Syrie
Syrie ou le
message d'un missile russe...
Dr
Amin Hoteit
Mercredi 13 juin 2012
Il est désormais certain que la dite «
crise syrienne », qui dès le
départ nous a paru être une guerre
mondiale contre la Syrie, est devenue un
problème universel autour duquel le
monde s’est divisé en deux camps : le
camp occidental qui a planifié,
commandité, et dirigé l’agression par
des mercenaires arabes ou régionaux, du
moins jusqu’ici ; et le camp adverse qui
s’est coalisé par la force de ses
propres objectifs
stratégiques.
Ce dernier
a formé un groupe international
qui considère que la réussite des
projets de l'Occident en Syrie
signifierait la chute de toute la région
sous l'emprise d’un néo-colonialisme qui
anéantirait toute velléité de liberté et
d’indépendance. Le conflit est
donc clair entre un agresseur aux ordres
des USA et un défenseur qui s’organise
par une distribution coordonnée des
rôles à chacun des membres de son
organisation stratégique, en fonction de
leur capacité et de leur efficacité
à repousser l'agression.
1. Plus le temps passe et plus les
constantes de cette confrontation
deviennent évidentes. Au terme d’un peu
plus de quinze mois, elles peuvent être
résumées comme suit :
1.1. Les capacités de défense des
défenseurs sont supérieures aux
capacités d’attaque des agresseurs. En
effet, compte tenu du potentiel de
chacun des deux camps, le succès du camp
agresseur pour atteindre ses objectifs
en Syrie et redessiner la région de
telle sorte qu’elle puisse se conformer
aux intérêts des États-Unis et du
sionisme, est devenu impossible. Par
conséquent, entendre le camp des
agresseurs répéter à l’envi : «
Le président syrien doit s’en aller
»… « Il faut qu’il cède le pouvoir à
un gouvernement civil de transition
»… « Il faut une transition pacifique
du pouvoir »… ne témoigne que du
ridicule et de l’ironie de la situation
; parce qu’il se comporte en vainqueur
alors qu’il est vaincu et que, jusqu'à
présent,
son agression ne lui a rapporté
que ses propres crimes qui ont coûté la
vie
à des
Syriens innocents… à moins qu’il ne
considère la criminalité comme une
victoire !
1.2. La désintégration et l’affaissement
du système des agresseurs alors que la
cohésion du système des défenseurs
parait de plus en plus solide, chacun de
ses membres estimant que la question
syrienne le concerne directement ; ce
qui explique leurs prises de position de
plus en plus fermes contre toute
atteinte ou intervention étrangère en
Syrie et sous n’importe quel prétexte
qui nécessiterait l’usage de la force,
notamment par adoption d’une résolution
en vertu du Chapitre VII. Les États-Unis
sont, peut-être, sur le point de
comprendre cet état des choses, surtout
depuis la dernière prise de position
russe. Seuls les « ourbans du pétrole
» restent sourds devant l’évidence et
refusent de comprendre. C’est pourquoi,
avec le Secrétaire général
[malencontreusement dénommé « Al-Arabi
»] de la Ligue pétrolière prétendument
concernée par la « Cause arabe »,
ils persistent à tenter et à
exiger que la « question syrienne
» soit soumise au fameux Chapitre VII.
Mais, en l’occurrence, leurs appels ne
seront pas entendus à travers la porte
définitivement scellée du Conseil de
sécurité.
1.3. En plus de ce qui précède, il est
important de constater que chacun de ces
deux camps rassemble et exhibe ses
forces dans le but de précipiter l’heure
décisive et d’y mettre fin de manière à
ce qu’elle lui soit favorable.
En effet :
1.3.1. Le camp des agresseurs, comme
nous l’avons précédemment écrit [1], a
organisé des manœuvres militaires de
grande envergure
en Jordanie sous la dénomination
« le lion en alerte »,
après avoir recruté
l’ensemble des forces qui pourraient
jouer un rôle lors de sa future
intervention militaire en Syrie. Il a
très généreusement inondé sa prétendue «
opposition syrienne » d’armes de
toutes sortes, et de toutes
technologies, pour assurer aux
terroristes mercenaires qui lui sont
inféodés les moyens de commettre leurs
méfaits. Il a chargé les observateurs
internationaux de recueillir les
renseignements utiles et de mener
l’enquête qui favoriserait son
intervention militaire à venir.
Il a
décidé d'étrangler les médias
syriens pour créer les conditions
favorables
à son opération militaire, qu’il
suggère très proche avec ou sans
résolution du Conseil de sécurité. Pour
finir, voici que des manœuvres
israéliennes se mettent en branle pour,
dit-on, passer le message d’une attaque
sur les bastions du Hezbollah !
1.3.2.
Le camp des défenseurs, après
avoir résisté en absorbant les chocs
depuis le début de l'agression et après
avoir laissé le temps à la Syrie pour
qu’elle puisse réaliser ses réformes, se
met lui aussi à rassembler et à exhiber
ses forces pour renforcer sa défense et
confirmer ses acquis. Ainsi, et suite au
succès des élections législatives
syriennes, est venue la décision ferme
et définitive de combattre le terrorisme
sans relâche ; suivi du « test
surprise » correspondant au tir de
missiles balistiques intercontinentaux
russes [2], lequel a semé la confusion
dans le camp adverse qui a bien compris
le sérieux du
nouveau message militaire
signifiant que les décisions politiques
déclarées par Moscou, à l’intérieur et à
l’extérieur du Conseil de sécurité,
reposent sur une puissance militaire
réelle et prête à intervenir en cas
d’agression. Un projet de manœuvres
militaires communes à
quelques pays membres de cette
organisation défensive n’a pas tardé à
être envisagé. Quant au plan
d’étranglement des
médias syriens, il a échoué avant
même sa mise à exécution par la prise de
mesures adaptées aux circonstances et
capables de protéger le droit de la
Syrie à faire entendre sa vérité.
