Opinion
Les chemins qui
mènent à la catastrophe
Fidel
Castro Ruz
Fidel
Castro - Photo: RIA Novosti
Mardi 27 mars 2012
Je pourrais écrire ces Réflexions
aujourd’hui, demain ou n’importe quel
jour sans risque de me tromper. Notre
espèce doit se colleter à des problèmes
nouveaux. Quand j’ai affirmé voilà vingt
ans à la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et
le développement qu’une espèce était en
péril d’extinction, j’avais moins de
raisons qu’aujourd’hui pour alerter au
sujet d’un danger que je voyais sans
doute menaçant d’ici à cent ans.
Quelques dirigeants des pays les plus
puissants manipulaient alors le monde.
Ils se bornèrent à m’applaudir par
politesse et continuèrent sans ciller de
creuser la sépulture de notre espèce.
On aurait pu penser que le bon sens et
l’ordre régnaient sur notre planète. Il
y avait beau temps que le développement
économique appuyé sur la technologie et
la science semblait être l’alpha et
oméga de la société humaine.
Aujourd’hui, tout est bien plus clair.
De profondes vérités se fraient un
passage. Presque deux cents États,
soi-disant indépendants, constituent
l’organisation politique à laquelle il
est échu, censément, de régir les
destinées du monde.
Environ vingt-cinq mille armes
nucléaires aux mains de forces alliées
ou antagonistes
disposées à défendre l’ordre
changeant, par intérêt ou par
nécessité,
réduisent virtuellement à rien les
droits de milliards de personnes.
Je ne serais pas assez naïf pour
assigner à
la Russie
ou à
la Chine
la responsabilité du développement de ce
genre d’armes après la monstrueuse
boucherie d’Hiroshima et de Nagasaki
commise par Truman à la mort de
Roosevelt.
Je ne commettrais pas non plus l’erreur
de nier l’Holocauste qui a coûté la mort
à des millions d’enfants et d’adultes,
d’hommes et de femmes, surtout juif,
gitans, russes et d’autres nationalités,
aux mains du nazisme. Voilà pourquoi la
politique infâme de ceux qui nient son
droit à l’existence au peuple
palestinien me répugne.
Qui peut penser que les États-Unis
seront capables d’agir d’une manière
indépendante qui les préserve de la
catastrophe inévitable qui les attend ?
Les quarante millions de dollars que le
président Obama a promis de collecter en
quelques semaines pour sa campagne
électorale ne serviront qu’à prouver que
la monnaie de son pays est très dévaluée
et que les États-Unis, à la tête d’une
dette publique insolite et toujours
croissante qui frôle les vingt billions
de dollars, vivent de l’argent qu’ils
impriment et non de ce qu’ils
produisent, tandis que le reste du monde
paie pour ce qu’ils dilapident.
Que nul n’aille croire non plus que le
candidat démocrate sera meilleur ou pire
que ses adversaires républicains, qu’ils
s’appellent Mitt Romney ou Rick Santorum.
Des années-lumière séparent ce trio de
personnages aussi illustres qu’Abraham
Lincoln ou Martin Luther King. Il est
vraiment inouï de constater qu’une
nation si puissante technologiquement
parlant dispose d’un gouvernement si
vide d’idées et de valeurs morales.
L’Iran ne détient pas d’armes atomiques.
On l’accuse de produire de l’uranium
enrichi qui sert de combustible
énergétique ou de composant à usage
médical. Qu’on le veuille ou non, le
posséder ou le produire ne veut pas dire
mise au point d’armes atomiques. Des
dizaines de pays utilisent de l’uranium
enrichi comme source d’énergie, mais il
ne peut servir à la mise au point d’une
arme atomique qu’au terme d’un procès de
purification complexe.
