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Questions Critiques
Gaza : Un assaut contre le processus de paix
Donald Macintyre
© Photo PCHR
The Independent, lundi 26 janvier 2009
article original :
"Donald Macintyre: An assault on the peace process"
Israël a dévasté la capacité de production de la Bande de Gaza,
tout comme il a détruit au moins 4.000 habitations. Les
forces israéliennes ont utilisé les bombardements aériens, les
tirs d’artillerie et les bulldozers blindés pour éliminer la
capacité de production de quelques-unes des installations
industrielles les plus importantes de la Bande de Gaza, durant
son action militaire de 22 jours. Selon les industriels
palestiniens, ces attaques – comme celles qui ont détruit au
moins 4.000 habitations, faisant ressembler certains quartiers à
des zones de tremblement de terre et laissant plus de 50.000
personnes dans des abris temporaires au plus fort des
bombardements – ont détruit ou sérieusement endommagé 219
usines.
Les dirigeants de la communauté des affaires de Gaza – qui
sont restés pendant longtemps à l’écart des différentes factions
politiques palestiniennes – disent qu’une grande partie des 3%
de l’industrie encore en service après les fermetures provoquées
par le siège économique israélien de 18 mois a été désormais
détruite. Chris Gunness, le porte-parole en chef de l’UNRWA
(l’Agence aux Réfugiés Palestiniens de l’ONU), a déclaré que la
destruction généralisée de « l’infrastructure économique civile
» avait été une frappe « en plein cœur du processus de paix »,
parce que « la stabilité économique est un composant essentiel
d’une paix durable ». S’il est probable que cette destruction
aura principalement un impact sur les perspectives déjà tendues
sur le plan politique d’une reconstruction de Gaza à moyen et
long termes, il est peu probable que cela facilitera les efforts
pour aider les nombreux habitants qui ont été touchés et
déplacés. Ce sont ces efforts d’aide humanitaire pour lesquels
les principales agences britanniques appellent à l’aide dans la
publicité qui a été interdite par la BBC[1].
Pendant ce temps, l’UNRWA fait pression séparément sur les
donateurs pour obtenir 345 millions de dollars [environ 260
millions d’€] nécessaires aux réparations immédiates des
habitations toujours debout et de ses propres installations
endommagées[2].
Parmi les usines qui ont été détruites : Alweyda, la plus grosse
usine de transformation alimentaire et la seule qui fonctionnait
encore à Gaza pendant la guerre ; Abou Eida, la plus grande
installation, à présent rasée, qui produisait du béton
pré-mélangé ; et les moulins à farine Al Badr, vieux de 89 ans,
qui disposaient des plus grosses facilités de stockage de la
Bande de Gaza. Les propriétaires de ces trois installations
industrielles ont déclaré hier qu’ils étaient fiers de leurs
contacts étroits et anciens avec des entreprises et des
fournisseurs israéliens partenaires. Le Dr Yasser Alwayda, le
propriétaire et directeur industriel de l’usine de préparation
alimentaire qui a été démolie, a évalué les dégâts totaux subis
par son usine à 22,5 millions de dollars et il a accusé Israël
de vouloir « détruire la faible économie palestinienne ». Il a
ajouté : « Ils veulent s’assurer que nous n’aurons jamais un
Etat en Palestine. »
Tawfiq Abou Eida, le propriétaire de l’usine de béton, a dit
qu’il se préparait, juste avant la guerre, à approvisionner les
travaux s’assainissement de Beit Lahiya, un projet clé de
l’envoyé au Proche-Orient, Tony Blair.
Les attaques aériennes et terrestres ont aggravé l’impact de
l’embargo commercial, qu’Israël avait imposé en juin 2007 après
la prise par la force de la Bande de Gaza par le Hamas. Amr
Hamad, le directeur exécutif de la Fédération des Industries
Palestiniennes, a déclaré : « Ce qu’ils n’ont pas pu toucher par
le blocus, ils l’ont atteint par les bulldozers. » Il a ajouté :
« les entrepreneurs ne sont pas du tout liés au Hamas et ils
sont très pragmatiques et ouverts d’esprit. « Ils représentent
la dernière couche de la société palestinienne qui croit en la
paix et en l’importance de l’économie. Ils croient également que
le seul lien économique devrait être avec Israël », a déclaré M.
