Aux sources du sionisme
XII - Petite
généalogie du ghetto appelé "Israël"
Aline
de Diéguez
Vendredi 29 juin
2012
"La vérité doit
être martelée avec constance, parce que
le faux continue d'être prêché, non
seulement par quelques-uns, mais par une
foule de gens. Dans la presse et dans
les dictionnaires, dans les écoles et
dans les Universités, partout le faux
est au pouvoir, parfaitement à l'aise et
heureux de savoir qu'il a la majorité
pour lui."
Johann
Wolfgang von Goethe
"Toutes les
contraintes du monde ne feront pas qu'un
esprit un peu propre accepte d'être
malhonnête."
Le
Manifeste censuré d'Albert Camus
Afin de comprendre comment s'est formé
l' "esprit sioniste" en pleine
action aujourd'hui en Israël, il m'a
semblé important, à ce stade de
l'analyse, de présenter une vue
d'ensemble et aussi précise que
possible, de la manière dont se sont
agglutinées une à une, et au fil du
temps, les briques du mur mental qui
enferme Israël et ses habitants de
l'intérieur et de l'extérieur de leur
enclos dans un ghetto politique et
psychologique.
Le mur monstrueux érigé en terre
palestinienne n'est que le miroir du mur
intérieur qui emprisonne ses
concepteurs. Au mur qui serpente en
Cisjordanie sont venus s'ajouter des
murs entre Israël et l'Egypte, des murs
entre Israël et la Jordanie et encore
des murs entre Israël et le Liban. Le
ghetto est en passe d'être
hermétiquement clos. Tous ces murs
symbolisent une mentalité à la fois
arrogante et terrifiée. Pour les
adorateurs du dieu Jahvé et pour leurs
héritiers politiques contemporains il y
a toujours un "nous" et un "eux",
le ROW (The Rest of the World)
pour reprendre l'expression en usage aux
Etats-Unis pour désigner les "non
élus".
Ainsi lorsqu'un
Asher Ginsberg, plus connu sous le
pseudonyme de Ahad Ha'am, écrit
dès 1891 dans son ouvrage La
vérité sur Eretz Israël: "Il
nous faut traiter la population
locale (c'est-à-dire eux)
avec amour et respect", on
retrouve, sous une couche de
paternalisme secrètement condescendant
et en dépit d'une générosité affichée,
le mur invisible derrière lequel se
dissimule le sentiment de supériorité
qui anime ce sioniste au cœur sur la
main, bourré de bonne volonté et de
bonne conscience, mais néanmoins fervent
colon. Car ce qui unit tous les
nationaliste sionistes, qu'ils soient de
la trempe extrémiste et messianique d'un
Netanyahou et d'un rabbin Ovadia Sofer
ou de ceux qui appellent à un traitement
plus humain de la "population locale",
c'est que l'immigration massive en
Palestine et l'éviction les habitants
originels sont légitimes à leurs yeux.
Asher
Ginsberg
(Ahad
Ha'am)
(1856-1927)
C'est donc avec
indignation que le "bon maître"
Ahad Ha'am dénonce les "mauvais
maîtres" qui abusent de leur pouvoir
et maltraitent la "population locale":
"Que font nos frères en Eretz
Israël? Exactement le contraire.
Esclaves dans les pays de l'exil les
voilà qui jouissent d'une liberté sans
entraves, d'une liberté anarchique
uniquement possible dans l'empire
ottoman. Ce changement soudain a éveillé
leur inclination au despotisme comme
chaque fois qu'un esclave devient roi.
Ils traitent les Arabes avec hostilité
et cruauté, empiètent sur leur
propriété, les frappent sans raison,
s'en vantent même, et il n'y a personne
pour les réfréner, pour mettre fin à ces
pratiques éhontées et dangereuses."
( La vérité sur Eretz Israël,
p.29 )
L'indignation du
"sioniste gentil" qui demande à ses
frères co-religionnaires et colons
impitoyables de traiter la "population
locale" "conformément au
droit et à la justice" rappelle
celle de deux dominicains du XVIe
siècle, mais autrement plus rigoureux
dans leur dénonciation du colonialisme.
Antonio de Montesinos a fustigé
avec violence les injustices de la
colonisation des Espagnols chrétiens en
Amérique du sud. "Dites-moi, quel
droit et quelle justice vous autorisent
à maintenir les Indiens dans une aussi
affreuse servitude?" a osé
clamer dans un sermon le moine
dominicain.
Antonio de
Montesinos (env. 1475 - 27 juin 1540)
Quant à
Bartholomé de las Casas, il a non
seulement dénoncé les pratiques des
colons, mais contesté le principe même
de la colonisation. En attendant le
"sioniste gentil" qui, à l'instar du
dominicain de la Renaissance espagnole,
reconnaîtrait que "toutes les
guerres de conquête sont le fait de
tyrans et qu'elles sont par conséquent
injustes" et "que les pays
conquis sont de l'usurpation",
il est important de comprendre par quels
mécanismes psychiques et à partir de
quel terreau politico-religieux le
sentiment de leur "bon droit"
s'est incrusté dans les cervelles des
colonisateurs de la Palestine.
Bartholomé
de las Casas (1474-1566)
Car une question s'impose à l'esprit:
comment se fait-il qu'en dépit de la
variété des origines ethniques et
géographiques dues à des conversions de
masse qui, durant deux millénaires ont
considérablement enrichi la population
des fidèles du dieu Jahvé, une
remarquable homogénéité du contenu des
cervelles se traduise par la politique
ségrégationniste actuellement mise en
pratique envers la population autochtone
et approuvée quasi unanimement tant à
l'intérieur de l'Etat sioniste qu'au
sein de communautés éparpillées dans le
monde entier et qui se qualifient de "juives"?
La pulsion de séparer les Juifs des
non-Juifs ne se manifeste pas uniquement
sous administration sioniste. Ainsi, il
existe en France un "Annuaire
national de professionnels au service
de la communauté juive"
[1]
.Un Rassemblement des avocats juifs
de France, une Union des
étudiants juifs de France, une
Union des patrons juifs de France,
une Union des notaires, des
médecins, des parfumeurs, des
podologues, des fleuristes,
des psychanalystes, des
dentistes, des bouchers ou
des restaurateurs, tous
estampillées "cashers" se sont
enregistrés dans ce portail.
Pratiquement toutes les catégories
professionnelles ont officiellement
pignon sur rue et sont inscrites dans le
fameux "Annuaire national".
Par ailleurs, une soixantaine
d'associations exclusivement réservées
aux Juifs sont officiellement reconnues.
[2]
Une recherche affinée par département
permet aux internautes de ce portail
dédié de consulter, par exemple, le
podologue ou le coiffeur "cashers" les
plus proches de leur domicile. Il est
ainsi possible de savoir qu'il existe un
dentiste juif dans tel département ou un
notaire juif dans tel autre. Le célèbre
dîner du Conseil représentatif des
institutions juives de France (CRIF)
voit défiler tout le Gotha politique,
culturel et économique de la République
et le Grand Orient de France possède
depuis 2002, sous le nom de
L'Etoile de la paix, sa loge
exclusivement judéo-sioniste. L'on a pu
voir, de ses yeux voir, que tous ces
notables soutiennent comme un seul homme
la politique de la patrie de leur cœur,
y compris ses pires exactions et même
ses massacres à Gaza.
Cette réalité politique et économique
n'est pas le fruit d'un quelconque
miracle ou d'une origine raciale unique
présupposant une sorte de "gène juif"
qui pousserait les membres de cette
communauté à établir un régime
d'apartheid en Palestine ou à se séparer
des autres nationaux lorsqu'ils
préfèrent résider ailleurs. C'est
pourtant cette absurdité démographique
que, revendiquant leur particularisme,
les tenants d'une "dispersion" à
partir d'un seul groupe, lui-même déjà
délocalisé dans l'empire romain,
essaient d'avaliser et de faire avaler
au monde afin de justifier leur
revendication qu'Israël soit
officiellement qualifié d'Etat juif.
"Il y a, aujourd'hui, une évidence
précise d'un matériel génétique commun à
tous les juifs", n'hésite d'ailleurs
pas à écrire un des sites officiels
de la communauté juive, Lamed.fr,
dans un article intitulé sans complexes:
"Gènes juifs".
[3]
Voir: -
11 - "Nous
sommes un peuple...",
14 mars 2012
La réalité est beaucoup plus triviale et
plus simple. Une religion est également
et avant tout une forme d'organisation
politique de la cité et du monde. C'est
même la plus primitive et la plus
puissante de toutes les organisations
politiques, puisqu'elle gère à la fois
les relations des hommes entre eux, sur
la terre et leurs connexions avec
l'au-delà. La religion des fidèles du
dieu Jahvé est probablement la plus
politiquement structurée, celle qui a
manifesté depuis le début de son
apparition le prosélytisme le plus
acharné et celle qui présente
l'organigramme le plus simple, le plus
rustique et le plus efficace de toutes
les mythologies que les hommes se sont
créées depuis qu'ils se cherchent des
soutiens dans l'au-delà.
Ces caractéristiques permettent de
comprendre que l'organisation
politico-religieuse désignée de nos
jours sous le terme générique de
judaïsme a connu de nombreux avatars:
d'abord connue sous le nom de
jahvisme, puis de pharisaïsme,
puis de talmudisme, lequel devint
le rabbinisme médiéval et donna
naissance au rabbinisme moderne.
Ce mouvement a fini par se réincarner
dans le judéo-sionisme
contemporain.
Le terme
de général de judaïsme, utilisé
de nos jours, est une invention de
l'historien juif Flavius Josèphe
détesté par ses co-religionnaires, parce
que considéré comme un traître.
Longtemps rejeté par les Juifs
eux-mêmes, l'emploi de ce terme est
devenu courant lorsqu'il s'est agi de
distinguer la religion du dieu Jahvé du
christianisme devenu la religion
dominante.
"Au travers de tous
ces changements de nom
(...), l’esprit des anciens
Pharisiens est demeuré le
même (...). De Palestine
jusqu’en Babylonie, de
Babylonie jusqu’en Afrique
du Nord, puis en Italie, en
Espagne, en France, et en
Allemagne, puis de là, en
Pologne, en Russie, et dans
toute l’Europe orientale,
l’ancien pharisaïsme a
continué son voyage."
(Rabbin Louis Finkelstein,
Les Pharisiens,
Mouvement religieux,
contexte sociologique de
leur apparition, p.
21
|
Ces métamorphoses successives lui ont
permis de traverser les siècles alors
que des mythologies tribales nées à la
même époque et aux frontières moins bien
dessinées, se sont progressivement
fanées ou se sont diluées dans la
mythologie nouvelle qui a pris
inexorablement la succession de
l'ancienne, dans une sorte d'évolution
darwinienne des mythes que les hommes à
la recherche du sens du monde et de
celui de leur propre vie se sont
construits depuis la nuit des temps.
Certes, il a toujours existé, à la
marge, un mouvement spirituel incarné,
du temps de Jésus par les Esséniens
et aujourd'hui par le groupe des
Naturei Karta, dont les membres sont
très actifs dans les manifestations
pro-palestiniennes, mais dont
l'influence politique est faible, sinon
nulle.
Tant qu'ils ont vécu dans l'enclos
physique et psychique de la Judée, les
fidèles du dieu Jahvé ont été dirigés
d'une main de fer par une caste de
prêtres et l'existence entière de la
petite province a tourné autour du
service du temple.
Cohen
Gadol - Le grand prêtre du temple,
gravure
Quand la Judée a cessé d'exister
politiquement, les communautés
dispersées dans le monde entier
n'ont nullement été livrées à
elles-même. Elles n'ont pas échappé
à la tutelle théocratique sous
laquelle elles vivaient depuis
quatre siècles et demi, et cela
d'autant moins que les dirigeants
des temps de l'exil ont disposé de
quatre atouts particulièrement
efficaces de nature à créer un
terrain psychologique commun et
uniforme à leurs ouailles, à
savoir :
I - Un récit
exclusivement réservé à un groupe
restreint.
II - La pérennisation d'un
gouvernement central puissant.
III - Un texte faisant office de
constitution, la Thora,
accompagnée d'une gigantesque
compilation - les Talmud -
composés de commentaires, d'exégèses
et de directives diverses qui
assuraient le pouvoir de "théologiens
spécialistes" dans chacun des
petits groupes décentralisés. Mais
tous les notables et dirigeants du
fait religieux - les rabbins -
demeuraient en relations étroites
avec le gouvernement théocratique
central et en recevaient les
directives.
IV - Un ennemi détesté. Cette
condition politique est capitale.
Elle fut un élément déterminant dans
la délimitation définitive des
frontières de la religion du dieu
Jahvé. En effet, les professionnels
du culte de ce dieu ont ainsi pu
tracer fermement le périmètre et le
contenu de leur doctrine. Une grande
partie des Talmud est
consacrée à des quolibets contre cet
ennemi haï et repoussé. Le
christianisme né à la fois au sein
du judaïsme et contre lui,
construisait, lui aussi, à la même
époque, son espace vital et son
périmètre théologique. Comme les
premières et les plus importantes
conversions à la nouvelle religion
se sont opérées parmi les fidèles du
dieu Jahvé, une violente rivalité a
opposé les tenants des deux
doctrines. Leurs textes respectifs,
notamment celui, plus prolixe et
mieux structuré à l'époque, des
défenseurs de l'ancienne mythologie,
en portent les stigmates et chacun
s'est défini par rapport au rival
haï.
