Ha'aretz
La
rage de faire main basse sur les terres palestiniennes
(Route coupée, camion poubelle confisqué)
Amira Hass
Amira Hass
Haaretz, 5 décembre 2007
www.haaretz.co.il/hasite/pages/ShArtPE.jhtml?itemNo=931186
Version anglaise : A
bad odor
www.haaretz.com/hasen/spages/931228.html
Le tableau n’a
rien de bucolique : les deux chefs de conseils villageois
sont là, devant le dépôt d’immondices de l’un des villages,
Beit Liqia, et énumèrent toutes les menaces environnementales.
Les maisons du village sont à deux cents mètres. Il y a des gens
qui brûlent les déchets (essentiellement pour récupérer le métal
des vieux câbles ou le fer des pneus) et alors, s’élève une
fumée noire qui parvient aux fenêtres des maisons surpeuplées
du village. Tout autour de la décharge, des plantations
d’oliviers. Plus personne n’y cueille encore les olives. Sur
la décharge du village de Beit Anan, on brûle les immondices. Il
est vrai qu’elle est relativement éloignée des maisons du
village, mais située elle aussi au milieu des oliviers et en
bordure de la route étroite. La fumée et l’odeur de plastique
brûlé et de déchets organiques accompagnent ceux qui parcourent
cette route.
On ne peut
accuser les deux chefs des conseils – Hassan Mafarjah de Beit
Liqia et Naji Jamhour de Beit Anan – de ne pas être conscient
de l’importance de la préservation de l’environnement. Ils
ont suivi des formations, ils ont étudié le fonctionnement de décharges
d’avant-garde au Japon, ils savent tout sur le tri des ordures
et ils savent ce qui arrive aux eaux souterraines.
Ils avaient un rêve :
ouvrir un site convenablement aménagé et éloigné des zones bâties,
qui aurait servi à sept villages de la région et aurait permis
une meilleure protection de l’environnement. Mais l’Administration
civile [israélienne] a barré la route qu’ils avaient tracée
jusqu’au site et confisqué le camion. C’est un territoire C,
leur a-t-on dit. Or l’Administration civile est le Seigneur en
territoire C (sous complet contrôle israélien) et plus de 95%
des terres de ces villages proches de la Ligne Verte sont incluses
dans ledit territoire C.
Le territoire C
(60% de la Cisjordanie, selon ce qui a été fixé dans les années
Oslo) est exactement le territoire qu’Israël lorgne avec
l’espoir d’en annexer un bon morceau dans le cadre d’un
« accord définitif ». Un développement palestinien
de ce territoire menacerait ses chances d’être judaïsé.
C’est pourquoi Israël n’autorise pas les Palestiniens à bâtir
sur leurs propres terres, à élargir le plan directeur (c’est
comme ça que Beit Liqia a des airs de camp de réfugiés) ni à
relier des villages au réseau de distribution de l’eau.
Pendant environ
quatre ans, les Palestiniens ont mené d’épuisantes négociations
avec l’armée et l’Administration civile, sur l’établissement
d’une décharge principale et très perfectionnée, sous
financement allemand, dans le district de Ramallah. Les autorités
militaires et l’Administration civile ont finalement été
d’accord pour qu’elle soit établie en territoire C non bâti
et non pas juste au milieu des villages en territoire B (sous
contrôle administratif palestinien mais contrôle sécuritaire
israélien). Cette décharge perfectionnée ne s’ouvrira pas
avant 2010, peut-être même 2011. Que se passera-t-il d’ici là ?
Dans le district de Ramallah, d’une superficie de 960 km², il y
a environ 85 décharges, toutes du même acabit : autorisées
mais irrespectueuses de l’environnement. Avant septembre 2000,
il y avait 45 décharges locales. Leur nombre a quasiment doublé
du fait de la multiplication des checkpoints et des routes barrées.
Aller jusqu’au
site de Ramallah, plein à ras bord, ou jusqu’à la décharge
d’Al-Azariya à l’est de Jérusalem, ce serait un suicide
financier pour les conseils locaux palestiniens. Ils n’ont pour
ainsi dire aucun revenu (à cause de l’interdiction de bâtir en
territoire C et du manque de rentrées liées aux taxes, du fait
de l’accumulation des dettes des habitants qui tardent
essentiellement à payer les factures d’eau, à cause de
l’appauvrissement général dû à la politique de bouclage).
Aujourd’hui, le
conseil ne peut financer le trajet d’un camion à ordures sur
une distance supérieure à 10 km, explique Hassan Mafarjah. Outre
que, dans toutes les directions, il y a au moins cinq barrages
militaires qui garantissent que le chauffeur du camion ne pourra
pas effectuer plus d’un trajet le même jour. Il apparaît donc
que la rage de faire main basse sur les terres palestiniennes
l’emporte sur la préservation de la qualité de
l’environnement.
(Traduction de l'hébreu : Michel Ghys)
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