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La menace nucléaire israélienne
Bernard Ravenel

18 août 2007

Alors que se sont multipliés les appels alarmistes pour agir contre la menace nucléaire, encore virtuelle, de l’Iran sur Israël, aidés en cela par les déclarations provocatrices du président Ahmadinejad, personne en France ne rappelle qu’Israël - qui possède la bombe depuis 40 ans - prépare méthodiquement contre l’Iran une attaque nucléaire dans l’attente d’une possible décision politique en ce sens. Une « attaque défensive » bien sûr. Et quand un journaliste indépendant anglosaxon ose le démontrer, il est immédiatement démenti.

Le 7 janvier 2007, les autorités israéliennes ont démenti les informations de l’hebdomadaire britannique The Sunday Times - toujours bien informé sur le nucléaire israélien [1].- selon lesquelles l’armée israélienne aurait mis au point un plan d’attaque et de destruction des installations nucléaires iraniennes : « Cette histoire est inexacte, Israël appuie à 100% les efforts de la communauté internationale pour stopper le programme nucléaire iranien », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères [2]. Ce « démenti » n’est en rien une infirmation de la thèse du Sunday Times. Comme d’habitude, il minimise l’information. L’histoire est « inexacte » mais ne peut nier l’existence du plan. Et, tout en affirmant soutenir les efforts de la communauté internationale, il se prépare à dire qu’il faut « tirer les conséquences du marché de dupes de négociations reconduites indéfiniment, sans résultat » [3]. Il faut « des réactions occidentales renforcées » [4] (car les dirigeants israéliens craignent le veto russe ou chinois au Conseil de sécurité). En clair, il faut la guerre ... « afin d’éviter le pire ».

L’armée d’Israël s’est soigneusement préparée pour cette guerre qui prévoit, toujours selon The Sunday Times, l’emploi de mini-bombes nucléaires pour percer les bunkers. Tout le problème est d’obtenir la couverture stratégique des Etats-Unis. Israël se trouve ainsi à l’heure de choix décisifs pour son avenir même.

Un Etat nucléaire

L’histoire de la construction par Israël d’un arsenal nucléaire puissant et sophistiqué, sans jamais en admettre l’existence, commence l’année même de sa naissance. En 1948, une unité scientifique de l’armée commence les prospections qui mènent à la découverte d’uranium dans le désert du Néguev. En même temps, l’institut Weizmann se concentre sur la recherche nucléaire en collaboration étroite avec les Etats-Unis qui lui fournissent les équipements et les technologies. Pour produire le plutonium nécessaire à la fabrication de la bombe, Israël a besoin d’un réacteur qu’il obtient de la France. Il sera construit à Dimona dans le Néguev. En 1966, l’installation de Dimona commence à produire des armes nucléaires [5].

Au bout du compte on peut dire qu’aujourd’hui Israël a ainsi construit environ 400 armes nucléaires d’une puissance cumulée de 50 mégatonnes équivalent à 3850 bombes d’Hiroshima. Comme vecteurs nucléaires, les forces armées israéliennes sont dotées de 300 chasseurs-bombardiers (F16 et F15) armés de missiles israélo-américains. Trois sous-marins fournis par l’Allemagne sont aussi dotés de missiles de croisière nucléaires. Enfin, il faut ajouter 50 missiles balistiques Jéricho II sur rampes mobiles de lancement de longue portée (1500 à 3000 km). Malgré les résolutions répétées par lesquelles l’Assemblée générale des Nations unies a confirmé « sa condamnation du refus d’Israël de renoncer à la possession des armes nucléaires » et a demandé au Conseil de sécurité de prendre des « mesures urgentes pour qu’Israël applique la résolution 487 du Conseil lui-même dans laquelle il demande que celui-ci mette ses installations nucléaires sous la juridiction de l’AIEA » (Résolution 44/121 du 15 décembre 1988), l’arsenal nucléaire israélien, toujours plus déstabilisant et dangereux, continue à être « ignoré » par les gouvernements des « grandes démocraties occidentales ».

Ainsi, en refusant d’emblée, dès 1968, de signer l’accord du Traité de non-prolifération (TNP) au motif qu’on ne peut se fier au système de contrôle international mis en place par l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique), Israël manifeste son refus de se voir contrôler par celle-ci. Ipso facto, il démontrait son intention de mener à bien, sans entrave, un projet nucléaire militaire qui ouvrait la porte à la fois à la prolifération nucléaire régionale et à l’emploi d’armes nucléaires. La production par Israël de missiles de longue portée devant d’évidence porter des têtes nucléaires démontre bien sa volonté de se préparer à l’hypothèse de la guerre nucléaire.

