Syrie
Ne touchez pas à la Syrie
!
Chris
Marsden
Vendredi 1er juin 2012
La tentative des médias d’attiser
l’indignation publique après le massacre
de Houla, associée à l’expulsion
coordonnée des diplomates syriens par
les grandes puissances, est un acte d’un
cynisme éhonté. Son but est de légitimer
la campagne actuelle de déstabilisation
menée par le gouvernement Obama et ses
alliés en Europe et au Moyen-Orient qui
sont directement responsables de ce qui
s'est passé à Houla et de toutes les
autres atrocités perpétrées en Syrie
depuis le début du conflit en 2011.
Au milieu d’une telle propagande
flagrante, les travailleurs et les
jeunes doivent avant tout s’opposer
fermement aux appels en faveur d’une
intervention militaire occidentale
contre la Syrie.
Il n’existe toujours pas de rapport
fiable sur les faits qui se sont
produits à Houla, qui permette à
quiconque de rejeter de but en blanc les
affirmations insistantes du régime Assad
selon lesquelles il n'a joué aucun rôle
dans le massacre et que c’était l’oeuvre
de provocateurs. Pour le moment, tous
les témoins sont issus de la communauté
sunnite et auront été approuvés par la
direction de l’opposition. Tout, à
commencer par le nombre de victimes et
leur identification – victimes qui sont
toujours décrites comme des civils
plutôt que des insurgés – est
régulièrement exagéré et déformé, comme
le reconnaissent les propres
observateurs de l’ONU.
Néanmoins, même si le récit avancé
par l’opposition est entièrement vrai –
que la plupart des vies humaines ont été
perdues en raison de meurtres sectaires
commis par les milices alaouites
pro-gouvernementales après le
bombardement initial des bases de
l’opposition par les forces armées –
Houla n’est qu’un exemple abominable
parmi les innombrables atrocités qui se
produisent en Syrie.
L’attention exclusive portée sur
Houla la sépare des violences sectaires
quotidiennes perpétrées de part et
d’autre, dont des enlèvements, la
torture, des meurtres et des attentats à
la voiture piégée à Damas et ailleurs
par des éléments d’al Qaïda se trouvant
au sein de l’opposition et qui ont
provoqué la mort de dizaines de
personnes – 55 dans le seul incident du
10 mai à Damas et plus de 40 en décembre
de l’année dernière.
Des milliers sont morts de part et
d’autre et bien davantage ont été
mutilés ou chassés de leur domicile.
Quelle que soit la quantité de larmes de
crocodile versée à la Maison Blanche, à
Downing Street, au palais de l’Elysée,
c’est exactement là-dessus que les
puissances occidentales comptaient
lorsqu’elles ont pris, l’année dernière,
la décision de financer et d’armer
l’insurrection sunnite.
Les puissances impérialistes sont
passées maîtres dans l’art de manipuler
les divisions religieuses, ethniques et
tribales dans le but de poursuivre la
politique du diviser pour mieux régner.
En réaction à la chute des régimes
clients dignes de confiance en Tunisie
et en Egypte suite aux protestations
populaires de masse, elles étaient
déterminées à façonner tout changement
politique survenant par la suite dans
les régions stratégiquement vitales
d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Là
où l’opposition menacerait les alliés
occidentaux – en Egypte, au Bahreïn, en
Arabie saoudite – elle serait contrée ou
canalisée derrière des mouvements à base
sunnite tels les Frères musulmans qui
pourraient ensuite être cultivés comme
un nouveau pouvoir régional en alliance
avec les régimes du Golfe et la Turquie.
Ou alors, les insurgés sunnites
pourraient être montés contre ces
régimes qui sont considérés soit comme
non fiables, tel celui de Mouammar
Kadhafi en Libye, soit trop proches de
l’Iran, comme celui d’Assad en Syrie.
L’Iran a toujours été l’objectif
ultime de la machination contre la
Syrie, parallèlement au but
géostratégique plus général de
restreindre l’influence de la Russie et
de la Chine.
La question de la Syrie « sombrant »
dans la guerre civile et la déclaration
de l’envoyé spécial conjoint des Nations
unies et de la Ligue arabe, Kofi Annan,
qu’un « point de basculement » a été
atteint sont des insultes à
l’intelligence collective des gens du
monde entier. Les grandes puissances ont
tout fait pour atteindre un tel résultat
depuis le tout premier jour.