ANALYSE DE CHACUN
DE CES ATOUTS
Ière partie
-
Une religion destinée à une
seule tribu
IIè
partie
-
Un gouvernement central
puissant et vagabond
A - La construction des
fondations de ce
grouvernement théocratique:
le rôle d'Esdras
B - Les réformes d'Esdras:
la Grande Assemblée et la
consolidation du pouvoir
central
C - De la Grande Assemblée
au Sanhédrin: le
gouvernement central bétonne
ses prérogatives
D - Le gouvernement central
quitte Jérusalem
E - Le centre du pouvoir en
mouvement
F - Le pouvoir central du
Sanhédrin face à l'empire
romain décadent
G - Le Sanhédrin à Babylone
: apogée du gouvernement
central
H - Nouveau déménagement du
Sanhédrin: direction
l'Espagne puis la Pologne
IIIè partie - Les textes
fondateurs du gouvernement
central
A - La "loi écrite", la "loi
orale"
B - La "Thora orale" et le
principe d'autorité
IVè
partie - De l'utilité
d'avoir un ennemi
A - Le judaïsme face au
christianisme naissant: le
Talmud de Jérusalem
B - Le judaïsme et le
christianisme avant la
conversion de Constantin
C - La conversion de
Constantin et la
consolidation politique de
l'identité juive face au
christianisme triomphant
D - Le Talmud de Babylone et
la codification de
l'exceptionnalisme juif
*
Ière Partie - Une religion
destinée à une seule tribu
Je ne reviens pas
sur le premier point. Dans l'ensemble
des chapitres précédents, j'ai analysé
dans quelles conditions politiques la
notion de "peuple élu" par une
divinité particulière s'était imposée à
un groupe de tribus de nomades
apparentés, en voie de sédentarisation
qui, ayant décidé de s'établir, ont jeté
leur dévolu un territoire déjà habité et
mis en valeur depuis des siècles par
d'autres peuples, et comment ces
guerriers se sont auto-justifiés
d'expulser manu militari les
habitants autochtones et de s'installer
commodément sur le territoire conquis
par l'invention d'une épopée mythique au
cours de laquelle ils auraient reçu un
cadeau du ciel. C'est à une répétition
de la même situation et du même
comportement que nous avons assisté à
partir du début du XXe siècle.
Voir
plus précisément
-
2 - L'invention du "peuple élu"
et de la "Terre Promise",
30 mars 2010
-
3 - Israël, du mythe à
l'histoire ,
27 août 2010
-
10 - La chimère du "Grand
Israël"
,
18 janvier 2012
*
IIème Partie - Un
gouvernement central vagabond
A - La construction des
fondations de ce grouvernement
théocratique: le rôle d'Esdras
Contrairement à ce
que laisse supposer la notion de "diaspora",
plutôt que d'une dispersion - notion qui
sous-entend un émiettement anarchique -
on devrait évoquer des délocalisations
volontaires de groupes qui sont toujours
demeurés en relations les uns avec les
autres, mais qui, surtout, sont restés
étroitement reliés à un centre du
pouvoir. En
effet, un gouvernement central et une
diffusion hiérarchique des directives à
partir de ce centre vers les périphéries
a toujours parfaitement fonctionné sur
le terrain, donnant naissance à une
situation originale et unique de
théocratie délocalisée.
Le gouvernement
théocratique a été fermement mis en
place durant la période qui s'étend
entre le maigre retour du dernier groupe
des exilés de Babylone conduits par
Esdras et la révolte des Maccabées. La
décision de Nabuchodonosor d'exiler
l'élite du royaume de Juda est
intervenue en -587. L'édit de
Cyrus qui autorise le retour dans leur
patrie de tous les exilés politiques -
donc y compris les Judéens - a été
promulgué en - 538. Or, Néhémie n'est
revenu une première fois en Judée qu'en
-445, soit près d'un siècle plus
tard. Quant à Esdras, la date de son
retour oscille, selon les historiens,
entre -458 et -393, soit après
une période comprise entre cent trente
et cent quatre-vingt dix ans.
Voir
:
-
4 -
Comment le cerveau d'un peuple
est devenu un bunker
, 3 novembre 2010
Ces dates sont
importantes. Elles situent les réformes
dans l'histoire réelle et leur retirent
l'aura "sacrée" intemporelle et l'espèce
de vapeur mystique qui empêche de
mesurer leur impact sur la vie de la
cité et expédient les évènements dans la
"moyenne région de l'air" dont
parle Descartes.
Grâce à ces jalons
historiques on comprend que durant
près de deux siècles, la Judée s'est
trouvée intégrée dans l'histoire commune
à tous les peuples de la terre. Des
mouvements spontanés d'entrée et de
sortie de populations venus occuper les
places laissées vides par les exilés s'y
produisirent le plus naturellement du
monde. Les mariages inter-ethniques ne
se comptaient plus, les nouveau-venus
adoptaient les coutumes et les dieux de
la société-hôte et s'intégraient dans
leur nouvelle communauté.
Esdras
montre le livre de la loi, gravure de
Doré, Bible
Tout a été
bouleversé lors de l'irruption des deux
exilés, Néhémie, le serviteur de
l'empereur perse Artaxerxès, et
Esdras, qualifié tantôt de scribe,
tantôt de prêtre, tantôt de docteur. Le
rôle du premier est plutôt celui d'un
administrateur chargé de veiller à la
reconstruction du temple et des remparts
de Jérusalem. C'était également une
sorte de muttawa qui, à l'instar
de la police affectée en Arabie Saoudite
à "la promotion de la vertu et à la
prévention du vice" se chargeait de
faire respecter une discipline
religieuse rigoureuse. Quant à Esdras,
en idéologue fanatique, il a si
profondément marqué la politique et la
religion de la petite province que la
vie sociale de la population en a été
complètement chamboulée à l'époque et
que les répliques de ce violent
tremblement de terre politique et
social, intervenu au IVe siècle avant
notre ère, continuent de se faire sentir
de nos jours.
En effet, Esdras
est le théoricien politico-religieux qui
a réussi l'exploit de faire opérer une
brutale marche arrière à l'histoire de
cette région. Par une involution du sens
de la politique de la cité en direction
d'un supposé âge d'or antique, durant
lequel la population était censée avoir
vécu dans des conditions sociales et
religieuses harmonieuses sous le regard
bienveillant de sa divinité
particulière, le scribe Esdras, sorte de
nouveau Moïse, se sentait appelé à
redonner à la Judée les lois et les
institutions qui allaient lui permettre
de rejoindre cet idéal.
Mettant ses pas
dans les pas d'Esdras, c'est à la même
négation de deux mille ans d'histoire de
la région que le sionisme messianique se
livre aujourd'hui en Palestine. Avec
Esdras, les Judéens sont entrés dans
l'histoire à reculons et depuis lors, la
marche en crabe est devenue leur forme
naturelle d'existence politique.
Pour ce faire, il
a fallu à Esdras commencer par anéantir
tous les changements démographiques,
politiques ou sociaux intervenues durant
près de deux siècles et rétablir un code
et une discipline religieux aussi
stricts que pointilleux censés avoir
existé avant la période de l'exil. Il
s'y est employé avec un zèle et un
fanatisme exemplaires. Les sionistes ont
parfaitement retenu la leçon, comme le
montrent les massacres et la
purification ethnique à grande échelle
auxquels ils se sont livrés durant les
premières décennies du XXe siècle.
En effet, ce
docteur de la loi était porteur des
quatre premiers livres du
Pentateuque dont aucun Judéen
n'avait entendu parler jusqu'alors.
Ajoutés au texte plus ancien du
Deutéronome, l'ensemble forme la
Thora, également appelée "loi
écrite".
B - Les réformes d'Esdras: la
Grande Assemblée et la
consolidation du pouvoir central
Pour comprendre
comment a pu fonctionner durant deux
millénaires la théocratie délocalisée
qui a fini par donner naissance au
sionisme, il faut revenir un instant à
l'œuvre législative fondatrice du prêtre
Esdras et à la recomposition politique,
économique et religieuse de la société
judéenne dont il fut la cheville
ouvrière.
En effet, les
auteurs des quatre premiers livres de la
Thora rédigés durant
l'exil à Babylone ne sont pas nommément
identifiés. Les différents styles des
textes révèlent qu'il y eut plusieurs
rédacteurs et qu'Esdras fut probablement
l'un d'eux. Mais il est historiquement
avéré que c'est lui qui a transporté
l'ensemble de Babylonie en Judée et
qu'il a lu solennellement au peuple
rassemblé les quatre livres nouveaux,
ainsi que le plus ancien - le
Deutéronome - profondément
remanié et devenu le cinquième.
C'est à partir de
ce moment que le contenu théologique
des textes bibliques s'est métamorphosé
en politique réelle des
Hébreux et que le mythe est devenu
histoire. C'est comme si nous
devions croire dur comme fer qu'un don
Quichotte en chair et en os serait sorti
des pages imprimées de l'ouvrage de
Cervantès pour galoper réellement
à travers le monde sur un vrai canasson.
Voir:
4
- Comment le cerveau d'un peuple
est devenu un bunker
, 3 novembre 2010
Esdras est l'un de
ces hommes-charnières auxquels
l'histoire officielle accorde une place
relativement modeste alors que le rôle
politique qu'ils ont joué de leur temps
fut déterminant et que leur influence
sur leurs successeurs demeure pérenne.
Au début du XXe siècle, un homme
politique américain dont tout le monde a
oublié l'existence et même le nom - le
Colonel House - fut, aux
Etats-unis, l'un de ces grands acteurs
qui tirèrent discrètement, mais
efficacement, les ficelles du pouvoir à
partir des coulisses et à une période
capitale. On lui doit, notamment, un
rôle décisif dans la création de la FED.
Nous continuons de payer les
conséquences de son action et le
sionisme triomphant, dont il fut dès
l'origine un ardent soutien, lui doit
également beaucoup.
Voir :
-
Du Système de la Réserve
fédérale au camp de
concentration de Gaza : Le rôle
d'une éminence grise: le Colonel
House,
3 février 2010
Afin de régénérer
une religion qu'il jugeait moribonde
lors de son retour de Babylone, Esdras
s'attaqua d'emblée au chantier de la
réforme législative et décida de
"rétablir" dans des fonctions
législatives et judiciaires une
Assemblée des Anciens qui aurait été
fondée par un Moïse légendaire un
millénaire et demi auparavant (
Nombres 11,16). D'autres
"chercheurs" font remonter l'origine de
cette assemblée à une sorte de tribunal
créé par un roi Josaphat, que le texte
biblique désigne comme un des
successeurs du pseudo royaume de Salomon
et dont on trouve la trace dans 2
Chroniques 19,8.
Or, ces deux
livres font précisément partie de
l'ensemble rédigé durant l'exil, si bien
qu'il s'agit de la mise en pratique de
projets conçus à Babylone, mais qu'il
était judicieux et plus efficace
d'attribuer à des ancêtres mythiques.
C'est bien
pourquoi selon l'article The Great
Assembly de la Jewish
Encyclopaedia de 1906 -
The great Synagogue ou
Knesset Haguedola en hébreu -
Esdras fut le vrai maître d'œuvre de
cette institution et qu'il assura
lui-même la direction de l'assemblée de
"sages" qui venait de voir le
jour et appelée depuis lors la Grande
Assemblée. Il est admis qu'elle
comptait parmi ses membres trois
prophètes classés parmi les prophètes
post-exiliques mineurs Haggai,
Zacharie et Malachie. Bien
qu'aucun document vraiment fiable ne
puisse le confirmer, le nombre de cent
vingt est aujourd'hui admis par la quasi
totalité des instances juives
contemporaines alors que la Jewish
Encyclopaedia de 1906 hésite
entre quatre-vingts ou quatre-vingt
cinq.
L'Etat sioniste
contemporain a tranché ce point de
théologie politique: il a repris le nom
de Knesset et son assemble
législative compte, elle aussi, cent
vingt membres. Cette nouvelle "Grande
Assemblée du sionisme" place donc
tacitement le nouvel Etat dans une
continuité biblique et suggère
implicitement qu'il s'agirait, après
deux mille ans d'errance - un frôlement
d'ailes de papillon au regard de
l'éternité - d'un simple retour d'exil,
semblable au retour des exilés de
Babylone. Des Juifs se sont absentés de
leur domicile, des Juifs sont revenus
chez eux, point final.
Esdras n'était pas
un prophète, mais un grand esprit
politique. En tant que figurant parmi
les probables compilateurs de la
Thora, il en était donc un
interprète particulièrement autorisé.
Les autres membres de cette Grande
Assemblée n'étaient ni élus, ni
permanents. Il suffisait de prouver
qu'on était meilleur "savant en loi
religieuse" que tel membre siégeant
pour prendre sa place. C'était un
système de roulement astucieux qui
créait à la fois une émulation
théologique et un renouvellement qui
empêchait ses membres les plus anciens
de s'incruster à vie dans l'institution.
La mémoire, l'audace, l'assurance et
l'agilité interprétative de la
Thora prouvaient que les
prétendants étaient les dignes
successeurs d'une lignée de "sages".
C'est ainsi que le
commentateur de la Thora
est devenu au fil des siècles le
personnage politique capital car, comme
l'écrit Flavius Josèphe à propos des
Pharisiens, les successeurs des membres
de cette assemblée, "ils
l'emportaient sur tous les autres par
leur piété et par une interprétation
plus exacte de la Loi".