2.
Dans ces conditions, la question
qui se pose concerne le
devenir de
cette crise mondiale révélée par
la soi-disant crise syrienne : le
monde est-il à la veille d’une
confrontation militaire globale, ou
bien, est ce que ces démonstrations de
force ne sont là que pour servir
d’atouts lors de futures négociations
? Or, en matière de guerres, il est
raisonnablement impossible de lancer une
attaque avant de s’assurer de deux
éléments : le premier correspond à la
possibilité de réaliser l’exploit
escompté tout en amenant l'adversaire à
l’effondrement ou à une sorte de
dépression ou d’égarement ; le second
correspond
à la capacité à transformer une
victoire
militaire en victoire politique
qui puisse permettre d’ancrer, de
conserver et d’exploiter la victoire.
Dans certains cas, un troisième élément
est à prendre en compte et correspond à
ce que l’attaquant peut supporter comme
pertes potentielles suite à la
confrontation. Si nous appliquons ces
règles immuables au camp des agresseurs,
nous constatons que :
2.1. Dans le domaine de la guerre
conventionnelle, les forces militaires
essentielles à ce camp [l’OTAN] sortent
de deux décennies décevantes qui ont
épuisé leur économie au point qu’elles
ne peuvent envisager une nouvelle
guerre, alors que le camp adverse a des
capacités militaires défensives qu’il
leur serait extrêmement difficile de
vaincre ; ce qui nous amène à laisser
tomber l’éventualité d’une intervention
militaire justifiée ou non par une
résolution du Conseil de sécurité.
2.2. Dans le domaine de la guérilla et
des opérations terroristes en cours,
alimentées et dirigées par le camp des
agresseurs qui poussent à l’escalade des
violences et à leur généralisation à
tout le territoire syrien et notamment
aux grandes villes [Damas et Alep], le
battage médiatique et les possibilités
des agresseurs sont en deçà du seuil
nécessaire à la réalisation de leur
projet. En revanche, il est désormais
très clair que la prochaine étape de la
lutte contre ce terrorisme sera
différente des précédentes, notamment
parce que depuis la formation du nouveau
gouvernement issu d’élections
parlementaires libres il ne sera plus
question d’opposer des lignes rouges
infranchissables aux forces militaires
syriennes et de les empêcher de faire ce
qui doit
être fait. Il ne sera plus possible au
terrorisme médiatique et aux politiques
du camp des agresseurs, qui sont
derrière les massacres, de continuer
leurs frauduleuses campagnes accusant
l’État syrien de leurs propres crimes.
Il ne sera plus acceptable que la
mission des observateurs internationaux
serve à intensifier les opérations
criminelles, mission désormais sujette à
caution vu ses manquements volontaires
ou involontaires à dire la vérité !
2.3. Quant au reste, il nous suffit de
rappeler l’impossibilité pour Israël de
mettre en place une organisation
défensive qui protégerait son front
intérieur. Il brûle d’impatience pour
attaquer l’Iran en plus de toutes les
menaces qu’il ne cesse d’alimenter
contre son programme nucléaire. Ce
simple rappel suffit pour comprendre que
le camp des agresseurs est incapable de
supporter la réaction possible à son
agression.
3. Par conséquent, nous pouvons déduire
que la guerre militaire contre la Syrie
est très peu probable ; que la guerre
terroriste ne permettra pas à
l'agresseur d’atteindre ses objectifs
mais, qu’au contraire, elle lui imposera
des pertes qui l’useront
même si cela doit prendre un
certain temps. À ce stade, nous pouvons
revenir à la
question posée plus haut :
pourquoi un tel rassemblement des forces
?
A notre avis la réponse réside dans le
fait que le camp agresseur, qui a
constaté son échec, sait que la seule
issue qui lui reste passe par une
solution négociée et pacifique, mais il
sait aussi que celui qui s’installe à la
table des négociations ne reçoit qu’une
part proportionnelle à ce qu’il a acquis
sur le terrain et aux cartes qu’il tient
dans sa main ; ce qui explique qu’il
tente d’en rassembler un maximum pour
que sa défaite devienne tolérable,
maintenant que sa victoire en Syrie est
entrée dans le domaine de la fiction et
que la Russie a lancé ses invitations
aux négociations selon un code
compréhensible par toute personne qui
connait le protocole : un missile qui
lève les doutes, dissipe les délires, et
ouvre la voie à la paix ! Ainsi, le
Président Bachar Al-Assad aura offert à
son père l’équilibre stratégique pour
lequel il a toujours œuvré et dont il a
toujours rêvé, en commémoration du
dixième anniversaire de sa mort.
Dr Amin Hoteit
11/06/2012
Article original en arabe :
http://www.tayyar.org/Tayyar/News/PoliticalNews/ar-LB/amine-hoteit-hh-3403.htm
Article traduit de l’arabe par Mouna
Alno-Nakhal pour
Mondialisation.ca
[1] Syrie: Manœuvres militaires en
Jordanie...simple message ou signes
avant-coureurs d’une opération militaire
conjointe de 19 pays
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=31016
[2]
Missile balistique nucléaire
intercontinentale Russe
http://www.youtube.com/watch?v=z_DSoDapBSk
Le
Docteur Amin Hoteit est libanais,
analyste politique, expert en stratégie
militaire, et Général de brigade à la
retraite.
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