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Les armées secrètes de l'OTAN (VII)
La guerre secrète en France
Danièle Ganser
Bâle, le 18 avril 2011
S’il est un secret bien gardé en France, c’est celui de la
sanglante guerre que les services secrets anglo-saxons ont
conduit durant soixante ans à Paris pour maîtriser la vie
politique nationale. En révélant les péripéties de cet
affrontement historique, l’historien suisse Danièle Ganser
souligne le rôle du gaullisme dans le projet national français :
d’abord soutenu par la CIA pour revenir au pouvoir, Charles De
Gaulle parvient à un consensus politique avec ses anciens
camarades résistants communistes à propos de la décolonisation,
puis chasse l’OTAN. Il s’ensuit un conflit interne dans les
structures secrètes de l’État ; conflit qui se poursuit encore.
Cet article fait suite à :
1. « Quand
le juge Felice Casson a dévoilé le Gladio… »
2. « Quand
le Gladio fut découvert dans les États européens… »
3. « Gladio :
Pourquoi l’OTAN, la CIA et le MI6 continuent de nier »
4. « Les
égouts de Sa Majesté »
5. « La
guerre secrète, activité centrale de la politique étrangère de
Washington »
6. « La
guerre secrète en Italie » L’invasion et l’occupation
de son territoire par l’armée allemande pendant la seconde
guerre mondiale demeure le plus grand traumatisme de l’histoire
moderne de la France. Le 14 juin 1940, Paris tombait entre les
mains des nazis. Tandis que les sympathisants de l’extrême
droite au sein de l’armée et des élites politiques, partisans du
maréchal Philippe Pétain, pactisaient avec l’occupant et
installaient un gouvernement de collaboration à Vichy, le
général Charles de Gaulle se réfugia à Londres et déclara aux
Français qu’il représentait l’unique gouvernement légitime de la
France. De Gaulle insista pour que continue la guerre contre
l’occupant. Afin de collecter des renseignements, d’assurer la
liaison avec les mouvements de résistance locaux et d’organiser
des opérations de sabotage en territoire ennemi, il fonda à
Londres le Bureau Central de Renseignement et d’Action. Les
agents du BCRA étaient parachutés au-dessus de la France pour
effectuer leurs missions clandestines au prix de nombreuses
vies. Dans ses missions, son entraînement et son équipement, le
BCRA, qui fut dissous avant la fin de la guerre, préfigurait
l’armée secrète française à laquelle il donna de nombreux
combattants. Après le débarquement allié de Normandie le 6 juin
1944 et la libération de la France par les Américains, le
général de Gaulle fit une entrée triomphale dans Paris et prit
la tête de l’État. Le maréchal Pétain qui avait collaboré avec
Hitler fut condamné à mort avant d’être gracié et emprisonné à
vie.
Avec la fin de la seconde guerre mondiale naquit la IVe
République Française (1946-1958), caractérisée par une
instabilité politique et militaire et par les luttes d’influence
entre les différents partis. [1]
À gauche, le parti communiste français (PCF) jouissait d’une
grande popularité, due notamment à son rôle dans la Résistance
sous le régime de Vichy : « Le PCF avait acquis un prestige
immense et une sorte d’autorité morale pour avoir été le fer de
lance de la Résistance (...) son patriotisme était incontesté
». [2]
À droite, les collaborateurs de Vichy au sein de l’armée et des
milieux industriels et d’affaires ne supportaient pas l’idée de
voir la France tomber sous la coupe du communisme, que ce soit
par un coup d’État ou par une victoire du PCF lors d’élections
démocratiques. Mais surtout, les États-Unis et la
Grande-Bretagne étaient fermement opposés au PCF qu’ils
considéraient comme inféodé à Moscou. C’est pourquoi, à l’instar
de ce qui arriva en Italie, une guerre secrète fut aussi menée
en France après 1945, opposant les membres du PCF et des
syndicats de gauche d’une part et la CIA et des éléments des
appareils politique, militaire et policier français d’autre
part.
« Tout d’abord, ils [la CIA] cherchent à empêcher la
gauche d’accéder au pouvoir et surtout à éviter que les
communistes entrent au gouvernement. Pour la CIA c’est
évidemment la priorité des priorités, et cela vaut pour tous les
pays de l’Alliance Atlantique », expliqua un jour l’ancien
agent de la CIA Philip Agee. [3]
En effet, dans aucun pays d’Europe, à l’exception de l’Italie,
les communistes n’étaient aussi influents que dans la France
d’après-guerre. Washington redoutait que Moscou n’ordonne au PCF
de s’emparer du pouvoir par un coup d’État. Toutefois, Staline
n’encourageait pas les communistes français dans cette voie et,
bien que parmi les plus jeunes, d’entre eux certains rêvaient
d’un destin plus épique, l’ancienne et institutionnelle
direction du PCF n’envisageait pas de prendre le pouvoir par la
force. Ses membres devinaient à raison qu’ils perdraient ainsi
leur légitimité, s’ils n’étaient pas tout simplement balayés par
l’armée états-unienne, qui était encore stationnée en France au
lendemain de la libération. Le PCF avait plus à gagner à se
conformer aux procédures démocratiques.
De Gaulle avait nommé deux ministres communistes dans son
nouveau gouvernement et était parvenu dans le même temps, en
novembre 1944, à convaincre les mouvements de résistance
communistes de rendre les armes en échange de la promesse
d’élections démocratiques et équitables. Les municipales du
printemps 1945 se soldèrent par une victoire du PCF qui s’assura
30 % des voix. Les deux autres partis en course, le nouvellement
fondé Mouvement Républicain Populaire et les socialistes
français arrivèrent deuxième et troisième, recueillant
respectivement 15 et 11 % des suffrages. Cette tendance se
confirma lors des premières élections nationales du 21 octobre
1945 où, avec 26 %, le PCF obtint 160 sièges à l’Assemblée
Constituante, contre 142 pour les socialistes (24 %), le MRP
arrivait dernier avec 23,6 %. Ensemble, les deux partis de
gauche détenaient une courte majorité.
Malgré la victoire sans appel du PCF et les promesses qu’il
avait faites, de Gaulle refusa de confier les ministères-clés de
son gouvernement aux communistes. Ceux-ci protestèrent
vigoureusement en ne se voyant attribuer que 4 portefeuilles :
l’Économie, l’Armement, l’Industrie et le Travail, le secrétaire
général du PCF Maurice Thorez étant nommé ministre d’État. Les
communistes usèrent de leur tribune au Parlement pour dénoncer
la guerre que menait alors la France pour reconquérir l’ancienne
colonie d’Indochine. Lors d’un débat à l’Assemblée nationale, la
parlementaire Jeannette Vermeersch affirma que, dans les
villages embrasés du Vietnam, les soldats français « se
rendaient coupables des mêmes atrocités » que les nazis
quelques années seulement auparavant. Cette remarque provoqua un
tollé dans l’hémicycle et le Président lui répondit en ces
mots : « Madame, je vous le dis poliment (...) c’est une
injure intolérable que vous faites à cette Assemblée et à la
Nation ! » Comme Vermeersch insistait, il lui déclara : « Madame,
je n’aurais jamais cru qu’une femme fût capable d’une telle
haine ». Ce à quoi Vermeersch répliqua :« Oui, je ressens
de la haine quand je pense aux millions de travailleurs que vous
exploitez. Oui, je hais la majorité de cette Assemblée ! » [4].
Les membres conservateurs de la société française furent très
inquiets du radicalisme du PCF et outrés lorsque les
communistes, en réaction à leur faible représentation au sein du
gouvernement, firent deux propositions de lois, l’une visant à
limiter les pouvoirs de l’exécutif, l’autre à réduire le budget
de la Défense de 20 %. L’adoption de ces deux lois par le
Parlement à majorité communiste conduisit de Gaulle à présenter
solennellement sa démission, le 20 janvier 1946. Mais la lutte
pour le pouvoir se poursuivit, le PCF proposant un partage des
ministères entre communistes et socialistes, ce qui n’aurait été
qu’une juste conséquence de l’opinion exprimée démocratiquement
par les Français dans les urnes. Cependant les socialistes s’y
refusèrent. Ils comprenaient clairement que la France, à
l’instar de l’Italie, ne jouissait à l’époque que d’une
souveraineté limitée, et que les USA n’auraient pas accordé à un
régime gauchiste le Plan Marshall de relance économique dont le
pays avait tellement besoin.
La position de la Maison-Blanche s’opposait de plus en plus
avec la volonté exprimée démocratiquement par le peuple français
qui plébiscita une fois de plus le PCF lors des élections
nationales de 1946, lui offrant le meilleur score de son
histoire, 29 %, tandis que le MRP et les socialistes accusaient,
eux, un léger recul. La tentation et l’influence du communisme
en France demeuraient une réalité. En termes d’importance, le
PCF n’avait qu’un seul équivalent dans toute l’Europe de
l’Ouest : le puissant PCI en Italie. En Suisse, le parti
communiste avait été déclaré illégal, son homologue britannique
n’était qu’une petite cellule placée sous la domination du parti
travailliste tandis qu’en Belgique, si les communistes étaient
comparativement plus influents ils n’occupaient que des postes
mineurs au gouvernement. Le PCF, quant à lui, revendiquait près
d’un million de membres. Son organe central, L’Humanité,
était, avec son édition Ce Soir, le journal le plus lu en
France, et le parti contrôlait les principales organisations de
la jeunesse (y compris l’« Union des Jeunesses Républicaines »)
ainsi que les plus grands syndicats de travailleurs (notamment
la Confédération Générale du Travail, CGT).