"Séparés de l'impureté et de la
souillure" de la pratique
commune, ils se glorifiaient de "faire
une haie à la Thora".
L'institution a
ensuite évolué en fonction des
occupations politiquessuccessives de la
province, mais le principe mis en place
du temps d'Esdras a toujours été
fermement maintenu: le commentateur, le
"docteur", le "sage", le "rabbin"
ont continué d'occuper le sommet de la
hiérarchie politico-religieuse.
C - De la Grande Assemblée au
Sanhédrin:
le gouvernement central bétonne
ses prérogatives
Mais avant de
revenir sur le rôle théologico-législatif
joué par cette Grande Assemblée
ou Grande Synagogue, j'en viens à
l'institution qui lui a succédé: le
Sanhédrin.
Néhémie
arrive devant les portes en ruines de
Jérusalem, gravure de Doré, Bible
En effet, lorsque
la petite province de Palestine est
passée de la domination perse à la
domination grecque des successeurs
d'Alexandre le Grand, le rôle de la
Grande Assemblée qui avait commencé
de détacher le judaïsme du strict culte
du temple et des sacrifices d'animaux,
pour le remplacer par l'étude et les
commentaires de la Thora
s'était progressivement affaibli, mais
elle avait permis, comme le rappelait
l'historien juif Josèphe, la montée en
puissance du groupe rigoureux des
Pharisiens qui jouera un rôle
déterminant dans l'évolution
politico-théologique du judaïsme. Ils se
prétendaient les détenteurs privilégiés
d'une "loi orale" dont Esdras
aurait révélé l'existence et qui, au nom
d'une "tradition" dont ils
étaient les seuls maîtres, leur
permettait d'aller au-delà du contenu du
texte écrit. Ce que contestait un autre
groupe, appelé Sadducéens. Attachés
au service du temple, ses membres ne
reconnaissaient que la "loi écrite",
c'est-à-dire la Thora.
Mais ce groupe n'a pas connu une
postérité politique agissante et a fini
par être éliminé. En politique, les
négociateurs, les modérés, les
"centristes" sont toujours supplantés
par les "durs".
L'institution du
Sanhédrin et sa dénomination
datent évidemment de l'époque de la
domination grecque, puis romaine,
puisqu'il ne s'agit pas d'un mot hébreu,
mais grec - sun-hedra,
être assis ensemble. Mais hedra
signifie également assemblée
en grec. On ne trouve une première
mention historique indiscutable de
l'action d'un Sanhédrin que
tardivement, sous le règne du roi
Antiochus le Grand (-223 -187). (Flavius
Josèphe, Antiquités judaïques,
XIII, iii,3).
Les groupes de
Judéens qui étaient progressivement
revenus de Babylone avaient imposé
l'araméen comme langue vernaculaire en
Judée. Cependant, la langue hébraïque
n'avait pas disparu totalement, même si
elle était désormais réservée aux
prières et aux activités rituelles.
L'araméen demeura la langue ordinaire du
peuple dans son ensemble jusqu'à la fin
politique de la Judée en l'an 70, mais
après la conquête d'Alexandre, les
élites s'y exprimaient en grec, y
compris lorsque la province est passée
sous domination romaine. C'est ainsi
qu'au premier siècle de notre ère, les
Evangiles chrétiens furent rédigés en
grec.
Croquis d'un Sanhédrin
" A la même époque
encore, j'ai vu des Juifs
qui avaient installé chez
eux des femmes asdodiennes,
ammonites, moabites. La
moitié de leurs fils
parlaient l'asdodien
[l'araméen]
mais ne savaient pas parler
la langue des Juifs: c'était
comme une langue étrangère
pour eux. Je leur ai adressé
des reproches et les ai
menacés de malédictions.
J'ai frappé quelques-uns de
ces hommes, leur ai arraché
des cheveux et leur ai fait
prêter serment au nom de
Dieu en disant: "Vous ne
donnerez pas vos filles en
mariage à leurs fils et vous
ne prendrez leurs filles
comme épouses ni pour vos
fils ni pour vous.
"
Néhémie, 13,
23-25
|
L'institution du
Sanhédrin et de son corollaire, le
rabbinat, furent le centre du pouvoir et
de la cohésion des communautés juives
dans le monde entier. Chaque région
hellénisée possédait son petit Sanhédrin
revenu à soixante et onze membres, mais
celui de Jérusalem était évidemment le
plus important. Il demeure le plus
célèbre, parmi les chrétiens, puisqu'il
est à l'origine de la crucifixion du
créateur de la nouvelle religion après
sa condamnation à mort pour blasphème
par le tribunal de cette assemblée. En
effet, le Sanhédrin exerçait pleinement
la justice, possédait sa propre police
et pouvait procéder à des arrestations.
C'est ainsi que Jésus fut arrêté par la
police du Sanhédrin. Le Sanhédrin
pouvait également condamner à mort, mais
les Romains avaient restreint ses droits
et lui avaient retiré celui d'exécuter
les sentences, ce pouvoir étant réservé
au maître romain. C'est pourquoi Jésus a
été crucifié - une punition romaine - et
non lapidé conformément à la loi juive.
Présidée par un
"prince" - le nassi - cette
assemblée aux attributions très larges
jouait donc le rôle d'un véritable
gouvernement à la fois religieux et
civil. Outre son pouvoir judiciaire,
elle légiférait sur les mariages dans
les familles sacerdotales, mais elle
s'occupait également du cadastre de
Jérusalem et des constructions dans les
faubourgs, elle établissait le
calendrier et les dates des fêtes
rituelles et surtout elle déchiffrait,
interprétait et établissait une
codification définitive de la loi juive.
D - Le
gouvernement central quitte
Jérusalem
Avant même la
chute de Jérusalem en l'an 70, le
Sanhédrin s'était subrepticement
délocalisé à Yavneh (ou Jammia
selon la terminologie romaine).
Pour expliquer
comment les principaux notables
pharisiens avaient réussi à quitter la
ville, alors en proie à la fois à un
siège de l'armée romaine et à une atroce
guerre civile menée par un autre groupe
de Judéens, les Zélotes encore
plus rigoureux et plus fanatiques que
les Pharisiens, l'histoire juive
raconte l'anecdote suivante : le chef
des Pharisiens de l'époque, Rabbi
Yo'Hanan ben Zakaï, aurait inventé
le stratagème de se faire enfermer dans
un cercueil qui aurait été déposé aux
pieds de Vespasien, alors Général en
chef des légions romaines, car les
Zélotes qui tenaient la ville menaçaient
de crucifier quiconque tenterait de
sortir. Ils n'autorisaient que le
passage des cercueils.
Il faut imaginer
la scène d'un rabbin juif jaillissant de
son cercueil et saluant le général
romain du titre d'empereur, alors que la
nouvelle de sa désignation à l'imperium
n'avait été connue que plus tardivement.
Vespasien aurait été si impressionné par
cette flatterie, qu'en barbare
superstitieux il l'aurait interprétée
comme la marque d'un esprit
exceptionnel, capable de prédire
l'avenir. A titre de récompense, le
Général romain aurait, durant le siège
de Jérusalem, accordé des sauf-conduits
à tous membres du Sanhédrin de
Jérusalem, les autorisant à s'installer
dans la petite ville Yavneh. La ruse
d'un rabbin aurait sauvé le judaïsme en
sauvant les ultimes détenteurs de la "loi
orale". Je reviendrai sur cette
notion.
La vraisemblance
de la scène laisse pour le moins rêveur,
on brûle d'avoir des détails sur les
péripéties qui auraient permis à ce
cerceuil et à son contenu de seulement
arriver jusqu'à la tente du futur
empereur! Hélas, on n'en trace nulle
part ailleurs que dans la légende dorée
du judaïsme. Si elle avait existé, une
péripétie aussi piquante n'aurait pas
échappé à la plume d'un Suétone ou d'un
Tacite qui a décrit un Vespasien
réticent à accepter l'empire. Le
chroniqueur juif Flavius Josèphe,
pourtant contemporain des évènements -
et lui-même survivant du siège - est
muet sur ce sujet.
Ce genre
d'anecdote illustre le besoin de tout
groupe humain de se créer un passé
mythologique héroïque afin de nourrir
l'imaginaire du peuple. Cet épisode
cocasse est à ajouter aux évènements
mythologiques rapportés dans les livres
du Pentateuque. L'histoire
juive est coutumière de ce genre de
petite vantardise destinée à flatter l'ego
national et à illustrer l'ingéniosité
des dirigeants. Elle s'était déjà
manifestée à propos des grâces dont les
Judéens auraient été bénéficiaires de la
part de Cyrus, d'Artaxerxès ou
d'Alexandre le Grand.
Voir
-
4 -
Comment le cerveau d'un peuple est
devenu un bunker , 3
novembre 2010
-
5 -
La théocratie ethnique dans le
chaudron de l'histoire ,
3 janvier 2011
Toujours est-il,
que la délocalisation à Yavneh a bien eu
lieu et que les membres du Sanhédrin ont
réussi à s'exfiltrer de la ville
assiégée. Cette première émigration du
siège du gouvernement théocratique
marque la fin d'une époque, mais
nullement celle du règne des Pharisiens
sur la mentalité des Judéens.
Il est intéressant
de noter que les pères fondateurs de la
Constitution des Etats-Unis ont créé
le Sénat américain sur le modèle
architectural du Sanhédrin biblique
- et notamment la présentation en
demi-cercle des sièges des sénateurs -
mais ils ont pris soin de séparer les
immenses pouvoirs du Sanhédrin de Judée
et de les répartir entre deux
institutions, un Sénat et une Cour
suprême. Or, c'est précisément le
regroupement des pouvoirs exécutif,
législatif et judiciaire entre les
seules mains du Sanhédrin juif qui
assurera l'immense pouvoir que cet
organisme exercera sur les communautés
dispersées.
E - Le centre du
pouvoir en mouvement
Après la
destruction de Jérusalem et le transfert
de son Sanhédrin à Yavneh, les
Romains acceptèrent que le Rabbin Nassi
du Sanhédrin (le Prince de Judée)
en fût le chef local. Rome reconnaissait
à la fois son autorité religieuse et son
pouvoir judiciaire. Mais en réalité, le
pouvoir du Sanhédrin de Jérusalem
n'était pas seulement local: il agissait
en tant que représentant de tous les
Juifs de l'empire, si bien qu'une sorte
de gouvernement central, assisté d'une
assemblée a continué de fonctionner en
Palestine.
Un petit village
agricole sis au centre de la Judée,
devint, de fait, le nouveau centre
politique et spirituel du judaïsme
mondial sans qu'il y eût aucune
déclaration officielle de l'ensemble des
"sages" et des "docteurs de la
Loi" - comme ils se désignaient
eux-mêmes. A partir de ce nouveau
centre, le Nassi - le rabbin au cercueil
évoqué ci-dessus - pouvait envoyer ses
instructions à toutes les communautés de
la région. Les groupes de la diaspora
situés hors de Palestine se tournaient,
eux aussi, vers Yavneh pour tout ce qui
concernait l'interprétation de la loi
religieuse et civile confondues, ainsi
que sur les modes de leur application
dans la vie quotidienne. Des messagers
sillonnaient la province quasiment en
permanence dans les deux sens.
Quant à
l'importante et prospère communauté qui
se plaisait en Perse depuis cinq siècles
et qui n'avait nullement l'intention
d'en bouger, elle était informée des
dates des principales fêtes, et
notamment du pèlerinage de la Pâque,
grâce à un système astucieux de signaux
de fumée à partir d'une chaîne de feux
allumés sur les hauteurs.
Après un siècle de
séjour à Yahneh, le Sanhédrin, ainsi que
les "académies" - des Yeshiva
- qui avaient été créées afin de rédiger
des commentaires de la Thora,
quittèrent le petit village et, en l'an
140, après la révolte de Bar-Kochva
(132-135), s'installèrent dans un bourg
plus calme, à Usha.
En l'an 169, le
Sanhédrin et sa suite déménagèrent à
Shefaram (Shafa-Amar),
actuellement un village druze de la
haute Galilée. La situation géographique
de ce gros bourg agricole, entre deux
collines, mais surtout traversé par une
voie romaine stratégique, en faisait une
localisation politique nettement plus
favorable que Javneh ou Usha, puisque
cette voie assurait une communication
aisée vers la vallée du Jourdain, d'un
côté, et la baie de Haïfa, de l'autre.
On ne connaît pas
la raison qui poussa le Sanhédrin et les
"académies" à déménager à Beit-Shearim
(Besara). Peut-être parce que ce
bourg était un important site de
stockage des céréales. L'historien juif
de la grande révolte de 68-70 contre les
Romains, Flavius Josèphe, y avait son
quartier général au début des
hostilités. Le Sanhédrin demeura trente
ans durant - entre 180 et 210 - dans ce
gros bourg de Galilée.
Puis, toujours
saisi par la bougeotte et à la recherche
d'un point de chute idéal qui lui
permettait de diffuser commodément ses
directives, le Sanhédrin et les "docteurs
de la loi" s'installèrent à
Sepphoris, un autre gros bourg dont
Hérode le Grand avait fait la capitale
de la basse Galilée, mais qui, après la
seconde grande révolte juive contre
l'empire romain, celle de Bar-Kochva,
déjà rappelée, avait été en partie
rasée, puis reconstruite. Les Romains la
nommèrent Deocaesarea (ville
de Zeus et de Caesar).
