Opinion
Les mensonges et les
non-dits dans la mort de Ben Laden
Fidel Castro Ruz
Fidel Castro - Photo:
RIA Novosti
Vendredi 6 mai 2011
Les gars triés sur le volet et rigoureusement entraînés pour des
missions spéciales qui ont exécuté ben Laden n’ont pas agi pour
leur compte: ils répondaient aux ordres de l’administration
étasunienne, dont on sait que le président peut même communiquer
avec un soldat au combat.
Quelques heures après cette action réalisé à
Abbottābād, siège de la plus
prestigieuse école militaire du Pakistan et d’importantes unité
de combat, la Maison-Blanche a offert à l’opinion mondiale une
version soigneusement peaufinée de la mort du chef d’Al
Qaeda, Oussama
ben Laden.
Bien entendu, l’attention du monde et de la presse
internationale s’est braquée sur ce thème, faisant passer au
second plan les autres nouvelles de domaine public.
Les chaînes de télévision étasunienne ont retransmis le discours
préparé avec soin par le président et ont montré des vues de la
réaction publique.
La question était épineuse, cela va de soi, car le Pakistan, un
pays de 171 841 000 habitants, où les USA et l’OTAN mènent
depuis dix ans une guerre destructrice, bien qu’il soit un allié
traditionnel de Washington, possède un armement nucléaire.
Ce pays musulman ne peut être d’accord, sans aucun doute, avec
la guerre sanglante que les USA et leurs alliés livrent contre
l’Afghanistan, un autre pays musulman avec lequel il partage la
frontière sinueuse tracée en pleine montagne par l’empire
colonial anglais, mais ignorée par des tribus d’une même
origine.
La presse étasunienne elle-même a compris que le président
occultait presque tout.
Les agences de presse occidentales : AFP, AP, Reuters et EFE, la
presse écrite et d’importants sites web offrent des informations
intéressantes à cet égard.
Selon The New York Times,
« les faits s’écartent sensiblement de la version officielle que
la Maison-Blanche et de hauts fonctionnaires du renseignement
ont offerte mardi, selon laquelle ben Laden – dont ils ont
finalement reconnu qu’il n’était pas armé, bien qu’il ait
"résisté" – avait été abattu au cours d’un échange de coups de
feu intense. »
Selon le journal newyorkais,
l’opération, « bien que chaotique et sanglante, n’est allée que
d’un côté, plus de vingt commandos des SEAL ayant vite liquidé
la poignée d’hommes qui protégeait ben Laden ».
Le New York Times assure maintenant que « ceux qui se
trouvaient dans la maison n’ont tiré qu’au début de l’opération…
juste quand le messager de confiance de ben Laden,
Abou Ahmed al-Kuwaiti, a ouvert le
feu derrière la porte de la maison d’hôte adjacente à celle où
se cachait ben Laden ».
Selon le journal qui se fonde sur des sources anonymes, « après
avoir abattu Kuwaiti et une femme
dans cette maison d’hôtes, les commandos étasuniens n’ont plus
été attaqués ».
« Mardi, le porte-parole de la Maison-Blanche, Jay
Carney, avait offert un "récit" des
événements survenus dans la nuit de dimanche à lundi selon
lequel les commandos étasuniens avaient été attaqués "tout au
long de l’opération" ».
« Le directeur de la CIA, Leon
Panetta, avait parlé lui aussi d’
"échanges de coups de feu" quand les soldats d’élite étasuniens
nettoyaient les étages de la villa où se cachait ben
Laden. »
Le journal assure par ailleurs que, même si ben Laden ne portait
pas d’armes quand il a été abattu, les commandos qui l’ont
découvert dans une des pièces ont constaté qu’il avait "une
AK-47 et un pistolet Makarov à
portée de la main".
Les informations continuent de tomber ce mardi.
Une des agences informe depuis Washington que seul un homme a
tiré contre les forces étasuniennes :
« Dans la nuit de dimanche, plusieurs hélicoptères emportant
soixante-dix-neuf commandos étasuniens s’approchent de la maison
d’Oussama ben Laden à
Abbottābād,
au nord d’Islamabad, après avoir décollé d’un endroit non
spécifié et volant en rase-mottes pour échapper aux radars, car
le Pakistan n’avait pas été informé du raid.
« Plus de vingt commandos SEAL de la marine descendent de deux
hélicoptères dans l’enceinte de la villa dont les murs de quatre
à cinq mètres de haut sont protégés par du fil de fer barbelé.
Selon un premier rapport de fonctionnaires étasuniens, un des
hélicoptères, un MH-60 Blackhawk,
apparemment modifié pour
tromper les radars, atterrit brusquement à cause d’une
"défaillance mécanique", devenant inutilisable.
« Un groupe de commandos se dirige vers une maison annexe à la
villa principale.