L’ambassadeur états-unien à Paris, Jefferson Caffery, un
anticommuniste fervent, envoyait, semaine après semaine, des
rapports toujours plus alarmant au Président Truman. Washington
et les services secrets étaient convaincus de la nécessité de
livrer une guerre secrète afin de défaire le PCF. Le 26 novembre
1946, le général Hoyt Vandenberg, directeur du CIG (future CIA),
adressa à Truman un mémorandum l’avertissant que sa puissance
permettrait au PCF de prendre le pouvoir dès qu’il le
déciderait : « En excluant la possibilité qu’un gouvernement
puisse être formé sans la participation des communistes,
l’ambassadeur Caffery soutient (...) que les communistes ont
acquis assez de poids pour s’emparer du pouvoir quand ils
jugeront opportun de le faire ». Vandenberg soulignait que,
d’après les services de renseignement états-uniens, le PCF
n’avait toutefois pas l’intention d’accéder au pouvoir par un
coup d’État. « Leur renoncement à s’emparer du pouvoir par ce
moyen s’explique par le fait (1) qu’ils préfèrent y parvenir par
des moyens légaux et (2) que ce serait contraire à la politique
actuelle du Kremlin. » [5]
Le Plan Bleu
À l’initiative des Forces Spéciales états-uniennes et des SAS
britanniques, une armée secrète fut bâtie en France sous le nom
de code « Plan Bleu », avec pour mission d’empêcher
clandestinement le PCF d’accéder au pouvoir. En d’autres termes,
le Plan Bleu devait contrer la Menace Rouge. Victor Vergnes, un
vétéran de cette armée secrète, se souvient que l’impulsion
était venue des Britanniques au lendemain de la guerre. « Je
vivais alors à Sète, dans la maison du commandant Benet, un
officier du DGER qui avait effectué des missions en Inde. De
nombreuses réunions se tenaient dans cette maison à l’époque. »
Les SAS, spécialistes des guerres secrètes, prirent contact avec
le jeune service de renseignement français, la Direction
Générale des Études et Recherches (DGER), et convint avec lui de
l’installation d’une armée secrète dans le nord-ouest de la
France, en Bretagne. « Un jour », se souvient Vergnes,
« après avoir reçu la visite du lieutenant Earl Jellicoe des
SAS, il me dit : “On est en train de bâtir une armée secrète,
surtout dans la région de Bretagne” ». [6]
Les cellules de cette armée secrète essaimèrent bientôt à
l’ensemble du territoire. Elle comptait dans ses rangs de
nombreux agents et officiers de la DGER. Il faut signaler que la
DGER employa, sous la direction d’André Devawrin, des anciens
membres de la Résistance communiste. Aux yeux des agents les
plus conservateurs et surtout des États-uniens, leur présence
constituait un risque évident pour la sécurité, surtout
lorsqu’il s’agissait de missions top secrètes visant les
communistes français, comme l’Opération Plan Bleu. La DGER fut
donc démantelée en 1946 et remplacée par un nouveau service
secret militaire, farouchement anticommuniste celui-là, le
SDECE, dirigé par Henri Alexis Ribière. Avec le remplacement de
la DGER par le SDECE, c’est une bataille importante de la guerre
secrète qui fut perdue par les communistes qui héritèrent d’un
adversaire bien plus dangereux. Des anticommunistes formés en
Grèce lors de la guerre civile furent recrutés par le SDECE qui
marqua ainsi un net virage à droite. « Les Anglo-Américains
étaient en contact étroit avec les conspirateurs, surtout avec
Earl Jellicoe, qui venait de rentrer d’une campagne
anticommuniste en Grèce. » [7].
Pendant que la France était paralysée par des grèves massives
à l’initiative des communistes, les agents du Plan Bleu
récoltaient secrètement des fonds auprès des riches industriels
afin de financer leur guerre secrète. « J’ai rencontré les
frères Peugeot dans leurs bureaux », raconte Vergnes sur ses
contacts avec l’industrie automobile. « Nous discutions de ce
qu’il conviendrait de faire en cas de grèves et d’occupations
généralisées des usines. Nous avons travaillé pendant deux mois
à l’élaboration d’un plan d’action détaillé. Nous étions divisés
en sections et disposions de voitures, de garages et d’hôtels. » [8]
Quand eut lieu une grève importante soutenue par le PCF et la
CGT aux usines Renault, la tension redoubla dans le pays. Le
Premier ministre socialiste Paul Ramadier ordonna un gel des
salaires en totale contradiction avec les revendications des
travailleurs qui réclamaient de meilleures rémunérations. La
situation tournait au bras de fer. Les communistes votèrent
contre le gel des salaires proposé par Ramadier tandis que les
socialistes tentaient de le dissuader de démissionner, sur quoi,
le 4 mai 1947, dans une manœuvre surprenante, il renvoya, en sa
qualité de Premier ministre, tous les communistes de son
gouvernement. Stupéfaits, ceux-ci prirent la nouvelle sans
broncher et acceptèrent ce départ, convaincus qu’il ne pouvait
être que temporaire. Cependant, les communistes ne devaient pas
réintégrer le Conseil des ministres avant plus de 30 ans. Ce
n’est que plus tard que l’on découvrit que Washington était
impliqué dans cette manœuvre. « Le général Revers, chef
d’état-major, révéla que le gouvernement américain avait fait
pression sur Ramadier pour que celui-ci renvoie les ministres du
PCF. » En outre, « les socialistes discutaient de la
question au préalable avec l’ambassadeur Caffery » qui fit
clairement comprendre aux socialistes français que l’aide
économique des États-Unis ne serait pas fournie tant que les
communistes resteraient au gouvernement. [9]
Un mois après avoir démis les ministres du PCF de leurs
fonctions, les socialistes français s’en prirent à la droite et
à la CIA et exposèrent au grand jour l’existence de l’armée
secrète Plan Bleu. Le 30 juin 1947, le ministre de l’Intérieur
socialiste Édouard Depreux leva le secret et annonça à la
stupeur générale qu’une armée clandestine de paramilitaires de
droite avait été bâtie en France à l’insu de la classe politique
et avec pour mission de déstabiliser le gouvernement français.
« Vers la fin de l’année 1946, nous avons appris l’existence
d’un réseau de résistance brune, composé de combattants
d’extrême droite, de collaborateurs de Vichy et de monarchistes »,
expliqua Depreux. « Ils avaient un plan d’action secret
baptisé “Plan Bleu”, qui devait être appliqué vers la fin du
mois de juillet ou le 6 août [1947]. » [10].
Selon les déclarations lourdes d’implications du ministre de
l’Intérieur, la CIA et le MI6 avaient projeté, en collaboration
avec des paramilitaires français, un coup d’État pour l’été
1947. Ces révélations entraînèrent une série d’arrestations et
d’investigations. Parmi les conspirateurs interpellés figurait
le comte Edmé de Vulpian. Sa propriété de « La Forêt »,
près de Lamballe, en Bretagne, avait servi de quartier général
pour les derniers préparatifs du putsch. Le commissaire chargé
de l’enquête, Ange Antonini, y découvrit « des armes lourdes,
des ordres de bataille et des plans d’opérations ». Ces
documents permirent d’établir que, dans le cadre du Plan Bleu,
les conspirateurs, qui cherchaient à détériorer le climat
politique déjà tendu en France, avaient planifié des actes de
terrorisme dont ils prévoyaient d’accuser la gauche afin de
créer les conditions favorables à leur coup d’État, une « stratégie
de la tension » déjà pratiquée en Grèce, en Italie et en
Turquie. « Ils avaient même prévu d’assassiner de Gaulle afin
d’exacerber le mécontentement public », ajoute Roger
Faligot, un spécialiste français des services secrets. [11]
Si elles admettent qu’une guerre secrète avait bel et bien
été financée en France au lendemain de la guerre, d’autres
sources nient formellement la thèse du coup d’État de 1947. « En
révélant l’existence du Plan Bleu, Depreux cherchait à atteindre
la droite, après avoir déjà porté un coup à la gauche »,
déclara Luc Robet, qui fut lui-même personnellement impliqué
dans la conspiration, en faisant référence au renvoi des
ministres communistes du gouvernement le mois précédent. « En
outre, c’était une tentative pour affaiblir l’armée française,
qui avait tendance à agir de son propre chef. » [12]
Étonnamment, l’enquête sur l’implication du SDECE fut confiée au
directeur du SDECE lui-même, Henri Ribière. Il conclut que la
culpabilité incombait à la CIA et au MI6 qui avaient promu le
Plan Bleu, bien qu’ils n’aient apparemment jamais projeté de
renverser le régime en place. « Les armes découvertes dans
tout le pays avaient été payées par Londres et Washington.
Cependant elles avaient été fournies dans le but de résister aux
communistes, et non de fomenter un coup d’État », conclurent
les enquêteurs. [13]
Sur une suggestion de l’ambassadeur Jefferson Caffery, qui
supervisait étroitement la guerre secrète contre le communisme
en France, la CIA, suite aux manœuvres qui avaient conduit au
départ des communistes du gouvernement fin 1947, visa ensuite la
CGT, la colonne vertébrale du communisme français. Dans son
mémorandum adressé au Président Truman, le général états-unien
Vandenberg soulignait à juste titre que les « moyens
d’action [des communistes] par la force ou la pression
économique à travers la CGT, comme l’indique l’ambassadeur
Caffery, les garantissent principalement contre une exclusion du
gouvernement ». [14]
La CIA parvint à créer un schisme au sein de la CGT dominée par
les communistes, en écartant les modérés de Force Ouvrière,
qu’elle finançait, au début des années cinquante, à hauteur de
plus d’un million de dollars par an. [15]
Cette opération affaiblit considérablement le PCF.
Dernière cible dans cette guerre secrète et non des moindres,
la police française subit elle aussi les attaques de la CIA.
