Muhammad Dahlan
on Counterpunch.org, 14 août 2009
http://counterpunch.org/amin08142009.html
« C’est notre homme ».
(George Debeuliou
Bush, parlant du responsable palestinien de la sécurité Muhammad
Dahlan. Juin 2003).
Le gouvernement américain tripatouille les
affaires intérieures palestiniennes depuis, au bas mot, 2003. Sa
volonté est de faire du mouvement national palestinien luttant
pour la libération et l’indépendance un gouvernement plus
complaisant et davantage de type Quisling prêt à accéder aux
exigences politiques et sécuritaires d’Israël.
La tactique américaine comporte des
facettes militaires, sécuritaires, diplomatiques et politiques.
Avec l’accès au pouvoir du Hamas, à la suite des élections
législatives palestiniennes de 2006, la stratégie américaine
s’est attachée à défaire les résultats desdites élections. Son
objectif, consistant à ramener au pouvoir le camp pro-américain
au sein du monde politique palestinien, a commencé à être mis en
œuvre avec la réunion du congrès national du Fatah, la semaine
dernière.
Durant la semaine dernière, le Front
National Palestinien de Libération, le Mouvement Fatah, a réuni
le sixième congrès national de son histoire de quarante-quatre
ans d’âge. Le Fatah, est considéré, historiquement, comme la
formation palestinienne la plus nombreuse, mais cette perception
a changé après que ce parti eut perdu les élections
législatives, en faveur du Hamas, en janvier 2006. Le Fatah
ayant conclu son congrès, huit jours après son ouverture, il a
annoncé les résultats de ses élections internes. Les médias
internationaux, en particulier occidentaux, ont retenu, de ces
élections, l’accession au pouvoir de visages « nouveaux » et
« frais », au sein de ce mouvement. Mais que c’est-il passé,
réellement, lors de cette élection ?
La structure interne du Fatah diffère de
celles de la plupart des partis politiques ou des mouvements de
libération. Il n’est pas hiérarchisé et la loyauté de ses
membres obéit dans une large mesure à un système de patronage et
de factionnalisme qu’incarne son Comité Central, composé de
vingt-trois membres.
Techniquement, ledit Comité Central est
supposé refléter un système de direction collective, ainsi que
le programme politique du mouvement de libération nationale.
Même son fondateur, feu Yasser Arafat, qui a dirigé le mouvement
depuis sa création, en 1965, jusqu’à sa mort, en 2004, n’avait
pas d’autre titre officiel que celui de membre du Comité
(central) et de commandant-en-chef de son aile armée. Mais avec
le temps, aux yeux de nombre de Palestiniens, la direction du
Fatah symbolisa de plus en plus un système de concussion, de
corruption, de népotisme et de collaboration avec Israël, ainsi
qu’une succession d’échecs politiques, en particulier à la suite
du processus d’Oslo.
Bien que sa charte interne préconise un
congrès national tous les quatre ans afin d’élire sa direction,
les questions fondamentales, au lendemain du présent congrès,
étaient les suivantes : pourquoi a-t-il fallu vingt ans au Fatah
pour qu’il se décide à le réunir ? L’élection de la nouvelle
direction du Fatah reflète-t-elle les aspirations du peuple
palestinien, ainsi qu’une approche neuve et fraîche du processus
politique. Enfin : qui sont les parrains des principales
personnalités qui viennent d’être élues à sa direction ?
Le Comité Central du Fatah sous direction
Arafat avait pris la décision stratégique (en 1988) de négocier
un règlement politique avec Israël et d’accepter que le
gouvernement américain en soit le principal facilitateur. Durant
deux décennies, en particulier à la suite des accords d’Oslo
(1993), la question palestinienne est peu à peu sortie de
l’agenda des grandes questions internationales, devenant
quasiment une affaire relevant exclusivement des Etats-Unis,
d’Israël et de la direction palestinienne, qu’il s’agît de l’OLP
ou, après 1994, de l’Autorité Palestinienne (AP).