Sepphoris - Route romaine
L'important, une
fois de plus, était de se trouver sur
une excellente voie de communication. En
effet, en dépit de cet "accident"
historique, cette cité était idéalement
située et les grands bâtisseurs de
routes en firent un nœud routier
important. Instruits par les révoltes
précédentes, les Romains, avaient à cœur
de pouvoir se déplacer très rapidement à
travers la province. Sepphoris était
donc reliée au port d'Acre en passant
par Usha, mais elle était également
reliée à Meggido, un site
stratégique qui, à travers les collines
du Carmel, permettait de retrouver
l'ancienne Via Maris qui reliait
l'Assyrie à l'Egypte. C'est sur ce
site que le roi Josias s'était cru
capable d'arrêter l'armée du pharaon
égyptien Nechao II et qu'il y fut blessé
à mort durant la bataille.
Voir :- 2
- L'invention du "peuple élu" et
de la "Terre Promise",
30 mars 2010
Une route romaine
traversait également le plateau du Golan
en direction de l'importante cité de
Tibériade sur les bords de la Mer
Morte. C'est finalement dans cette
riante capitale de la Galilée que les
docteurs de la loi ont achevé leur
course à travers la province de
Palestine. Tibériade fut un centre
religieux, administratif et culturel
particulièrement animé et agité de la
judéité en raison des aigres querelles
qui agitaient les rabbins. Néanmoins le
centre continua de fonctionner durant
environ cinq siècles, et ce jusqu'à la
conquête de toute la région par les
Perses et les Arabes. Les plus
importants textes post-bibliques - la
Michna et le Talmud
dit "de Jérusalem" - furent rédigés dans
ce cadre paradisiaque.
Tibériade,
ruines de l'ancienne ville
Ce qu'il y a de
frappant dans tous ces déménagements du
centre du pouvoir politico-religieux,
c'est de voir à quel point ils sont
conditionnés par la commodité des voies
de circulation et à quel point les têtes
politiques du Sanhédrin qui ont sillonné
la Galilée ont eu d'emblée le sens de la
"com". Ils ont su utiliser le principal
outil de communication de l'époque, à
savoir les gigantesques aménagements
routiers que construisait partout
l'empire romain afin que les légions
pussent arriver rapidement sur les lieux
en cas de révolte.
F - Le pouvoir
central du Sanhédrin face à
l'empire romain décadent
Au début du IVe
siècle, toute l'organisation
politico-religieuse patiemment
construite par le Sanhédrin à
l'intérieur de la Palestine a subi un
véritable bouleversement. C'était
l'époque du déclin de l'empire romain
durant laquelle les Césars étaient
nommés par les légions et où les
candidats pullulaient.
L'an 138 avait
pourtant marqué une date importante dans
l'histoire des relations des Juifs avec
Rome: les deux Talmud(s)
mentionnent la conversion d'un Antonin
au judaïsme, sa circoncision, ainsi que
des relations fraternelles avec le
rabbin Yéhoudah ha-Nassi. Cette
information est absente de l'histoire
romaine. Son origine trouve probablement
sa source dans une interprétation
exagérée du fait que l'empereur
Antonin le Pieux (86-161) aurait
accordé au judaïsme pharisien le statut
de religion reconnue et légitime, en
signe de reconnaissance pour les dons
d'un rabbin thaumaturge qui aurait
miraculeusement guéri sa fille. Les
résidents juifs étaient alors devenus
une partie officielle de la population
de l'empire romain.
Voir :
11 - Nous sommes un peuple
, 14 mars
2012
Mais, comme cela
avait été le cas en Egypte, notamment
sous les Ptolémée, le luxe inouï et
ostentatoire de quelques-uns, ainsi que
les privilèges dont ils avaient été
comblés par les empereurs du premier
siècle, exaspéraient le peuple romain et
avaient provoqué une animosité populaire
qui se manifestait parfois violemment
contre tous les Juifs. Et pourtant,
l'immense majorité d'entre eux vivait
pauvrement dans un quartier sale et
retiré de Rome - le Transtévère -
une sorte de ghetto avant la lettre et
se livraient surtout au commerce et à de
petits métiers plutôt misérables.
Mais une colère
populaire ne fait jamais dans la
dentelle, surtout lorsqu'elle se double
d'un conflit religieux.
Or Rome faisait
pourtant preuve, à l'époque, d'une
tolérance remarquable envers tous les
cultes et toutes les superstitions.
L'écrivain romain Varron rapporte, en
effet, que l'expansion territoriale de
l'Empire aidant, la Ville avait fini par
compter environ trente mille dieux. Les
cent cinquante sept jours fériés dans
l'année étaient à peine suffisants pour
les honorer tous. Le dieu Jahvé était
l'un d'entre eux. "La terre est
pleine de dieux" avertissait
Cicéron (-106 à -43) dans son De
natura deorum. L'historien grec
Polybe (vers -208 à environ -126) s'en
amusait déjà. "Les Romains sont
plus religieux que les dieux eux-mêmes",
écrivait-il.
Dans l'empire
romain, les Grecs, les peuples
asiatiques, les Germains, les Gaulois,
tous pratiquaient leurs rites propres,
mais à la différence des Juifs, ils
acceptaient de se conformer aux us et
coutumes de la cité et de s'incliner
devant les statues de Mars et de
Jupiter. Tous pouvaient pratiquer leurs
religions et leurs superstitions à
condition de ne pas nuire à la religion
officielle. Or, la grandeur de Rome et
l'observance rigoureuse des rites de la
religion nationale ne faisaient qu'un.
Les décisions des magistrats n'étaient
valables que si certains rites étaient
pratiqués, les augures guidaient les
mouvements des légions et les sacrifices
aux dieux dont il fallait se concilier
les faveurs étaient permanents.
En face de la
religion d'Etat officielle, le
ritualisme, l'intolérance et le mépris
affiché des adorateurs de Jahvé pour les
autres croyances, notamment pour les
dieux romains, excluait qu'ils
acceptassent toute concession et même
tout désir de comprendre la société dans
laquelle ils s'étaient installés et dont
ils tiraient leur subsistance. De plus,
un prosélytisme ardent et
particulièrement efficace inquiétait les
Romains car il mettait en péril les
fondements mêmes de l'empire qui
reposaient sur une observance stricte
des pratiques religieuses nationales.
"Pourquoi,
dans toutes ces contrées,
dans toutes ces villes, les
Juifs furent-ils haïs ?
Parce que jamais ils
n'entrèrent dans les cités
comme citoyens, mais comme
privilégiés. Ils voulaient
avant tout, quoique ayant
abandonné la Palestine,
rester Juifs, et leur patrie
était toujours Jérusalem,
c'est-à-dire la seule ville
où l'on pouvait adorer Dieu
et sacrifier à son temple.
Ils formaient partout des
sortes de républiques,
reliées à la Judée et à
Jérusalem, et de partout ils
envoyaient de l'argent,
payant au grand-prêtre un
impôt spécial, le didrachme,
pour l'entretien du temple."
Bernard Lazare,
L'antisémitisme
|
G - Le Sanhédrin
à Babylone : apogée du
gouvernement central
Au IVe siècle, des
heurts de Juifs avec une garnison
romaine éclatèrent dans la province de
Palestine et entraînèrent la destruction
de Tibériade, de Séphoris et de Lydda,
les anciennes localités de résidence du
Sanhédrin. Du coup, le Sanhédrin
s'empressa de déménager une fois de plus
et se replia en lieu sûr, en Babylonie.
Peu d'exilés
étaient finalement retournés en
Palestine après l'édit de Cyrus. Ils
s'accommodaient parfaitement de la vie
facile et luxueuse de Babylone et
avaient fini par constituer une riche
colonie de fonctionnaires à la cour -
comme ce fut le cas de Néhémie. Ils
étaient également banquiers, artisans
prospères, riches marchands exportateurs
de grains, de vins, de laines ou
importateurs de fer, de soie, de pierres
précieuses, mais aussi, plus modestement
agriculteurs, éleveurs, tenanciers ou
colporteurs. Ce qui n'empêchait pas tout
ce monde parfaitement heureux de vivre
paisiblement au bord de l'Euphrate, de
gémir sur la douleur d'un exil
volontaire que personne n'avait envie de
faire cesser. " Sur les rives des
fleuves de Babylone, nous nous sommes
assis, et là, nous avons pleuré au
souvenir de Sion. " (Psaume
CXXXVI. 1)
Ce type de "société
de l'exil" devint un modèle pour
les communautés qui s'installèrent plus
tard dans les mondes chrétien et
musulman.
Le Sanhédrin
s'installa donc à Soura, une
vieille cité agricole située dans la
partie sud du vieux Babylone et sur la
rive ouest de l'Euphrate. La théocratie
y établit ses quartiers pour cinq
siècles et les fameuses "académies"
furent crées à Pumbédita et à
Néhardéa.
H - Nouveau déménagement du
Sanhédrin: direction l'Espagne
puis la Pologne
De nouveau, après
trois siècles d'une quiétude entrecoupée
de bouffées de violences suscitées par
des Mages persans qui détestaient à la
fois les juifs et les chrétiens, les
académies furent fermées, la célébration
du sabbath fut interdite et les
adorateurs de Jahvé furent victimes de
vexations multiples.
Là commence l'
alliance du judaïsme avec des tribus
arabes qui se traduisit par l'expansion
du judaïsme dans la péninsule arabique.
Après une période de séduction
réciproque, la religion judaïque et la
religion musulmane naissante entrèrent
en conflit ouvert. Néanmoins, le
gouvernement central du judaïsme
s'empressa d'emboîter le pas aux
conquérants arabes et après
d'innombrables conversions en Afrique du
Nord, finit par arriver dans la
péninsule ibérique dans laquelle ils
rejoignirent une importante et prospère
communauté juive établie là depuis
longtemps. En effet, les rois Wisigoths
accordaient leur protection aux Juifs
établis de longue date et avaient permis
l'éclosion et d'une puissante
communauté.
L'ultime
déplacement officiel d'un Sanhédrin se
produisit au XVIIe siècle en direction
de la Pologne où se trouvait concentrée
une énorme population de judaisants,
dont personne n'avait entendu parler en
Occident. C'est là un sujet que les
sionistes évitent soigneusement.
L'historien Bernard Lazare, juif
lui-même, premier soutien du capitaine
Dreyfus et auteur de l'extraordinaire
somme sur les origines historiques,
ainsi que les causes sociales et
religieuses de l'évolution de
l'antisémitisme principalement européen,
ne mentionne qu'en passant l'existence
de cette masse de co-religionnaires qui
semblent surgis de terre comme des
champignons après la pluie.
Depuis le XIXe
siècle, il n'existe plus de centre du
pouvoir juif officiel. Il n'en
demeure pas moins vrai qu'un pouvoir
omniprésent, mais diffus, plus puissant
que jamais, siège sur les rives du
Potomak. Je reviendrai sur ces points
dans le prochain texte.
*
IIIe partie - Les
textes fondateurs du gouvernement
central
A - La "loi écrite", la "loi
orale"
"L'Éternel
dit à Moïse: Monte vers moi sur la
montagne et reste là: je veux te donner
les tables de pierre, la doctrine et les
préceptes, que j'ai écrits pour leur
instruction." (Exode
24-12).
Les cinq Livres
dits de la "loi écrite" ou
Thora, sont donc censés
directement dictés et même rédigés
personnellement par le dieu Jahvé.
Pour résumer
l'argumentaire de cet ensemble, disons
qu'il s'agit du récit des aventures
théologico-onirico-politiques d'ancêtres
mythiques d'un groupe de nomades en
train de conquérir leur espace vital et
de leurs relations avec un personnage
surnaturel - un dieu local - lequel
aurait décidé, un beau jour, de se
manifester à un chouchou afin de lui
confier qu'il allait dorénavant veiller
tout spécialement sur le bonheur et la
prospérité de la tribu qu'il dirigeait.
Certes, une contre-partie était prévue,
dont les clauses avaient été gravées sur
deux blocs de granit. Néanmoins le
contrat était jugé profitable, puisque
tous les membres de ces tribus se sont
illico auto-qualifiés de peuple "élu"
ou "choisi" par leur protecteur
extra-terrestre. Depuis lors, ils
clament que celui-ci leur aurait non
seulement "promis", mais donné
un territoire particulier et leur aurait
conféré le droit et le pouvoir d'en
chasser les premiers occupants, de
s'installer dans leurs maisons et de
s'en attribuer la propriété ad vitam
aeternam, le tout en toute
innocence, puisque réalisé à
l'instigation et sous la protection d'un
notaire surnaturel. On voit clairement
le passage de la fiction à la réalité
concrète.
Woody Allen a
repris ce procédé artistique dans son
film La rose pourpre du Caire
lorsque le héros du film traverse
l'écran et s'installe à côté de la jeune
héroïne, simple spectatrice de la
projection du film, pour vivre avec elle
moult aventures passionnantes. Le
cinéaste américain a génialement
représenté le mécanisme psychologique
par lequel un rêve prend corps et
devient "vérité" et "réalité" aux yeux
du rêveur.
C'est par un
mécanisme mental semblable à celui du
film d'Allen qu'un groupe d'humains a vu
un jour un personnage surnaturel qu'il a
nommé Dieu, sortir de l'écran de son
imaginaire bavarder avec l'un des siens,
conclure un contrat avec lui et sceller
leur entente par le cadeau d'un
territoire. La bible est le récit de
cette extraordinaire expérience
psychologique d'un groupe d'humains qui,
depuis lors, continue de considérer que
les aventures qui se déroulent sur
l'écran de son imaginaire constituent la
réalité de l'histoire.
