Opinion
Syrie :
L'agression israélienne entre désirs et
réalités !
Amin
Hoteit
Mercredi 6 février
2013
Dans la soirée du
04/02/2013, la télévision syrienne a
diffusé une interview du Général Fahd
Jassem al-Freij, chef d’état major de
l’armée et des forces armées, ministre
de la Défense [1]. Il a parlé des
dimensions du complot qui vise la Syrie,
de la lutte du peuple syrien contre une
guerre par procuration sans précédent
touchant tous les secteurs du pays, de
la détermination des soldats syriens à
éradiquer les terroristes et à assister
la population, du rôle des groupes
terroristes armés dans l’ouverture de
brèches dans les défenses anti-aériennes
syriennes, et de l’agression israélienne
contre le « Centre de recherche de
Jomraya » dans la banlieue de Damas à
l’aube du Mercredi 30 janvier 2012.
Pour Nasser Kandil [2], directeur de Top
News Liban, la chose la plus importante
est ce qu’il n’a pas dit ! Il n’a pas
utilisé l’expression : « la Syrie
ripostera à l’agression à l’endroit et
au moment opportuns » ; ce qui
signifierait à l’ennemi que cette
décision est prise. C’est aussi ce que
nous dit le Général Amin Hoteit dont
l’article ci-dessous a été publié dans
la matinée du 04/02/2013.
Il n’empêche que le plus douloureux pour
les Syriens n’est pas qu’un ennemi
déclaré agresse, mais que de prétendus
révolutionnaires désignés improprement
par « Armée Syrienne Libre », ou ASL,
tentent de couvrir l’agression quand ils
ne sont pas le bras armé des agresseurs
! C’est ce que nous démontre, preuves à
l’appui, l’écrivain et analyste
politique libanais, Salem Zahrane [3],
qui a enregistré un document diffusé par
l’ASL s’octroyant la paternité d’un
soi-disant bombardement terrestre du
Centre de Jomraya au moment même du raid
israélien ; document vite disparu de la
circulation après qu’un communiqué du
commandement militaire syrien ait fait
savoir que l’attaque israélienne avait
visé le Centre de recherche de Jomraya,
non un convoi transportant des armes de
la Syrie vers le Liban comme l’ont
prétendu les dirigeants et médias
officiels occidentaux. Preuve
supplémentaire, s’il en fallait, que M.
Netanyahou et ses acolytes travaillent
toujours à étendre cette fameuse «
profondeur stratégique » dont ils
auraient un besoin si vital pour leur
sacré projet expansionniste et que les
Syriens, tout autant que les
Palestiniens et les Libanais, sont dans
un combat de vie ou de mort ! [NdT].
À un moment considéré comme l’un des
plus critiques depuis le début de
l’agression occidentale contre la Syrie,
l’aviation israélienne a lancé ses
fusées d’une distance de 22Kms sur un «
Centre de recherche » relevant du
ministère de la Défense à Jomraya et l’a
partiellement détruit. Une attaque
annoncée par les États-Unis, justifiée
ensuite, et accompagnée de menaces à
peine voilées avec le faux prétexte que
la Syrie acheminait des armes au
Hezbollah ; menaces destinées à
détourner les regards des véritables
objectifs de l’opération.
Quels sont donc les objectifs
de cette agression ?
Pour commencer, il convient de
rappeler que les groupes armés et les
terroristes qui agissent sur le terrain
– sous direction et commandement US –
attendaient une intervention militaire
étrangère « directe », comparable à
celles menées dans la région du Golfe,
en Afghanistan, en Irak et… si possible,
en Libye ! Ceci, avec la ferme
conviction de leur inévitable « victoire
», étant acquis que l’Occident ne
pouvait reculer sans atteindre son
objectif premier : abattre l’État syrien
récalcitrant pour le remplacer par un
régime fantoche à ses bottes !
Mais les voilà bien obligés de
déchanter puisqu’au bout de bientôt deux
années, d’un terrible combat, ils ne
peuvent que constater la réalité
indéniable de leur échec ; la Syrie se
préparant à reprendre le contrôle des
quelques régions encore infestées de
leur présence. Les indices et preuves de
cet échec ne manquent pas, autant sur le
terrain des opérations que sur le
terrain politique.
Sur le terrain syrien, il est
remarquable de noter que les zones de
confrontation plus ou moins étendues,
entre ces soi-disant révolutionnaires et
l’Armée régulière ainsi que les forces
de sécurité syriennes, sont tombées de
l6 à 8 zones, avec des pertes d’une
proportion équivalente dans le rang des
dits « insurgés ». Autrement dit, plus
de la moitié ont été tués, blessés, ou
dégagés d’une façon ou d’une autre. Le
tout étant confirmé par des rapports
publiés, notamment le 29/01/2013, par
des services du Renseignement US. Ils se
résumeraient à dire que les opérations
militaires des fameux insurgés ont chuté
de 40 %, au minimum !