La plupart des analystes neutres de la
situation au Moyen-Orient, comme Robert Malley, Directeur du
Programme Moyen-Orient du Groupe International (de règlement)
des Crises et ex-membre du Conseil National de Sécurité
américain sous l’administration Clinton observent que les
négociateurs américains, sous plusieurs administrations
successives (tant démocrates que républicaines) ont
essentiellement fait leur la vision israélienne des choses et
ont mis l’essentiel de la pression sur la direction
palestinienne (qu’il s’agisse de Bill Clinton, avec Yitzhak
Rabin et Ehud Barak, ou de George Deubeuliou Bush, avec Ariel
Sharon et Ehud Olmert).
Durant le premier mandat de Bush, Arafat, à
la tête de l’AP, était isolé, tandis que Washington promouvait
au sein de la direction palestinienne des dirigeants tels que
Mahmoud Abbâs (Premier ministre imposé à Arafat en 2003) et
l’ex-chef de la sécurité palestinienne Muhammad Dahlan, qui
adoptèrent tous deux la stratégie américaine au Moyen-Orient. En
2005, Bush rendit public son projet de liberté et de démocratie,
exigeant la tenue d’élections dans les territoires palestiniens
et misant sur une victoire du Fatah pour mettre en œuvre son
projet.
Toutefois, l’administration américaine
abandonna rapidement son projet de promotion de la démocratie
dans le monde arabe après que le Hamas eut remporté une victoire
qui fit l’effet d’un tsunami lors des législatives
palestiniennes de 2006. La Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice
exprima son état de choc au sujet de ces résultats en ces
termes : « Personne ne l’avait vu venir ». Un responsable du
ministère américain de la Défense a déclaré au journaliste David
Rose, de Vanity Faire, en 2008 : « Tout le monde a accusé tous
les autres ». Nous étions là, assis, abasourdis, au Pentagone,
et nous nous perdions en conjoncture : « Quel est le connard qui
a préconisé ces élections ? »
Depuis lors, l’administration américaine a
eu recours à trois stratégies différentes mais se recoupant en
partie afin de renverser les résultats de ces élections. Ces
efforts déployés par le Département d’Etat, la Maison Blanche et
le ministère de la Défense, furent très mal planifié et très mal
coordonnés.
Durant toute l’année 2006 et la première
moitié de 2007, le Département d’Etat eut recours à ses moyens
diplomatiques et au gros bâton politique pour renverser le
gouvernement palestinien à direction Hamas démocratiquement élu.
Dans un reportage publié en avril 2008, la revue américaine
Vanity Fair révélait qu’un mémo américain en vue de négociations
avait émergé dans les informations après qu’un diplomate
américain l’eut accidentellement oublié dans un bureau de
l’administration de l’Autorité Palestinienne, à Ramallah. Ce
document se faisait l’écho de l’exigence formulée par Rice, à
savoir qu’Abbâs dissoût le gouvernement palestinien d’union
nationale et qu’il s’en prenne au Hamas.
Sur ces entrefaites, comme l’a expliqué
l’article de Vanity Fair, Elliot Abrams, néoconservateur et
vice-président du Conseil National de Sécurité américain,
fomentait un coup d’Etat contre le Hamas avec l’ancien
responsable de la sécurité de Gaza, Mohammad Dahlan, un coup
d’Etat prévu pour le printemps 2007. L’opération consistait en
une collaboration avec Israël, plusieurs pays arabes, tels que
les Emirats Arabes Unis et la Jordanie, le versement de plus de
30 millions de dollars à Dahlan, l’entraînement de cinq cents
hommes des services de sécurité, une campagne de déstabilisation
à Gaza et, enfin, un programme de torture à l’encontre de
membres du Hamas et d’autres islamistes.