La preuve absolue
que le scénario biblique colle point par
point au scénario du film de Allen c'est
que, de même que la jeune fille a trouvé
parfaitement normal que le héros d'un
film qu'elle voyait pour la cinquième
fois vienne enfin à ses côtés et la
prenne dans ses bras, de même personne,
ni hier, ni de nos jours, ne trouve
anormal qu'il pourrait exister un
personnage extra-terreste, qui aurait
fait un petit saut sur la terre ferme
pour s'exprimer avec un quidam dans la
langue du pays et qui serait en même
temps l'heureux propriétaire de
territoires parfaitement concrets, qu'on
peut toucher de ses mains et fouler de
ses pieds, dont il aurait généreusement
offert une parcelle bien déterminée à
des humains en chair et os. Le mélange
de magie et de réel donne à penser sur
le fonctionnement mystérieux des
souterrains du psychisme humain.
Non seulement la
métaphore d'un Abel génétiquement
innocent quels que soient ses crimes et
d'un Caïn génétiquement coupable quoi
qu'il entreprenne est une ligne de force
du récit biblique - "Yahvé agréa
Abel et son offrande. Mais il n'agréa
pas Caïn et son offrande" Gn 4,
4-5). On comprend parfaitement les
motivations psychologiques et politiques
d'auto-justification de leur larcin que
traduit le récit biblique, mais cette
notion se trouve si profondément
incrustée dans l'inconscient actuel de
ce groupe humain qu'un rabbin, pourtant
chargé de la "direction spirituelle"
de la branche lituanienne du judaïsme -
Aharon Yehuda Leib Shteinman -
peut, au XXIe siècle, affirmer
tranquillement et en public:
"Il y a huit
milliards d'habitants dans le monde. Et
que sont-ils? Des assassins, des
voleurs, des gens sans cervelle…".
[4]
Autrement dit, huit à dix millions
d'Abel innocents, "élus" par leur
dieu font face à huit milliards de
voyous - de Caïn génétiques, voués aux
gémonies.
Rabbin
Aharon Yehuda Leib Shteinman
Le gouvernement
sioniste moderne a parfaitement intégré
cette mentalité dans sa pratique
quotidienne et c'est sans le moindre
état d'âme qu'Abel l'innocent, persécute
jour après jour le Caïn palestinien,
coupable avant même sa naissance, mais
qui s'accroche à sa terre au grand dam
d'Abel, lequel s'emploie, avec l'aide de
son dieu, de sa bonne conscience et de
ses missiles, à vider "sa" terre
sacrée de cette pustule polluante.
A partir des
péripéties du récit se dessine le
portrait d'un dieu taquin et qui aimait
les rébus. Il se serait donc manifesté
d'abord durant le rêve d'un vieillard
présenté dans la fiction comme
originaire de Mésopotamie et appelé
Abraham. Tous les membres de la tribu
actuelle seraient ses descendants. Les
auteurs du récit se sont donc
délibérément catalogués dès l'origine
comme une population étrangère à la
Palestine, et donc comme des colons
conquérants et des étrangers.
Ensuite, on ne
sait pas trop bien par quelle filiation,
un autre personnage mythique, Moïse,
joue un rôle important dans la fiction,
puisqu'il est le messager en chair et en
os qui rencontra le personnage
extra-terrestre. Les scripteurs à
l'imagination un peu courte - et qu'on
pourrait qualifier de plagiaires -
empruntèrent quelques épisodes de leur
récit à des fictions parallèles qui
circulaient depuis des décennies dans
d'autres provinces du bassin
méditerranéen, notamment en Egypte et en
Babylonie où ils résidaient à ce
moment-là - quelle heureuse coïncidence!
Ils ont donc pillé des chapitres entiers
de ces mythes antiques, notamment sur
les circonstances extraordinaires qui
entourèrent la naissance de leur héros
ainsi que la description de plusieurs
autres de ses exploits.
Ce personnage-clé
aurait rencontré le grand protecteur de
la tribu à diverses reprises, tantôt sur
une montagne, tantôt dans un désert.
C'est à l'occasion de ces rencontres que
l'extra-terrestre lui aurait offert les
blocs de pierre évoqués ci-dessus. Le
divin notaire aurait rédigé lui-même le
règlement auquel devrait se plier la
conduite des membres de cette tribu,
règlement tellement semblable à celui
qu'un ancien souverain mésopotamien
avait imaginé en son temps et appelé "code
Hammurabi" qu'on se demande -
horribile dictu - s'il ne s'agirait
pas d'un plagiat supplémentaire de la
part des auteurs. Mais en espèce, et
afin que la scène frappe davantage les
esprits, c'est l'extra terrestre
lui-même qui aurait gravé les dix
commandements sur des tablettes de
granit qui se seraient précisément
trouvées toutes prêtes à cet endroit.
Voir:
III - Israël, du mythe à
l'histoire,
27 août 2010
Il semble que les
rédacteurs de la fiction ne soient pas
parvenus à se mettre d'accord sur la
meilleure manière de présenter la scène
puisqu'on se trouve en présence de deux
versions bien différentes du même
évènement. "Jahvé parlait à Moïse
face à face , comme un homme parle à son
ami " (Exode,
32,10), prétend l'un des auteurs. Il
s'agirait donc d'un dialogue entre amis,
donc entre égaux. Pas du tout, affirme
l'autre, Moïse n'a pas vu le visage du
dieu, il a juste senti le frôlement de
sa main et l'a aperçu de dos: "Tu
ne peux voir ma face, car l'homme ne
peut me voir et vivre ! Voici un endroit
près de moi ; tu te tiendras debout sur
le rocher. Et quand passera ma gloire,
je te mettrai dans le creux du rocher et
je te couvrirai de ma main jusqu'à ce
que je sois passé. Puis je retirerai ma
main et tu me verras de dos ; mais ma
face, on ne peut la voir. " (Exode,
33 , 20-23) Cette fois, une hiérarchie
est clairement affirmée entre les deux
interlocuteurs: plus question de
familiarité et d'égalité, l'homme ne
peut voir le dieu de ses yeux de chair.
Il doit essayer de décrypter le mystère
de la gloire du passage du divin.
Les motivations
théologiques des scripteurs sont
inconciliables en l'espèce. L'enjeu
n'était pas mince, il s'agissait, au
moyen du récit, de préciser les statuts
respectifs de l'homme et du Dieu.
Voilà résumé en
termes délibérément non théologiques
le contenu de ce qui est censé
constituer la Loi écrite. Mais
les "docteurs de la loi"
ajoutèrent un point capital à la partie
officiellement rédigée: ils affirmèrent
que, prudent et cachottier, le dieu
aurait profité de ses rencontres avec
son messager doté d'une mémoire
particulièrement excellente, pour lui
susurrer à l'oreille une foule de
secrets auxquels ils sont les seuls à
avoir eu accès depuis lors. L'ensemble
des secrets destinés à une élite est
appelé Loi orale.
Or, comme je l'ai
rappelé ci-dessus, le récit des exploits
du dieu Jahvé et des ancêtres hébreux
ont été portés à la connaissance des
Judéens par Esdras au cinquième ou au
début du IVe siècle siècle avant notre
ère, selon la date retenue pour le
retour du scribe en Judée. Celui-ci
n'était pas seulement un responsable
religieux plein d'imagination et de
talent, c'était également un véritable
esprit politique. En effet, en tant que
porteur des cinq chapitres du récit et
chef de la Grande Assemblée et alors que
le texte lui-même ne dit rien de tel, il
a réussi l'exploit politique d'imposer
la croyance que la citation ci-dessus
implique qu'à côté de la Thora
écrite, il existerait une
Thora orale dont le personnage
de Moïse aurait été le récipiendaire et
le bénéficiaire.
Une multitude de
secrets pratiques est censée avoir été
révélée au héros alpiniste au sommet de
la montagne. Ces secrets auraient été
ensuite transmis, tout aussi
secrètement, à son successeur, le non
moins mythique Josué, lequel les aurait
communiqués, toujours oralement et
secrètement, à ses successeurs et ainsi
de suite de génération en génération
durant deux millénaires.
Après avoir fait
une petit halte politique qui avait
permis à Esdras de mener à bien ses
réformes, les secrets révélés à Moïse
auraient repris leur petit bonhomme de
chemin oral, avant de parvenir aux
derniers récipiendaires qui, confrontés
au désastre de la destruction du temple
et de l'anéantissement de Jérusalem,
s'étaient décidés à mettre le tout par
écrit, ce qui a abouti au premier siècle
de notre ère au corpus de la
Michna, puis à la gigantesque
compilation des deux Talmud
que nous connaissons aujourd'hui. Celui
dit de Jérusalem, rédigé en
araméen dans les localités de Galilée
dans lesquelles a séjourné le Sanhédrin
et très partiellement en hébreu, fut
achevé à la fin du IVe siècle, au moment
du départ de Tibériade. Quant au
Talmud dit de Babylone,
il fut définitivement achevé vers l'an
700. Rédigé en hébreu et en araméen
babylonien, il représente le contenu de
cinq mille volumes in-quarto!
Le mot
Talmud signifie enseignement
en hébreu littéraire.
B
- La Thora orale et le principe
d'autorité
L'invention de la
notion de Thora orale est
l'exploit théologico-politique le plus
extraordinaire et le plus efficace,
politiquement parlant, à mettre à
l'actif du scribe Esdras. Elle est
l'illustration la plus remarquable du
fonctionnement du principe d'autorité.
A partir du moment où un groupe se
déclare détenteur de secrets
surnaturels, son autorité est
démultipliée par le mystère et la
sacralité dont il s'est entouré. Il
serait saugrenu et même sacrilège
d'exiger des preuves ou des
justifications de ce qui est affirmé.
Personne n'ose contester une autorité
censée transmise de génération en
génération depuis deux millénaires et
censée directement chue de la nue. Elle
finit par devenir in-contestable et donc
sacralisée.
Voir:
Manuel de Diéguez et l'étude du
fonctionnement du "principe
d'autorité": -
Les
élections présidentielles et
l'expression de la vérité politique
- La France et la liberté de pensée,
8 avril 2012
C'est cette notion
politique élastique qui a permis de
mettre sur le compte de la révélation
divine les commandements les plus
restrictifs, les digressions les plus
farfelues et les plus immorales, mais
légitimées par le sceau d'une "loi
orale" révélée par une divinité.
Ainsi, l'autorité
attachée à la détention de secrets
divins a permis à Esdras de faire fi de
deux siècles de modifications politiques
et démographiques. C'est au nom de Jahvé
que les "réformes" d'Esdras ont imposé
la purification ethnique qui, depuis
lors, continue de s'appliquer dans
l'Etat sioniste moderne. Depuis les
"réformes" d'Esdras, la politique de la
Judée a définitivement basculé dans la
régression et la fermeture, refusant
toute forme d'intégration dans le
courant de l'histoire en marche. L'idéal
religieux et social gît quelque part
dans un lointain passé, un passé
imaginaire et mythifié, qu'il faudrait
tenter de rejoindre. Pour Esdras, pour
ses contemporains, pour ses successeurs
et pour le sionisme politique
contemporain, son héritier direct, comme
dans le conte de La Belle au bois
dormant, le temps s'est
immobilisé.
Les mythologues
sionistes actuels s'apparentent à une
varié de de saumons. L'œil fixé sur un
passé idéal, ils rament de toutes leurs
forces à contre-courant du fleuve du
temps historique afin de tenter de
ressusciter la Dulcinée de leurs rêves
blottie dans la frayère originelle,
c'est-à-dire une terre idéale, vide,
donc sans intrus arabes et qui attendait
leur retour, mais entretenue durant deux
millénaires par des légions de séraphins
envoyés par Jahvé.
Face à ce délire
psycho-théologique, l'existence des
Palestiniens ou la réprobation
internationale ne sont que vulgaires
cascades à franchir. Or, l'on sait que
les saumons sont capables de sauter des
cascades de trois mètres ou de profiter
des inondations pour franchir des
routes. C'est pourquoi les sionistes
s'appliquent à grignoter avec
persévérance la Cisjordanie et, par de
vigoureux coups de queue, profitent de
chaque circonstance favorable pour
construire de nouvelles colonies ou pour
agrandir celles qui sont déjà installées
sur les territoires volés aux
Palestiniens, espérant arriver un jour à
rejoindre la frayère mythique, avant que
le mâle et la femelle épuisés, aient
succombé en route.
Esdras, épaulé par
son comparse Néhémie, fut le saumon
athlétique qui le premier réussit cet
exploit. C'est sous leur impulsion
conjuguée qu'ont été posées les
fondations d'un jahvisme exclusiviste
qui reposait sur le principe de
l'élection particulière de ce groupe
humain et donc sur la nécessité de
nettoyer la population des éléments
impurs et impies qui s'étaient infiltrés
sur la terre sacrée et l'avaient polluée
de leur présence intempestive. Avec une
brutalité qui n'était possible qu'en ce
temps-là, ce scribe s'est mobilisé
contre un siècle et demi de pratiques de
mariages mixtes. Non seulement de tels
mariages seraient interdits à l'avenir,
mais les femmes légitimement épousées,
ainsi que leurs enfants, devaient être
expulsés du paradis yahviste.
"Le
pays [...] est souillé par
la souillure des peuples des
pays
(c'est-à-dire
des étrangers), par
les abominations dont ils
l'ont rempli d'un bout à
l'autre par leur impureté.