Après que les ministres communistes eurent quitté le
gouvernement, l’ensemble de l’administration fut purgée de ses
éléments d’extrême gauche, tandis que des anticommunistes
fervents étaient promus au sein des forces de police. Parmi eux,
le commissaire Jean Dides, qui avait collaboré avec l’OSS
pendant la seconde guerre mondiale, fut nommé à la tête d’une
police secrète anticommuniste formée de paramilitaires et
dépendant du ministre de l’Intérieur Jules Moch. L’ambassade des
États-Unis se réjouit des progrès réalisés et, début 1949, câbla
au département d’État qu’afin de « combattre la menace
communiste, la France a organisé des cellules de policiers peu
nombreux mais efficaces (...) L’Italie est également en train de
mettre en place des escadrons de police anticommuniste sous le
contrôle du ministre de l’Intérieur Mario Scelba, en faisant
appel aux cadres de l’ancienne police fasciste. » [16]
Paix et Liberté
Avec d’autres dirigeants des forces de police anticommunistes
engagées dans la guerre secrète en Europe de l’Ouest, Dides
participa régulièrement aux réunions de « Paix et Liberté »,
une structure contrôlée en sous-main par la CIA et conduite par
l’anticommuniste français Jean-Paul David. [17]
L’historien états-unien Christopher Simpson estime que les
unités d’action clandestines telles que « Paix et Liberté »
furent fondées et financées par la CIA pendant la guerre froide
à raison de « facilement plus d’un milliard de dollars chaque
année ». [18]
Avec des ramifications dans plusieurs pays européens, « Paix
et Liberté » se chargeait de mener les opérations de guerre
psychologique en Europe de l’Ouest conçues par la CIA et de
répandre les idées anticommunistes en imprimant des affiches, en
finançant une émission de radio, en diffusant des tracts et en
organisant des manifestations ponctuelles. La branche italienne
baptisée « Pace e Liberta » était dirigée Edgardo Sogno
et avait son quartier général à Milan. En 1995, l’enquête sur le
réseau Gladio permit de découvrir que Paix et Liberté avait agi
sous les ordres directs de l’OTAN. Le ministre des Affaires
étrangères français Georges Bidault aurait suggéré en 1953, lors
d’une réunion du Conseil Atlantique de l’OTAN, que Paix et
Liberté procède à une réorganisation des services de
renseignement de l’OTAN et serve de base et de moteur à la
coordination des actions internationales menées contre le
Kominform. [19]
Dans son histoire de l’influence des USA sur la France
d’après-guerre, Irwin Wall considéra que, aux côtés de Force
Ouvrière, « Paix et Liberté représentait le principal exemple
d’une organisation anticommuniste populaire promue par la CIA
dans la France des années cinquante ». [20]
Rose des Vents
La révélation de l’existence du Plan Bleu et son interruption
en 1947 ne mit pas un terme à la guerre secrète contre le
communisme. Bien au contraire, le Premier ministre socialiste
Paul Ramadier fit en sorte que ses loyaux dirigeants au sein des
services secrets militaires ne soient pas éclaboussés par le
scandale. Quand la tempête fut passée, fin 1947, il ordonna à
Henri Ribière, le directeur du SDECE, et à Pierre Fourcaud, son
adjoint, de mettre en place une nouvelle armée anticommuniste
secrète sous le nom de code « Rose des Vents », en
référence à l’étoile symbole de l’OTAN. Le nom était plutôt bien
trouvé car, quand l’OTAN fut établie à Paris en 1949, le SDECE
mena sa guerre secrète en étroite collaboration avec l’Alliance
Atlantique. [21]
Les combattants de l’ombre comprenaient tous que, dans le
contexte maritime, la rose des vents est le repère que l’on
place sous l’aiguille du compas qui indique le cap et en
fonction duquel on effectue les corrections nécessaires si le
navire menace de dévier de sa trajectoire.
La coopération secrète s’intensifiant avec les USA, le SDECE
ouvrit, en 1951, une antenne à Washington. [22]
D’après le plan d’ensemble de lutte contre le communisme en
Europe de l’Ouest adopté par la CIA et l’OTAN, l’armée dite Rose
des Vents avait pour mission, au sein du SDECE, de localiser et
de combattre les éléments communistes subversifs à l’intérieur
de la IVe République. De surcroît, elle devait planifier des
mesures d’évacuation et fournir une base de repli convenable à
l’étranger. Ses hommes étaient formés pour des opérations de
sabotage, de guérilla et de collecte de renseignements sous
occupation ennemie. Le territoire français était divisé en
nombreuses zones géographiques stay-behind où étaient
affectées des cellules clandestines, chaque zone étant placée
sous le contrôle d’un officier du SDECE. Une base de repli pour
un gouvernement français en exil fut installée au Maroc et le
SDECE envoya une partie de ses archives microfilmées à Dakar, au
Sénégal. [23]
François de Grossouvre
(1918-1994) et François Mitterrand (1916-1996)
Le plus célèbre des combattants de la Rose des Vents est
peut-être François de Grossouvre, qui devint le conseiller pour
les opérations spéciales du Président socialiste François
Mitterrand en 1981. Pendant la seconde guerre mondiale, de
Grossouvre s’était engagé dans la milice de Vichy qu’il
prétendit par la suite avoir infiltrée pour le compte de la
Résistance. Après 1945, les services secrets l’enrôlèrent dans
les rangs de la Rose des Vents. L’agent du SDECE Louis Mouchon,
qui recruta lui-même bon nombre de soldats de l’ombre, raconta
un jour comment de Grossouvre avait été contacté : « Notre
homme à Lyon, Gilbert Union, qui pendant la guerre avait
effectué des missions pour le BCRA et qui était un passionné
d’automobiles, venait de se tuer dans un accident de la route.
Pour le remplacer le SDECE recruta François de Grossouvre en
1950. » Mouchin précisa que l’homme n’avait pas été recruté
uniquement pour son expérience de la guerre mais également pour
ses contacts : « Son entreprise, les sucres Berger & Cie,
nous offrait une très bonne couverture. Il avait vraiment
d’excellents contacts. » [24]
En tant que conseiller spécial du Président Mitterrand, de
Grossouvre joua un rôle considérable dans la guerre clandestine
en France au début des années 1980, mais, en 1985, il fut
dessaisi de ses principales fonctions après que son goût du
secret ait fini par exaspérer les collaborateurs plus vertueux
de Mitterrand. Il semble que les deux hommes aient cependant
continué à entretenir de bonnes relations puisque, quand, suite
aux révélations sur la dimension européenne de Gladio,
Mitterrand se trouva au cœur du scandale et dut démanteler le
réseau français, « il consulta d’abord son “éminence grise”
François de Grossouvre ». [25]
Au moment de sa mort, la participation de de Gossouvre à la
guerre secrète ne faisait plus l’ombre d’un doute. « Il a été
recruté par les services d’espionnage français et a contribué à
bâtir le Gladio, un plan soutenu par les Américains visant à
créer un mouvement de résistance armée à une invasion de
l’Europe de l’Ouest par les Soviétiques », put-on lire dans
la rubrique nécrologique de The Economist après que de
Grossouvre, alors âgé de 76 ans se soit suicidé au Palais
de l’Élysée, le 7 avril 1994. [26]
L’ancien agent de la CIA Edward Barnes servit comme officier
de liaison avec le réseau stay-behind Rose des Vents jusqu’en
1956. Après les révélations de 1990 sur les armées secrètes, il
rappela comment non seulement Washington mais également les
Français redoutaient une prise de pouvoir par les communistes.
« De très nombreux Français souhaitaient être prêts à
intervenir si quelque chose se produisait. » D’après Barnes,
la résistance à une invasion soviétique était la motivation
première du Gladio français alors que promouvoir des activités
politiques anticommunistes en France « aurait pu être un
objectif secondaire ». [27]
Toujours selon l’ex-agent de la CIA, le programme stay-behind
français consistait en « quelques dizaines » d’hommes
recrutés individuellement par la CIA afin que chacun crée à son
tour son propre petit réseau. Si, selon ce qu’on a pu observer
dans d’autres pays, chaque Gladiateur recrutait et entraînait 10
autres hommes, on peut déduire des assertions de Barnes que le
Gladio français comptait environ 500 soldats.
Il est très difficile de déterminer le nombre exact des
participants à cette guerre secrète contre le communisme. L’Intelligence
Newsletter basée à Paris a indiqué suite à la découverte des
armées secrètes de la CIA qu’« un directeur de service de
renseignement français de l’époque avait offert de mettre à la
disposition de la CIA quelques 10 000 “patriotes” entraînés et
armés sélectionnés parmi les effectifs des forces armées
françaises » et formés pour intervenir « dans l’hypothèse
où un gouvernement communiste arriverait au pouvoir ».
Barnes prétendit que la CIA « n’avait aucune idée du nombre
d’hommes qui surgiraient d’un peu partout. Il n’y avait aucun
moyen de le calculer. Parmi ceux que j’ai rencontrés se
trouvaient aussi bien des paysans, des citadins ou des
commerçants. » La plupart n’avaient pas besoin de beaucoup
d’entraînement puisqu’ils s’étaient déjà battus pendant la
seconde guerre mondiale et avaient effectué des opérations
spéciales derrière les lignes ennemies pour le compte du BCRA. [28]
Afin de garantir l’indépendance matérielle des soldats de
l’ombre, la CIA et le SDECE avaient disséminé des caches d’armes
secrètes à travers tout le pays. « Des tas de trucs en tout
genre étaient planqués dans des endroits reculés, pratiquement
tout ce dont on peut avoir besoin », y compris des armes,
des explosifs, des pièces d’or ou des bicyclettes ; les
transmetteurs radio et les codes constituaient la première des
priorités. Afin de préserver la clandestinité du réseau, la
règle était de ne divulguer les informations qu’aux personnes
strictement concernées. Barnes précisa que lui-même n’était
autorisé à rencontrer qu’une dizaine de recrues de la CIA « de
peur que je les grille ou qu’ils me grillent. Vous ne pouviez
pas simplement demander à un type “Déterre-moi ça, Untel”. Il y
a sûrement eu pas mal de cafouillages. Certains de ces gars
enterraient le matériel quelque part et ils vous indiquaient un
autre endroit. » [29]
Opération Demagnetize
Le ministre de la Défense italien savait que le SDECE et la
CIA étaient en train de lever une armée secrète pour combattre
les communistes. En octobre 1951, dans une lettre adressée au
ministre de la Défense Marras, le général Umberto Broccoli
indiquait que des armées de ce type existaient aux Pays-Bas, en
Belgique, en Norvège, au Danemark et que « la France avait
déjà monté de telles opérations en Allemagne et en Autriche
ainsi que sur son propre territoire, jusqu’aux Pyrénées ». [30]
Jusqu’où s’étendait ce réseau français dans l’Autriche et
l’Allemagne occupées après la défaite, nous l’ignorons mais il
semblerait qu’il ait existé des zones contrôlées par les troupes
françaises jusqu’à ce que les Alliés se retirent des deux pays.
