Opinion
Attaque contre l'Iran: Prélude au chaos
mondial ?
Chems Eddine Chitour
Jeudi 10 novembre
2011
«Si l'Iran
continue son programme de développement
de l'arme nucléaire, nous l'attaquerons.
Les sanctions sont inefficaces...Une
attaque de l'Iran afin d'arrêter ses
préparatifs nucléaires sera inévitable.»
Shaul Mofaz, ministre de la
Défense d'Israël (juin 2008)
Les bruits de bottes concernant
l'attaque de l’Iran ne sont pas un
scoop. L'attaque imminente de l'Iran
attend depuis huit ans et comme le dit
un militaire occidental: «Depuis huit
ans, l'Iran est à une année de la mise
au point de la bombe atomique.» Ce
préambule est donné pour montrer encore
une fois un scénario de déjà-vu. A des
échéances données, on réchauffe le
dossier iranien et on mobilise les
rouages de la machination pour
diaboliser l'Iran. Cette fois-ci encore,
le triste rôle est confié au boutefeu
actuel directeur général de l'Aiea.
A longueur d'année et d'une façon
itérative, le matraquage concernant
l'Iran est devenu une seconde nature.
Personne ne pose la question pourquoi
Israël n'a jamais voulu signer le traité
de non-prolifération nucléaire bafoué
allègrement par ses concepteurs
(Etats-Unis, France) au point de ne pas
permettre de visites poussées de ses
installations. Israël détiendrait un
arsenal nucléaire impressionnant. El
Baradei a été autorisé à regarder de
loin la centrale et il aurait dit: «Je
ne vois pas de fumée au bout du
pistolet» donc je regarde ailleurs...
Décidément, l'intégrité de l'Agence
internationale de l'énergie atomique
après Hans Blix qui s'est opposé à Bush
en refusant de cautionner l'existence
d'armes de destruction massive en Irak,
ce fut la position velléitaire de
Mohamed El Baradei et présentement
l'alignement sans condition de l'actuel
directeur général, Yukiya Amano sur les
positions occidentales. A telle enseigne
que le rapport se base non pas sur les
enquêtes de ses propres inspecteurs qui
vont et viennent comme ils veulent en
Iran, mais sur les rapports des services
secrets des pays occidentaux. Même
renvoyées en annexe, ces informations
sont là pour créer le chaos...
Personne aussi dans les pays occidentaux
ne s’est posé la question, pourquoi les
Occidentaux ont au départ aidé le Shah à
installer le nucléaire civil au point
que sous Valéry Giscard d'Estaing,
l'Iran est devenu actionnaire d'Eurodif,
que l'allemand Siemens devait démarrer
la construction de la centrale. Pourquoi
après la révolution iranienne il y eut
un changement à 180°? Il fallait
empêcher le pays des mollahs de disposer
de la technologie nucléaire même à usage
civil comme ne cessent de le marteler
les Iraniens. Il a fallu 35 ans, malgré
tous les blocages possibles concernant
les combustibles, pour que la centrale
de Bouchehr démarre en février 2011 et
qu'elle commence à produire de
l'électricité avec du combustible pour
le moment russe mais que les Iraniens
souhaitent produire justement en
concentrant l'uranium naturel. Pour
cela, ils auraient besoin de
centrifugeuses...
Est-ce
qu'Israël est menacé?
Cela prêterait à rire si la question
était sérieusement posée. Israël est
sans conteste la cinquième armée au
monde en termes d'opérationnalité et
surtout de guerre technologique. Elle
disposerait de plus de 200 bombes
atomiques qui sont plus là pour la
dissuasion que pour être larguées avec
les dégâts que l'on sait. Israël, qui
par la grâce de la France qui a installé
une parfaite copie de son programme
nucléaire. Monsieur Shimon Peres, actuel
président, avait son propre bureau au
ministère de la Défense sous Guy Mollet.
Par la suite les Etats-Unis ont pris la
relève, notamment après le coup d'arrêt
décidé par le général de Gaulle. Par la
suite, enfin, l'Allemagne au nom de la
dette inextinguible, a équipé l'armée
israélienne de sous-marins nucléaires
Dolphins (2 gratuits et un troisième
financé au tiers).