Et maintenant, ne donnez pas
vos filles à leurs fils, ne
prenez pas leurs filles pour
vos fils, ne recherchez
jamais ni leur prospérité,
ni leur bonheur."
Esdras, 9, 11-12
|
Lorsque le
ministère de l'éducation de l'actuel
Etat sioniste propose lors d'un examen
d’instruction civique en Israël
d'expliquer "pourquoi les jeunes
filles juives ne doivent pas fréquenter
les Arabes », il se place dans
le sillage direct du racialisme
d'Esdras.
[5]
Du temps d'Esdras,
la pureté des généalogies se comptait à
partir du début de l'exil. Or, entre le
début de l'exil et le retour du scribe
- entre -538 et -393 - c'est pour
le moins six à sept générations qui se
sont trouvées dans la ligne de mire de
l'épurateur qui servira de modèle aux
épurateurs nazis qui recherchaient des
demis, des quarts ou des huitièmes
d'ancêtres juifs chez leurs concitoyens
persécutés.
Cet épisode
tragique de l'histoire récente permet
d'imaginer ce que fut la chasse aux
femmes légitimement épousées, ainsi qu'à
leurs enfants traqués par des fanatiques
qui sillonnaient les ruelles et
pénétraient dans les maisons. Certains
cachèrent les enfants, quelques-uns
résistèrent, mais l'immense majorité non
seulement se soumit aux directives du
fanatique réformateur, mais offrit des
sacrifices expiatoires.
Telle est la
puissance du principe d'autorité.
Pour comprendre la
profondeur du choc, de la terreur et du
traumatisme social qui accompagnèrent
cette mesure, il faut imaginer ce que
serait aujourd'hui une France dont la
population subirait une épuration
ethnique sur la base d'un recensement de
la population datant du règne de
Napoléon III!
En revanche, les
femmes juives pouvaient conserver un
mari non juif, ainsi que leurs enfants.
C'est à partir de cet épurateur du
quatrième siècle avant notre ère que
l'identité juive a été définie à partir
de la descendance par les femmes. Ainsi,
aujourd'hui encore, des rabbins
orthodoxes qui ont pris le pouvoir dans
l'Etat d'Israël ont annulé certains
mariages lorsque la femme ne
correspondait pas aux critères de la
définition orthodoxe de la judéité. Or,
il n'existe pas de mariage civil dans
cet Etat. Voilà bien la preuve absolue
qu'Esdras est toujours vivant dans les
têtes et dans les lois et qu'une
ségrégation ethnique drastique continue
en plein XXIe siècle d'être
sournoisement appliquée sur le terrain,
tout en étant officiellement niée.
Le Talmud
enseigne explicitement qu'une
descendance fait partie de "nos
enfants juifs", seulement si la mère
est juive. (Talmud,
Guemara Kidouchine : Daf 68b) Le
sionisme est également redevable aux
institutions mises en place par les deux
compères Esdras et Néhémie, de la
pérennisation d'un système exécutif,
législatif et judiciaire si puissant
qu'il ont survécu à la disparition
politique du petit Etat originel, à la
destruction de l'édifice religieux
central autour duquel se cristallisait
toute la vie sociale et surtout, il ont
survécu à la dispersion de la
population.
Durant deux
millénaires, cette Loi orale
serait passée "d'oreille de sage" en
"oreille de sage" par une chaîne
ininterrompue de rabbins - de maîtres
- et sa transmission aurait été si
parfaite que sa mise par écrit dans les
Talmud possède le même
poids que le texte primaire de la
Thora. Dans la pratique, elle en
a même davantage.
"Le Juif qui
suivait ces préceptes
s'isolait du reste des
hommes ; il se retranchait
derrière les haies
qu'avaient élevées autour de
la Torah Esdras et les
premiers scribes, puis les
Pharisiens et les
Talmudistes héritiers
d'Esdras, déformateurs du
mosaïsme primitif et ennemis
des prophètes. Il ne s'isola
pas seulement en refusant de
se soumettre aux coutumes
qui établissaient des liens
entre les habitants des
contrées où il était établi,
mais aussi en repoussant
toute relation avec ces
habitants eux-mêmes. À son
insociabilité, le Juif
ajouta l'exclusivisme.
"
Bernard Lazare,
L'Antisémitisme
|
Or, c'est cette
notion de "loi orale",
absolument invérifiable et totalement
laissée à la discrétion des "récepteurs"
et censée éclairer la "loi écrite",
qui a donné toute sa puissance à la
recréation d'un judaïsme post-exilique.
Cette invention politique de "sages",
prétendument transmetteurs du message
secret d'un dieu qui parlerait par leur
bouche ouvre aux psychanalystes et aux
anthropologues des religions un
continent à explorer. Car il est
impossible de ne pas voir que ces
commentateurs s'identifient si bien à
leur dieu qu'ils sont, en
réalité, Jahvé lui-même.
En même temps, ce
type de "transmission" évoque
irrésistible le "jeu du téléphone"
auquel se livrent ou se sont livrés tous
enfants du monde: le premier de la
chaîne chuchote une phrase à l'oreille
du suivant et ainsi de suite jusqu'au
bout de la chaîne et la phrase déclamée
par le dernier provoque en général un
immense éclat de rire, tant elle se
révèle cocasse par rapport à la phrase
originelle. C'est pourquoi on trouve, au
bout de la chaîne du "jeu du
téléphone talmudique" certaines
considérations rationnelles de gestion
politique et sociale, à savoir un code
civil, un code fiscal et même un manuel
d'agriculture, un manuel de médecine,
mais aussi mille et une digressions sur
les sujets les plus variés, des plus
absurdes aux plus vulgaires.
Dans cet ensemble
utilisé actuellement pour la formation
des rabbins et qui se prétend une
compilation de la "tradition des
anciens", une partie est consacrée à
la formulation d'une opinion sur tel ou
tel sujet, laquelle est contredite ou
développée par celle d'un second rabbin
et un troisième rabbin est censé
effectuer une sorte de synthèse, ce qui
explique sa présentation.
Une page
du Talmud
Mais voici
également un petit florilège de
certaines "méditations" des "sages
talmudistes":
Erubin
21b.
"Quiconque désobéit aux
rabbins mérite la mort et
brûlera en enfer dans des
excréments bouillants."
Moed Kattan 17a . "Si un
Juif est tenté de faire le
mal, il doit aller dans une
cité où il n'est pas connu
et y faire le mal."
Baba Mezia 114a-114b.
"Seuls les Juifs sont des
hommes "
Sanhedrin 58b. "Si un
Gentil frappe un Juif, il
doit être tué. Frapper un
Juif est la même chose que
frapper Dieu."
Sanhedrin 57a . "Un Juif
n'a pas à payer un Gentil le
salaire de son travail."
Baba Mezia 24a .2 Si un
Juif trouve un objet perdu
par un Gentil, il n'a pas à
le retourner "
Sanhedrin 57a . Quand un
Juif tue un Gentil, il n'y a
pas de peine de mort. Ce
qu'un Juif vole à un Gentil,
il peut le garder "
Baba Kamma 113a. "Les
Juifs peuvent user de
subterfuges pour circonvenir
un Gentil"
Yebamoth 98a. "Tous les
fils des Gentils sont des
animaux."
Abodah Zarah 36b . "Les
filles de Gentils sont
souillées depuis la
naissance."
Abodah Zarah 22a-22b .
"Les Gentils préfèrent le
sexe avec les vaches."
Sanhedrin 43a . "Le
nazaréen a été exécuté parce
qu'il pratiquait la
sorcellerie."
Gittin 57a . dit que "Jesus
est en train de mijoter dans
des excréments
bouillonnants."
Rosh Hashanah 17a .
"Ceux qui rejettent le
Talmud iront en
enfer et seront punis pour
des générations à venir."
Shabbath 116a . "Les
Juifs doivent détruire les
livres des chrétiens3"
Shabbath 41a. définit la
manière d'uriner
correctement
Yebamoth 63a. affirme
que Adam a eu des relations
sexuelles avec tous les
animaux du Jardin d'Eden.
Sanhédrin 52b.
L'adultère n'est pas défendu
avec la femme d'un goy,
parce que Moïse n'a interdit
que l'adultère avec "la
femme de ton prochain", et
les goy s ne sont pas des
prochains.
Abhodah Zarah 54a.
L'usure peut être pratiquée
sur les goyim, ou sur les
apostats.
Choschen Ham 226, 1. Les
juifs peuvent garder sans
s'en inquiéter les affaires
perdues par un goy.
Iore Dea 157, 2 hagah.
Si un juif a la possibilité
de tromper un goy, il peut
le faire.
Babha Kama 113a. Les
incroyants ne bénéficient
pas de la loi et Dieu à mis
leur argent à la disposition
d'Israël.
Schabbouth Hag. 6d. Les
juifs peuvent jurer
faussement en utilisant des
phrases à double sens, ou
tout autre subterfuge.
Je
renonce, pour des raisons de
décence dans ce site, de
citer les élucubrations sur
la pédophilie avec un petit
garçon de moins de 9 ans et
un jour (Sanhédrin 69a)
, de plus de 9 ans et un
jour (Kethuboth, 11a-11b),
sur les relations sexuelles
avec une femme qui a ses
règles ( Hayorath, 4a),
sur les conditions de l'acte
sexuel d'une femme avec un
animal (Yebamoth, 59b);
sur celui d'un homme avec un
enfant non juif (Sotah,
26b)
......... et que dire de:
Sanhédrin, 55b : " Une
petite fille de trois ans et
un jour peut être acquise en
mariage par coït, en cas de
mort de son mari et si elle
a un rapport sexuel avec le
frère de son mari, elle
devient à lui précise encore
Kethuboth, 11a-11b
|
Ces formulations
seraient dignes de figurer dans le
Guinness des absurdités grotesques si
elles n'avaient , de nos jours, des
conséquences tragiques sur le
comportement d'immigrants imbibés d'une
mentalité talmudique prise au pied de la
lettre, y compris dans ses déclarations
les plus stupides et les plus immorales.
Elle se traduit sur le terrain par la
désinvolture avec laquelle l'armée
sioniste tue des enfants palestiniens
traités "d'insectes" engendrés
par des "abrutis".
"Ici, en
Israël, la façon dont nous traitons les
enfants palestiniens a longtemps été
guidée par l'adage: "Les abrutis
engendrent des insectes". Certains le
disent ouvertement, d'autres partagent
ce point de vue en silence. Il n'y a pas
de mois sans que plusieurs enfants
palestiniens soient tués sous des
prétextes douteux, que personne ne
comprend."
[6]
Hourrah!
Un redoutable groupe de terroristes
palestiniens capturés par "l'armée
la plus morale du monde"
Il existe une
seule traduction officielle et annotée
du Talmud accessible en
langue vernaculaire: il s'agit de
l'édition anglaise parue en 1935 chez
Soncino Press en cinquante cinq gros
volumes. Dans l’Histoire du Talmud,
de Michael Rodkinson et du rabbin
Isaac M. Wise - dont j'ai cité
l'activisme pro-sioniste dans mon texte
sur le Colonel House, (Voir : -
Du
Système de la Réserve fédérale au camp
de concentration de Gaza : Le rôle d'une
éminence grise: le Colonel House,
3 février 2010 )
nous avons un exemple de la manière les
co-religionnaires contemporains jugent
cette masse d'écrits? On peut lire en
conclusion du premier volume:
"Le
Talmud est l’une des
merveilles du monde. À
travers les vingt siècles de
son existence il a survécu
dans son intégralité, et non
seulement ses ennemis n’ont
pas réussi à en détruire une
seule ligne, mais encore ils
n’ont pas même été capables
d’en diminuer le rayonnement
à une époque quelconque.
Le Talmud domine toujours
les esprits d’un peuple tout
entier, qui vénère son
contenu comme vérité divine
(...). Des écoles destinées
à l’enseignement du Talmud
apparaissent et se
multiplient dans presque
chaque ville où Israël est
présent, et particulièrement
dans ce pays [les
Etats-Unis] où des
millions sont collectés pour
les caisses de deux
universités : le Hebrew
Union College de Cincinnati,
et le Séminaire de Théologie
Juive d’Amérique de New
York, et dans lesquelles
l’objet d’étude principal
n’est autre que le Talmud."
Histoire du Talmud,
de Michael Rodkinson
et du rabbin Isaac M.
Wise. Cité par Benjamin
H. Freedman in Facts
are Facts, The Truth about
the Khazars, lettre
adressée au Docteur David
Goldstein ) (C'est moi qui
souligne)
|
Lorsque le "guide"
dit "spirituel" du mouvement
sioniste Shass, le rabbin Ovadia
Youssef recommande aujourd'hui aux
médecins juifs de ne pas soigner les
malades non juifs les samedis, il se
situe dans la droite ligne du
Talmud. Or le Talmud,
c'est la loi en marche, la loi en
action, la loi dans toute sa précision,
sa contrainte et la dureté de son
application quotidienne. C'est pourquoi
il n'y a rien d'étonnant de l'entendre
proférer tranquillement qu'au "cas
où un non juif blessé dans un accident
de voiture est transporté à l'hôpital le
samedi, Israël ne doit pas le soigner,
parce que la Thora interdit toute
infraction aux enseignements prescrits
en cette journée pour toute personne non
juive".
[7]
Rabbin
Ovadia Youssef
Monsieur le
rabbin, ce genre de recommandation ne
figure pas dans la Thora.