Dans son rapport intitulé « Un SID parallèle - Le cas Gladio »,
le Premier ministre italien Giulio Andreotti confirmait que les
armées secrètes anticommunistes étaient en liaison permanente
avec l’OTAN et que « des réseaux de résistance avaient été
mis en place par la Grande-Bretagne en France, aux Pays-Bas, en
Belgique et vraisemblablement aussi au Danemark et en Norvège.
Les Français se sont chargés des secteurs de l’Allemagne et de
l’Autriche placés sous leur contrôle ainsi que de leur propre
territoire, jusqu’aux Pyrénées. » [31]
Un mémorandum top secret du Joint Chiefs of Staff, le Conseil
de l’État-major interarmes états-unien, daté du 14 mai 1952 et
intitulé « Opération Demagnetize » expliquait dans le
détail comment « des opérations politiques, paramilitaires et
psychologiques » devaient être mises en oeuvre afin de «
réduire l’influence du parti communiste en Italie et (...) en
France ». [32]
« L’objectif final de ce plan est de réduire le pouvoir des
partis communistes, leurs ressources matérielles, leur influence
au sein des gouvernements italien et français et
particulièrement sur les syndicats », précisait la note
confidentielle du Pentagone, « ce, dans le but de limiter
autant que possible les risques que le communisme gagne de
l’ampleur et menace les intérêts des États-Unis dans les deux
pays ». Les armées secrètes levées par la CIA et commandées
par le SDECE étaient formées et entraînées dans ce contexte
stratégique car, comme le spécifiait le document, « limiter
l’influence des communistes en Italie et en France est un
objectif prioritaire. Il doit être atteint par tous les moyens ».
La guerre devait être menée dans le plus grand secret et il
n’était pas « indispensable que les gouvernements italiens et
français soient informés du plan “Demagnetize” car celui-ci
[aurait pu] être perçu comme une violation de leur souveraineté
nationale ». [33]
L’entraînement des soldats secrets de la Rose des Vents se
déroulait sur plusieurs sites en France et à l’étranger, en
étroite collaboration avec les Forces Spéciales françaises, et
notamment la 11e Demi-Brigade Parachutiste de Choc, ou 11e Choc,
des commandos spécialistes des opérations spéciales. Les deux
corps entretenaient des relations étroites et, à plusieurs
reprises, des officiers du 11e Choc intégrèrent la Rose des
Vents. De même que les SAS effectuaient les opérations secrètes
et les coups tordus pour le compte du MI6, le 11e Choc servit de
bras armé au SDECE après la seconde guerre mondiale. Selon le
spécialiste du Gladio français Brozzu-Gentile, « les
instructeurs du réseau stay-behind français étaient tous membres
ou proches du SDECE ». [34]
En 1990, la presse française révéla que les Gladiateurs français
avaient été formés au maniement des armes, à l’utilisation des
explosifs et de transmetteurs radio au Centre d’Entraînement des
Réserves Parachutistes (CERP) du 11e Choc à Cercottes, près
d’Orléans ainsi que sur deux autres sites d’entraînement du 11e,
l’un dans les Pyrénées, près de la frontière espagnole, l’autre
à Calvi, en Corse, non loin du quartier général sarde du Gladio
italien. [35]
En tant qu’unité d’élite spécialisée dans la guerre secrète
et les coups tordus, le 11e Choc opérait surtout en Indochine et
en Afrique où la France d’après-guerre tentait désespérément de
garder ses colonies du Vietnam et d’Algérie. « L’unité
chargée des sales besognes, le fer de lance des opérations
clandestines pendant la guerre d’Algérie de 1954 à 1962 était
clairement le 11e Bataillon de Parachutistes de Choc »,
indiqua le spécialiste des services secrets Roger Faligot. [36]
En 1954, 300 hommes de cette force spéciale furent déployés en
Algérie. La plupart d’entre eux avaient une bonne expérience des
missions clandestines et de la contre-guérilla puisqu’ils
venaient directement du Vietnam où la France avait dû renoncer à
ses colonies la même année après la défaite de Dien Bien Phu.
L’un des plus fameux membres du 11e fut Yves Guérain-Sérac, un
célèbre soldat de l’ombre qui avait servi en Corée et au Vietnam
et qui fut plus tard directement impliqué dans les opérations de
l’armée anticommuniste secrète portugaise. Depuis sa cellule, le
soldat du Gladio italien et terroriste d’extrême droite Vincenzo
Vinciguerra avoua son admiration pour la personnalité fascinante
et les compétences inégalées de stratège de la terreur de
Guérain-Sérac. [37]
Opération Résurrection
À mesure que s’intensifiaient la guerre secrète contre les
communistes en France et celle contre le Front de Libération
Nationale en Algérie, cette stratégie révéla ses limites lorsque
les politiciens à Paris perdirent le contrôle des combattants de
l’ombre, ce qui provoqua dans le pays une grave crise qui
précipita la fin de la IVe République. En mai 1958 débuta
véritablement la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Le
gouvernement affaibli de la IVe République ne savait trop
comment réagir tandis que les services secrets et les militaires
français étaient fermement décidés à tout faire pour que
l’Algérie demeure une colonie française. Dans les rangs du SDECE
et de l’armée, nombreux étaient ceux qui jugeaient les
responsables politiques de la IVe comme « faibles, corrompus
ou corruptibles, une catégorie d’hommes pusillanimes et prêts à
abandonner et à fuir l’Algérie ». [38]
Lorsque les premiers prisonniers français furent exécutés par le
FLN, les stratèges de la guerre secrète au sein des services
secrets français et de l’armée entreprirent de fomenter un coup
d’État pour remplacer le gouvernement de Paris par un autre
régime.
Le 11e Choc joua alors un rôle majeur des deux côtés de la
ligne de front. Le 24 mai 1958, des soldats basés à Calvi, sur
la côte nord de la Corse, déclenchèrent la première phase de
l’opération en déployant des commandos de parachutistes sur
toute l’île. Le bruit courut bientôt que les soldats de l’ombre
comptaient renverser le gouvernement légitime et remettre au
pouvoir le général de Gaulle. D’autres membres du 11e qui
désapprouvaient cette guerre antidémocratique contre Paris,
quittèrent leur base de Cercottes le même jour et se
rassemblèrent afin de défendre les cibles visées par les
comploteurs gaullistes et les unités paramilitaires qui les
soutenaient. [39]
L’une de ces cibles était le chef du SDECE en personne, le
général Paul Grossing. Quand ce dernier eut connaissance du
plan, il fit immédiatement protéger le siège du SDECE, boulevard
Mortier, par des éléments du 11e qui lui étaient restés fidèles.
En ce mois de mai 1958, la France bascula dans le chaos. Le
patron de la DST (Direction de la Surveillance du Territoire)
Roger Wybot était sur le point d’activer un plan secret
anticommuniste baptisé « Opération Résurrection ». Ce
plan, qui incluait notamment le parachutage de troupes du 11e
Choc, visait à contrôler en très peu de temps les centres vitaux
de Paris : le ministère de l’Intérieur, le siège de la police,
les immeubles de la télévision et de la radio, les centrales
électriques et d’autres endroits stratégiques de la capitale. « Le
plan prévoyait également l’arrestation d’un certain nombre de
personnalités politiques parmi lesquelles : François Mitterrand,
Pierre Mendès France, Edgar Faure, Jules Moch ainsi que
l’ensemble des cadres du parti communiste. » [40]
Mais le 27 mai, « quelques heures à peine avant le
déclenchement de l’Opération Résurrection sur la capitale
française », de Gaulle annonça qu’il avait « entamé la
procédure régulière nécessaire à l’établissement d’un
gouvernement républicain ». [41]
Se succédèrent ensuite une foule d’actions rapides et capitales
qui scellèrent le sort de la IVe République. Le 28 mai, le
Premier ministre Pierre Pflimlin donna sa démission. Le
lendemain matin, le Président de la République René Coty déclara
qu’il avait appelé de Gaulle à former un gouvernement. À peine
24 heures plus tard, le général se présenta devant l’Assemblée
nationale et sollicita les pleins pouvoirs pour gouverner par
décrets pendant les 6 mois à venir, imposa 4 mois de « vacances »
aux députés et demanda la possibilité de soumettre lui-même un
projet de nouvelle Constitution. Ses propositions furent votées
à 329 voix contre 224. « La IVe République préféra se
suicider plutôt que de se faire assassiner par (...) l’armée et
ses services de sécurité. » [42]
Parmi les militaires et les membres des services secrets qui
avaient soutenu le coup de force de de Gaulle, bon nombre
espéraient que le général ferait le choix ferme de l’« Algérie
française », c’est-à-dire qu’il ferait tout pour qu’elle
reste sous la tutelle coloniale de la France. À leur grand
étonnement, de Gaulle, avec le soutien de nombreux hommes
politiques de la IVe République, proclama le droit des Algériens
à l’autodétermination, ce qui conduisit à l’indépendance du pays
en 1962. Les soldats de l’ombre étaient furieux. « Suivant
l’exemple du général de Gaulle, les Présidents de la Ve
République se détournèrent progressivement de leurs services
secrets jusqu’à les considérer non plus comme un atout mais
comme une charge. » [43]
Les combattants des armées secrètes étaient divisés : fallait-il
suivre les ordres de de Gaulle et se retirer d’Algérie ou lutter
contre le gouvernement français ? L’ultime trahison du 11e Choc
eut lieu en 1961, quand la plupart de ses membres choisirent
l’Algérie française et, afin de promouvoir leur politique,
fondèrent avec des officiers de l’armée Française l’Organisation
de l’Armée Secrète. Les deux buts déclarés de l’OAS étaient :
garder le contrôle de l’Algérie coloniale, ce qui impliquait de
continuer le combat contre le FLN par tous les moyens, quels que
soient les ordres de Paris ; ensuite, renverser la Ve République
du Président de Gaulle et la remplacer par un État autoritaire
et résolument anticommuniste.