On ne peut pas dire dans ses conditions
qu'Israël soit menacé, l'Irak qui
constituait une menace, a vu son
réacteur nucléaire Osirak, réduit en
cendres par justement Israël. Par la
suite, Israël l'a totalement démoli et
il lui faudra une génération pour avoir
son niveau d'il y a vingt ans. Ironie de
l'histoire, le 16 mars de l'an 597 avant
J.-C., Jérusalem tombe aux mains de
Nabuchodonosor. Le puissant roi de
Babylone reçoit la soumission du royaume
de Juda. Nabuchodonosor déporte la
famille royale et l'élite juive dans son
pays, entre le Tigre et l'Euphrate
(l'Irak actuel). En 587 avant J.-C.
suite à une ultime révolte, toute la
population de Jérusalem est envoyée en
Mésopotamie et le prestigieux Temple de
Salomon est détruit.
Aucun pays du Moyen Orient ne peut se
mesurer à Israël dans le cas d’une
guerre éclair. Reste l'Iran, là c'est
autre chose. L'Iran «c'est du lourd»,
c'est 80 millions de citoyens éduqués
qui, quoi que martèle la propagande
occidentale, avancent. L'Iran est un
pays technologiquement avancé dans tous
les domaines. L'histoire a montré que
l'Iran n'a jamais agressé ses voisins.
En 537 avant J.-C. lorsque Cyrus, roi de
Perse, conquit la Babylonie, une partie
des Hébreux retournera en Palestine pour
bâtir un deuxième Temple, tout en
demeurant sous la tutelle des Perses.
Est-ce à dire qu'Israël n’oublie rien et
qu'elle règle ses comptes 2500 ans plus
tard?
Au-delà de la diversion que peut
procurer cette fuite en avant d'un
déclenchement d'un conflit, il semble
que le tandem Obama-Netanyahu,
contrairement à ce que l'on pense
s'entend bien et que le rêve d'un Grand
Moyen-Orient pourrait se réaliser en
complétant le travail de Bush après
l'Irak, l'Afghanistan, il reste l'os ;
celui qui peut bloquer le détroit
d'Ormuz artère de l’écoulement du
pétrole, l'empêcheur de piller en rond
qui pousse l'outrecuidance à vouloir
-contrairement aux roitelets du Golfe
installés dans les temps morts et s'en
remettant à leur manne plutôt qu'à leurs
neurones- se battre d'une façon
scientifique et technologique en allant
à marche forcée vers le développement.
Nulle part , l’Iran ne parle de s’en
prendre aux Juifs, les propos d’Ahmadinjad
n’ont jamais fait d’une quelconque
rectification de la part des agences qui
ont voloontairement déformés ses propos.
Encore une fois, l'escalade des
déclarations belliqueuses a repris entre
Israël et la République islamique. Le
Premier ministre Benyamin Netanyahu a
déclaré, le 31 octobre dernier à la
Knesset, que l'Iran constituait une
menace, non seulement pour Israël mais
aussi pour le reste du monde. Côté
iranien, le gouvernement se défend en
affirmant que son programme nucléaire,
est entièrement civil. Le président
iranien Mahmoud Ahmadinejad a déclaré,
le 8 novembre que «l'Iran n'avait pas
besoin de la bombe atomique», mais qu'il
ne «reculerait jamais» face aux
Occidentaux. «Est-ce un rapport de
l'Agence internationale de l'énergie
atomique ou un diktat américain à Yukiya
Amano?» s'interroge un quotidien de
Téhéran. Selon le quotidien The
Guardian, le ministère de la Défense
britannique se préparerait à participer
à une éventuelle attaque militaire
américaine contre l'Iran. Les Etats-Unis
pourraient «passer rapidement à l'acte»
contre des installations iraniennes
sensibles.
La guerre
secrète
On sait que les Occidentaux ont essayé
de bloquer le programme nucléaire
iranien. Le virus informatique Stuxnet,
réputé avoir provoqué l'arrêt d'un
cinquième des centrifugeuses atomiques
installées par Téhéran, aurait été mis
au point par Israël et les États-Unis.
«Nous sommes en guerre contre l'Iran. La
plus grande partie de cette guerre est
clandestine. Et les deux parties ont
intérêt à ce qu'elle reste secrète»,
affirmait mardi Efraim Halevy, ancien
directeur du Mossad, les services de
renseignements israéliens, invité du
Center of Political and Foreign Affairs
(Cpfa). En infectant un logiciel Siemens
utilisé par ce programme, il a entrepris
de saboter le fonctionnement des
centrifugeuses iraniennes produisant de
l'uranium enrichi. Après une rapide
progression des activités
d'enrichissement en 2007 et 2008,les
travaux nucléaires iraniens semblent
avoir été ralentis.(1)
Le rapport de l'Aiea montre clairement
que la marche iranienne vers la bombe
nucléaire, ralentie en 2010 par le virus
informatique Stuxnet mais soutenue
aujourd'hui par de nouvelles
centrifugeuses permettant de produire
davantage d'uranium enrichi, a repris
son rythme de croisière. Le programme
est désormais si avancé que certains
experts estiment que le régime iranien a
la connaissance, la technologie et les
ressources suffisantes pour assembler
une ou deux bombes nucléaires en
quelques mois s'il le décidait. Les
opérations secrètes, attribuées au
Mossad ont, elles aussi,
considérablement ralenti le programme.