On trouve dans cet ensemble
d'innombrables injonctions d'assassiner
les membres de groupes entiers au cours
de guerres tribales victorieuses, (voir:
-
5 - La
théocratie ethnique dans le chaudron de
l'histoire, 3
janvier 2011, Tableau en
annexe) mais les rédacteurs de ces
livres ne se sont pas abaissés jusqu'à
prévoir le genre de mesquineries
qu'évoque le vieux rabbin. Il semble
éprouver une certaine réticence à se
référer officiellement au Talmud
, lequel n'a pas hésité à se pencher sur
les détails les plus futiles et les plus
vulgaires, comme le révèlent les
quelques exemples, parmi des milliers
d'autres, relevés ci-dessus. Un des
premiers exégètes chrétiens, Irénée,
ricanait déjà à ce sujet: "Au lieu
de vous exposer le sens des prophéties,
vos maîtres s'abaissent à des niaiseries
; ils s'inquiètent de savoir pourquoi il
est question de chameaux mâles à tel et
tel endroit, pourquoi telle quantité de
farine pour vos oblations."
(Irénée, Dialogue avec Tryphon)
Même s'ils
prétendent se référer officiellement à
la Thora, comme le font le
rabbin lituanien ou le rabbin sioniste
cité ci-dessus, c'est dans le
Talmud que les sionistes
trouvent l'essentiel de leur
inspiration. Comme le reconnaît le grand
spécialiste de l'histoire du judaïsme,
Bernard Lazare, c'est bien le
Talmud qui servit de nourriture
principale à toutes les communautés
dispersées dans le monde entier et qui a
joué le rôle de fédérateur entre elles.
"Une
chose [...] maintint les
Hébreux parmi les peuples :
ce fut l'élaboration du
Talmud, la
domination et l'autorité des
docteurs qui enseignèrent
une prétendue tradition,
mais cette action des
docteurs, sur laquelle nous
reviendrons, fit aussi des
Juifs les êtres farouches,
peu sociables et orgueilleux
dont Spinoza, qui les
connaissait, a pu dire: cela
n'est point étonnant
qu'après avoir été dispersés
durant tant d'années, ils
aient persisté sans
gouvernement, puisqu'ils se
sont séparés de toutes les
autres nations, à tel point
qu'ils ont tourné contre eux
la haine de tous les
peuples."
Bernard Lazare,
L'antisémitisme
|
Dans la citation
de Bernard Lazare, je demande pardon à
Spinoza de relever un point erroné:
certes, durant de nombreux siècles, les
Juifs n'avaient pas disposé d'un Etat et
d'un territoire au sens moderne du
terme, mais un gouvernement théocratique
central puissant a toujours existé, y
compris officiellement, et cela jusqu'au
XVIIIe siècle. Depuis lors, ce pouvoir
est plus diffus, lié à la puissance
financière des grandes banques
anglo-saxonnes, à l'emprise des groupes
sionistes sur les institutions
américaines et à celle de l'empire sur
l'Europe ainsi que sur une grande partie
du monde.
*
IVè
partie - De l'utilité d'avoir un ennemi
Le judaïsme
ritualiste de l'exil a eu la chance, si
je puis dire, d'avoir un ennemi. Sans
cet ennemi, il n'y aurait pas eu de
Talmud(s), donc pas de
fédérateur quasiment policier qui a
permis à ce mouvement politico-religieux
de se maintenir uni durant des siècles
en raison de la précision et de la
sévérité des règles auxquelles les
membres devaient se soumettre. C'est
ainsi que près de deux millénaires après
sa disparition politique on l'a vu, tel
le Phénix, renaître de ses cendres en se
réincarnant dans le sionisme
messianique.
A - Le judaïsme face au
christianisme naissant: le
Talmud de Jérusalem
La doxa
contemporaine prêche que "Jésus était
un Juif" et que c'est par pure
sècheresse de coeur et raideur de leur
nuque que le groupe dominant des
Pharisiens a refusé son enseignement, si
bien que le Sanhédrin a fini par le
livrer au bras séculier romain. Or,
Jésus et onze de ses compagnons de la
première heure étaient Galiléens - seul
Judas, comme son nom l'indique, était
hiérosolymite.
J'ai montré dans
le texte précédent (Voir:
-
11 -
"Nous sommes un peuple...",
14 mars 2012
) que les docteurs
de la loi de Jérusalem méprisaient
cordialement les provinciaux galiléens
et ne leur manifestaient pas davantage
de considération qu'aux "goims",
c'est-à-dire au reste du monde. "Que
peut-il venir de bon de Nazareth?"
disait-on en Judée. Et pourtant les
Galiléens, eux, considéraient qu'ils
faisaient partie des fidèles de Jahvé.
Mais leur attachement aux rites du
judaïsme était insuffisant, aux yeux des
Pharisiens, qui voyaient en eux un
peuple impur, parce qu'ethniquement
mélangé, un peuple fruste et ignorant
des subtilités de la Thora
et qui, à leurs yeux, pratiquait un
judaïsme "canada dry" dont ils ne
comprenaient ni la profondeur, ni les
subtilités. De son vivant, Jésus a
d'ailleurs eu des mots très durs contre
les Pharisiens et les Evangiles
s'en font l'écho.
Mt 23, 27 :
"Malheur à vous, maîtres de
la loi et Pharisiens,
hypocrites ! Vous ressemblez
à des tombeaux blanchis qui
paraissent beaux à
l'extérieur mais qui, à
l'intérieur, sont pleins
d'ossements de morts et de
toute sorte de pourriture.
Gardez-vous des scribes, qui
se plaisent à se promener en
longues robes et qui aiment
les salutations dans les
places publiques, et les
premiers sièges dans les
synagogues, et les premières
places dans les repas; qui
dévorent les maisons des
veuves, et pour prétexte
font de longues prières;
ceux-ci recevront une
sentence plus sévère.
Marc 7,6-9 : " Isaïe a
bien prophétisé sur vous,
hypocrites, ainsi qu'il est
écrit : Ce peuple m'honore
des lèvres, mais son cœur
est loin de moi. (…) Vous
rejetez bel et bien le
commandement de Dieu pour
garder votre tradition. "
Mt 23,13 :
"Malheur à vous, scribes et
Pharisiens hypocrites, parce
que vous fermez au nez des
hommes le royaume des cieux
!
Luc , 11, 39 :
Vous voilà bien, vous, les
Pharisiens ! L'extérieur de
la coupe et du plat, vous le
purifiez, alors que
l'intérieur est plein de
rapine et de perversité.
|
Ces quelques
exemples parmi de nombreux autres
prouvent que les chrétiens du premier
siècle répondaient du tac au tac aux
insultes des Pharisiens talmudistes.
Durant les années
qui ont suivi la crucifixion du trublion
Jésus, les orgueilleux docteurs de la
loi n'ont pas daigné se soucier du petit
groupe de Galiléens qui utilisaient les
synagogues pour diffuser l'enseignement
de leur maître. Ils commencèrent à
s'inquiéter lorsqu'ils virent que leurs
propres ouailles étaient sensibles à la
douceur d'une religion moins ritualiste.
Comme les premières communautés
chrétiennes ont été fondées à partir des
synagogues, la multiplication des
conversions, fruit de l'efficacité du
prosélytisme des compagnons de Jésus, a
fini par provoquer l'hostilité, puis la
fureur des rabbins. Dépossédés par des
intrus qui sapaient "leur"
judaïsme - et donc leur pouvoir - à
l'intérieur même de leurs maisons de
prières, les docteurs de la loi exilés
dans la petite ville de Yavneh, ont
réagi en rédigeant les interdits et les
anathèmes qui figurent dans le
Talmud dit de Jérusalem
Les causes
dogmatiques n'ont pas été les uniques
responsables du conflit entre le
judaïsme orthodoxe et les
judéo-chrétiens. Un contentieux
politique aigu avait pourri l'atmosphère
entre les deux communautés avant même la
grande révolte des années 68-70. Pendant
qu'un christianisme dépolitisé -
"Rendez à César ce qui est à César"
disait la nouvelle religion - un
christianisme bucolique et sentimental
qui parlait surtout d'amour et de
partage et qui s'édifiait à l'ombre des
synagogues, la Judée connaissait une
violente agitation nationaliste. Il ne
s'agissait pas, pour ce parti, de "rendre"
quelque hommage ou quelque obéissance
que ce soit à César, mais de chasser
César de la "terre promise". Le
conflit opposait donc une religion
nationaliste à un mouvement religieux en
formation et a-politique.
Menée par le parti
ultra fanatique et ultra nationaliste
des Zélotes, accompagnés par les
inventeurs du "terrorisme politique"
- les Sicaires du nom du petit
poignard, sica, caché dans leurs
vêtements dont ils frappaient les Juifs
qui collaboraient avec les Romains, d’où
leur nom - une guerilla a harcelé les
légions romaines et tous les Juifs
soupçonnés de collaboration avec
l'occupant. Les Sadducéens - les
prêtres du temple - étaient visés en
priorité en raison de leur indulgence
pour les moeurs des Romains. Les
Sicaires étaient des tueurs redoutables
qui parcouraient la province et semaient
la terreur, une révolte permanente et
meurtrière a agité la province de
Palestine durant plusieurs décennies et
les moyens les plus meurtriers ont été
utilisés par des nationalistes
fanatiques et ultra orthodoxes de
l'époque. Ces Sicaires sont également
les inventeurs de l'attentat anonyme:
durant les grands rassemblements, grâce
à leur habileté à jouer du poignard et à
des talents de comédiens hors pair, ils
frappaient leur victime, puis étaient
les premiers à se lamenter à grand bruit
une fois le meurtre accompli. Profitant
du brouhaha, ils s'éclipsaient dans la
foule.
Lorsque la Judée
se souleva contre Rome durant les
grandes révoltes qui aboutit à la
destruction du temple et de la ville de
Jérusalem en l'an 70, non seulement les
judéo-chrétiens qui résidaient dans la
capitale de la Judée ne se sont pas
sentis concernés par un nationalisme lié
à une terre - "Mon royaume n'est
pas de ce monde" avait annoncé
Jésus - mais ils ne participèrent pas au
combat et s'enfuirent de l'autre côté du
Jourdain. Lorsque la répression
s'abattit sur la Judée après la défaite,
la Galilée fut épargnée car les
Galiléens, méprisés depuis toujours, ne
se sont pas précipités au secours de
Jérusalem. Aucun de ces petits paysans
galiléens ne fut tourmenté par les
Romains ou exilé. Ils demeurèrent
tranquillement chez eux et les
Palestiniens actuels sont, selon toute
vraisemblance et logique leurs
descendants directs.
Il en fut de même
lors de la deuxième grande révolte
nationaliste menée par le "fils de
l'étoile" - Bar Kochba -
mâtée par les légions de l'empereur
Hadrien. Cette fois, les Galiléens
participèrent même à la répression
contre les Judéens et prêtèrent
main-forte aux Romains.
Les Judéens ont
alors pris conscience que les nouveaux
croyants qu'ils côtoyaient dans leurs
maisons de prières n'étaient pas des
patriotes et des défenseurs de la "terre
promise". La rupture fut donc
d'abord politique.
C'est dans cette
atmosphère religieuse et dans ce
contexte politique que fut rédigé à
Javneh le Talmud dit "de
Jérusalem". Il s'agit donc d'abord d'un
règlement de compte dirigé contre les
apostats judéo-chrétiens. L'objectif
était de freiner de nouvelles
conversions qui dépeuplaient et
affaiblissaient l'ancienne religion. On
comprend mieux le pourquoi des
malédictions et des insultes contenues
dans ces textes.
Comme on le voit,
la motivation des rabbins qui rédigèrent
le premier Talmud est
politiquement rationnelle et se trouve
directement liée à l'environnement
politico-religieux qui existait au
moment de sa rédaction. Elle n'a donc
pas de rapport avec la rationalisation
invoquée a posteriori de
l'existence d'une "Thora orale"
dont le contenu aurait été délivré deux
millénaires auparavant par le dieu de la
tribu.
B - Le judaïsme et le
christianisme avant la
conversion de Constantin
Les premiers pas
du christianisme naissant furent
difficiles. Aux persécutions des Romains
s'ajoutèrent celles des Juifs. En effet,
Rome était, d'une certaine manière, une
théocratie symbolisée par le culte de
l'empereur. Toutes les fonctions
publiques étaient à la fois civiles et
religieuses. Les actes publics n'étaient
valables que s'ils étaient accomplis
selon un certain rite, parfaitement
défini.
L'irruption d'une
nouvelle religion gênait à la fois la
religion institutionnelle des Romains et
le judaïsme institutionnel qui, à partir
des nombreuses colonies établies dans
l'empire depuis des dizaines d'années
bénéficiait d'un statut privilégié, qui
lui donnait le droit d'exercer librement
son culte, de disposer de sa propre
organisation judiciaire et même d'avoir
une autonomie financière et d'envoyer
des sommes importantes à Jérusalem pour
l'entretien du temple. Les privilèges
accordés aux Judéens par Jules César
suscitaient d'autant plus la jalousie et
la colère de ceux qui en étaient privés
que ceux qui en jouissaient se
montraient d'une arrogance querelleuse:
ils prétendaient à la fois conserver
leurs moeurs et leur particularisme tout
en bénéficiant des avantages communs aux
sujets de l'empire.
