|
RIA Novosti
En Afghanistan,
l'Amérique perdra la face, ou, au contraire, la trouvera
Dmitri Kossyrev
Photo:
© RIA Novosti - Andrey Greshnov
Vendredi 13 novembre 2009
Un nouveau scandale a éclaté à Washington à la suite de la
divulgation d'une correspondance confidentielle.
Pour d'autres pays la chose est inconcevable: les plus
importants médias publiant des messages secrets de l'ambassadeur
au dirigeant du pays écrits il y a à peine une semaine.
L'ambassadeur des Etats-Unis en Afghanistan, Karl Eikenberry,
écrit une lettre au président (et les médias américains la
publient instantanément et sans aucune gêne), en lui disant
qu'il est insensé d'envoyer des renforts en Afghanistan, si le
gouvernement du président Hamid Karzaï ne manifeste pas le désir
de lutter contre la corruption et autres vices qui ne
contribuent qu’à renforcer les talibans et leurs semblables.
Le président américain a plusieurs variantes pour augmenter les
effectifs des troupes en Afghanistan afin de les porter de 10000
à 40000 hommes. Ces renforts coûteront 33 à 50 milliards dollars
par an. L'ambassadeur estime qu'il est absurde de faire quoi que
ce soit sans changement de régime.
Il n'est pas étonnant que l'examen de ce problème devant
s’effectuer dans le plus grand secret ait alimenté le débat
public. Le fait est que, pour les Etats-Unis (ou, plus
largement, pour toute la civilisation occidentale), il n'y a
rien de plus important en ce moment. En effet, en Afghanistan,
il s'agit non seulement de milliards de dollars, mais aussi de
vies humaines. Par exemple, la Grande-Bretagne y a perdu son
200e soldat. Au nom de quoi?
Qui plus est, il devient de plus en plus clair que l’absurdité
de l'organisation, d’ailleurs américaine, de l'élection
présidentielle en Afghanistan fin août sape entièrement les
efforts ultérieurs déployés par les Etats-Unis dans ce pays.
Rappelons que l'administration Obama considérait cette élection
comme le point culminant de son programme de règlement du
"problème afghan". Lorsque Karzaï et ses partisans ont été
accusés d'avoir truqué les résultats de l'élection, la pire
variante a été adoptée: le recompte des voix a rendu nécessaire
un second tour. D'abord, la diplomatie américaine a fait
pression sur le président du pays en l'obligeant à accepter un
second tour. Ensuite, cette même diplomatie s'est retrouvée dans
une situation idiote, lorsque le rival de Karzaï a retiré sa
candidature pour le second tour.
Karzaï s'en est offensé et dit à présent ouvertement ce qu'il
pense de la politique américaine dans son pays (cela explique le
mécontentement de l'ambassadeur américain).
Comment il pouvait se taire puisque l'Amérique a fait tout son
possible pour montrer aux Afghans que leur président n’est
qu‘une marionnette (ce que nombreux soupçonnent), de plus, une
marionnette ayant trop de fils tirés par beaucoup trop
d'Américains aux avis opposés. En Afghanistan, on peut diriger
sans élections, mais pas sans respect.
Au moment où se déroulait toute cette comédie, le président
Obama a déclaré du haut de la tribune de l'ONU que la démocratie
n'était pas un produit d'exportation et que les Etats-Unis
n'avaient pas l'intention de l'exporter. C'est l'idée théorique,
mais comment "ne pas l'exporter" concrètement en Afghanistan?
Les Etats-Unis et, en général, la civilisation occidentale ne le
savent pour l'instant pas.
Bref, l'agonie durera longtemps et c'est en Afghanistan que
l'Amérique trouvera sa nouvelle image (et un nouveau style de
comportement dans le monde), ou bien elle la perdra
définitivement (l'Europe mérite une conversation à part).
Pour le moment, de nombreux pays ont commencé à participer plus
activement aux affaires afghanes, en créant une alternative
évidente à la politique américaine. Un cas rare: l'ONU a adopté
unanimement une résolution appropriée de l'Assemblée générale
(c'est-à-dire de tous les pays membres de l'ONU) à l'initiative
de l'Allemagne. Dans cette résolution, les élections en
Afghanistan sont considérées comme libres, justes et dignes de
confiance. Le Japon a décidé d'accroître son aide à
l'Afghanistan en la portant de 3 à 5 milliards de dollars (sur
cinq ans). D'autres pays donateurs de l'Afghanistan se sont
réunis à Istanbul, et il n'a pas été question de réduire l'aide.
Enfin, l'Inde, la Chine et la Russie (lors d'une rencontre de
leurs ministres des Affaires étrangères à Bangalore) ont inclus
dans le document final quelques paragraphes intéressants sur
leur désir d'élaborer "conjointement avec d'autres pays" une
stratégie afghane collective. Pourquoi? C'est simple:
l'administration américaine veut apporter des changements dans
ses actions à l'étranger, en premier lieu, en Afghanistan et
dans la région. Mais s'il est nécessaire d'agir de façon
nouvelle - notamment, avec l'aide de la Russie - on est tout de
suite en présence d'une paralysie déjà familière de la volonté
et de la pensée. Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.
© 2009 RIA Novosti
Publié le 14 novembre 2009
|