Dahlan a reconnu tout cela au reporter de
la revue en question, David Rose, auquel il a dit qu’il avait
confié à ses partenaires américains qui le poussaient à la
confrontation avec le Hamas : « Pour affronter les hommes du
Hamas, j’ai besoin de ressources substantieles. En l’état actuel
des choses, nous n’en avons pas les moyens. »
Le quotidien israélien Haaretz a écrit, le
7 juin 2007, que l’administration américaine avait demandé à
Israël d’autoriser l’entrée d’un énorme chargement d’armes
égyptiennes, comportant des dizaines de véhicules blindés, des
centaines de roquettes, des milliers de grenadse à main et des
millions de cartouches. Rose a expliqué que le projet d’Abrams
mettait l’accent sur la nécessité de renforcer le Fatah afin de
« dissuader » le Hamas. Selon un haut responsable de
l’administration américaine, l’ « issue escomptée » était de
donner à Abbâs « la capacité de prende les décisions politiques
stratégiques requises (comprendre : satisfaire les conditions
israéliennes en vue d’un règlement politique) et de renverser le
gouvernement palestinien (dirigé par le Hamas) au moyen de la
création d’un cabinet d’urgence.
Mais le conseiller ès-Moyen-Orient de Dick
Cheney, David Wurmser, reconnut l’échec de cette manœuvre,
déclarant au magazine : « Il m’a semblé que ce qui s’était
produit était moins une tentative de
coup d’état du Hamas qu’une tentative de coup d’état du
Fatah, qui a été retourné à son profit pat le Hamas avant même
qu’il n’ait eu le temps de se produire. »
La troisième tentative avait été
principalement supervisée par le Pentagone, et dirigée par le
lieutenant général Keith Dayton. Dans un discours prononcé
devant une boîte à idées pro-israélienne, le Washington
Institute on Near East Policy (WINEP) en mai 2009, celui-ci
avait déclaré que le cabinet du Coordonnateur sécuritaire
américain, qu’il dirigeait depuis décembre 2005, « visait à
aider les Palestiniens à réformer leurs services de sécurité ».
Mais, d’après les notes prises lors d’une rencontre entre Dayton
et un haut responsable sécuritaire de Ramallah, au début 2007,
l’objectif réel de l’opération avait été révélé par cette phrase
prononcée par Dayton : « Nous devons aussi mobiliser nos forces
afin d’attaquer le Hamas ».
Depuis 2007, le Congrès a donné 161
millions de dollars à Dayton pour mener son plan à bien. De
plus, cette année, le Congrès a débloqué un budget additionnel
de 2009 millions de dollars à Dayton pour les exercices fiscaux
2009 et 2010 afin de l’aider à accélérer son programme, après
avoir reçu les bonnes notes et les félicitations des
responsables des services de sécurité israéliens. Durant la
seule année passée, ce sont plus de mille membres du Hamas et du
Jihad islamique qui ont été arrêtés et emprisonnés sans procès,
beaucoup d’entre eux étant torturés, souvent jusqu’à ce que mort
s’en suivît, par des membres des services de sécurité
palestiniens, formés par des experts américains, en Cisjordanie.
Amnesty International et plusieurs autres organisations de
défense des droits de l’homme ont condamné ces exactions, et ont
appelé à une cessation immédiate des violations des droits
humains des prisonniers palestiniens détenus dans les geôles de
l’Autorité palestinienne.