Le coup d’État des généraux
L’OAS passa à l’action le 22 avril 1961, quand 4 généraux de
l’armée française emmenés par le général Challe s’emparèrent du
pouvoir en Algérie dans l’espoir de la maintenir sous le
contrôle français. Il semble que des soldats de l’armée
stay-behind de l’OTAN soutenue par la CIA et qui avaient
rejoint les rangs de l’OAS aient été impliqués dans ce coup
d’État. Les combattants de l’ombre « rallièrent un groupe de
généraux qui résistaient, parfois par la violence, aux
tentatives de de Gaulle de négocier l’indépendance de l’Algérie
et la fin de la guerre », écrivit l’auteur états-unien
Jonathan Kwitny dans son article sur les armées secrètes
d’Europe de l’Ouest. [44]
Il serait nécessaire d’enquêter plus à fond sur cette
implication du réseau stay-behind français dans le coup
d’État de 1961 qui constitue l’un des pans les plus délicats de
l’histoire de la guerre clandestine en France. Les preuves dont
nous disposons aujourd’hui indiquent que les armées
stay-behind jouèrent un rôle dans les putschs de 1967 en
Grèce, de 1980 en Turquie et dans celui qui échoua à renverser
le gouvernement français en 1961. [45]
Tout porte à croire que ce coup d’État fomenté contre de
Gaulle avait reçu l’approbation de la CIA et de son directeur
Allen Dulles ainsi que des partisans de la guerre secrète au
sein de l’OTAN et du Pentagone à Washington. Immédiatement après
la tentative de putsch, « des porte-parole de l’Élysée »
avaient laissé « entendre que le complot ourdi par les
généraux avait bénéficié du soutien des responsables les plus
farouchement anticommunistes de l’armée et du gouvernement
américains », put-on lire dans le Washington Star. « À
Paris comme à Washington, les faits sont maintenant avérés, même
s’ils ne seront jamais reconnus publiquement », écrivit
Claude Krief, dès mai 1961, dans les colonnes de l’hebdomadaire
L’Express. « Les plus hauts personnages de l’État
français l’admettent volontiers en privé : la CIA a joué un rôle
direct dans le coup d’État d’Alger, et elle est certainement
pour beaucoup dans la décision du général Challe de déclencher
ce putsch. » Peu avant les faits, Challe avait occupé les
fonctions de commandant en chef des Forces Alliées en Europe
Centrale, ce qui impliquait des liens étroits, non seulement
avec le Pentagone et des représentants des États-Unis mais aussi
avec le réseau stay-behind de l’OTAN, ainsi que des
contacts quotidiens avec des officiers de l’armée états-unienne.
Challe avait donc, concluait Krief, agi sous les ordres directs
de la CIA : « Tous ceux qui le connaissent bien sont
profondément convaincus que la CIA l’a encouragé à poursuivre
dans cette voie ». [46]
Au moment où Krief publia son article sur le coup d’État
fomenté contre le général de Gaulle avec l’appui de la CIA,
l’existence des armées secrètes stay-behind n’avait pas
encore été révélée. Mais en se penchant sur la guerre
clandestine internationale, Krief indiquait que 10 jours avant
le coup, le 12 avril 1961, une réunion secrète s’était tenue à
Madrid, en présence de « nombreux agents représentant
différents pays, parmi lesquels plusieurs des conspirateurs
d’Alger qui firent part de leurs plans aux agents de la CIA
également présents ». Au cours de cette réunion, les
États-uniens auraient déclaré avec colère que la politique menée
par de Gaulle « paralysait l’OTAN et rendait impossible la
défense de l’Europe », et auraient assuré aux généraux
putschistes, dont Challe, que si eux ou leurs successeurs
réussissaient, Washington reconnaîtrait le nouveau gouvernement
algérien dans les 48 heures. [47]
De Gaulle, qui tentait par diverses manœuvres et tactiques de
rendre la France et l’Europe moins dépendantes des USA et de
l’OTAN, fut furieux de la fourberie de la CIA. On ignore si le
Président Kennedy, qui préparait alors le débarquement de la
baie des Cochons du 15 avril devant permettre de renverser Fidel
Castro, avait été informé du putsch d’Alger. On sait simplement
qu’il fut furieux de l’échec de la CIA à Cuba et que Washington
ne s’empressa pas de reconnaître le régime instauré à Alger par
les généraux. Celui-ci tint 4 jours avant de s’effondrer. Le
premier quotidien français, Le Monde, résuma ainsi
l’affaire : « Le comportement des États-Unis pendant la
récente crise ne fut pas particulièrement adroit. Il semble
établi que des agents américains ont plus ou moins encouragé
Challe » tandis que « bien entendu, Kennedy ignorait tout
de la situation ». [48]
L’Organisation de l’armée secrète (OAS)
Après l’échec du coup d’État, les soldats de l’ombre
devinrent totalement incontrôlables. L’OAS se livra rapidement à
des assassinats de représentants du gouvernement algérien, à des
massacres arbitraires de civils musulmans et à des braquages de
banques. [49]
En novembre 1961, les combattants de l’OAS opéraient sans
retenue dans les rues d’Alger, perpétrant d’innombrables crimes
dans l’espoir de saboter le début de processus de paix qui
devait conduire à l’indépendance de l’Algérie. Les militaires et
policiers français eurent beaucoup de mal à lutter contre l’OAS
car nombre d’entre eux le faisaient à contrecœur et échouaient
même délibérément tant ils approuvaient les buts politiques
poursuivis par l’Organisation. Alors que la violence redoublait,
l’OAS porta le combat sur le sol français et assassina le maire
d’Évian où se tenaient les pourparlers entre les représentants
du gouvernement et ceux du FLN. Elle s’en prit même au
gouvernement de Paris et de Gaulle échappa de peu, le 8
septembre, à une tentative d’assassinat à Pont-sur-Seine. Les
services français rendirent coup pour coup : en novembre 1961,
six cafés d’Alger connus pour être fréquentés par des
sympathisants de l’OAS furent éventrés par des explosions.
En dehors de la France, les soldats de l’armée secrète
menaient aussi des opérations dans d’autres pays d’Europe tels
que l’Espagne, la Suisse et l’Allemagne où des escadrons
spéciaux du 11e Choc organisèrent l’assassinat de leaders du
FLN, de leurs soutiens financiers et de leurs fournisseurs
d’armes. [50]
En Allemagne, les soldats de l’ombre auraient coopéré avec les
membres du réseau stay-behind local et les services
secrets allemands, le BND. Les Allemands mirent à la disposition
du 11e Choc leur centre d’entraînement pour parachutistes
d’Altenstadt, en Bavière, qui servit de base arrière pour leurs
missions dirigées contre le FLN. « Des membres de Gladio et
de nombreux agents du BND y furent également recrutés en vue
d’autres opérations spéciales », souligne le spécialiste des
services secrets allemands Erich Schmidt Eenboom. Les Français
qui se livrèrent à ces assassinats d’activistes du FLN en
Allemagne ne furent jamais pris. « La police semblait
incapable d’attraper les auteurs de ces attaques éclair »,
écrit Eenboom. [51]
La guerre secrète fit sombrer la France dans un cauchemar de
violence, les deux camps faisant preuve d’une brutalité
croissante. Au plus fort des tensions, Maurice Papon, alors
préfet de police de Paris, imposa le couvre-feu suite à la mort
de 11 de ses agents. Le FLN, qui avait perpétré ces attaques, y
répondit en organisant, dans la capitale, une marche de
protestation à laquelle participèrent près de 40 000 Algériens,
le 17 octobre 1961. Papon, reconnu coupable depuis d’avoir été
impliqué dans la déportation de plus de 1 500 Juifs sous
l’occupation allemande, donna l’ordre à ses services de réprimer
brutalement la manifestation ; s’ensuivit un véritable
massacre. [52]
D’après le témoignage de Constantin Melnik daté de 1988, au
moins 200 personnes - et vraisemblablement plus près de 300 -
furent abattues par des policiers désirant se venger après la
mort de leurs collègues. [53]
Melnik fut le conseiller à la sécurité du gouvernement du
général de Gaulle et le grand patron des services secrets entre
1959 et 1962. Lorsqu’on l’interrogea sur le réseau
stay-behind, il insista sur la menace que représente toute
armée secrète : « N’importe quel groupe d’hommes avec le
matériel radio et l’entraînement nécessaires constituerait un
réel danger pour la sécurité de la France ». [54]
« J’ai vu des gens s’écrouler dans des mares de sang.