Hamad.
Le Premier ministre Ehoud Olmert a dit à son cabinet qu’avec «
leurs acrobaties morales typiques », les « organisations
terroristes » essayaient de faire porter le chapeau à Israël et
que « l’Etat d’Israël avait tout fait pour éviter de frapper les
civils. » Israël va s’assurer que les soldats et les officiers
qui ont pris part à l’opération ne soient pas menacés par
quelque tribunal que ce soit enquêtant sur eux, a-t-il déclaré.
Aux moulins Al Badr de Sudaniya, au nord de la Bande de Gaza,
leur propriétaire, Rachid Hamada, 55 ans, a dit que son
entreprise avait fabriqué de la farine pour les boulangeries
jusqu’à l’attaque du 10 janvier. Il a fermement réfuté que son
installation, qui était fermée la nuit et gardée, a été utilisée
par des combattants du Hamas et il a dit qu’il était clair que
la ligne de production avait été la cible.
« Il semble que le père de ce commandant [israélien] a possédé
un moulin à farine”, a-t-il commenté avec ironie. « Il savait
exactement où frapper. Les Israéliens... m’encourageaient à
étendre la production ici. A présent, ils l’ont détruite. Je ne
comprends pas pourquoi. »
Se tenant à côté des fourgonnettes broyées et brûlées et des
ruines calcinées de son usine alimentaire et de ses entrepôts,
situés pour un accès facile à Israël entre le quartier est de la
ville de Gaza, Chajaia, et la frontière à 650 mètres de là, le
Dr Alweyda a dit que 26 véhicules avaient été détruits, de même
que les chaînes de fabrication. Cette entreprise, l’unique agent
à Gaza de Tnuva, une société israélienne de produits
laitiers, avait réussi à maintenir la production de biscuits
jusqu’au déclenchement de la guerre. L’armée israélienne a
déclaré hier qu’elle enquêtait toujours sur les accusations
d’avoir occasionné des victimes civiles et des dommages aux
propriétés mais qu’elle « ne vise pas les civils ou les
infrastructures civiles, y compris les usines, à moins qu’elles
ne soient utilisées par le Hamas à des fins terroristes. »
Mais Amr Hamad a déclaré qu’il croyait fermement que les deux
objectifs des frappes était de rendre Gaza économiquement
dépendante d’Israël et d’encourager une pression populaire sur
le Hamas pour qu’il accepte certains compromis comme condition
préalable à la réouverture des passages frontaliers – comme, par
exemple, permettre à l’Autorité Palestinienne basée à Ramallah
de contrôler les passages, ainsi que la libération du caporal
israélien Gilad Shalit, enlevé il y a deux ans et demie par le
Hamas et d’autres activistes.
Traduction [JFG-QuestionsCritiques]
Notes du traducteur :
[1]
Depuis quelques jours, une polémique sévit en Grande-Bretagne
sur le fait que la BBC, le groupe national de
radio-télédiffusion, a interdit d’antenne la publicité des
agences humanitaires pour récolter des dons pour la population
affamée et sans abri de Gaza. La BBC a été rejointe par Sky News
(du groupe News Corporation de Rupert Murdoch) qui a également
interdit sur ses antennes l’appel aux dons pour soulager la
crise humanitaire qui se déroule à Gaza. Ces deux établissements
d’informations télévisées ont été vilipendés pour leur
couverture particulièrement partiale de l’offensive de Gaza par
Israël. Ils considèrent que leur « impartialité » est en jeu,
que des gens en Israël souffrent également et qu’ils ne peuvent
pas montrer une seule face des choses ! Comme si les Israéliens
avaient vu leurs maisons détruites, que leur infrasctruture
économique avait été dévastée et qu’ils étaient affamés après
une dévastation infligée par un peuple raciste et haineux !
[2] On se souvient que le
centre de secours alimentaire de l’ONU à Gaza a été entièrement
détruit, ainsi que les écoles de l’ONU et autres installations
onusiennes, par l’armée israélienne.
Publié le 27 janvier 2009 avec l'aimable
autorisation de Questions Critiques
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