Sur le terrain politique, la
débandade de la soi-disant « opposition
syrienne » est désormais de notoriété
publique. Elle souffre de ses rivalités
intestines et d’apparentes « divisions
de principe » entre ceux qui refusent le
dialogue national appelant à une
intervention militaire étrangère en
vertu du Chapitre VII, ceux qui
déclarent accepter ce dialogue et
rejettent catégoriquement ce type
d’intervention tout en adoptant une
position inquiétante quant à leur
capacité d’aboutir à une sortie de crise
préservant la souveraineté de la Syrie
et la décision du peuple syrien, et ceux
qui au sein de la « Coalition de Doha »
n’aspirent qu’à la formation d’un «
gouvernement de transition » censé leur
permettre de prendre le pouvoir par la
voie diplomatique là où ils ont échoué à
le prendre par les armes ! Bref, la
situation de ces opposants se complique
jour après jour, d’autant plus que lors
de la dernière réunion à Paris des pays
prétendument « Amis de la Syrie », ils
n’étaient plus que 54 au lieu des 104
pays de la première heure. Sans oublier
le désastre qui est venu couronner le
tout ; celui privant ces « négociants de
l’opposition » de 75% de leurs crédits
en monnaie sonnante et trébuchante.
Ces deux contextes à la fois ont
rapidement été analysés par les
États-Unis qui en sont arrivés à la
conclusion que sans élément nouveau, il
suffira de quelques semaines pour que la
l’État, le gouvernement et le peuple
syriens réussissent à reprendre le
contrôle de l’ensemble de leur pays ;
auquel cas, les US perdraient leur
propre contrôle sur les négociations
internationales en cours pour jeter les
bases du règlement de la crise. Crainte
US exacerbée par M. Lakhdar Brahimi
déclarant, devant le Conseil de
sécurité, que le Président Bachar al-Assad
tenait les rênes de la situation en
Syrie sans espoir de destitution à
l’horizon ! Crainte partagée par la
frange de l’opposition syrienne qui n’a
cessé de hurler son refus du dialogue,
jusqu’à la sortie surprenante de M. Moaz
Khatib, éminent président de la «
Coalition de Doha », annonçant qu’il
était finalement disposé à dialoguer
avec les autorités syriennes !
Pour toutes ces raisons, les
Etats-Unis ont confié à Israël la mise à
exécution d’une action militaire
surprise, mais limitée, qui leur
permettrait d’atteindre les objectifs
suivants :
1. Dissimuler les
succès et acquis de l’État syrien aux
écrans des médias internationaux, tout
en diffusant une « nouvelle contraire »
qui démoraliserait les Syriens. De plus,
il n’est pas impossible qu’ils aient
parié sur une réaction irréfléchie des
autorités syriennes les poussant à
attaquer des cibles en Israël ; ce qui
aurait justifié qu’Israël frappe en
retour et donne ainsi un coup de main
aux terroristes pour toucher des
objectifs qu’ils ont été incapables
d’atteindre.
2. Relever du même
coup le moral défaillant des terroristes
en leur prouvant que leurs patrons
colonialistes ne les avaient pas encore
abandonnés.
3. Récupérer un
atout à monnayer sur la table des
négociations, et envoyer un message à «
l’Axe de la Résistance » et au « Front
international » qui refuse l’agression
contre la Syrie, pour signifier que les
États-Unis n’accepteront pas aussi
facilement un règlement de la crise
qu’ils ne contrôleraient pas en position
de force et qu’ils n’abandonneront pas
la partie.
C’est donc pour toutes ces raisons
qu’Israël a exécuté son agression. Nous
ne dirons pas, comme certains, que
l’attaque a obtenu « le feu vert US ».
Il nous suffit de dire que l’opération
était une nécessité US et que l’acte est
conforme à la nature agressive et
terroriste des dirigeants israéliens.
Cette nécessité US explique pourquoi
l’attaque a été précédée de déclarations
insistantes mettant en garde contre le
transfert d’armes de Syrie vers le
Hezbollah, déclarations visiblement
destinées à justifier et à légitimer ce
qui allait suivre ! Sinon, comment
expliquer qu’ils aient persisté à
prétendre que l’attaque était dirigée
contre un convoi d’armes se dirigeant du
territoire syrien vers le Liban, même
après que l’État major des forces armées
syriennes ait publié un communiqué clair
et détaillé prouvant que l’attaque
n’avait rien à voir avec un quelconque
convoi, ni de près, ne de loin ! Certes,
ils ont tenté de rectifier le tir en
prétendant qu’Israël avait visé deux
objectifs à la fois : le Centre de
recherche et l’hypothétique convoi !