Certains étaient battus à mort. Les corps étaient entassés dans
des bennes avant d’être jetés à la Seine depuis le pont de la
Concorde », témoigna Saad Ouazene, un ouvrier métallurgiste
de 29 ans sympathisant du FLN. « Si je n’avais pas eu ma
force pour moi, je n’en serais jamais sorti vivant », ajouta
l’homme qui s’en était tiré avec une fracture du crâne. « Dès
que les Algériens sortaient des bus à la porte de Versailles,
ils recevaient des coups à la tête », se souvint le policier
français Joseph Gommenginger, en service cette nuit-là. « Ceux
qui menaient ces ratonnades m’ont même menacé. Ils avaient
enlevé le matricule de leur uniforme. J’étais révolté. Je
n’aurais jamais cru la police capable de ça. » Dans les
jours qui suivirent le massacre, on repêcha des dizaines de
corps dans la Seine, y compris jusqu’à Rouen. [55]
Aucune enquête officielle n’ayant été ouverte, le magazine
Les Temps Modernes de Jean-Paul Sartre qualifia cet épisode
de véritable pogrom. [56]
La guerre secrète conduite par l’OAS avec le renfort de
combattants des réseaux stay-behind de l’OTAN ne parvint
ni à renverser de Gaulle, ni à empêcher l’Algérie de devenir
indépendante. Les accords mettant un terme aux hostilités et
proclamant l’indépendance du pays furent finalement signés entre
le FLN et le gouvernement français à Évian en mars 1962,
entraînant l’effondrement de l’OAS qui déclara la trêve le 17
juin 1962, environ un an après sa création. Seule une fraction
d’irréductibles de l’Organisation, avec à leur tête le colonel
Jean-Marie Bastien-Thiry, refusèrent de déposer les armes et
fomentèrent un autre attentat contre le général de Gaulle, au
Petit Clamart, le 22 août 1962. De Gaulle, faisant, comme à son
habitude, peu de cas de sa propre sécurité, fut scandalisé qu’on
ait pu ainsi l’attaquer alors qu’il se trouvait en compagnie de
sa femme et en fit une affaire personnelle. En septembre, les
hommes de l’OAS impliqués dans la tentative d’attentat furent
arrêtés à Paris. Ils furent tous condamnés à mort, mais seul
Bastien-Thiry fut finalement exécuté. [57]
La majorité des soldats du 11e Choc, dont beaucoup avaient
rejoint les rangs de l’OAS, virent leur carrière interrompue.
Les autres furent placé sous étroite surveillance par les
autorités gaullistes.
La rupture avec l’OTAN
L’armée secrète formée par la CIA et destinée par l’OTAN à
combattre le communisme avait donc, dans le contexte de chaos et
de violence de la crise algérienne, été impliquée dans des
activités internes que ne venait justifier aucune invasion
soviétique. Le danger de la guerre secrète résidait, dans ce
cas, dans l’absence totale de contrôle exercé par les
institutions et, parfois même, par le gouvernement sur les
combattants clandestins. En 1990, l’amiral Pierre Lacoste,
directeur des services secrets militaires français de 1982 à
1985, confirma que « des actions terroristes » contre le
général de Gaulle et le processus de paix algérien avaient été
menées par des groupes « d’un petit nombre d’hommes » du
réseau stay-behind français. Cependant, l’amiral souligna
que ces opérations antigaullistes furent les seuls actes commis
par le Gladio français à l’intérieur des frontières nationales
et précisa que, durant le temps qu’il avait passé à la tête des
services secrets, il avait lui aussi partagé la conviction que
les plans de réserve d’invasion conçus par les Soviétiques
justifiaient pleinement le programme stay-behind. [58]
Charles de Gaulle eut plus que quiconque le temps de
connaître les rouages de la guerre secrète qui se livra en
France, avant de laisser sa place à Georges Pompidou en avril
1969 et de mourir un an plus tard, à l’âge de 80 ans, en
regardant, paraît-il, une série télévisée sentimentale. Le
général avait commandé la Résistance contre l’occupant allemand,
il avait eu recours à des manœuvres clandestines pour accéder au
pouvoir à la fin de la IVe République et, sous la Ve, il avait
été la cible de coups d’État et de tentatives d’assassinat. Bien
avant que ne soient révélée publiquement l’existence des armées
secrètes de l’OTAN, de Gaulle avait envié les États-Unis en
considérant sa position isolée en Europe de l’Ouest et avait
dans le même temps cultivé une certaine méfiance à l’égard de la
CIA qu’il soupçonnait de recourir à la manipulation et à des
opérations de guerre clandestines. En accédant au pouvoir, le
général avait affirmé son intention de faire appliquer sa
politique étrangère uniquement par ses diplomates et non par des
« services secrets irresponsables », qui avaient
d’ailleurs reçu l’ordre de couper les ponts avec la CIA de
laquelle dépendait une bonne partie de leurs activités de
renseignement. [59]
Pour lui, « l’État français était assailli par des forces
occultes. Qui en était responsable ? Sûrement la CIA, pensait-il ». [60]
Quand l’OTAN fut créée en 1949, son quartier général,
abritant notamment les bureaux du SHAPE, fut construit en
France. Celle-ci se trouvait donc particulièrement exposée aux
opérations secrètes de l’OTAN et de la CIA, ce que déplorait de
Gaulle, car le CPC, le comité directeur du réseau secret Gladio,
était lui aussi situé à Paris, comme le révéla un document
italien daté de juin 1959 et intitulé : « Les Forces
Spéciales du SIFAR et l’Opération Gladio » : « (…) En ce
qui concerne l’OTAN, il faut signaler les activités suivantes :
1. L’activité du CPC (Clandestine Planning Committee) de Paris
rattaché au SHAPE ». [61]
En outre, l’autre organe de commandement de Gladio, l’ACC se
réunissait lui aussi régulièrement à Paris. Ce fut donc un
véritable choc à Washington lorsqu’en février 1966, et pour des
raisons stratégiques et personnelles qui font toujours débat
parmi les historiens, de Gaulle décida de défier la suprématie
de Washington et ordonna à l’OTAN et aux USA soit de placer
leurs bases militaires présentes sur le territoire français sous
le contrôle de Paris, soit de les démanteler. Les États-Unis et
l’Alliance Atlantique ne répondirent pas à cet ultimatum, sur
quoi le général prit la décision historique de faire sortir la
France de l’organisation militaire de l’OTAN le 7 mars 1966 et
d’expulser l’ensemble de ses structures et de ses agents du
territoire français. À la grande colère de Washington et du
Pentagone, le quartier général européen de l’OTAN dut donc être
transféré en Belgique. À Bruxelles, Mons et Casteau furent
construits les nouveaux bâtiments qui abritent encore
aujourd’hui le siège de l’OTAN en Europe. C’est ce que confirma
par la suite l’enquête parlementaire belge sur Gladio et les
opérations de guerre clandestine : « En 1968, le siège du CPC
déménagea à Bruxelles ». [62]
Les recherches effectuées en Belgique révélèrent également que
la dernière réunion internationale de l’ACC, le centre de
commandement des opérations de guerre clandestine, à Bruxelles
eut lieu les 23 et 24 octobre 1990. [63]
L’auteur belge spécialiste du Gladio Jan Willems souligna
que, quand de Gaulle retira l’armée française du commandement
militaire intégré de l’OTAN, cela entraîna l’annulation de
certains accords secrets passés entre la France et les
États-Unis. « C’est à cette occasion que fut révélée
l’existence de protocoles secrets portant sur la lutte contre la
subversion communiste, signés bilatéralement par les États-Unis
et leurs alliés de l’OTAN. » [64]
De Gaulle dénonça ces protocoles comme une violation de la
souveraineté nationale. On découvrit des clauses secrètes
similaires dans d’autres pays membres de l’Alliance. Giuseppe de
Lutiis découvrit qu’au moment d’intégrer l’OTAN en 1949,
l’Italie avait signé, outre le Pacte Atlantique, toute une série
de protocoles secrets prévoyant la création d’une organisation
non officielle « chargée de garantir l’alignement de la
politique intérieure italienne sur celle du bloc de l’Ouest par
tous les moyens nécessaires, même si la population devait
manifester une inclination divergente ». [65]
Dans un article consacré à Gladio, le journaliste américain
Arthur Rowse écrivit qu’une « clause secrète du traité
initial de l’OTAN de 1949 stipulait que tout pays candidat à
l’adhésion devait avoir établi au préalable une autorité de
Sécurité nationale de lutte contre le communisme basée sur des
groupes clandestins de citoyens ». [66]
Cela a de quoi surprendre, mais même après les épisodes
douloureux de la crise algérienne, les unités secrètes stay-behind
ne furent pas définitivement dissoutes en France, elles firent
l’objet d’une simple restructuration. En 1998, le spécialiste
des services secrets Jacques Baud observa à juste titre que « bien
que les preuves manquent, certains experts ont laissé entendre
que les activités du réseau stay-behind français ont été menées
sous couvert du Service d’Action Civique ». [67]
Après la dissolution de l’OAS, de Gaulle aurait fait en sorte
d’affaiblir le réseau Rose des Vents tout en renforçant son « Service
d’Action Civique », ou SAC. Le SAC était une sorte de garde
prétorienne gaulliste, un sanctuaire de gaullisme à l’état pur
reflétant la méfiance du général à l’égard de tous les partis
politiques, fut-ce le sien. La mission dont s’étaient eux-mêmes
investis ces hommes était de soutenir l’action du général de
Gaulle. [68]
Fondé au lendemain de la guerre, le SAC était le bras armé du
RPF, le Rassemblement du Peuple Français, qui tentait en vain de
constituer une opposition aux communistes et aux socialistes
français. Fondé officiellement comme un service d’ordre, le SAC
était en réalité la section anticommuniste du RPF chargée des
sales besognes. Ses unités menaient des opérations clandestines
contre les ouvriers grévistes ou contre les militants
communistes qui s’étaient fait une spécialité de perturber par
leurs cris les discours lors des meetings gaullistes. Les hommes
du SAC étaient également chargés de la protection des
politiciens et des groupes de colleurs d’affiches du RPF. [69]
Mais, malgré les agissements de son bras armé le SAC, le RPF
ne parvint pas à remporter d’élections sous la IVe République ;
il fut donc dissous en 1954. Cependant ses éléments les plus
loyaux restèrent apparemment en contact puisqu’ils prirent part
au coup de 1958 qui mit fin à la IVe République et remit de
Gaulle au pouvoir. Jacques Foccart, le directeur et idéologue du
SAC, en bon guerrier de l’ombre et partisan du général, prit en
charge la coordination des opérations, grâce à ses relations au
sein des services secrets, de l’armée et parmi les anciens
résistants, pour organiser, le 24 mai 1958, l’occupation de la
Corse par les soldats du 11e Choc basés à Calvi. [70]
C’est ce qui amena l’expert en services secrets Porch à conclure
que le SAC et Foccart ont véritablement « accouché du retour
de de Gaulle au pouvoir en 1958 ». [71]
Jacques Foccart (1913-1997) et Charles De Gaulle
(1890-1970)
Le Service d’action civique, garde prétorienne
du gaullisme
Le rôle joué par Foccart dans la guerre secrète qui se livra
en France reste flou. « L’étendue des pouvoirs dont dispose
Foccart est aussi mystérieuse que la manière dont il les a
acquis à l’origine. » [72]
Natif de Guadeloupe, l’homme fut mobilisé au début de la seconde
guerre mondiale en 1939 mais parvint à s’échapper lors de la
capitulation de la France. Il collabora ensuite avec l’armée
allemande, mais vers la fin de la guerre, changea une nouvelle
fois de camp et rejoignit la Résistance en Normandie. Il reçut
même la médaille de la Liberté de l’armée états-unienne. [73]
Après l’armistice, Foccart entra dans l’entourage proche du
général de Gaulle et créa le SAC. Le centre d’entraînement pour
les opérations spéciales qu’il fonda à Cercottes, près
d’Orléans, « devint un lieu de pèlerinage pour les membres du
SAC dans les années cinquante ». [74]
Dans les années d’après-guerre, le service comptait près de 8
000 « réservistes », parmi lesquels des membres actifs du
Service Action du SDECE et de son unité d’élite, le 11e Choc.
