Opinion
La réunion du G-20
Fidel
Castro Ruz
Fidel
Castro - Photo: RIA Novosti
Vendredi 4 novembre
2011
C’est demain que débute la réunion du
G-20, des pays les plus développés et
les plus riches de la planète : les
États-Unis, le Canada, l’Allemagne,
la Grande-Bretagne, la France, l’Italie et l’Union européenne comme
organisation à part qui a le droit d’y
participer, autrement dit les bastions
fondamentaux de l’OTAN, plus leur
alliés : le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Turquie,
à son double titre de pays en
développement et de membre de l’OTAN, et
l’Arabie saoudite – un gigantesque
dépôts de pétrole léger aux mains des
transnationales d’Occident qui en tirent
9,4 millions de baril par jour, dont la
valeur aux cours actuels est d’un
milliard de dollars – d’un côté de la
table, et de l’autre côté un groupe de
pays au poids économique et politique
croissant qui sont en train de devenir,
de fait, compte tenu du nombre de leurs
habitants et de leurs ressources
naturelles, une expression des intérêts
de la majorité de notre monde victime et
pillé : la République populaire de Chine, la Fédération
de Russie, l’Inde, l’Indonésie,
l’Afrique du Sud, le Brésil, l’Argentine
et le Mexique. L’Espagne, elle aussi
alliée de l’OTAN, n’est que « pays
invité ».
Il s’agit d’une réunion entre les gros
producteurs de machines et d’articles
industriels et les gros fournisseurs de
matières premières qui, durant un
demi-millénaire après
la Conquête,
furent des colonies européennes et qui,
au siècle dernier, leur livraient des
produits agricoles, des minerais et des
ressources énergétiques, victimes
d’un échange inégal impitoyable.
Cette sombre période de l’Histoire
démarra à partir du jour où les
descendants des tribus barbares qui
peuplèrent l’Europe « découvrirent » et
« conquirent » ce continent-ci, armés
d’épées, d’arbalètes et d’arquebuses.
Les « découvreurs », que le monde dit
occidental couvre si largement d’éloges,
comme si une partie de l’humanité ne
vivait pas déjà sur ce continent depuis
quarante mille ans, cherchaient une
route plus courte pour commercer avec
la Chine.
Ils auraient découverts dans ce dernier
pays, dont ils possédaient des échos à
travers les commerçants de soie et
d’autres produits précieux que
convoitaient l’aristocratie et la
bourgeoise européenne naissante, une
civilisation fabuleuse dotée du langage
écrit, d’un art raffiné, d’agriculture,
de métaux, de poudre, ainsi que de
principes fort avancés en matière
d’organisation politique et militaire,
dont des armées fortes parfois de
dizaines, voire de centaines de milliers
de cavaliers.
Ils étaient sur le point de naufrager
quand ils touchèrent terre à proximité
de Cuba, notre île dont Colomb prit
possession peu après au nom du roi
d’Espagne. Aurait-il pu le faire s’il
était vraiment arrivé en Chine, selon
son intention ? Son erreur a coûté à ce
continent-ci des dizaines de millions de
vie perdues dans le partage de
l’Amérique, en vertu d’une bulle papale,
entre deux règnes de la péninsule
ibérique au milieu des conflits
constants de la noblesse médiévale.
Comme le signalait le génial peintre
indien Oswaldo Guayasamín, la conquête
en soi et la recherche d’or et d’argent
coûtèrent à ceux qui peuplaient ce
continent, berceau d’importantes
civilisations, soixante-dix millions de
vies.
L’Afrique noire peut aussi dire à son
tour ce qu’a signifié cette conquête
pour des millions de ses enfants,
arrachés de là et vendus comme esclaves
sur ce continent-ci.
L’oligarchie multimillionnaire qui,
représentée par des chefs d’État ou de
gouvernement, se réunira à Canne avec
les représentants de presque six
milliards d’habitants qui aspirent à ce
que leurs peuples puissent mener une
existence digne, devrait réfléchir à ces
réalités.
Ces pays prétendent monopoliser les
technologies et les marchés par les
brevets, les banques, les moyens de
transport les plus modernes et les plus
coûteux, la maîtrise cybernétique de
complexes procès de production, le
contrôle des communications et des
médias afin de duper le monde.
Maintenant que les habitants de notre
planète se montent à sept milliards, les
États qui n’en représentent qu’un sur
sept et dont les populations, à en juger
par les protestations massives qui se
déroulent en Europe et aux États-Unis,
ne semblent guère satisfaits, mettent en
danger la survie de notre espèce.
Quelqu’un pourrait-il oublier que les
États-Unis ont saboté l’Accord de Kyoto
à un moment où l’on disposait d’un peu
plus de temps pour empêcher une
catastrophe, compte tenu des changements
climatiques qui se produisent à vue
d’œil ?
Une autre réunion des chefs d’État et de
gouvernement vient de se tenir les 28 et
29 octobre : ceux des pays
ibéro-américains. Au nombre des
calamités que les peuples hispanophones
et lusophones ont dû supporter, il y a
qu’ils vivent dans la région du monde où
la distribution des richesses est la
plus inégale. Bruno Rodríguez Parrilla,
notre ministre des Relations
extérieures, après être intervenu à New
York à la session de l’ONU sur le blocus
appliqué à Cuba, s’est rendu à Asunción,
la capitale du Paraguay, où il s’est dit
des choses extrêmement intéressantes sur
la crise qui secoue l’Union européenne.
Le nouveau Premier ministre portugais
s’est plaint amèrement que l’Union
européenne se retrouve épuisée et sans
fonds après avoir sauvé
la Grèce
à des coûts records, qu’elle pourrait
faire face à une crise au Portugal, mais
qu’elle se plongerait alors en pleine
banqueroute, incapable de secourir
l’Italie, la septième économie mondiale,
ce qui entraînerait
la France
dont les banques accumulent le gros de
la dette italienne.
Les dirigeants ibériques doutent que
l’engagement contracté envers
la Grèce
puisse se concrétiser et augurent, dans
ce cas, une crise plus prolongée que
celle de 1929.
Les dépêches informaient ce matin des
dures conséquences qu’ont entraînées les
pluies sans précédent qui se sont
abattues sur
la Thaïlande,
le plus gros exportateur de riz au
monde, dont les ventes chuteront de 25 à
19 millions de tonnes.
En revanche, l’information que
la Chine
augmentait sa production de cuivre
métallique de presque cinq millions de
tonnes
a eu des effets considérables. Il
n’empêche : alors que les États-Unis
conservent intact leur pouvoir de veto
au Fonds monétaire international,
celui-ci refuse à
la Chine
le simple droit d’adopter le yuan comme
monnaie convertible ! Jusqu’à quand
cette tyrannie durera-t-elle ?
C’est à travers ce prisme qu’il faut
analyser chaque mot prononcé au Sommet
du G-20.
Fidel Castro Ruz
Le 2 novembre 2011
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