Au moins trois savants atomistes
iraniens ont été assassinés
mystérieusement au cours des deux
dernières années. Un étrange virus
informatique, Stuxnet, a déréglé les
centrifugeuses produisant de l'uranium
enrichi. De tout aussi mystérieuses
explosions ont saboté des installations
souterraines iraniennes en octobre 2010.
Les
raisons de ces menaces
Il semble que Barack Obama ne veuille
pas d'une aventure militaire avant les
élections de novembre 2012. Pour le
journal iranien « Mardomak », les
Israéliens multiplient les
avertissements envers Téhéran et
semblent sur le point de passer à
l'acte. (...) Ehoud Barak, le ministre
de la Défense israélien, a rappelé pour
sa part qu'Israël ne pouvait se
permettre d'avoir affaire à un Iran
nucléaire (..) L'évocation de ce plan
d'attaque militaire contre l'Iran arrive
au même moment que l'annonce du retrait
total des 39.000 soldats américains
d'Irak. (...)Téhéran a toujours craint
que la présence des forces d'occupation
sur le sol irakien, ne débouche sur la
ratification d'un pacte de sécurité
entre Baghdad et Washington et
l'installation de bases militaires
permanentes américaines à la frontière
iranienne. Il semblerait que Nouri Al-Maliki,
le Premier ministre irakien s'opposerait
à toute prolongation de la présence
militaire américaine en Irak. Non
seulement le retrait total des forces
américaines rassurera davantage l'Iran
sur ses frontières avec l'Irak à l'ouest
du pays, mais il l'encouragera également
dans ses efforts pour combler le vide
militaire et sécuritaire en Irak. (...)
» (2)
« Pour les Américains et les Israéliens,
un Irak allié à Téhéran offrirait à
l'axe Iran-Syrie un vaste territoire qui
s'étendrait de Téhéran aux rives de la
mer Méditerranée. Une telle perspective
représenterait un véritable défi pour
les Etats-Unis et Israël dans la région.
De plus, la résistance de Bachar El-Assad
à la tête de la Syrie et la perspective
qu'il ne puisse pas être renversé à très
court terme renforcent l'option d'une
attaque contre l'Iran. Le régime d'El
Assad dépend essentiellement de Téhéran
sur le plan économique, politique et
militaire. En conséquence, sa chute
nécessite préalablement
l'affaiblissement de l'Iran et la
formation rapide d'un front contre la
Syrie, constitué de la Turquie et des
Etats arabes du golfe Persique, avec à
sa tête l'Arabie Saoudite. Voilà
pourquoi une attaque militaire contre
l'Iran servirait non seulement à
amoindrir l'influence de la République
islamique dans la région, mais aussi à
accélérer le renversement du régime
syrien. De plus, une telle attaque
pourrait détruire le programme nucléaire
iranien ou, du moins, le ralentir.»(2)
Une autre hypothèse probable est celle
d'une campagne d'intoxication orchestrée
de longue date. En fait, dans la foulée
du rapport de l'Aiea, les Occidentaux
voudraient obtenir un durcissement des
sanctions contre l'Iran. Cette fois, ils
entendent viser la Banque centrale
iranienne qu'ils voudraient totalement
isoler du reste du monde de façon à
paralyser l'économie du pays. La
commission des Affaires étrangères du
Sénat américain a décidé de proposer une
loi dans ce sens au Congrès. L'opération
d'intoxication aurait donc pour but de
dire aux Russes, aux Chinois et aux Bric
que, s'ils continuent à refuser
d'adopter au Conseil de sécurité ces
sanctions contre la Banque centrale
iranienne, des frappes seront
inévitables - vraiment inévitables.(3)
Peter Simmons nous apprend que cette
fois « ce serait sérieux »: «Des
articles parus dans les journaux
britanniques le Telegraph et le Guardian
du mercredi 2 novembre révèlent les
préparatifs militaires des Etats-Unis et
de la Grande-Bretagne pour une attaque
de l'Iran, qui vont bien au-delà des
scénarios de routine habituels. Plus
fondamentalement, les préparations pour
la guerre contre l'Iran ne sont pas plus
motivées par des inquiétudes sur son
programme nucléaire que les invasions de
l'Afghanistan et de l'Irak ne l'ont été
par «le terrorisme» ou «les armes de
destruction de masse», ou que le
bombardement par l'Otan de la Libye
n'était destiné à protéger les
populations libyennes. Les Etats-Unis se
