Comment je vois le Monde
L'Afrique nourrit
les autres :
«Le grabbing des terres»
Chems
Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Jeudi 25 octobre
2012
«Le grand
succès des ennemis de l'Afrique, c'est
d'avoir corrompu les Africains
eux-mêmes.»
Frantz Fanon
L'un des grands malheurs de l'Afrique
outre la famine endémique due notamment
à une histoire coloniale mais pas
seulement mais aussi à des dirigeants
qui perpétuent l'ordre colonial à leur
profit, tout en prenant la précaution
d'être adoubés par leurs anciens
maitres, est une nouvelle forme
d'asservissement à distance où
l'Africain travaille pour d'autres mais
est incapable de subvenir à ses besoins.
Serait- ce que parce qu'il n'est pas
encore « entré dans l'histoire » où
est-ce un atavisme, voire une
malédiction?
On connait déjà le pillage des matières
premières du sol et du sous sol de
l’Afrique notamment l’énergie et les
métaux rares comme le coltran que l’on
utilise dans les technologie de la
communication ( ordinateur, téléphones
mobiles…). Ce coltran est revendu cent
fois son prix par des intermédiaires
sans loi ni foi à des multinationales
occidentales très discrètes sur cette
nouvelle traite autrement plus abjecte
que la traite historique de ces mêmes
civilisateurs en terre de conquête et
d’évangélisation de ces peuplades
barbares qui devaient obligatoirement
touchés par l’Evangile au nom de la «
règle des trois C ». Christianisation,
Commerce , Colonisation.
Nous allons dans cette contribution
parler d’une nouvelle colonisation ,
véritable post-colonialisme qui perpétue
l’exploitation « consentante » de
l’indigène par des allogènes venus tirer
le meilleur profit de la terre africaine
pour nourrir les nouveaux colons à
distance ..
L'accaparement des terres agricoles en
Afrique par des Etats étrangers et des
multinationales a été plusieurs fois
dénoncé, notamment en février 2011 à
Dakar, à l'occasion du Forum social
mondial, par l'ONG Actionaid.
L'accaparement des terres, un
phénomène ancien qui s'accélère
L'acquisition de terres n'est pas un
phénomène nouveau, mais il a pris de
l'ampleur avec l'arrivée de la crise
alimentaire de 2008. Il a précisé que
les investisseurs, qui se ruent sur ces
terres arables, ont en ligne de mire des
plus-values sur la vente de produits et
denrées alimentaires. A titre
d'exemples, on cite le cas d'un
Américain qui, à lui tout seul, a acquis
un million d'ha au Soudan, ou des
entreprises productrices de
biocarburants qui ont acheté de grandes
superficies de terres pour y cultiver du
jatropha. De même, dix millions
d'hectares de terres agricoles ont été
offertes à des agriculteurs
sud-africains pour y cultiver du maïs et
du soja et y élever de la volaille et
des vaches laitières, a annoncé en avril
2009.
Si on se réfère à la définition,
l'expression «accaparement des terres»
vient de l'anglais land grabbing (to
grab, «saisir», «empoigner»). Elle
désigne la vente, la location ou la
cession de terres arables à grande
échelle, en général plusieurs milliers
d'hectares, entre un État et un
investisseur local ou étranger, public
ou privé. (...) La société américaine
United Fruit Company possédait autrefois
près du quart des terres cultivables du
Honduras (d'où l'expression «république
bananière»). Les pays concernés sont en
général des pays en développement ou
émergents, disposant de grandes
superficies de terres cultivables
considérées comme «disponibles» et peu
chères et offrant des avantages
comparatifs en matière de production
agricole: climat favorable,
main-d'oeuvre peu coûteuse. D'après le
projet Land Matrix qui rassemble cinq
partenaires, dont le Centre de
coopération internationale en recherche
agronomique pour le développement (Cirad),
83,2 millions d'hectares font ou ont
fait l'objet de transactions
internationales à des fins agricoles
entre 2000 et 2010. Cela représente 1,7%
de la surface agricole utilisable dans
le monde. Le nombre de contrats signés
et recensés s'élève à 403, pour une
superficie totale de 26,2 millions
d'hectares. (1)
La situation actuelle
Le Fonds des Nations unies pour
l'alimentation et l'agriculture (FAO)
livrait, le 8 octobre, un bilan en
demi-teinte de la faim dans le monde.