L’option nucléaire

En fait l’option nucléaire a été au centre de la stratégie de sécurité d’Israël depuis plus de cinquante ans. Depuis presque autant de temps, les pays arabes, en commençant par l’Egypte dans les années soixante, ont tenté de réaliser une sorte d’équilibre de la terreur nucléaire avec Israël. N’ayant pu y parvenir, certains pays ont développé une capacité de dissuasion face à l’arsenal nucléaire israélien, avec des armes chimiques. Les enjeux nucléaires dans le contexte du conflit israélo-arabe ont été particulièrement visibles dans le cas de l’Irak.

La première fois que les armées israéliennes mirent en jeu leur arsenal nucléaire, constitué alors d’à peine quelques bombes, fut en juin 1967 pendant la Guerre des Six jours. Plus précisément la centrale de Dimona pouvait être une cible de l’aviation égyptienne. C’est pour éviter ce risque que le Premier ministre israélien Lévi Eshkol aurait décidé la destruction préventive de l’aviation égyptienne. Au lieu de jouer un rôle de dissuasion le nucléaire aurait joué un rôle d’escalade [6].

Les forces israéliennes se préparèrent de nouveau à utiliser les armes nucléaires, quand au début de la guerre d’octobre 1973 elles se trouvèrent en difficulté face à l’attaque syro-égyptienne. La décision de mise en alerte nucléaire fut prise secrètement le 8 octobre par la Première ministre Golda Meir et par le ministre de la défense Moshe Dayan. Treize missiles Jéricho-1 armés de têtes nucléaires furent déployés pour être éventuellement lancés sur l’Egypte et la Syrie [7]. En 1991 durant la première guerre du Golfe, en 2003 durant la seconde, les forces israéliennes se sont préparées à utiliser des armes nucléaires contre l’Irak. Et en dehors des crises il est certain qu’une bonne partie de ces armes sont prêtes à être lancées à tout moment...

Monopole nucléaire et doctrine de guerre préventive

Tour en développant quantitativement et qualitativement leur propre arsenal nucléaire, les gouvernements israéliens ont cherché par tous les moyens possibles à conserver au Moyen-Orient le monopole de ce type d’armes. Il s’agit là d’un choix stratégique majeur : Israël affirme sa détermination à empêcher la réalisation de tout programme nucléaire dans la région.

C’est dans ce cadre stratégique que se situe, en accord discret avec Washington, l’attaque surprise du 7 juin 1981 par une escadrille de chasseurs-bombardiers israéliens du réacteur de Tamouz-1 qui devait entrer en fonction à Osirak en Irak. Pour la première fois dans l’histoire, un Etat accomplit un acte de guerre contre un autre Etat dans le cadre de la logique de la guerre nucléaire, et ce selon la doctrine de la première frappe, préventive, qui peut détruire par surprise l’essentiel de l’arsenal nucléaire de l’adversaire. Un plan analogue est, d’évidence, déjà prêt pour l’Iran.

L’opération Osirak est devenue le principe stratégique de la politique israélienne décidée à maintenir son monopole nucléaire dans la région. C’est ce qu’on a appelé la « doctrine Begin ». Cette doctrine est mise en cause dès le lendemain d’Osirak : les pays qui développeront dans la région un programme nucléaire prendront bien soin de le disperser et d’enterrer leurs installations. Avec l’arrivée des missiles balistiques, la configuration stratégique est totalement nouvelle. Face à eux, il n’existe pas de réponse défensive garantie. D’où la nécessité pour Israël de remettre en question sa conception de la sécurité issue des années cinquante. Désormais, l’adversaire dispose d’une force de dissuasion qui peut devenir nucléaire, chimique ou bactériologique. Face à ce risque d’agression à distance qui nécessiterait une nouvelle forme de dissuasion plus « stabilisante  », les dirigeants israéliens maintiennent leur « vieille doctrine » définie par Ben Gourion et qui était fondée sur le principe de la « défense offensive  », celle qui consiste à porter la guerre sur le territoire ennemi afin d’annihiler sa machine militaire [8]. En même temps on se dote d’une capacité de deuxième frappe, en particulier avec des sous-marins.