Dans ses déclarations à Winep, Dayton a
reconnu cette rafle : « Je ne sais pas si vous êtes nombreux à
la savoir, mais durant l’année-et-demie écoulée, les
Palestiniens ont procédé à ce qu’ils appellent des « offensives
de sécurité » dans l’ensemble de la Cisjordanie, et ces
offensives ont été remarquablement bien coordonnées avec l’armée
israélienne ». Il a également reconnu que durant la guerre des
vingt-deux jours, à Gaza, l’hiver dernier, des forces
palestiniennes de sécurité formées par les Etats-Unis ont
empêché les Palestiniens de Cisjordanie d’organiser des
manifestations de masse contre l’armée israélienne, ce qui a,
ironie du sort, favorisé la réduction de la présence militaire
israélienne en Cisjordanie, aidant ainsi Israël à redéployées
ces troupes désormais inutiles en Cisjordanie dans la bande de
Gaza… Dayton a ajouté : « D’ailleurs, bonne partie de l’armée
israélienne en faction en Cisjordanie est passée dans la bande
de Gaza – réfléchissez-y une minute : incroyable, non ? Le
commandant militaire israélien de la Cisjordanie a même été
absent de ce territoire occupé durant huit jours
d’affilée !... »
Un coup d’état foireux et une offensive
militaire brutale ayant échoué à déloger le Hamas de la bande de
Gaza, la stratégie israélo-américaine s’est attachée à
intensifier sa pression sur le Hamas au moyen de l’imposition
d’un blocus économique étanche à Gaza, d’arrestations et de
détentions sécuritaires massives en Cisjordanie, de l’écrasement
financier total de la région et de son isolement politique sur
la scène internationale. Pendant ce temps, d’après plusieurs
porte-paroles du Hamas, dont le Premier ministre de Gaza déposé
Ismaïl Haniyyéh et du chef politique Khâled Meshaal, à Damas, le
principal obstacle à toute réconciliation nationale avec le
Fatah a été la détention de centaines de militants du Hamas et
la collaboration (que supervise Dayton) de l’Autorité
palestinienne avec l’occupation militaire israélienne.
La phase suivante de cette opération
consiste à revisiter le Fatah et à en faire une alternative
politique viable au Hamas et aux autres mouvements de la
Résistance palestinienne en améliorant les conditions de vie en
Cisjordanie afin de les faire contraster violemment avec le
siège économique dévastateur imposé à la bande de Gaza. Mais il
y a plus important encore : le plan envisage un nouveau Fatah
qui soit considéré comme un partenaire fiable, désireux de se
plier aux conditions israéliennes d’un règlement politique. Le
sixième congrès du Fatah et les élections qui l’ont accompagné
furent, par conséquent, prévus afin de pouvoir mettre à la
poubelle l’image de corruption et de gabegie de cette
organisation.
Durant plus d’un an, le Comité Central, qui
en est la plus haute instance, a été incapable de se mettre
d’accord sur plusieurs questions essentielles, dont le lieu de
tenue dudit congrès (la décision finale fut de le tenir dans les
territoires palestiniens occupés, ce qui signifiait qu’Israël
serait en mesure d’imposer son veto sur tel ou tel délégué venu
y participer depuis l’étranger…). Ils se sont querellés,
également, sur les délégations qui seraient invités à y
participer, qui détermineraient la composition de la nouvelle
direction, ainsi que sur le programme politique et sur le rôle
de la résistance armée contre l’occupant. Abbâs et son cercle
rapproché ont opposé leur veto à la décision du comité central :
ils ont décidé de tenir le congrès à Bethléem, en choisissant
virtuellement à leur guise tous les participants, afin de
s’assurer d’une issue du scrutin à leur convenance.
Historiquement, les délégués au congrès
nationaux du Fatah avaient été élus ou nommés par le Comité
Central, mais au minimum quize pourcents d’entre eux provenaient
de l’appareil militaire. La majorité de l’aile militaire ayant
été démobilisée ou recherchée par les Israéliens, un grand
nombre de délégués à ce congrès étaient des membres des services
de sécurité remplaçant les délégués militaires. Cela était la
garantie que les résultats de l’élection seraient biaisés en
faveur des responsables de la sécrité et de leurs partisans.
Initialement, il aurait dû y avoir environ
700 délégués. Ils passèrent à 1 250, mais ce nombre foisonna, en
définitive, jusqu’à atteindre les 2 355 délégués ! Moins de 10 %
d’entre eux avaient été effectivement élus en raison de leurs
responsabilités, tandis que l’immense majorité des délégués
avait été désignée par une petite coterie de Ramallah
principalement dirigée par Abbâs et d’autres hommes de pouvoir
tels que Dahlan et l’ancien chef de la sécurité en Cisjordanie
Jebrîl Rajjûb, connu pour accrocher le portrait de George Tenet
dans son bureau, à côté de celui d’Arafat.