S'élevant actuellement à 870 millions,
le nombre de personnes affamées continue
de reculer, certes, mais très faiblement
par rapport au début des années 2000. Si
l'on en croit le sondage annuel
CSA-CCFD-Terre solidaire publié à
l'occasion de la Journée mondiale de
l'alimentation le 16 octobre. 56% des
Français (et 73% des 65 ans et plus)
estiment que la situation de la faim
dans le monde se dégrade Ces cinq
dernières années sont marquées par des
émeutes de la faim (2008), deux crises
alimentaires au Sahel (2010 et 2012) et
une famine en Somalie. Les Français
interrogés pointent du doigt plusieurs
causes de la faim. S'ils insistent sur
les aléas climatiques (35%) et la
spéculation des marchés financiers sur
les matières premières agricoles (34%),
ils mettent d'abord en avant la
corruption des gouvernements locaux
(39%). Les Français citent aussi
l'accaparement des terres parmi les
causes de la faim (22%).
Des mesures urgentes sont donc
nécessaires pour désamorcer la menace
d'une nouvelle vague d'accaparements de
terres, explique l'ONG, qui fait appel à
la Banque mondiale, déjà sollicitée ces
dernières années par plusieurs
coalitions pour son rôle dans le
processus d'acquisition des terres.
L'institution financière a en effet «le
pouvoir d'appliquer, au moins
temporairement, un gel de ses
investissements dans des terres
agricoles», estime Oxfam, «le temps de
revoir ses politiques en la matière dans
les pays en développement, d'oeuvrer à
la définition de normes pour les
investisseurs et de mettre en place des
mesures plus rigoureuses pour prévenir
l'accaparement des terres».
Par son rôle d'investisseur foncier et,
en même temps, de conseiller auprès des
pays en développement, la Banque
mondiale occupe une position
stratégique. Or, «il ressort d'une de
ses propres études que les pays
enregistrant le plus de transactions
foncières à grande échelle sont ceux où
la protection des droits fonciers est la
plus faible», souligne le rapport.
Depuis 2008, 21 plaintes ont été
officiellement déposées par des
communautés estimant que des projets de
la Banque mondiale violaient leurs
droits fonciers. Oxfam espère voir des
avancées à la prochaine assemblée
annuelle de la Banque mondiale, qui se
déroulera à Tokyo du 12 au 14 octobre,
et l'enjoint à «envoyer aux
investisseurs du monde entier un signal
fort» pour «mettre fin à l'accaparement
des terres et améliorer les normes»
notamment en matière de transparence.(2)
L'influence des grandes sociétés
de négoce sur le système alimentaire
mondial
Avant la crise alimentaire de 2008,
l'expansion annuelle des terres
agricoles dans le monde était de 4
millions d'hectares par an. En 2009, ce
ne sont pas moins de 50 millions
d'hectares de terres arables qui ont été
cédés dans le monde Cette surface
équivaut quasiment à l'intégralité du
territoire français L'extraordinaire
ruée vers les terres africaines a été
accélérée par la crise alimentaire de
2008, le développement des
agro-carburants, la pression de
certaines institutions internationales
sur les Etats, la compétition des pays
en développement pour attirer les
investisseurs. Mais aussi par l'étendue
des terres «non utilisées» dans le Sud
et la disponibilité de la main- d'oeuvre.
«Deux objectifs motivent les acteurs. Il
y a la sécurité alimentaire,
préoccupation de la Chine, de l'Inde, du
Japon, de la Malaisie, de la Corée du
Sud et du Japon. (...) L'autre objectif,
partagé par les acteurs de la finance,
consiste à voir ces terres comme des
placements rentables. C'est le cas des
sociétés d'investissements, des fonds de
pension qui gèrent les retraites des
salariés ainsi que des fonds de capital
investissement à la recherche de
rotation rapide de leurs capitaux. Bien
évidemment, les hedge fund ont pris
position sur le filon. 70% des achats
sont en Afrique. (3)
Les « majors » qui affament le
monde
Justement, parmi les acteurs influents
mais peu connus du système alimentaire
mondial, les quatre leaders du négoce.
Ils font l'objet d'un rapport détaillé
commandé par Oxfam. Selon l'ONG, des
multinationales comme Cargill ou Louis
Dreyfus participent pleinement à la
volatilité des prix agricoles et à
l'accaparement des terres. De «Occuper
le système alimentaire!» pour
l'Observatoire du droit à l'alimentation
à «Cultivons» pour «réparer le système
alimentaire mondial» pour Oxfam, les
mobilisations internationales pour
dénoncer la mainmise de l'agro-industrie
et de la finance sur l'agriculture se
multiplient. Mais si Monsanto, Nestlé ou
Walmart sont largement épinglés, les
principales sociétés de négoce en
matières premières agricoles restent
méconnues. (...) » (4)
« Les quatre plus grosses sociétés,
Archer Daniels Midland (ADM), Bunge,
Cargill et Louis Dreyfus, se partagent à
elles seules 90% du marché des céréales.