Une culture de l’agression

Israël, en effet, n’entend pas renoncer à l’attaque préventive y compris nucléaire pour garder à tout prix le monopole régional. En fait, la doctrine a été définie par les Etats-Unis en 2002 qui ont décidé d’intégrer les armes nucléaires dans la doctrine de « l’attaque préventive ».

Il s’agit de se préparer à des « interventions défensives consistant en des attaques préventives contre des nations ou des groupes hostiles qui apparaissent déterminés à utiliser des armes de destruction de masse contre les Etats- Unis ». Israël, comme les Etats-Unis, peut décider de mener « une attaque préventive sans préavis » même avec des armes nucléaires.

Ainsi les dirigeants israéliens s’estiment confortés par la nouvelle doctrine de George W. Bush dans sa conception très particulière de la dissuasion. Pour Israël « ce concept est offensif, la dissuasion est vécue comme une coercition anticipée ou par des représailles cinglantes. C’est l’usage de la force qui, pour Israël, convainc son entourage de l’inanité de l’action » [9]. En dernière analyse, la réorganisation des « forces de défense » en termes de doctrine et de systèmes d’armes se réalise de telle manière qu’elle encourage dans les pays voisins une logique de course aux armements et, en particulier, de prolifération d’armes de destruction massive. [10] L’Etat d’Israël sera inévitablement perçu comme un ennemi dangereux et poussera ses adversaires potentiels à se doter d’une capacité analogue. Ainsi Israël risque de donner corps à des menaces comme à une prophétie qui s’auto-réalise. Tel est le dilemme posé par l’Iran.

On mesure ainsi le niveau de gravité de la situation régionale à la veille d’une possible « attaque préventive » américano- israélienne contre l’Iran. La conséquence immédiate en serait une prolifération nucléaire irréversible, transformant le Moyen-Orient en région truffée d’armes nucléaires. Le cataclysme nucléaire serait à moyen terme difficilement évitable. On peut espérer du côté américain un sursaut de rationalité pour empêcher l’irréparable. Mais la question définitive contre la prolifération nucléaire au Moyen-Orient est à rechercher sur le plan politique, dans la solution des conflits en cours à partir de la question palestinienne, avec la perspective de constituer une « zone libre d’armes nucléaires » au Moyen-Orient, perspective préparée par un renforcement du régime actuel de non-prolifération, c’està- dire des instruments de contrôle de l’AIEA. A commencer par Israël.

[1] C’est cet hebdomadaire qui a, en 1986, publié les révélations de M. Vanunu (après vérification auprès des meilleurs experts)

[2] Le Monde, 9 janvier 2007.

[3] « Appel aux dirigeants européens », encadré publicitaire Le Monde, 29 septembre 2006.

[4] « Appel aux dirigeants européens » (suite), encadré publicitaire Le Monde, 31 janvier 2007. Il y aurait beaucoup à dire sur cette série d’énormes encadrés dont le contenu propagandiste grossier et le caractère répétitif et obsédant dépassent les normes habituellement admises.

[5] Sur l’histoire du nucléaire israélien, cf. « Israël, une menace nucléaire globale », Pour la Palestine n°40, décembre 2003.

[6] cf. JF Daguzan, « Le nucléaire israélien et la stabilité du Proche-Orient », Maghreb-Machrek n°180, été 2004 ; page 90.

[7] Certains spécialistes pensent que c’était une manière de chantage et pression sur les Américains pour qu’ils accélèrent leurs livraisons d’armes conventionnelles.

[8] Shlomo Ben Ami, ancien ministre travailliste israélien.

[9] JF Daguzan, op.cit. ; page 102.

[10] Il faut insister sur le fait que cette stratégie visant à frapper le premier par surprise est fondamentalement déstabilisante car elle favorise la partie qui frappe la première. Donc l’autre partie, pour éviter ce désavantage initial, aura tendance à vouloir en faire autant - et en tout cas à se donner les moyens de représailles aussi foudroyantes. La prolifération nucléaire - et d’une manière générale la course aux armements- sont « alimentées » par cette logique de fous. D’où la nécessité vitale d’un contrôle international des lieux où sont entreposées et déployées les armes de destruction massive, avant leur démantèlement ...

 


Source : AFPS
http://www.france-palestine.org/...


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