Les insurgés en Syrie ont été armés
sur l’ordre de Washington par le biais
de ses alliés d’Arabie saoudite et du
Qatar et organisés dans les alentours
d’une base fournie par la Turquie. Ils
ont été dressés contre l’armée syrienne
dans des zones autour de Deraa et de
Homs.
Le plan était que la Syrie soit
politiquement déstabilisée et
économiquement ruinée, grâce à des
sanctions, jusqu’à ce qu’Assad soit
obligé de démissionner. Ou bien, en
raison du manque de soutien populaire
pour une insurrection sectaire dans les
zones urbaines à croyance multiple,
telles Damas et Alep, il serait possible
de lancer une guerre par procuration en
recourant à la Ligue arabe et à la
Turquie comme front éventuel. On
argumente toujours au sein des cercles
dirigeants pour savoir si cette ligne de
conduite devrait à présent être adoptée,
en utilisant le prétexte de Houla.
François Hollande, le président
français nouvellement élu, issu du Parti
socialiste, ayant pris la place libérée
dernièrement par Nicolas Sarkozy,
insiste tout particulièrement pour dire
qu’une « intervention armée n’est pas
exclue à condition qu’elle se fasse dans
le respect du droit international,
c’est-à-dire par une délibération du
Conseil de sécurité » des Nations unies.
Un rôle politiquement méprisable est
joué au nom des impérialistes par des
organisations jadis de gauche tel le
Socialist Workers Party en
Grande-Bretagne, qui reprend le rôle
qu'il a joué en Libye en qualifiant une
insurrection sectaire parrainée par
l’Occident de « révolution » accomplie
par les masses. Comme en Libye, ce parti
met en garde contre une intervention
armée occidentale (comme si ceci n'était
pas déjà en train de se produire) tout
en soutenant des mouvements bourgeois –
le Conseil national syrien, les Comités
locaux de coordination et l’Armée
syrienne libre – dont l’objectif est
précisément de provoquer une telle
intervention.
En Syrie, comme partout ailleurs au
Moyen-Orient, tout repose sur la
nécessité de surmonter cette domination
politique des masses par les forces
bourgeoises, qu’elles soient islamistes,
se disant libérales ou de pseudo-gauche,
et qui ont permis que les événements
soient dictés par les impérialistes.
Ceci a déjà conduit à l’élection d’un
régime islamiste financé par le Qatar en
Tunisie, à des élections en Egypte qui
sont aussi dominées par des Islamistes
et où l’armée est toujours fermement en
charge et à une guerre sanglante en
Libye qui a mis en place un régime
client pro-occidental.
Les enjeux sont de taille.
L’aggravation de la guerre civile en
Syrie et la menace grandissante d’une
intervention occidentale fait courir le
danger d’une guerre régionale impliquant
l’Iran d’un côté et la Turquie et les
monarchies du Golfe de l’autre et qui
pourrait dévaster le Moyen-Orient. Il
revient à la classe ouvrière de faire
tout ce qui est en son pouvoir pour
empêcher une telle issue.
Les régimes réactionnaires de Ryad,
Doha, du Caire et de Tunis ne méritent
pas moins que les Baasistes de Syrie
d'être renversés. Ils doivent tous être
renversés et remplacés par des
gouvernements socialistes,
anti-impérialistes et véritablement
démocratiques, par l’unité de la classe
ouvrière et des masses rurales
indépendamment de leurs affiliations
religieuses ou ethniques.
En Occident, un nouveau mouvement
anti-guerre est nécessaire qui soit tout
autant affranchi de la mainmise de la
pseudo-gauche que de celle des libéraux
qui, pour la plupart, sont actuellement
transformés en défenseurs manifestes de
la « guerre humanitaire. » La
responsabilité qui incombe aux
travailleurs et aux jeunes d'Amérique et
d'Europe est de répudier l’attitude
moralisatrice cynique de leur propre
gouvernement et d'exiger la fin de leurs
desseins prédateurs en Syrie et dans le
reste du Moyen-Orient.
Un tel mouvement de masse requiert
une nouvelle direction qui avance une
stratégie de révolution socialiste
mondiale, le Comité international de la
Quatrième Internationale.
(Article original paru le 31 mai
2012)
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Publié le 1er juin 2012 avec l'aimable
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