Le nombre des membres du Comité Central fut
lui aussi accru, passant de 21 à 23, dont 19 élus directement
par les délégués. Abbâs devait nommer quatre de ses membres
ultérieurement, mais il fut lui-même élu par acclamations, afin
de lui éviter la honte de ne pas s’assurer de la toute première
place dans une élection directe…Les dix-huits individus qui
furent élus à la fin du weekend comportaient quatre membres de
la « vieille garde » considérée proche de Abbâs, dont trois sont
d’anciens chefs de la sécurité, proches de la CIA. Il s’agit de
Dahlan, de Rajjûb et de Tawfîq Tîrâwî, un ancien chef des
services de renseignement, qui dirige actuellement un centre de
formation des services de sécurité placé sous la supervision du
Général Dayton, à Jéricho.
Vu de l’extérieur, ce congrès du Fatah
apparaît comme fortement biaisé en faveur des délégués de
Cisjordanie. Contrairement à des congrès précédents, les
Palestiniens de la Diaspora n’y furent pratiquement pas
représentés, Israël n’ayant laissé entrer que de très rares
représentants venus de l’étranger. La population de la bande de
Gaza équivaut en gros à celle de la Cisjordanie, or moins de 400
délégués ont représenté la bande de Gaza, contre plus de trois
fois ce nombre de délégués de la Cisjordanie !
Mais la plupart des délégués de Gaza ne
sont même pas venus à Bethléem, le Hamas les ayant empêché de
quitter la bande de Gaza et exigeant en échange que des
centaines de ses membres détenus en Cisjordanie soient libérés
par l’Autorité palestinienne, ce que celle-ci refusa tout de go.
Bref, mis à part Dahlan, qui ne vit plus à Gaza, aucun délégué
élu par le Congrès n’est originaire de Gaza ou n’y réside. Cela
a amené toute la direction Fatah de Gaza, dont l’ex-membre du
Comité Central Zakariyâ al-Aghâ, à démission en bloc au
lendemain du Congrès, afin de protester non seulement contre les
résultats, mais aussi contre l’ensemble du processus.
De la même manière, les membres du Fatah
dans la diaspora ont connu un triste sort. Seuls deux d’entre
eux ont été élus au Comité Central, bien que plus des deux-tiers
des Palestineins (soit huit millions d’entre eux) vivent
en-dehors des territoires occupés, pour l’immense majorité
d’entre eux dans des camps sordides, le « droit au retour »,
considéré comme une question épineuse de futures négociations,
restant en suspens. D’un autre côté, l’immense majorité des
nouveaux membres du Comité Central provenaient soit de la
Cisjordanie, soit vivaient déjà à Ramallah, étant des aides
d’Abbâs parmi les plus proches, confortant ainsi la stratégie
américaine, qui se résume à l’expression : « La Cisjordanie
avant tout ».
Certains membres de la vieille garde
opposée au programme politique de Abbâs, comme le secrétaire du
Comité Central Fârûq al-Qaddûmiyy ou Hânî al-Hasan, n’ont pas
plus été candidats qu’ils n’ont participé à ce congrès, que
Qaddûmiyy a condamné, remettant sa légitimité en cause, et
allant jusqu’à accuser Abbâs et Dahlan d’avoir comploté avec les
Israéliens afin d’empoisonner Arafat, causant sa mort.
D’autres anciens membres, qui étaient
candidats et furent
battus crièrent à la fraude. L’ancien Premier ministre et
négociateur palestinien Ahmad Quraï‘ (Abû-l-‘Alâ’) a remis en
cause la représentativité des délégués et l’intégrité du
processus électoral. Le chef d’état-major d’Abbâs, Tayyeb Abdel-Rahîm
ayant été battu, il exigea que l’on recontât les voix et fut
trouvé en définitive vainqueur, après que la commission
électorale eut proclamé le scrutin clos. Beaucoup de délégués,
en particulier des femmes, dont tous avaient perdu, ont critiqué
ce népotisme criant. Néanmoins, plusieurs candidats populaires
et « propres » ont été en mesure de conquérir un siège. Ce fut
le cas de Marwân Barghûthî, qui commence à purger cinq
condamnations à vie en Israël, et Mahmûd al-‘Allûl, ancien maire
de Naplouse.
