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« Menteurs et
escrocs »
Bill Van Auken
Vendredi 2 octobre 2009 Dans un éditorial
publié dimanche, le Financial Times de Londres s’est
joint à l’assaut médiatique contre l’Iran, qualifiant ses
dirigeants de « menteurs et escrocs » à qui « l’on ne peut faire
aucunement confiance » sur la question du programme nucléaire du
pays.
Si le quotidien est dévoué à démasquer les
« menteurs et escrocs », pourquoi a-t-il attendu si longtemps ?
Il aurait pu rendre ce précieux service à ses lecteurs presque
sept ans plus tôt, durant les préparatifs pour la guerre contre
l’Irak. Après tout, ces épithètes décrivent parfaitement le rôle
joué par les gouvernements américain et britannique.
C’est aujourd’hui un fait historique
reconnu que Bush et Blair ont systématiquement trompé leur
propre population et le monde entier lorsqu’ils préparaient une
guerre d’agression contre l’Irak. En présentant l’Irak comme une
menace imminente en raison de ses supposées « armes de
destruction massive » et ses liens (entièrement fabriqués) avec
Al-Qaïda et les attaques du 11-Septembre, ils ont cherché à
rallier l’opinion publique. Non seulement ces assertions se
sont-elles avérées fausses à la suite de l’invasion de l’Irak en
mars 2003, tout porte à croire que ceux qui ont fait ces
déclarations à l’époque savaient qu’elles étaient mensongères.
Tentant de soutenir son argumentaire selon
lequel le programme nucléaire iranien pose une menace semblable,
le Financial Times a publié son éditorial sur la question
et en plus, en première page, un commentaire de Paul Wolfowitz,
l’un des principaux architectes de la guerre en Irak et grand
fournisseur de faux renseignement qui a servi à la préparer. Cet
individu, qui devrait être accusé et jugé pour crimes de guerre,
est maintenant recyclé en expert de la « menace » iranienne.
Tout est oublié et pardonné. Ces mêmes
personnes, responsables d’une guerre qui a enlevé la vie à plus
d’un million d’Irakiens, sont de retour en affaires ; toute la
machine de propagande des médias de la grande entreprise est
mise en branle pour amplifier leurs accusations contre l’Iran.
De la même façon, le chroniqueur du
Washington Post Richard Cohen, qui a répété joyeusement les
mensonges de l’administration Bush au sujet des armes de
destruction massive irakiennes, a écrit un commentaire mardi
rejetant l’affirmation de l’Iran que ses installations
nucléaires étaient conçues avec des visées pacifiques. « Les
Perses mentent comme ils respirent », a-t-il grogné.
De manière plus sinistre, il s’est servi
de ce commentaire pour attaquer Obama pour être trop conciliant
et afin de faire de la propagande guerrière. « Seuls les
Etats-Unis ont la capacité de détruire les installations
souterraines de Téhéran », a-t-il écrit. « Washington pourrait
devoir agir. »
La dernière hystérie a été alimentée en
prévision des négociations du premier octobre qui doivent
prendre place à Genève entre l’Iran et les puissances du P5+1,
c’est-à-dire les cinq membres permanents du Conseil de sécurité
des Nations Unies — les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la
Grande-Bretagne et la France — plus l’Allemagne. Elle a été
concentrée sur la prétendue découverte d’une usine nucléaire
souterraine « secrète » près de la ville de Qom, annoncée de
façon mélodramatique vendredi dernier à une conférence de presse
organisée par Barack Obama, le premier ministre britannique
Gordon Brown et le président français Nicolas Sarkozy.
En fin de compte, il s’est avéré que
l’Iran avait averti l’agence de surveillance nucléaire des
Nations Unies, l’Agence internationale de l’énergie atomique
(AIEA), de l’existence quatre jours plus tôt de l’usine et les
services du renseignement américains étaient au courant depuis
plusieurs années. Selon le traité de non-prolifération signé par
l’Iran, le pays est tenu d’aviser l’AIEA de telles installations
seulement 180 jours avant que le combustible nucléaire y soit
apporté. Téhéran a dit que cela ne se produirait pas avant une
autre année et demie. Conséquemment, cette dernière révélation
n’a fourni aucune preuve que l’Iran ne respecte pas le Traité de
non-prolifération nucléaire (TNP), encore moins qu’il est engagé
dans un programme pour produire des armes nucléaires.
Plus fondamentalement, ni Washington ni
les autres puissances majeures n’ont daigné expliquer pourquoi
la prétendue poussée pour le développement de telles armes par
l’Iran constitue un crime contre l’humanité, alors qu’il est
parfaitement acceptable pour l’Inde, le Pakistan et Israël
d’obtenir, par eux-mêmes, des bombes nucléaires. Contrairement à
l’Iran, aucun de ces trois pays n’a signé le TNP, vieux de 40
ans, ou n’a permis à l’AEIA d’inspecter leurs installations.