Les ABCD, dénommées ainsi selon
l'acronyme de leurs initiales, dominent
donc largement le marché mondial des
matières premières agricoles. Elles
interviennent également à toutes les
étapes de la chaîne agricole
industrielle, à la fois comme
fournisseurs de semences, d'engrais et
de produits phytosanitaires, mais aussi
comme propriétaires terriens,
financeurs, transporteurs... (...)
Cargill a par exemple acquis des grandes
plantations de palme en Indonésie. (...)
Les auteurs du rapport ont cependant eu
du mal à quantifier les volumes de
terres concernées, face à la diversité
des stratégies foncières: propriétés,
concessions, acquisitions de compagnies
locales... Avec la raréfaction de l'eau
et du sol, le contrôle foncier devient
aussi une stratégie d'investissement
financier. L'augmentation concomitante
des profits des ABCD avec la
dérégulation financière entamée dans les
années 2000 aux États-Unis montre en
tout cas qu'elles ont largement profité
de la financiarisation des marchés. (5)
Il ne faut pas croire que le phénlomène
de « grapping » ne touche que l’Afrique.
Il en est de même des autres continents,
les gouvernements bradent à tour de
bras. C'est le cas de la Colombie où
dit-on l'Orénoque est à vendre. «Le
président colombien Juan Manuel Santos
l'avait dit lors de son discours
d'investiture en 2010: la Colombie a
suffisamment d'eau et de terres pour
devenir le nouveau grenier de
l'Amérique. Il a bien l'intention de le
prouver.» Pour la politologue
colombienne Paula Alvarez, Bogota ne
veut rien de moins que mettre en vente
son «Far East», une énorme portion de
terre qui commence aux portes de la
capitale, pour descendre en pente douce
vers l'est et le sud jusqu'aux bassins
de l'Amazone et du légendaire Orénoque.
Cet eldorado de près de 7 millions
d'hectares est convoité par des
banquiers locaux et des investisseurs
chinois, brésiliens, argentins, indiens
et israéliens qui comptent y planter
maïs, soja, pins et palme africaine.
(...) En Colombie, 500.000 hectares de
terres agricoles appartiendraient à des
étrangers. Une part des terrains
cultivables qui reste raisonnable, au
regard de celle qu'ont cédée ses
voisins: 4,5 millions d'hectares au
Brésil, 13 millions au Paraguay » (5).
Enfin, il faut signaler que le marché
noir du bois lié à l'exploitation ou au
blanchiment du bois illégal explose
selon un rapport publié par le Pnue et
Interpol. L'Amazonie, l'Indonésie et le
bassin du Congo sont devenus les plaques
tournantes de ce qui ressemble de plus
en plus à du crime organisé autour du
carbone vert, avec des méthodes
élaborées Un marché noir en constante
hausse dont la valeur actuelle serait
comprise entre 30 et 100 milliards de
dollars par an. Le rapport dresse un
tableau extrêmement préoccupant de la
situation.
Quelle alimentation en 2050?
La Journée mondiale de l'alimentation
est l'occasion de se poser des
questions. Jean-Louis Rastoin, directeur
de la chaire Unesco en alimentations
dans le monde de Montpellier SupAgro, a
d'abord dressé un bilan désastreux de la
situation actuelle, avant de se montrer
plus optimiste sur notre avenir... si
d'importants changements sont opérés par
les acteurs des filières
agroalimentaires, les politiques et bien
sûr, les consommateurs. Pendant que les
Africains luttent pour survivre dans les
labos de recherche européens on pense à
la nourriture de 2050 et là,
l'imagination est débordante.