Ceci, alors que nous savons tous que
s’ils disaient la vérité ou possédaient
la moindre preuve confirmant leurs
allégations, ils auraient publié des
photos du convoi prises par l’aviation
israélienne au moment du bombardement, à
défaut de publier celles captées par
leurs satellites couvrant la région à
longueur de temps ! Il est certain que
les USA qui, malgré la coopération de
toutes les organisations sionistes
occidentales, n’ont réussi jusqu’ici ni
à empêcher le Hezbollah de s’armer ni à
visualiser une seule opération de
transport d’armes, ne peuvent nous
convaincre de la véracité de leurs
affirmations. Leur insistance à
prétendre que l’attaque visait un tel
convoi n’a qu’un seul but : justifier
une agression israélienne prétendument
défensive et préventive.
L’Opération a donc eu lieu une fois
que l’aviation israélienne a pu échapper
aux radars syriens, les USA et Israël
cherchant à faire savoir aux agents à
leur solde qu’ils étaient toujours
déterminés à les couvrir et qu’ils
pouvaient continuer à tuer et à
terroriser à tout va. Ceux-là n’avaient
plus qu’à se réjouir tandis que
d’autres, plus réticents à avouer
publiquement leur traitrise, se sont
empressés de faire porter le chapeau à
la Syrie !
Mais est-ce que l’agression a
atteint ses objectifs ?
Pour répondre, il nous suffit de
relever les points suivants :
1. La Syrie a publié
un communiqué clair et précis, mais sa
décision de riposter est restée
implicite ; décision fondée sur une
vision militaire et stratégique ayant
distingué entre le principe de la
riposte « retenue » et son importance ;
laquelle sera fonction de la nature de
l’agression subie, au moment qu’elle
jugera opportun. Il faut croire
qu’Israël a compris le communiqué syrien
et a, d’ores et déjà, pris ses
précautions. Ce faisant, la Syrie n’est
pas tombée dans le piège tendu. D’où un
premier échec.
2. L’armée arabe
syrienne, loin d’être démoralisée, a
poursuivi ses actions militaires contre
les terroristes. D’où un deuxième échec.
3. Ni la Syrie, ni
le Hezbollah ne se sont souciés ou même
prononcés sur les prises de position US,
dans la mesure où leur résistance et
leur mode de fonctionnement continuent
malgré tout. D’où un troisième échec.
4. La Russie a
condamné l’agression, tout comme elle a
neutralisé la rencontre du quatuor «
US-Russie-Brahimi-Khatib » voulue par
les USA. Du coup, chacun a du se réunir
séparément avec le ministre russe des
Affaires étrangères, Sergueï Lavrov ; le
président de la « Coalition de Doha » se
précipitant pour le rencontrer avant de
se préparer à se rendre à Moscou, en
dépit de toutes ses déclarations
hostiles antérieures. D’où un quatrième
échec.
Finalement, l’agression israélienne
n’a rien changé au cours des événements
et n’a pas satisfait les objectifs US.
La crise Syrienne devra se résoudre au
profit du droit des Syriens, même si
nous ne pouvons plus parler de «solution
pacifique» étant donné le prix payé par
la Syrie pour conserver sa souveraineté,
son indépendance et ses droits
nationaux. En revanche, nous pouvons
parler d’une « issue à la crise »
imposée par la résistance syrienne. Une
issue qui commence à être sérieusement
envisagée et discutée. Tous les
observateurs raisonnables et concernés
par la Syrie en sont persuadés. Ceux qui
ne peuvent ou ne veulent l’admettre
n’ont pas leur place sur la table des
négociations. Ils n’auront aucun poids
dans le règlement de la situation et nul
ne souciera de leurs prises de position,
vu qu’ils ne sont pas maîtres de leurs
décisions !
Dr. Amin Hoteit
04/02/2013
Article original : Al-thawra
http://thawra.alwehda.gov.sy/_kuttab.asp?FileName=89383590020130204013703
Article traduit de l’arabe par
Mouna Alno-Nakhal pour
Mondialisation.ca
[1] Le Général Freij: L’armée
syrienne est ferme et inébranlable…
http://www.sana-syria.com/fra/51/2013/02/05/465501.htm
[2] M. Nasser Kandil : القبضة
الواحدة
http://topnews-nasserkandil.com/topnews/share.php?art_id=1780
[3] Interview de M. Salem Zahrane [à
partir de la 22ème minute]
https://www.youtube.com/watch?v=ZEvNvAHLB6w&feature=player_embedded
Le Docteur Amin Hoteit
est libanais, analyste
politique, expert en stratégie
militaire, et Général de brigade à la
retraite.
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