Tous s’entraînaient à Cercottes et, après les révélations de
1990, le centre fut considéré comme l’un des principaux sites de
formation des Gladiateurs français. [75]
En l’absence d’enquête officielle sur l’histoire de l’armée
secrète française, il est pour l’heure difficile pour les
chercheurs de distinguer les différences entre le réseau
stay-behind Rose des Vents et le SAC, cela mériterait de
faire l’objet d’études approfondies. Il semble cependant que le
SAC se soit lui aussi livré à des opérations anticommunistes
secrètes. Il aura fallu attendre l’arrivée au pouvoir des
socialistes en 1981 pour que soit ouverte une enquête
parlementaire. Quand en juillet 1981, à Marseille, un ancien
chef du SAC, l’inspecteur de police Jacques Massié, fut retrouvé
mort avec toute sa famille, les députés communistes exigèrent
une enquête sur le Service d’Action Civique. En décembre de la
même année, après six mois d’auditions, la commission
parlementaire rendit un rapport volumineux dans lequel elle
concluait que les activités des agents du SDECE, du SAC et de
l’OAS en Afrique étaient « intimement liées ». Les
députés découvrirent que le financement du SAC avait des
origines troubles et provenait notamment des fonds du SDECE et
du trafic de stupéfiants. [76]
« Les émeutes étudiantes de mai 1968 constituaient le
champ d’action typique d’un réseau “Gladio” », commenta l’Intelligence
Newsletter après les révélations de 1990. [77]
La commission parlementaire réunie pour enquêter sur le SAC
avait en effet découvert que le Service avait enregistré des
effectifs records durant les troubles de mai 68, avec pas moins
de 30 000 membres. Il est donc envisageable qu’il soit intervenu
pendant les émeutes. En 1981, le SAC comptait toujours 10 000
adhérents. « On estime que 10 à 15 % d’entre eux étaient des
policiers. Mais il comptait également dans ses rangs des
opportunistes, des gangsters et des partisans de l’extrême
droite. » [78]
La commission dénonça le SAC comme une dangereuse armée secrète,
qui avait servi de police parallèle, avait infiltré des
organisations publiques afin d’influer sur leurs décisions et
avait commis des actes de violence. En conclusion de ce qui
constituait alors l’enquête parlementaire la plus approfondie
jamais menée sur un réseau secret en France, les députés
jugèrent l’existence du SAC « incompatible avec les lois de
la République », sur quoi le gouvernement de François
Mitterrand ordonna son démantèlement en juillet 1982. [79]
Un nettoyage toujours annoncé, jamais réalisé
Le gouvernement Mitterrand, de plus en plus préoccupé par le
rôle joué par les services secrets dans les démocraties
modernes, s’en prit aux services secrets militaires français qui
se trouvaient depuis des années au coeur des opérations
clandestines menées en France. Une enquête parlementaire
diligentée en 1982 sur les agissements des services de
renseignement et conduite par le député socialiste Jean-Michel
Bellorgey conclut que des agents du renseignement agissant sous
l’emprise de la paranoïa typique de la guerre froide et obsédés
par « l’ennemi interne » avaient enfreint la loi à
plusieurs reprises tandis que les services secrets accumulaient
« échecs, scandales et opérations douteuses ». [80]
À la lecture de cette conclusion édifiante, Mitterrand appuya la
requête des communistes, qui, avec le soutien d’un groupe de
socialistes, demandaient depuis longtemps la dissolution pure et
simple du SDECE.
Mais cette décision lourde de conséquences ne fut finalement
pas prise et le SDECE ne fut pas démantelé mais tout juste
réformé. Son nom fut changé en Direction Générale de la Sécurité
Extérieure (DGSE) à la tête de laquelle fut nommé l’amiral
Pierre Lacoste. En collaboration avec l’OTAN, celui-ci continua
à diriger l’armée secrète placée sous sa responsabilité et, en
1990, suite aux révélations sur Gladio, il défendit sa
conviction selon laquelle les plans de réserve d’invasion conçus
par les Soviétiques justifiaient pleinement le programme stay-behind. [81]
L’« Opération Satanique » au cours de laquelle le 10
juillet 1985 des agents de la DGSE firent exploser le Rainbow
Warrior, le navire de Greenpeace qui protestait pacifiquement
contre les essais nucléaires français en Polynésie, mit un terme
à la carrière de l’amiral Lacoste. En effet, quand fut
découverte son implication dans l’affaire ainsi que celle du
ministre de la Défense Charles Hernu et du président Mitterrand
lui-même, Lacoste n’eut d’autre choix que de démissionner.
En mars 1986, la droite remporta les élections législatives,
instaurant un régime de cohabitation entre le président
socialiste Mitterrand et son Premier ministre gaulliste Jacques
Chirac. En 1990, quand se multiplièrent les révélations sur les
armées secrètes en Europe, Chirac ne fut pas véritablement
enthousiaste à l’idée de voir révélée au grand jour toute
l’histoire de l’armée secrète française. Une telle investigation
aurait pu ruiner la si brillante carrière politique de celui qui
deviendrait un jour président de la République, d’autant plus
qu’en 1975, Chirac avait lui-même présidé le Service d’Action
Civique.
La France eut ainsi beaucoup de mal à assumer l’histoire de
son combat secret contre le communisme. Il n’y eut aucune
enquête officielle. Les représentants du gouvernement tentèrent
de minimiser les dégâts par des mensonges et demi-vérités. Le 12
novembre 1990, le ministre de la Défense Jean-Pierre Chevènement
reconnut à regret devant la presse qu’« il [était] exact
qu’une structure [avait] existé, bâtie au début des années
cinquante et destinée à assurer la liaison avec un gouvernement
forcé de se réfugier à l’étranger dans l’hypothèse d’une
occupation », suite à quoi le ministre mentit en affirmant :
« Cette structure a été dissoute sur ordre du Président de la
République. Pour autant que je sache, elle n’a eu qu’un rôle de
réseau dormant et de liaison ». [82]
Le lendemain, le président Mitterrand dut affronter les
questions de la presse. « Quand je suis arrivé au pouvoir »,
prétendit-il, « il n’y avait plus grand chose à dissoudre. Il
ne restait plus que quelques rares éléments dont j’ai été
surpris d’apprendre l’existence puisque tout le monde les avait
oubliés. » [83]
Le Premier ministre Chirac refusa de s’exprimer sur le sujet.
Mais son homologue italien Giulio Andreotti n’apprécia pas de
voir le gouvernement français minimiser ainsi sa responsabilité
dans l’affaire Gladio et remettre en cause ses propres
affirmations selon lesquelles Gladio avait existé dans la
plupart des pays d’Europe de l’Ouest. Andreotti déclara donc à
la presse que, loin d’être dissoute depuis longtemps, l’armée
secrète française avait même envoyé ses représentants à la
réunion de l’ACC qui s’était tenue les 23 et 24 octobre 1990 à
Bruxelles, provoquant ainsi un embarras considérable en France.
Les temps ont changé :
Nicolas Sarkozy et Alain Bauer.
M. Sarkozy est le beau-petit-fils de Franck Wisner, fondateur du
Gladio.
(À suivre…)
[1]
La Première République Française fut proclamée au lendemain de
la Révolution de 1789, elle dura de 1792 à 1799. Naissant suite
aux révolutions européennes, la Seconde République dura, elle,
de 1848 à 1852. La Troisième, proclamée en 1871, prit fin avec
la défaite de 1940.
[2]
Edward Rice-Maximin, Accommodation and Resistance : The
French Left, Indochina and the Cold War 1944–1954 (Greenwood
Press, New York, 1986), p.12.
[3]
Philip Agee et Louis Wolf Louis, Dirty Work : The CIA in
Western Europe (Lyle Stuart Inc., Secaucus, 1978), p.182.
[4]
Extrait de Rice-Maximin, Resistance, p.95. Le discours
fut prononcé le 28 janvier 1950.