On croit qu’Israël posséderait des
centaines d’armes nucléaires et il a régulièrement menacé
d’attaquer l’Iran. Les Etats-Unis ont régulièrement protégé
Israël de l’inspection et ont récemment dénoncé une résolution
passée par l’Assemblée générale de l’AIEA qui appelait l’Etat
sioniste à se conformer au TNP.
D’ailleurs, l’Iran lui-même serait une
puissance nucléaire aujourd’hui — avec l’aval de Washington — si
ce n’était de la révolution de 1979 qui a renversé la dictature
haïe du Chah, appuyée par les Etats-Unis. Gendarme régional et
plus grand acheteur d’armes de Washington, le Chah avait déclaré
ouvertement son intention d’obtenir des armes nucléaires et les
Etats-Unis lui avaient vendu les réacteurs et le combustible
nécessaires.
Il y a l’argument de principe — et le
World Socialist Web Site l’a fait — qu’une tentative de la
part du régime bourgeois nationaliste en Iran d’obtenir des
armes nucléaires serait non seulement réactionnaire, mais serait
incapable de protéger le pays contre l’impérialisme. La classe
ouvrière ne peut appuyer les politiques d’armement de tout
régime bourgeois. Elle ne peut dépendre que de son unité
internationale dans la lutte pour le socialisme afin de vaincre
la guerre.
Ceci étant dit, comment les accusateurs de
l’Iran peuvent-ils s’élever contre les armes nucléaires ? Les
Etats-Unis, le principal instigateur de la violence armée de par
le monde, ont développé le plus grand arsenal nucléaire de tous
les pays. Ils se distinguent, sombrement, pour avoir été la
seule puissance qui n’ait jamais utilisé ces armes nucléaires.
Ils ont lancé des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki
pour démontrer leur puissance militaire en incinérant les
populations civiles de ces deux grandes villes. De plus, les
Etats-Unis sont eux-mêmes en contravention du TNP, car ils n’ont
pas entrepris de démanteler leur arsenal nucléaire et ont plutôt
développé de nouvelles générations de nouvelles armes comme les
bombes anti-bunkers.
La Grande-Bretagne et la France, avec leur
longue histoire de crimes contre les pays coloniaux, ont tout
les deux des armes nucléaires, alors que l’Allemagne, pour des
raisons historiques évidentes, ne peut pas faire la morale à qui
que ce soit. En tout cas, Berlin, qui est en train de se réarmer
encore une fois, a la technologie et développé l’infrastructure
pour produire du combustible nucléaire qui lui permettrait de
produire une grande quantité d’armes nucléaires en quelques
mois, si n’est pas en quelques semaines. Son allié de la
Deuxième Guerre mondiale, le Japon, a développé la même
capacité.
L’opposition de Washington à ce que l’Iran
ait une capacité similaire est le fait de calculs purement
stratégiques. Washington craint que l’Iran avec la capacité des
armes nucléaires vienne modifier l’équilibre du pouvoir dans une
région où l’impérialisme américain mène deux guerres, à la
frontière ouest et la frontière est de l’Iran. Le but de la
guerre en Irak et en Afghanistan est d’affirmer l’hégémonie
américaine sur les immenses ressources énergétiques du golfe
Persique et du bassin de la Caspienne, dont les réserves de gaz
et de pétrole de l’Iran constituent une part importante.
Ceux qui sont tentés d’avaler la dernière
campagne de propagande contre l’Iran ferait bien de sortir de
leur amnésie politique. L’administration Obama suit le même
patron que celui de l’administration Bush en 2002-03. Elle fait
circuler des déclarations de plus en plus inquiétantes et
entièrement non fondées sur les « armes de destruction massive »
iraniennes, tout en demandant à Téhéran de réaliser ce qui
revient à un suicide au ralenti en tentant de satisfaire une
suite sans fin de demandes impossibles. Et dans le but d’arriver
à son objectif de changement de régime, il a donné un appui
actif à une opposition de droite pro-impérialiste.
Obama, loin de changer quoi que ce soit de
ces objectifs stratégiques, n’a fait que couvrir la politique
impérialiste américaine avec encore plus d’hypocrisie. C’est lui
et ses alliés qui, comme Bush et Blair avant lui, ont mérité de
se faire appeler « menteurs et escrocs ».
Il y a une logique à une telle fraude. Ce
serait une grave erreur de croire qu’Obama, au contraire de son
prédécesseur, adopte une politique de diplomatie et ne veut que
faire pression sur l’Iran. Derrière les mensonges officiels et
la campagne de plus en plus hystérique des médias, on trouve le
danger réel et présent que Washington se prépare à lancer une
attaque militaire sur l’Iran, et plus tôt que plusieurs
pourraient le croire.
(Article original anglais paru le 29
septembre 2009)
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Publié le 2 octobre 2009 avec l'aimable autorisation du WSWS
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