Opinion
Syrie :
Monseigneur Al-Raï à Damas ...
messages et implications ?
Amin
Hoteit
Vendredi 15 février
2013 La visite à Damas du Patriarche
maronite libanais, Bechara Boutros Raï,
pour assister à la cérémonie
d’intronisation du nouveau patriarche
grec-orthodoxe d’Antioche et de tout
l’Orient, Youhanna X Yazigi, est un
événement en soi [1] ! Elle est à
inscrire comme « signe distinctif
» dans le cadre de ce qui se passe
actuellement en Syrie et autour de la
Syrie, ainsi qu’un « message »
d’une importance considérable envoyé
dans plusieurs directions à la fois. Un
message dont les multiples
significations et connotations se sont
révélées plus ou moins traumatisantes
selon l’intérêt ou le degré
d’implication des « destinataires
» dans les affaires syriennes, et dans
l’agression qui vise la Syrie depuis
bientôt deux années.
Mais avant d’aborder toutes les
questions soulevées par cette visite, il
nous faut nous arrêter devant la
personnalité exceptionnelle du
Patriarche Al-Raï, le patriarche de la
solidarité et de l’amitié, et surtout le
patriarche d’une « Nouvelle voie
» confirmée par cette visite d’une
dimension qui dépasse de loin les
considérations purement ecclésiastiques.
Il nous faut souligner son courage, sa
sagesse, sa clairvoyance et son
engagement en tant que « Bon Pasteur
» partageant, coûte que coûte, les
épreuves et les dangers qui guettent ses
fidèles, sans jamais les abandonner et
profiter, par exemple, du confort de sa
situation et des « hôtels cinq
étoiles »… comme c’est le cas pour
beaucoup de prétendus chefs ou
dirigeants par les temps qui courent !
Le périple terrestre du Patriarche
Al-Raï de Beyrouth vers Damas, par la
route de « Bawabat al-masna’ »
en passant par les terres cultivées de
la « Ghouta » à l’Ouest de
Damas, a été un choc pour ceux-là qui,
au Liban et dans la région, se sont
manifestement trouvés déstabilisés ;
notamment ceux qui s’imaginaient en
situation d’ordonner et de se faire
obéir ! Ils ont chaviré au point de
trahir leurs arrières pensées concernant
les Chrétiens d’Orient, et de révéler
leur communauté de point de vue avec le
« Plan sioniste » cherchant à
les marginaliser et à les arracher à
leur terre. C’est là-dessus que nous
avions attiré l’attention, à maintes
reprises, en disant qu’aujourd’hui les
Chrétiens d’Orient sont face à deux
stratégies: soit ils restent enracinés
dans leur terre, soit ils se laissent
déplacer jusqu’à leur disparition
totale. Le problème concerne tout autant
ceux qui ont brandi les slogans du type
« La sécurité des Chrétiens avant
toute autre considération », mais
qui se sont pliés devant des mots
d’ordre inverses en consentant à
certaines alliances ayant mené au départ
de leurs coreligionnaires de n’importe
quelle région libanaise particulièrement
envahie par les armes.
Contre tous ceux qui veulent
marginaliser les Chrétiens et qui
travaillent à les empêcher d’élire leurs
députés au Parlement libanais, le
Patriarche Al-Raï a démontré qu’il avait
opté pour la première des deux
stratégies précitées ; celle qui
préserve leur ancrage et assure leur
appartenance à l’Orient ; celle qui a
également été initiée, défendue, et
poursuivie par le « Général Michel
Aoun » contre vents et marées !
C’est dans ce contexte que certains
sont allés jusqu’à parler du Patriarche
maronite comme d’un « Allié du
Diable », à décrire la cérémonie
d’intronisation du Patriarche grec
orthodoxe à Damas comme une « Messe
satanique », à publier des
représentations caricaturales de sa
personne… Autant de réactions qui
n’expriment que l’amertume et le délire
de certains camps libanais et régionaux
engagés dans l’agression contre la Syrie
; les divers camps de tous ceux qui ont
rêvé de l’anéantir, ont béni les hordes
de takfiristes destructeurs et
anihilateurs arrivés des quatre coins de
la planète, et ont travaillé à démolir
les forces qui incommodent Israël et
empêchent la Turquie de réaliser son
rêve néo-impérial !
