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POLITIS
Après le drame, la
diffamation ?
Denis Sieffert
Cette image de France 2 montre le
jeune Mohamed Al-Dura blotti contre son père,
peu avant qu’il ne soit mortellement touché. FRANCE 2/AFP
Jeudi 29 octobre 2009
Le père du jeune Palestinien tué devant les caméras de France 2
en 2000 a porté plainte contre un journaliste de France 3
appuyant la thèse d’une « mise en scène »
Un Palestinien
de Gaza qui porte plainte en diffamation contre un rédacteur en
chef adjoint de France 3, lequel participe sous pseudonyme à une
campagne contre un confrère de France 2, l’affaire n’est pas
banale. Elle est pourtant bien réelle.
Il s’agit en fait du nième rebondissement de l’affaire Al-Dura,
du nom de cet enfant tué très probablement par des tirs
israéliens à Netzarim, dans la bande de Gaza, en 2000, au début
de la deuxième Intifada. On se souvient de ces images de France2
montrant le gamin blotti contre un mur derrière son père. Le
petit Mohamed avait fini par être touché mortellement, alors que
son père était grièvement blessé. On se souvient aussi de la
machination montée par une partie de l’extrême droite sioniste
en France, affirmant que ce reportage relevait en fait d’une
mise en scène. Les pires horreurs ont alors été écrites
impunément sur le sujet : l’enfant ne serait pas mort, et son
père n’aurait jamais été blessé.
Depuis lors, des centaines d’enfants palestiniens ont été tués
par l’armée israélienne, dont au moins trois cents en décembre
et janvier derniers à Gaza, sans que les mêmes milieux
ultra-sionistes s’en émeuvent. Mais, dans ce cas, la machination
poursuivait un double objectif : brouiller l’impact des images
qui avaient parcouru le monde entier ; et peut-être plus encore
discréditer le correspondant de France 2 à Jérusalem, Charles
Enderlin, dont l’honnêteté et le professionnalisme dérangent.
Au mois de septembre 2008,
Actualité Juive
(n° 1038, daté
du 4 septembre) a tenté de relancer l’affaire en publiant une
interview d’un médecin israélien, Yehouda David, selon lequel
les blessures et cicatrices de Jamal Al-Dura, père de Mohamed,
ne résulteraient pas de la fusillade de 2000 mais d’une
intervention chirurgicale effectuée par lui-même en 1994. Cette
interview était réalisée par un certain Daniel Vavinsky. Charles
Enderlin a aussitôt adressé un droit de réponse à
Actualité
Juive
en joignant
l’ensemble des pièces médicales réfutant les allégations de ce
médecin.
L’hebdomadaire a publié le courrier d’Enderlin mais en «
oubliant » ces pièces médicales et en supprimant la phrase qui
en faisait mention. [«
Cijoint le rapport […] que vous voudrez bien reproduire »].
Ce qui a permis à Vavinsky de conclure sa contre-réponse à
Enderlin par ces mots d’un absolu cynisme :
« Sur le fond, Charles Enderlin
ne répond en rien […] Qu’il n’hésite pas à nous transmettre tout
élément […] Nous nous ferons un devoir d’en informer nos
lecteurs (1). »
La machination visait à brouiller
l’impact des images et à discréditer Charles Enderlin,
dont l’honnêteté dérange.
Fin 2008, Jamal Al-Dura
a déposé auprès du doyen des juges
d’instruction du tribunal de grande instance (TGI) de Paris une
plainte avec constitution de partie civile pour diffamation, par
l’entremise de son avocate, M e
Orly Rezlan. La commission rogatoire
diligentée au premier semestre 2009 a permis d’identifier
l’auteur de l’interview et de la contreréponse, signées Daniel
Vavinsky : il s’agit en réalité de Clément Weill-Raynal,
rédacteur en chef adjoint à France 3 et militant « ultra »,
proche de la direction actuelle du Crif (Conseil représentatif
des institutions juives de France). Il se présente lui-même
comme « ancien conseiller
du Crif sous la présidence de Roger Cukierman entre 2000 et 2007
pour toutes les questions touchant à l’antisémitisme et à la
désinformation ».
Serge Benattar, directeur
de la publication d’Actualité
Juive ,
et Clément Weill-Raynal ont été mis en examen pour diffamation
par Nicolas Blot, juge d’instruction au TGI de Paris.
Quant à la direction de France Télévision, la voilà de nouveau
aux prises avec cette sale affaire. Mais avec la preuve, cette
fois, que l’un de ses journalistes agissant sous pseudonyme
tente de discréditer un confrère qui se trouve être aussi un
collègue appartenant à la même société.
(1)
Pour preuve que les pièces médicales étaient jointes dans le
démenti adressé par Charles Enderlin à Actualité Juive, elles
figurent sur le site de l’Union des patrons et des
professionnels juifs de France (UPJF) :
http://www.upjf.org/actualiteesupjf/article-14813-145-7-al-dura-pieces-verser-audossier-futur-groupe-travail-dexpertsindependants.html
Charles Enderlin avait adressé le même texte et les mêmes pièces
à Actualité Juive et à l’UPJF. Le site de l’UPJF, site
communautaire pourtant réputé radical, a fait preuve en
l’occurrence d’honnêteté.
Politis du 29 octobre au 3 novembre 2009 - N°
1074
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