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Après le discours du président
américain
Djamila Bouhired répond à Obama
Djamila Bouhired - Lakhdar Bouregaa
Djamila Bouhired
Lundi 8 juin 2009
En réaction au discours du président américain Barack
Obama, jeudi dernier au Caire, Djamila Bouhired, militante de la
cause nationale, revient dans cette contribution sur la nouvelle
politique américaine au Proche-Orient.
Monsieur le Président,
Le Comité populaire algérien de soutien à la Palestine et à sa
résistance a suivi avec attention le discours que vous avez
prononcé le 4 juin à l'université du Caire. Vous y avez abordé
différentes questions sans pourtant aller jusqu'au fond des
choses et sans vision d'ensemble prenant en compte toutes leurs
dimensions.
Cependant, ce discours revêt une importance particulière s'il
est un début dans la voie de la révision par les États-Unis
d'Amérique de leur politique en direction du monde islamique et
de ses questions principales. Nous voudrions, dans cette lettre,
rappeler certains faits qui peuvent aider à atteindre ce but.
Premièrement, le monde islamique, auquel vous vous êtes adressé
dans ce discours du 4 juin, représente certes une région vitale
pour les intérêts américains. Les peuples de cette région le
savent et le comprennent. Cependant, les États-Unis d'Amérique
veulent préserver ces intérêts en les défendant au lieu d'une
négociation honnête à leur sujet. La politique des États-Unis de
défense de leurs intérêts est ainsi basée sur l'utilisation de
tous les moyens, dont la force militaire et l'occupation. Ceci
explique l'intense présence militaire américaine dans de
nombreux pays de la région. Nous pensons qu'une telle politique
est vouée à l'échec, quels que soient les changements de chefs
militaires chargés de son application. Il n'existe pas de chef
militaire américain qui puisse faire de cette politique une
mission couronnée de succès.
La voie suivie par les États-Unis pour défendre leurs intérêts
est le nœud gordien des relations de l'Amérique avec le monde
arabe et islamique. Le respect que vous avez exprimé plus d'une
fois à l'égard de l'Islam et du monde musulman est, sans aucun
doute, sincère, mais il perd beaucoup de son sens dès qu'il se
heurte à cette réalité.
Deuxièmement, la violence, ou “le terrorisme” dans laquelle
l'Amérique range jusqu'à la résistance légitime à l'occupation
s'alimente essentiellement à deux sources :
- la politique américaine, et occidentale de façon générale, à
l'égard des causes arabes et musulmanes ;
- la défection des gouvernements nationaux dont les peuples
attendaient qu'ils s'élèvent contre cette politique erronée.
Troisièmement, la politique occidentale a consisté à gérer la
question palestinienne suivant deux lignes parallèles :
- l’une consistant à soutenir l'occupation sioniste :
- l’autre à faire miroiter continuellement des projets de paix
et de règlement dont les résultats ont été :
* de favoriser l'expansion continue de l'occupation sioniste et
l'aggravation inquiétante de sa nature et de ses orientations ;
* de voiler l'occupation par une succession de projets de paix
sans arrêt et sans résultats.
Le moment est-il vraiment venu d'un règlement juste de la
question palestinienne qui prendrait en considération les droits
légitimes du peuple palestinien ?
Quatrièmement, nous craignons que la solution proposée de deux
États recèle, dans son essence, la même politique de deux poids
deux mesures et soit construite sur une tromperie sémantique :
un État réellement existant, disposant de tous les attributs
d'un État, armé jusqu'aux dents, appuyé par les États
occidentaux, face à un État n'existant que sur le papier, dont
l'existence repose sur le bon vouloir de l'État occupant, et qui
serait soumis aux critères et aux concepts de celui-ci en
matière de sécurité et de voisinage.
Cinquièmement, les initiatives de paix appuyées par les
États-Unis exigent des organisations palestiniennes de renoncer
à la résistance avant même la fin de l'occupation qui est, en
elle-même, une guerre chronique. Elles exigent aussi la
reconnaissance par elles de l'État occupant alors qu'elles ne
sont que des organisations que les États-Unis de plus qualifient
de “terroristes”. Or le droit international est formel : ce sont
les États qui reconnaissent les États.
Sixièmement, il est étrange de demander aux États arabes et
musulmans de reconnaître Israël, alors que c'est un État dont on
ne connaît ni les frontières ni la nature, et qui, de plus,
occupe les terres palestiniennes et celles d'autres États
membres des Nations unies. Ne serait-il pas plus raisonnable et
logique, dans le cadre de la solution de deux États, que soit
d'abord établi l'État palestinien avec l'assentiment de son
peuple, et qu'après la reconnaissance réciproque des deux États,
vienne celle des pays arabes et musulmans.
Septièmement, le secteur de Gaza représente, dans les
circonstances actuelles, le visage dramatique de la question
palestinienne. L'établissement de la sécurité et de la paix au
Moyen-Orient nécessiterait-il le blocus de Gaza, d'affamer et
d'humilier ses habitants ? Est-il concevable, à l'heure où prend
fin Guantanamo en Amérique, qu'un autre Guantanamo soit créé aux
dimensions de Gaza, et cela avec l'appui et la complicité même
des États qui font annonce de la paix et y invitent ?
Avec notre respect, Monsieur le Président, et nos souhaits d'une
paix juste et véritable dans notre région et le monde entier.
Pour le Comité, Djamila BOUHIRED/Lakhdar BOUREGAA,
commandant de l'ALN
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Publié le 8 juin 2009 avec l'aimable autorisation de
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