Pourtant, bénéficiant de l’aide et de la
coopération des États-Unis, Israël a
fabriqué un armement nucléaire sans en
informer qui que ce soit ni en rendre
compte à personne, et dispose à ce jour
de centaines d’entre elles sans jamais
l’avoir reconnu. Pour empêcher le
développement de la recherche dans des
pays arabes voisins, il a attaqué et
détruit les réacteurs de l’Iraq et de
la Syrie,
et il vient de déclarer son intention
d’attaquer et de détruire les centres de
production iraniens de combustible
nucléaire.
C’est autour de ce point crucial qu’a
tourné la politique internationale dans
cette région du monde complexe et
dangereuse qui produit et livre le gros
du carburant qui fait marcher l’économie
mondiale.
L’élimination sélective de scientifiques
iraniens parmi les plus éminents par
Israël et ses alliés de l’OTAN est
devenue une pratique qui suscite des
haines et des sentiments de vengeance.
Le gouvernement israélien a déclaré
ouvertement
son intention d’attaquer l’usine
iranienne qui produit de l’uranium
enrichi, et l’administration étasunienne
a consacré des centaines de millions de
dollars à la mise au point d’une bombe
dans ce but.
Le 10 mars 2012, Michel Chossudovsky et
Finian Cunningham ont révélé ce qui suit
dans un article :
« Un important général des forces de
l’air étasuniennes a décrit la plus
grosse bombe classique jamais fabriquée
– une bombe anti-bunker de 13,6 tonnes –
comme "grandiose" pour une attaque
militaire contre l’Iran.
« Ce commentaire désinvolte au sujet
d’un engin d’assassinat massif a eu lieu
juste la semaine où le président Barack
Obama a averti de ne pas "parler à la
légère" d’une guerre dans le Golfe
persique.
« Herbert Carlisle, vice-chef
d’état-major aux Opération de l’USAF,
[…] a ajouté que la bombe serait
probablement utilisée dans toute attaque
contre l’Iran ordonnée par Washington.
«
La MOP,
appelée aussi parfois "la mère de toutes
les bombes", est conçue
pour perforer soixante mètres de
béton armé avant d’exploser. On la juge
la plus grosse arme classique – non
atomique – de l’arsenal étasunien. […]
« Le Pentagone planifie une vaste
destruction de l’infrastructure
iranienne et des attaques massives
contre des objectifs civils par l’emploi
combiné de bombes atomiques tactiques et
de monstrueuses bombes classiques qui
causent des explosions en forme de
champignon, dont
la MOAB
et
la GBU-57A/B
ou
Massive Ordnance Penetrator
(MOP), encore plus grosse et
destructive.
« On décrit
la MOP
comme "une puissante nouvelle bombe qui
vise directement les installations
nucléaires souterraines de l’Iran et de
la Corée
du Nord ; elle est plus longue que onze
personnes placées côte à côte, soit plus
de six mètres d’un bout à l’autre". »
Je prie les lecteurs de m’excuser pour
ce jargon militaire fort embrouillé.
Comme on peut le constater, ces calculs
partent du présupposé que les
combattants iraniens, soit des millions
d’hommes et de femmes connus pour leur
ferveur religieuse et leurs traditions
de lutte, vont se rendre sans riposter.
Les Iraniens ont vu récemment comment
des soldats étasuniens occupant
l’Afghanistan ont, en à peine trois
semaines, uriné sur les cadavres
d’Afghans assassinés, brûlé des corans
et assassiné plus de quinze civils sans
défense.
Imaginons un peu les forces étasuniennes
larguant sur des installations
industrielles des bombes monstrueuses
capables de perforer soixante mètres de
béton armé. On n’avait jamais conçu une
pareille équipée !
Il n’est pas besoin de plus amples
commentaires pour comprendre la gravité
de cette politique : par là, notre
espèce sera inexorablement menée à
la catastrophe. Si
nous n’apprenons pas à comprendre, nous
n’apprendrons jamais à survivre.
Je suis convaincu pour ma part que les
États-Unis sont sur le point de
commettre la pire erreur de leur
histoire et d’y entraîner le monde.
Fidel Castro Ruz
Le 21 mars 2012
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