Le messager de ben Laden les voit, ouvre le feu, et les
commandos l’abattent en même temps que sa femme. Il est le seul
occupant de la maison à tirer contre les Étasuniens. Ce qui
contraste avec un premier rapport de Washington, qui décrit des
échanges de coups de feu durant les quarante minutes de
l’opération.
« …un autre groupe entre dans le bâtiment principal de trois
étages.
“…il se heurte au frère du messager, qui est abattu à son tour,
selon un fonctionnaire étasunien qui ne donne pas plus de
détails. Selon la chaîne de télévision NBC, cet homme avait la
main dans le dos quand les commandos sont entrés dans la pièce
où il se trouvait et ils ont cru à tort qu’il cachait une arme.
« Les commandos montent les escaliers et découvrent dans une
pièce Khalid, un des fils adultes de
ben Laden, qu’ils abattent aussi…
« Les commandos arrivent au dernier étage et découvrent
Oussama ben Laden et sa femme dans
leur chambre. La femme tente de s’interposer, mais elle est
blessée à la jambe. Ben Laden ne semble pas avoir l’intention de
se rendre et il est abattu d’une balle dans la tête et, selon
certains médias étasuniens, aussi à la poitrine. Selon les
premières versions du raid, ben Laden avait "résisté" et avait
utilisé sa femme en guise de bouclier, ce que la Maison-Blanche
a démenti par la suite.
« Le président Barack
Obama, qui suit les événements
depuis la Maison-Blanche, est informé que le commando a
identifié ben Laden. Un rapport de la revue
Time, qui se fonde
sur une interview du directeur de la CIA,
Leon Panetta, suggère que ben
Laden aurait été assassiné moins de vingt-cinq minutes après le
début de l’opération.
« Les Nay Seals
découvrent un fusil d’assaut soviétique AK-47 et un pistolet
russe de 9 mm dans la chambre de ben Laden, et d’autres armes
non spécifiées dans la villa.
« Les forces spéciales découvrent aussi de l’argent et des
numéros de téléphone cousus dans les vêtements du chef d’Al
Qaeda…
« Les commandos récupèrent tout ce qui peut servir de sources
d’information : bloc-notes, cinq ordinateurs, dix disques dur et
une centaine d’articles de stockage de données (CD, DVD, clefs
USB).
« …ils transfèrent à un endroit sûr une vingtaine de femmes et
d’enfants présents dans la villa et détruisent l’hélicoptère
accidenté.
« …trente-huit minutes après la début de l’opération, les
hélicoptères repartent emportant le cadavre de ben Laden. »
L’AP donne des informations présentant un intérêt politique et
humain :
« Selon les déclarations, ce vendredi, d’un fonctionnaire
du renseignement pakistanais, l’une des trois épouses qui
vivaient avec Oussama ben Laden a
dit avoir vécu cinq ans dans la résidence où se cachait le
fuyard, de sorte qu’elle pourrait être une source d’information
importante sur la façon dont il avait pu éviter d’être capturé
pendant si longtemps.
« L’épouse de ben Laden,
Amal
Ahmed Abdullfattah, née au Yémen, a
dit n’avoir jamais abandonné le dernier étage de la résidence
durant les cinq années où elle y a vécu.
« Cette femme, et les deux autres épouses de ben Laden,
sont interrogées au Pakistan après avoir été arrêtées durant le
raid réalisé lundi par des commandos de la marine étasunienne
contre la villa de ben Laden, dans le village d’Abbottābād.
Les autorités pakistanaises ont aussi retenu huit ou neuf
enfants trouvés dans la maison après le départ des commandos.
« Compte tenu des récits à géométrie variable et
incomplets des fonctionnaires étasuniens sur le déroulement de
cette opération, les déclarations des épouses de ben Laden
peuvent peut-être apporter plus de détails
« Leurs déclarations pourraient aussi aider à savoir
comment ben Laden passait son temps et comment il est parvenu à
rester caché dans une grande villa proche d’une école militaire
dans une ville de garnison, à deux heures et demie de voiture de
la capitale Islamabad.
« Selon le fonctionnaire pakistanais, des agents de la
CIA n’ont pas eu accès aux femmes arrêtées.
« Compte tenu du fait que la cachette de ben Laden se
trouvait près de la garnison militaire et de la capitale, on
soupçonne à Washington que le fugitif a peut-être été protégé
par les forces de sécurité pakistanaise. »
L’agence EFE enquête sur l’opinion des Pakistanais :
« 66 p. 100 des Pakistanais ne croient pas que les forces
spéciales étasuniennes ont abattu le chef d’Al
Qaeda, Oussama
ben Laden, mais quelqu’un d’autre, selon un sondage réalisé de
concert par l’institut britannique YouGov
et par Polis, de l’université de Cambridge.
« Le sondage a été réalisé parmi des internautes, qui
sont d’ordinaire plus cultivés, des trois grandes villes :
Karachi, Islamabad et Lahore, et non auprès de populations
paysannes, de sorte que les résultats soient d’autant plus
surprenants, selon les enquêteurs.