Tandis que les Palestiniens assistaient au
déroulement de ce congrès, beaucoup d’entre eux espéraient qu’il
marquerait le début d’une réconciliation nationale et la
consitution d’un gouvernement d’union. Toutefois, il semble
qu’un de ses résultats soit le risque que la désintégration du
Fatah se poursuive, ses dirigeants à Gaza et ‘Abû-l-‘Alâ’
menaçant de créer une nouvelle faction, qui s’appellerait
« Réveil du Fatah », ce qui ne pourrait qu’aggraver les
divisions et la tension régnant dans les rangs des Palestiniens.
L’étape suivante, dans la stratégie du camp
palestinien pro-américain consistera à organiser des élections
présidentielles et législatives dans les territoires
palestiniens en janvier prochain, dans l’espoir de pouvoir
présenter un Fatah rajeuni comme alternative au Hamas et aux
autres mouvements de résistance. Le journaliste Jonathan Steele,
du Guardian, a déconstruit en détail le « coup dur » des
Américains, en juin 2007, ainsi que leur stratégie politique. Il
passe en revue les conversations de certains responsables
américains avec plusieurs régimes arabes. Il y est question
notamment de « maintenir le Président ‘Abbâs et le Fatah au
centre de gravité de l’arène politique palestinienne »,
d’ « éviter de perdre du temps à s’accommoder le Hamas », de
« saper la position politique du Hamas » et enfin, de
« convoquer des élections anticipées ».
Selon les termes mêmes du Général Dayton,
les professionnels de l’Autorité palestinienne formés par les
Etats-Unis doivent prêter, lors de la remise de leur diplôme, le
serment qu’ils « n’ont pas été envoyés ici afin d’apprendre les
moyens de combattre Israël, mais bien plutôt pour apprendre de
quelle manière maintenir l’ordre et l’état de droit ». La
principale fonction de ces bataillons sécuritaires est de mettre
un terme à toute résistance et à tout rejet de l’occupation
israélienne par des moyens autres que non-violents. Il a ajouté
ensuite que les hauts commandants de l’armée israélienne lui
demandent souvent « combien de ces néo-Palestiniens je suis en
mesure de générer, et dans quels délais (rapprochés) ? »
Beaucoup de questions soulevées par les
simples citoyens palestiniens avant le congrès demeurent sans
réponse. Quel est le programme du Fatah, à la lumière de
l’intransigeance et des conditions préalables israéliennes
actuelles ? Quid d’une réconciliation nationale avec d’autres
factions palestiniennes et quid de la création d’un gouvernement
d’union nationale ? Quel est le rôle de la Résistance face à
l’occupation, face au siège étouffant de la bande de Gaza et,
plus important encore, face à la collaboration (de l’Autorité
palestinienne, ndt) qui se poursuit avec les services de
sécurité israéliens et la soldatesque israélienne, contre ses
citoyens ?
Ces questions restent pendantes, cependant
que l’occupation israélienne, avec ses brutalités, et que
l’expansion des colonies, l’édification du mur de séparation, la
détention de plus de 11 000 prisonniers palestiniens, les
expropriations, l’expulsion de la population palestinienne de
Jérusalem Est et le refus du droit au retour chez eux des
réfugiés palestiniens continuent comme jamais.
Dit simplement, les Etats-Unis veulent une direction
palestinienne qui réponde à ces questions d’une manière qui
satisfasse Israël. Comme l’a dit un responsable du Département
d’Etat à la revue Vanity Fair au sujet des objectifs américains
dans le conflit israélo-palestinien : « Ce qui nous intéresse,
c’est le résultat, et nous soutenons n’importe quel fils de pute
que nous devons soutenir à cette fin : Dahlan n’est qu’un fils
de pute que nous connaissons un peu mieux que les autres fils de
pute, voilà tout. »
Traduit de l’anglais
par Marcel Charbonnier
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