«D'ici 2050, lit-on, la Terre devrait
abriter plus de 9 milliards
d'habitants... qu'il faudra nourrir. Les
arguments avancés sont alors variés et
divers, mais il y a en a un qui revient
régulièrement: l'agriculture ne suivra
pas! (...) Certains voudraient
s'affranchir des élevages en produisant
de la viande in vitro. D'autres
envisagent plutôt de construire des
fermes verticales à la périphérie des
villes car les surfaces agricoles
pourraient manquer. Enfin, un grand
nombre de spécialistes sont plus
pragmatiques et estiment simplement
qu'il suffirait d'améliorer nos modes de
production agricole, tout en développant
de nouveaux modèles agroéconomiques. De
nombreuses pratiques agroalimentaires
devront changer si l'on souhaite nourrir
sainement toute la population mondiale
d'ici 2050. (6)
Dans le même ordre, la financiarisation
de la biodiversité risque de tomber dans
les rets des groupes et hyènes de toutes
sortes. Le 17 octobre une réunion eut
lieu à Hyderabad en Inde pour la 11ème
Conférence des Parties de la convention
de l'ONU sur la biodiversité (...) Selon
les documents préparatoires, lit-on dans
une contribution du site Attac, la
protection de la biodiversité
nécessiterait des «instruments
financiers innovants».(...) La
biodiversité est ainsi livrée à la
finance privée au mépris de la
complexité, de l'unicité et de
l'incommensurabilité des écosystèmes, au
détriment des droits des populations
locales et au seul profit de quelques
entreprises qui pourront continuer à
polluer, détruire et spolier la
biodiversité.(7)
Et en Algérie où en sommes-nous?
Chacun a en tête l'âge d'or du Service
national- outre le fait que c'était un
formidable et irremplaçable creuset du
vivre- ensemble pour constituer une
nation- qui donnait aussi un sens à la
construction du pays. C'était la
construction des mille villages, c'était
la Transsaharienne, c'était le Barrage
vert, c'était l'indépendance énergétique
par la prise en charge de l'industrie
pétrolière et gazière après la tentative
d'asphyxie des compagnies étrangères.
Que reste-t-il de tout cela?
En 2012 l'Algérie importe pour sa
nourriture pour 8 milliards de dollars (
les trois quarts de notre nourriture
proviennent de l'étranger) grâce aux
dollars de la rente. Une autre donnée,
l'Algérie perd chaque année des milliers
d'hectares du fait de l'avancée du
désert. Le Sahara est capable de nourrir
100 millions d'Algériens pour peu que le
peuple se mette au travail. Chacun a en
tête l'exemple de la ferme de 1000
hectares de Gassi Touil qui donnait du
blé avec de bons rendements. Elle fut
abandonnée. On parle de 28.000 ha à
développer? On pense que 100 000
hectares sont irrigables et peuvent
produire.
C'est dire que nous ne sommes pas
persévérants et rétifs à tout effort!
Imaginons un service national new-look
qui s'occupe des grands travaux,qui
donnera du grain à moudre aux milliers
d'ingénieurs, de techniciens, de jeunes
qui ne demandent qu'à donner la pleine
mesure de leur talent. Ces grands
travaux, outre le fait qu'ils vont
contribuer au vivre ensemble des
Algériens des quatre coins du pays,
permettront à l'Algérie de sortir de
l'ornière du sous-développement. Les
perspectives ne doivent pas s'arrêter au
social qui est un tonneau des Danaïdes.
Nous donnons de mauvaises habitudes aux
jeunes car ils ont la conviction que
tout leur est dû sans effort. Pour que
cela réussisse, il faut un engagement
sur une génération, par sur deux ans..
On l'aura compris, les concepteurs et
les chefs d'orchestre doivent donner
l'exemple pour qu'ils soient suivis.
1.
http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/Monde/L-accaparement-des-terres-un-phenomene-
ancien-qui-s-accelere-_NG_-2012-10-15-864791
2.Daniel Herard:
http://www.la-croix.com/ Actualite/S-informer/Monde/Les-terres-tres-convoitees-
des-pays-du-Sud-_NG_-2012-10-16-864790
3.Amadou C Kanouté:
http://www.lesafriques.com/politique-economie/accaparement-des-terres-en-
afrique-une-bombe-a-fragmentation-mul.html?Itemid=308?articleid=31790
4.MagaliReinert: http://www.novethic.fr/
novethic/ecologie,mondialisation,matieres_premieres,l_influence_grandes_societes_negoce_systeme_
alimentaire_mondial,138412.jsp?utm_source=
newsletter&utm_medium=Email&utm_content=novethicInfo&newsletter=okPlanète
Mondialisation Matières premières Publié
le 05-10-2012
5.
http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/Monde/Des-organisations-paysannes-se-mobilisent-pour-sauver-leurs-exploitations-_NG_-2012-10-15-864781
6.http://www.futura-sciences.com/fr/
news/t/homme/d/quel-avenir-pour-lalimentation-mondiale-un-expert-nous-repond_41483/
#xtor=EPR-17-[QUOTIDIENNE]-20121017-[ACTU-quelle_alimentation_en_2050___
un_expert_nous_repond]
7. Attac France, Ne pas laisser la
biodiversité aux mains de la finance! le
16 octobre 2012
Professeur émérite Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz
Publié le 26 octobre
2012 avec l'aimable autorisation de
l'auteur
Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
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