sont jetés de façon téméraire dans une
guerre après l'autre au cours de la
décennie passée, dans une tentative
désespérée de compenser leur déclin
économique en projetant leur hégémonie
sur les régions riches en énergie du
Moyen-Orient et de l'Asie centrale.»(4)
De plus, on ne connaît pas la réaction
des Russes et des Chinois qui ne vont
pas regarder faire ou défaire ce qu'ils
ont mis patiemment en marche, le pacte
asiatique. D'autant que le chaudron
afghan est toujours en ébullition avec
un Pakistan en atmosphère
insurrectionnelle. C'est en résumé aussi
l'avis de Peter Symonds qui écrit que
sous l'emprise de la crise il y a une
fuite en avant: «(...) Loin d'agir comme
un frein, la crise économique mondiale
qui s'aggrave pousse l'impérialisme
américain à utiliser sa puissance
militaire pour consolider ses intérêts
économiques et stratégiques aux dépens
de ses principaux rivaux européens et
asiatiques. C'est la logique tortueuse à
l'oeuvre derrière la prise pour cible de
Téhéran, considéré à Washington comme un
obstacle majeur pour les ambitions
américaines au Moyen-Orient et la raison
principale de ses échecs en Irak et en
Afghanistan. De plus, comme dans le cas
de la Libye, une guerre menée par les
Etats-Unis contre Téhéran saperait
sérieusement les intérêts économiques
considérables de la Chine et de la
Russie en Iran, ainsi que leurs efforts
pour forger des liens stratégiques plus
étroits.»(4)
A l’autre bout du curseur on sait que la
force de frappe nucléaire d’Israêl
provient d’un arsenal qu’elle a toujours
nié malgré les révélations de
l’ingénieur israélien Mordechaï Vanunu
qui travaillait à Dimona qui écopa de 18
années de prison. D’une façon tout à
fait timide l’Aiea compte mettre en
place une conférence sur la
dénucléarisation du Moyen Orient et
comme l’écrit Mahatma La conférence de
suivi du TNP a adopté par consensus, le
28 Mai 2010, une déclaration finale sur
les différents aspects du Traité et
prévoit l'organisation en 2012 d'une
conférence internationale pour un
Moyen-Orient dénucléarisé, "à laquelle
tous les Etats de la région sont censés
participer", ce qui implique la présence
d'Israël et de l'Iran. Le document
singularisait l'Etat hébreu, affirmant
"qu'il importe qu'Israël adhère au
traité et place toutes ses installations
nucléaires sous les garanties globales
de l'AIEA" alors que les Israéliens
n'ont jamais reconnu disposer de l'arme
atomique ».(5)
La fixation sur les
bombes atomiques relève plus de l'effroi
d'Hiroshima et de Nagasaki que de la
raison. Les nouvelles armes sont
autrement plus dangereuses et
opérationnelles. Toutes les bombes
conçues par les pays occidentaux,
notamment les bombes au phosphore à
l'uranium appauvri, les bombes bariques
GBU dont disposeraient les Etats-Unis et
Israël, ajoutez à cela les drones, ces
véritables prédateurs et le guidage
satellitaire, nous avons une idée des
guerres actuelles mises en action
notamment en Afghanistan, à Gaza, en
Libye. Peter Symonds a le mot de la fin:
«Alors que le capitalisme mondial va
titubant d'une crise économique et
politique à l'autre, la rivalité entre
les principales puissances, pour les
marchés, les ressources et l'obtention
d'avantages stratégiques risque de
plonger l'humanité dans un conflit
catastrophique qui dévasterait la
planète.» (4) Il n'y a rien à ajouter.
1.http://www.lefigaro.fr/international/
2011/01/18/01003-20110118ARTFIG00764-la-guerre-secrete-contre-l-iran-retarde-la-bombe.php
2.Mahmoud Kiyan-Ersi Mardomak Frapper
maintenant ou jamais 08.11.2011
3.http://globe.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/11/03/les-etats-unis-et-israel-s-appretent-ils-vraiment-a-frapper.html
4.Peter Symonds
http://www.wsws.org/francais/News/2011/nov2011/iran-n07.shtml
5. Mahatma :
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/armes-de-destruction-massive-en-103893
10 11 2011
Professeur
Chems Eddine Chitour
Ecole Nationale Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 14 novembre 2011 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
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