Ha'aretz
Des
rapports à la place des actes
Amira
Hass
Haaretz, 16
mai 2007
www.haaretz.co.il/hasite/spages/859970.html
Toutes
les quelques semaines, un organisme international d’un genre ou
d’un autre publie un rapport établissant un lien direct entre
la politique de limitation des déplacements imposée par Israël
et la dégradation économique dans les Territoires. Le rapport
s’accompagne bien souvent de la mise en garde que cette
situation ne peut pas durer. La semaine passée, c’était au
tour de la « Banque mondiale » de publier sa mise en
garde dans le cadre d’un rapport discutant les chances
d’investissement et de développement dans le secteur privé
palestinien.
Des
dizaines d’inspecteurs internationaux secondés par des experts
en économie s’affairent à examiner la dégradation de l’économie
palestinienne, et des dizaines d’autres rapports semblables
seront encore écrits, tant que les Etats qui les financent se
contenteront de mots et ne prendront pas des mesures pour arrêter
la destruction économique et sociale qu’Israël occasionne aux
Palestiniens. Le nouveau rapport est parfaitement détaillé mais
on n’y trouve rien de nouveau et il souligne ce qui a été dit
et écrit depuis des années : qu’Israël cause un dommage
terrible à l’économie palestinienne et à son secteur privé.
En
2002, lors de la publication de l’un des rapports sur les conséquences
de la politique de blocus, le précédent délégué de la Banque
mondiale dans les Territoires, Nigel Roberts, louait la stabilité
de la société palestinienne et estimait que n’importe quelle
société occidentale se désintégrerait si elle devait subir un
désastre économique pareil. Aujourd’hui, cinq ans après les
mises en garde et les objurgations d’alors, la crise sociale est
à son comble : essentiellement dans la Bande de Gaza et à
Naplouse, qui sont – et ce n’est pas un hasard – les régions
soumises au blocus israélien le plus dur.
Pourquoi
Israël prendrait-il en considération les avertissements de la
Banque mondiale alors que ceux-ci n’ont pas de dents ? Il
ne suffit pas d’évoquer les routes de l’apartheid parallèlement
à l’expansion des colonies, ou le fait qu’environ 50% des
territoires de la Cisjordanie ne sont pas accessibles aux
Palestiniens. Il ne suffit pas de compter les camions qui
n’entrent ni ne sortent au point de passage de Karni, ni de
faire le compte des quelques jours où le terminal de Rafah est
ouvert. Il ne suffit pas d’orner ces rapports de tableaux présentant
les Territoires palestiniens comme une région frappée d’un désastre
permanent.
Les
Etats-Unis et l’Europe ont su parfaitement comment punir les
Palestiniens quand ceux-ci ont élu, lors d’élections démocratiques
et libres, un gouvernement Hamas : boycott politique et gel
des fonds d’assistance destinés au développement et à la
promotion de la production et du rétablissement d’une économie
autonome. C’est vrai, les pays donateurs, occidentaux pour la
plupart, ont quasiment triplé en 2006 le montant de leurs dons
aux Palestiniens (900 millions de dollars contre 349 millions en
2005), mais ces fonds ont été transmis essentiellement sous
forme de donations improductives à une population qui
s’appauvrit – comme détaillé dans le rapport
rédigé par l’économiste Karim Nashashibi, ancien membre du
Fonds Monétaire International, pour le BCAH (Bureau de
coordination des affaires humanitaires – structure
du secrétariat des Nations Unies).
Ces
généreuses donations éteignent certains des incendies
humanitaires allumés par la politique israélienne mais en même
temps, ils la subsidient. Ils encouragent Israël à continuer de
piller les taxes et frais de douane qui constituent environ les
deux tiers des revenus du Trésor palestinien. Le non transfert de
ces taxes crée, bien entendu, un enchaînement d’autres reculs
économiques et sociaux dans les secteurs privé et public.
Les
pays qui lancent ces mises en garde continuent d’acheter des
armes et autres productions israéliennes dans le domaine de la sécurité.
Ils offrent l’hospitalité à des chefs militaires qui sont
responsables de la mort de centaines de civils palestiniens et qui
mettent en œuvre avec ferveur la politique de blocus ; ils
invitent des ministres israéliens responsables de la dégradation
économique et sociale d’un peuple entier. Les pays occidentaux
ont choisi de punir par des moyens très concrets l’occupé,
mais pas l’occupant qu’ils considèrent comme faisant partie
de leur civilisation éclairée. Le signal qu’ils adressent à
Israël est qu’il lui est permis de maintenir cette même
politique dont les conséquences font l’objet des mises en garde
de tous les rapports.
(Traduction
de l'hébreu : Michel Ghys)
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