurs
obligations internationales. Mais s’ils
continuent de marcher à l’écart du droit
international, ils devront faire l’objet
de plus fortes mesures de pression et
d’isolement. C’est ce que réclame notre
attachement à la paix et à la sécurité.
À suivre demain.
Fidel Castro Ruz
Le 25 septembre 2011
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