« 75 p. 100 désapprouvent aussi la violation de la
souveraineté nationale par les USA dans le cadre de cette
opération visant à capturer et à tuer ben Laden.
« Un peu moins des
trois quarts des interviewés ne croit pas que ben Laden
ait autorisé les attaques du 9/11 contre les États-Unis qui ont
justifié leur invasion de l’Afghanistan et leur lutte contre le
terrorisme islamique.
« 74 p. 100 jugent que Washington ne respecte pas l’islam
et s’estime en guerre contre le monde islamique, et 70 p. 100
désapprouvent que le gouvernement pakistanais en accepte l’aide
économique.
« 86 p. 100 s’opposent à ce que le gouvernement
pakistanais permette à l’avenir à l’usage de drones contre des
groupes militants et ils critiquent qu’ils l’aient autorisé
avant.
« 61 p. 100 des Pakistanais interrogés disent sympathiser
avec les talibans ou jugent qu’ils représentent des points de
vue respectables, contre seulement 21 p. 100 qui sont
radicalement contre. »
L’agence Reuters fournit à son tour des données intéressantes :
« Selon un fonctionnaire de sécurité, l’une des femmes d’Oussama
ben Laden a dit à ses interrogateurs pakistanais que le chef
d’Al Qaeda avait vécu avec sa
famille pendant cinq ans dans la villa où il a été abattu par
des commandos étasuniens cette semaine.
« Cette source, qui a identifié la femme comme
Amal
Ahmed Abdulfattah, a informé Reuters
que la plus jeune des trois épouses de ben Laden avait été
blessée durant l’opération.
« Selon ce fonctionnaire,
Abdulfattah a affirmé aux enquêteurs pakistanais : "Nous
vivons là depuis cinq ans."
« Les forces de sécurité pakistanaises ont arrêté quinze
ou seize personnes qui vivaient dans la villa, après que les
commandos étasuniens ont emporté le corps de ben Laden, a dit ce
fonctionnaire. Les trois femmes de ben Laden et plusieurs
enfants font partie des détenus. »
Selon l’agence ANSA, un drone yankee a tué aujourd’hui au moins
quinze personnes dans le Waziristân, au nord du Pakistan, et en
a blessé d’autres grièvement. Mais qui va donc s’intéresser à
ces assassinats devenus quotidiens dans ce pays ?
Je me demande toutefois : pourquoi une telle coïncidence entre
l’assassinat perpétré à
Abbottābād
et la tentative d’assassinat de Kadhafi ?
Khadafi
et sa femme venaient juste de rendre visite à l’un des ses plus
jeune fils, Saif al
Arab, qui ne se mêlait pas de
politique, chez lui, où il vivait avec son petit enfant et deux
cousins, eux aussi des enfants, quand l’OTAN a bombardé la
maison, détruisant l’édifice, les tuant tous les trois quatre.
Kadhafi et sa femme venaient juste de partir.
Un fait sans
précédent. Mais
qui l’a su ?
Simple hasard, que cette coïncidence entre ce bombardement et
l’attaque du refuge d’Oussama ben
Laden, que Washington connaissait parfaitement et qu’il
surveillait de près ?
Une dépêche provenant du Vatican informe aujourd’hui :
« 6 mai
(ANSA).- Giovanni Innocenzo
Martinelli, vicaire apostolique de
Tripoli, a dit aujourd’hui à
l’agence du Vatican, Fides,
qu’il n’avait pas l’intention de "s’ingérer dans les activités
politiques de qui que ce soit", mais qu’il avait le devoir
d’avertir que le bombardement en Libye "étaient immoraux".
« "Je m’étonne qu’on ait pu déclarer que je ne devais m’occuper
que de questions spirituelles et que les bombardements avaient
été autorisés par l’ONU. Mais cela ne veut pas dire que l’ONU,
l’OTAN ou l’Union européenne ont l’autorité morale pour décider
de bombarder".
« "Je tiens à souligner qu’un bombardement n’est pas un acte
qu’approuve la conscience civile et morale de l’Occident, ou de
l’humanité en général. Un bombardement est toujours un acte
immoral." »
Une autre dépêche d’ANSA informe sur
la position de la Chine et de la Russie.
« Moscou,
6 mai.
Les gouvernements chinois et russe se sont déclarés aujourd’hui
"extrêmement préoccupés"
par la guerre en Libye et ils ont déclaré qu’ils agiraient
de concert pour réclamer un cessez-le-feu.
« "Nous sommes convaincus que l’objectif le plus important est
d’obtenir un cessez-le-feu immédiat", a déclaré le ministre
chinois des Affaires étrangères,
Yang
Jiechi. »
Des événements vraiment inquiétants.
Fidel Castro Ruz
Le 6 mai 2011
Le
sommaire de Fidel Castro
Le
dossier al Qaïda
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