[5]
Hoyt S. Vandenberg, Memorandum for the President Harry S.
Truman. Central Intelligence Group, Washington, 26 novembre
1946. D’abord classé top-secret, il peut aujourd’hui être
consulté à la Bibliothèque Harry Truman.
[6]
Roger Faligot et Pascal Krop, La Piscine. Les Services
Secrets Francais 1944–1984 (Editions du Seuil, Paris, 1985),
p.84.
[7]
Roger Faligot et Rémi Kaufer, Les Maîtres Espions. Histoire
Mondiale du Renseignement. Tome 2. De la Guerre Froide à nos
jours (Editions Laffont, Paris, 1994), p.56.
[8]
Faligot et Krop, Piscine, p.85.
[9]
Rice-Maximin, Resistance, p.53.
[10]
Faligot et Krop, Piscine, p.85.
[11]
Ibid., p.86.
[12]
Faligot et Kaufer, Espions, p.56.
[13]
Faligot et Krop, Piscine, p.86.
[14]
Hoyt S. Vandenberg, Memorandum for the President Harry S.
Truman.
[15]
Trevor Barnes, « The Secret Cold War : The CIA and American
Foreign Policy in Europe, 1946–1956 » dans The Historical
Journal, Vol.24, N°2, 1981, p.413.
[16]
Extrait de Jan de Willems, Gladio (Editions EPO, Bruxelles,
1991), p.35.
[17]
Jean-Francois Brozzu-Gentile, L’Affaire Gladio (Editions
Albin Michel, Paris, 1994), p.190.
[18]
Christopher Simpson, Blowback : America’s Recruitment of
Nazis and its Effects on the Cold War (Weidenfeld and
Nicolson, Londres, 1988), p.127.
[19]
Senato della Repubblica. Commissione parlamentare d’inchiesta
sul terrorismo in Italia e sulle cause della mancata
individuazione dei responsabiliy delle stragi : Il terrorismo,
le stragi ed il contesto storico politico. Redatta dal
presidente della Commissione, sénateur Giovanni Pellegrino.
Rome 1995, p.36.
Document téléchargeable au bas de la
page de Voltairenet.org reproduisant le chapitre 6 du présent
livre.
[20]
Irwin Wall, The United States and the Making of Postwar
France, 1945–1954 (Cambridge University Press, Cambridge,
1991), p.150.
[21]
Faligot et Krop, Piscine, p.88. Et Jacques Baud :
Encyclopédie du renseignement et des services secrets
(Lavauzelle, Paris, 1997), p.546.
[22]
Aucun auteur spécifié, « Spotlight : Western Europe :
Stay-Behind » dans le périodique français Intelligence
Newsletter. Le Monde du Renseignement du 5 décembre 1990.
[23]
Faligot et Krop, Piscine, p.90.
[24]
Ibid., leur entretien avec Louis Mouchon. Ibid.,
Piscine, p.89.
[25]
Faligot et Kaufer, Espions, p.57.
[26]
Hebdomadaire britannique The Economist, 16 avril 1994.
[27]
Jonathan Kwitny, « The CIA’s Secret Armies in Europe : An
International Story » dans The Nation du 6 avril 1992,
p.446 et 447.
[28]
Ibid.
[29]
Ibid.
[30]
Périodique italien Europeo du 18 janvier 1991.
[31]
Le quotidien italien L’Unita publia une version italienne
du document dans son édition spéciale du 14 novembre 1990.
Un fac similé et une version française sont disponibles sur le
site du Réseau Voltaire.
[32]
Il est fait référence au document dans Roberto Faenza, Il
malaffare. Dall’America di Kennedy all’Italia, a Cuba, al
Vietnam (Editore Arnoldo Mondadori, Milan, 1978), p.313.
[33]
Faenza, Malaffare, p.313.
[34]
Gentile, Gladio, p.144.
[35]
Quotidien français Le Monde du 16 novembre 1990. Et
Pietro Cedomi : « Service secrets, guerre froide et
‘stay-behind. 2è Partie’ : La mise en place des réseaux » dans
le périodique belge Fire ! Le Magazine de l’Homme d’Action,
septembre/octobre 1991, p.74–80.
[36]
Faligot et Krop : Piscine, p.165.
[37]
Quotidien français Le Monde du 12 janvier 1998.
[38]
Douglas Porch : The French Secret Services : From the Dreyfus
Affair to the Gulf War (Farrar, Straus and Giroux, New York,
1995), p.395.
[39]
Porch, Secret Services, p.395.
[40]
Il s’agit de la description de l’opération Ressurection que
donne Ph. Bernert dans son livre : Roger Wybot et la bataille
pour la DST. Cité dans Gentile, Gladio, p.286.
[41]
Porch, Secret Service, p.396.
[42]
Ibid.
[43]
Ibid., p.408.
[44]
Jonathan Kwitny, « The CIA’s Secret Armies in Europe : An
International Story » dans The Nation du 6 avril 1992,
p.446 and 447.
[45]
Thierry Meyssan, « Quand
le stay-behind portait De Gaulle au pouvoir » et « Quand
le stay-behind voulait remplacer De Gaulle », Réseau
Voltaire, 27 août et 10 septembre 2001.
[46]
William Blum, Killing Hope : US Military and CIA
interventions since World War II (Common Courage Press,
Maine, 1995), p.149. Version française, publiée sous le titre
Les Guerres scélérates par Parangon, 2004.
[47]
Ibid.
[48]
Ibid.
[49]
Porch, Secret Services, p.398.
[50]
Révélé par exemple par l’ancien officier supérieur de la 11e
Demi-Brigade du Choc Erwan Bergot dans ses mémoires : Le
Dossier Rouge. Services Secrets Contre FLN (Grasset, Paris,
1976)
[51]
Erich Schmidt Eenboom écrivit dans les années 1990 un essai non
publié de neuf pages sur Gladio et les opérations terroristes
menées par les services secrets français intitulé Die ‘Graue’
und die ‘Rote’ Hand. Geheimdienste in Altenstadt. Les deux
citations en sont extraites (p.3 and 7). Les opérations
terroriste françaises menées contre le FLN en Allemagne
comprenaient : l’assassinat à l’arme automatique du secrétaire
général du FLN Ait Acéne à Bonn le 5 novembre 1958, l’assassinat
d’une seule balle à bout portant du membre du FLN Abd el
Solvalar dans une gare de Sarrebrück le 19 janvier 1959 et
l’assassinat de Lorenzen, un ami du fabriquant d’armes de
Hambourg Otto Schlüter dans l’explosion d’une bombe dans un
entrepôt de Shlüter le 28 septembre 1956. Le 3 juin 1957,
Schlüter lui-même échappa à une tentative d’assassinat, mais sa
mère fut tuée dans l’opération. (ibid.).
[52]
Quotidien britannique Sunday Times du 12 octobre 1997. Et
le quotidien français Le Monde du 17 octobre 1996.
[53]
Jean-Luc Einaudi, La Bataille de Paris (Seuil, Paris,
1991).
[54]
Hebdomadaire suisse Wochenzeitung, du 14 décembre 1990.
[55]
Quotidien britannique Sunday Times du 12 octobre 1997. Et
le quotidien français Le Monde du 17 octobre 1996.
[56]
Ibid.
[57]
Jeffrey M. Bale, « Right wing Terrorists and the
Extraparliamentary Left in Post World War 2 Europe : Collusion
or Manipulation ? » Dans Lobster Magazine (UK), n°2,
octobre 1989, p.6.
[58]
Jonathan Kwitny, « The CIA’s Secret Armies in Europe : An
International Story » dans The Nation du 6 avril 1992,
p.446 et 447.
[59]
Porch, Secret Services, p.409.
[60]
Ibid., p.419.
[61]
Document téléchargeable au bas de la
page de Voltairenet.org reproduisant le chapitre 6 du présent
livre.
[62]
Commission d’enquête parlementaire belge sur Gladio, résumé dans
le périodique britanique Statewatch, janvier/février
1992.
[63]
Jan de Willems, Gladio (Editions EPO, Bruxelles, 1991),
p.24.
[64]
Willems, Gladio, p.81.
[65]
Extrait de Willan, op. cit., p.27.
[66]
Arthur Rowse, Gladio. « The Secret US War to subvert Italian
Democracy » dans Covert Action Quarterly, N°49, été 1994,
p.3.
[67]
Baud, Encyclopedie, p.546.
[68]
Porch, Secret Services, p.439.
[69]
Ibid., p.438.
[70]
Ibid., p.395.
[71]
Ibid., p.439.
[72]
Ibid., p.437.
[73]
Ibid., p.438, basé sur la biographie de Foccart par Pierre Péant.
[74]
Ibid., p.439.
[75]
Baud, Encyclopedie, p.546 et le quotidien français Le
Monde du 16 novembre 1990.
[76]
Porch, Secret Services, p.446. Le rapport de la
commission d’enquête parlementaire française sur le SAC est
intitulé : Rapport de la commission d’enquête sur les
activités du Service d’Action Civique, Assemblée Nationale.
Seconde session ordinaire de 1981–1982, N°955, Alain Moreau,
Paris 1982.
[77]
Intelligence Newsletter, 21 novembre 1990.
[78]
Porch, Secret Service, p.590.
[79]
Ibid., p.446.
[80]
Ibid., p.404.
[81]
Jonathan Kwitny, p.446 et 447.
[82]
Quotidien français Le Monde du 14 novembre 1990. Agence
de presse internationale Reuters, 12 novembre 1990. Quotidien
britannique The Guardian du 14 novembre 1990.
[83]
Extrait de Gentile, Gladio, p.141. Également relevé par
l’agence Associated Press, le 13 novembre 1990.
Daniele Ganser, Historien suisse,
spécialiste des relations internationales contemporaines. Il est
enseignant à l’Université de Bâle.
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