Bien que cette visite à Damas ait
revêtu un caractère religieux et
protocolaire, il apparaît néanmoins que
le Patriarche Al-Raï a voulu faire
comprendre que le mensonge généralisé et
la guerre psychologique tous azimuts ne
peuvent affecter celui qui, en cherchant
la vérité, est capable de distinguer le
grain de l’ivraie. En d’autres termes,
celui qui cherche la vérité est apte à
comprendre que le plan destructeur qui
vise la Syrie, vise à « détruire la
coexistence entre les religions »
et, partant de là, vise la dégradation
des relations humaines dans tout le
Moyen-Orient. Ainsi, la Syrie serait
devenue l’un des maillons de la chaîne
des opérations sionistes travaillant à
l’expatriation des Chrétiens de la
région, comme cela s’est passé en
Palestine et en Irak. Et, une fois la
Syrie tombée, il n’y aurait plus eu qu’à
appliquer le même procédé au Liban en
accordant la même « procuration
» aux mêmes mouvements salafistes,
takfiristes, ou apparentés.
Mais la Syrie a résisté… Sa
résistance a déjoué ce plan de
dépeuplement ciblé. Elle bénéficie
toujours de l’immunité et de la force
nécessaires pour faire face à ce combat.
Elle est donc toujours capable de garder
ses enfants quelle que soit leur
religion ; capable de les préserver pour
leur pays autant que pour eux-mêmes ;
capable de rassembler les chefs
spirituels des Églises d’Orient dont le
siège d’Antioche a été usurpé par la
Turquie ; capable de leur offrir un
nouveau point de rencontre à Damas [2]
avec tous leurs partenaires dans leur
profession de foi, de patriotisme, et du
vivre ensemble ; et toujours aussi
capables de permettre à chacun de
pratiquer librement son culte sous la
protection de l’État. C’est justement ce
dont ont témoigné les trois patriarches
réunis à Damas en ce 10 Février 2013 :
Al-Raï, Al-Yazigi, et Grégoire III Laham
[patriarche de l’Église
grecque-catholique, avec le titre de
Patriarche des Melkites d’Antioche, de
tout l’Orient, d’Alexandrie et de
Jérusalem, NdT], devant les
dignitaires religieux de toutes
confessions et des personnalités
politiques du monde entier.
Le Vatican, ainsi que les États
occidentaux, appréhendent désormais le
danger qui menace les Chrétiens et
mesure les dangers de la nébuleuse
takfiriste. De plus, si d’aucuns
disaient, à juste titre, que le premier
moyen de défense réside dans l’unité des
Chrétiens, quelle autre preuve d’unité
leur faudrait-il ? Elle s’est clairement
manifestée à Damas : intronisation d’un
patriarche d’une Église orientale en
présence de deux autres patriarches
appartenant à une Église occidentale.
[3]
Le gouvernement syrien, en exercice,
dirige un état civil qui garantit à tous
les citoyens leurs droits politiques et
leur liberté de foi et de culte. La
pérennité de ces garanties est
nécessaire à la stabilité de la région
et à la persistance de l’enracinement
des citoyens chrétiens. Par conséquent,
si des réformes sont encore nécessaires,
elles ne peuvent se faire dans la
violence.
Et la Syrie, au bout de deux années
d’une agression sans précédent, a gardé
son cap et reste en mesure de protéger
ses visiteurs et invités, contrairement
à ce que prétendent ses ennemis et à ce
que claironnent les médias de la
désinformation et de la discorde. Elle
peut sortir de la crise. Elle est en
train de sortir de la crise.
Ceux qui continuent à prétexter se
battre pour des réformes feraient mieux
de réviser leur logique : les seuls
moyens pour trouver une issue à la crise
restent le dialogue et le travail
diplomatique pour aboutir à une solution
politique. Désormais, le recours aux
armes relève de la bêtise !
Dr Amin Hoteit
14/02/2013
Texte original : Al-binaa
البطريرك الراعي في دمشق… رسائل و
تداعيات؟
http://albinaa.com/index.php?option=com_content&view=article&id=76225:2013-02-13-23-02-01&catid=76:2012-02-28-11-15-22&Itemid=121
Article traduit de l’arabe par
Mouna Alno-Nakhal pour
Mondialisation.ca
Notes :
[1] Youhanna X
Yazigi, nouveau patriarche de l’Église
grecque-orthodoxe d’Antioche
http://www.lorientlejour.com/article/792790/Youhanna_X_Yazigi,_nouveau_
patriarche_de_lglise_grecque-orthodoxe_dAntioche.html
[2] Visite
historique du Patriarche maronite à
Damas / par Pierre Khalaf
http://neworientnews.com/news/fullnews.php?news_id=88322
[3] Sans
oublier la présence des chefs spirituels
de tous les courants de la foi musulmane
; NdT.
Le Docteur Amin Hoteit
est libanais, analyste
politique, expert en stratégie
militaire, et Général de brigade à la
retraite.
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