"Jules César,
empereur [...] et souverain
pontife ; nous avons, après
en avoir pris conseil,
ordonné ce qui suit; comme
Hyrcan II fils d'Alexandre,
juif de nation, nous a de
tout temps donné des preuves
de son affection, tant dans
la paix que dans la guerre,
ainsi que plusieurs généraux
d'armées nous en ont rendu
témoignage, nous voulons que
lui et ses descendants
soient à perpétuité princes
et grands sacrificateurs des
Juifs, pour exercer ces
charges selon les lois et
les coutumes de leur pays ;
comme aussi qu'ils soient
nos alliés et du nombre de
nos amis ; qu'ils
jouissent de toutes les lois
et privilèges qui
appartiennent à la grande
sacrificature ; et que,
s'il arrive quelque
différend touchant la
discipline qui se doit
observer parmi ceux de leur
nation, il en soit le juge ;
et qu'il ne soit point
obligé de donner des
quartiers d'hiver aux gens
de guerre, ni de payer aucun
tribut…".
Cité par
Flavius Joseph,
Histoire des Juifs
XIV-17. (C'est moi qui
souligne)
|
J'ai déjà évoqué
l'efficacité du prosélytisme juif et
l'importance des centres judaïsants qui
avaient fleuri dans tout le bassin de la
Méditerranée: en Egypte depuis des
décennies, en Babylonie et en Perse
depuis l'exil, à Rome, en Grèce et dans
les îles environnantes, en Asie Mineure
(dans l'actuelle Turquie), en Cyrénaïque
(l'actuelle Lybie) et jusqu'en Espagne,
où de nombreux émigrants juifs avaient
établi de puissantes colonies durant les
grandes guerres contre l'empire sous les
règnes de Vespasien, de Titus, puis
d'Hadrien. Ils y vécurent heureux,
riches et puissants jusqu'à la
conversion des rois Wisigoths au
christianisme. Un prosélytisme ardent et
la prospérité de la communauté
attiraient moult candidats si bien que
les conversions de la population locale
étaient si nombreuses que l'Espagne des
premiers siècles a failli basculer tout
entière dans le judaïsme. Mais ces
nouveaux judaïsants ne partageaient
nullement le nationalisme territorial
des descendants d'Esdras et de Néhémie.
Jérusalem n'étaient pour eux qu'une
métaphore religieuse.
La défense de leur
statut dans l'empire supposait
l'élimination de la nouvelle religion
avec laquelle ils ne voulaient pas que
les Romains les confondissent. Mais
lorsque se développa le dogme sacrilège
de la divinisation de Jésus, le fossé
fut impossible à combler et la fureur
des rabbins devint impitoyable, si bien
que les Juifs participèrent activement
aux persécutions de chrétiens aux côtés
des Romains. Mais ils en voulaient
surtout aux judéo-chrétiens, ces
apostats, ces traîtres passés à
l'ennemi. "Les Évangiles doivent
être brûlés, dit le rabbin Tarphon, car
le paganisme est moins dangereux pour la
foi judaïque que les sectes
judéo-chrétiennes." (cité par
Bernard Lazare) Les malédictions
contenues dans le Talmud
rédigé à Yavneh, puis à Babylone visent
avant tout les Juifs convertis.
Lorsque l'un de
ces Juifs convertis, Saül, devenu
l'apôtre Paul, premier législateur du
christianisme et premier prosélyte de la
nouvelle religion - qui courait de
synagogue en synagogue dans les villes
du bassin de la Méditerranée, comme en
témoignent ses épîtres - lorsqu'il
déclara que le christianisme pouvait et
devait se passer du signe concret de
l'alliance du "peuple élu" avec
son dieu - la circoncision - ce
fut le scandale absolu et le sacrilège
impardonnable. La rupture avec le
judaïsme fut consommée et la nouvelle
religion ayant cessé d'être une secte
juive, pouvait commencer sa conquête du
monde et devenir "catholique",
c'est-à-dire universelle.
C - La conversion
de Constantin et la
consolidation politique de
l'identité juive face au
christianisme
La situation des
Juifs se gâta sérieusement lorsque
l'empereur Constantin (272-337),
né dans l'actuelle Serbie et nommé par
les légions de Bretagne, arriva au
pouvoir. Il avait d'abord poursuivi la
politique de tolérance religieuse
classique de Rome à l'égard des
nationalités qui composaient l'empire et
des innombrables dieux des peuples
vaincus et incorporés dans le panthéon
officiel romain, mais son attitude
changea envers les Juifs au fur et
mesure que l'influence des chrétiens de
son entourage devenait plus prégnante.
Rapporté par deux
hagiographes du christianisme naissant -
Lactance dans De la mort
des persécuteurs et Eusèbe de
Césarée dans sa Vie de
Constantin - un évènement
capital et particulièrement nocif pour
les adorateurs du dieu Jahvé se
produisit dans la nuit du 21 octobre
312: l'empereur fit un rêve. On sait
comme le rêve d'un autre personnage
aussi éminent que mythique joua un rôle
déterminant dans la mise en place du
yahvisme post-exilique - je veux parler
du rêve d'Abraham, le grand
ancêtre.
Voir : -
10 - La chimère du "Grand
Israël",
18 janvier 2012
Je rappelle que je
m'en tiens aux faits historiquement
avérés et à leur sens politique. Quant à
l'élaboration théologique et à
l'incarnation dans le temps historique
de personnages de fiction ou de symboles
religieux, il s'agit de métamorphoses
d'ordre psychologique ou théologiques
qui n'ont aucun rapport avec la réalité
historique. Abraham, Moïse, Don
Quichotte, Hamlet, Othello, le Cid, le
Tartuffe, le bonhomme Grandet, Rastignac
ou Julien Sorel cohabitent
harmonieusement dans le grand Panthéon
de notre imaginaire fictionnel et
symbolique.
Or, en cette nuit
du 21 octobre de l'an 312, le futur
empereur Constantin s'apprêtant à livrer
contre son rival Maxence une
bataille décisive et ses troupes déjà
massées près de l'un des ponts les plus
importants de Rome - le Pont Milvius
- eut un songe prémonitoire: le nouveau
dieu Jésus lui serait apparu en personne
et lui aurait montré dans le ciel un
signe - un chrisme symbolisant sa
personne et formé des lettres grecques
(chi) et (rhô), les deux premières
lettres de Chrestos - et lui aurait dit
distinctement, et en latin, In hoc
signo vinces - Par ce signe tu vaincras.
Chrisme
Or les textes
fondateurs du christianisme - les
Evangiles - sont rédigés en grec
et du temps où il arpentait les routes
de Galilée, Jésus s'exprimait en
araméen. Personne n'a suggéré que Jésus
aurait été familier de la langue latine.
Il s'agirait donc d'un miracle
supplémentaire.
Comme toute
l'armée de Constantin avait vu le même
chrisme, des astronomes intrigués ont
reconstitué la position des planètes et
ils ont établi que, cette nuit-là, les
planètes se trouvaient dans une
configuration rare qui rappelait, en
effet, la forme de ce signe.
Chrisme -
sculpture dans une église catholique
L'interprétation de cette réalité
astronomique était d'autant plus
fondée que cette forme était connue
en Grèce. Il s'agissait de
l'abréviation du mot chrêstos qui
signifie "utile, de bon augure".
Ce mot servait aux Grecs
d'exclamation approbative. Le
glissement entre les sens de
chrêstos et Christos
représentés par le même dessin était
quasiment naturel.
Quant à la
phrase en latin que l'empereur
Constantin prétend avoir entendue,
elle possède autant de vraisemblance
que celle qu'aurait entendue
Abraham, le mythique ancêtre
fondateur de la tribu originelle des
Hébreux, dans la seule langue qu'il
aurait pu comprendre, à savoir
l'araméen babylonien. En ce temps-là
les dieux étaient particulièrement
bavards et polyglottes.
Voir : -
10 - La chimère du "Grand
Israël",
18 janvier
2012
Toujours
est-il que Constantin gagna sa
bataille contre Maxence et en
attribua immédiatement le mérite à
la protection du nouveau dieu.
Les
conséquences de ce songe de
Constantin furent catastrophiques
pour les adorateurs du dieu Jahvé. A
partir de cette époque, les
persécutions qui avaient jusqu'alors
frappé les disciples du dieu
chrétien et auxquelles les Juifs
avaient largement participé, se
retournèrent contre eux. Les
mariages entre juifs et chrétiens
furent interdits et les
transgresseurs furent condamnés à
mort. Le prosélytisme juif fut
réprimé et le Sanhédrin fut
interdit.
Victimes d'une
législation anti-juive, d'explosions
de violence, contraints de payer de
lourds impôts, présentés comme les
assassins de Jésus et devenus un
peuple déicide dans les sermons des
prêtres, les Juifs, après avoir été
parmi les persécuteurs des premiers
chrétiens, devinrent à leur tour des
persécutés dans toutes les provinces
de l'empire.
D - Le
Talmud de Babylone et la
codification de
l'exceptionnalisme juif
Les exilés
volontaires qui avaient rejoint en
grand nombre les élites judéennes
emmenées en Mésopotamie par
Nabuchodonosor au VIe siècle avant
notre ère, avaient fini par
constituer un "Etat juif" à
l'intérieur de l'empire perse.
L'historien juif Flavius Josèphe
mentionne son existence. Sa
direction politique était assurée
par un Exilarque, un
fonctionnaire de l'empire appelé
resh galuta en araméen.
Ainsi ce "chef de l'exil"
disposait d'une suite armée, d'une
police, de finances alimentées par
une fiscalité propre et d'une
juridiction civile et religieuse.
Lorsque le
Sanhédrin se sentit contraint de
quitter la province de Palestine
sous administration d'un empire
romain devenu chrétien, il lui
fallut jouer des coudes pour se
faire une place en Babylonie, à
côté, puis à la place des autorités
de l' "Etat juif babylonien"
déjà existant. L'autorité morale et
théologique liée à sa fonction de
détenteur de la Loi divine lui
permit de triompher rapidement de
son rival grâce à l'intense activité
des nombreuses écoles religieuses,
ou "académies" qui ont
grouillé sur les bords de l'Euphrate
et produit durant les quatre siècles
de résidence du Sanhédrin en
Mésopotamine, l'équivalent de cinq
mille in-quarto, comme je l'ai
rappelé ci-dessus,
d'interprétations, de commentaires,
de digressions, de malédictions, de
suggestions, d'interdictions, de
recommandations, de condamnations,
le tout censé expliciter à la fois
la "loi écrite", ou
Thora et ce qu'ils nommaient
la "loi orale" dont ils se
déclaraient les ultimes
dépositaires. L'ensemble de ces
cogitations devint le Talmud
dit "de Babylone".
Des "excellences"
- les Géonim, pluriel de
Gaon - présidaient ces écoles
religieuses.
Le Gaon de
Pumbédita finit par éclipser
l'Exilarque et devint une sorte de
souverain et son "académie"
joua le rôle d'une manière de
chancellerie auprès de laquelle les
communautés dispersées dans le monde
entier envoyaient des ambassadeurs
porteurs de dons destinées à
l'entretien des innombrables rabbins
qui peuplaient ces écoles
religieuses. Les consultations
portaient sur les questions les plus
diverses, relatives non seulement à
la doctrine et aux pratiques
religieuses, mais à tous les sujets
concernant la vie du groupe, les
mariages, les relations avec les non
juifs, les malédictions contre le
fondateur du christianisme, sa mère,
ses disciples, les chrétiens et les
non-juifs en général, tous sujets
qu'on retrouve aujourd'hui dans la
masse gigantesque du Talmud
de Babylone.
En retour, le
Gaon envoyait ses émissaires,
appelés Pegidim, en direction
des régions les plus éloignées du
monde connu de l'époque dans lequel
des groupes de Juifs s'étaient
installés. Un prosélytisme ardent
continuait d'animer tous ces exilés.
C'est ainsi
que, depuis Babylone un gouvernement
central continuait de diriger d'une
main de fer l'ensemble des
communautés juives dispersées dans
le monde entier avec pour objectif
principal d'empêcher l'assimilation
aux sociétés-hôtes en créant une
multitude innombrable d'obligations
rituelles dans la vie quotidienne,
qui contraignaient les Juifs à vivre
séparés de leur environnement humain
et politique.
Un tel
comportement suscitait l'hostilité
des habitants des pays-hôtes,
lesquels s'offusquaient d'un
comportement jugé méprisant à leur
égard.
"Partout
ils voulaient rester
Juifs, et partout ils
obtenaient des
privilèges leur
permettant de fonder un
État dans l'État. À la
faveur de ces
privilèges, de ces
exemptions, de ces
décharges d'impôts, ils
se trouvaient rapidement
dans une situation
meilleure que les
citoyens mêmes des
villes dans lesquelles
ils vivaient ; ils
avaient plus de facilité
à trafiquer et à
s'enrichir, et ainsi
excitèrent-ils des
jalousies et des haines."
Bernard Lazare,
L'Antisémisme
|
"Ne pas se moquer, ne pas
déplorer, ne pas détester mais
comprendre".
Baruch Spinoza
*
Comme je l'ai signalé
ci-dessus, le gouvernement juif en
exil se déplaça ensuite en Espagne,
dans le sillage des conquêtes arabes
et de l'expansion de l'islam, puis
en Pologne, où il s'installa en
maître. Il a fini par se fondre dans
les rouages de l'administration et
dans les associations et les groupes
de pression qui pullulent dans le
Nouveau Monde. Là, sa puissance
financière a pu s'épanouir et lui a
permis de soutenir efficacement le
nationalisme sioniste né à la fin du
XIXe siècle, ainsi que la
colonisation de la Palestine.
J'analyserai ces points dans les
chapitres suivants.
Notes
[1]
http://www.pagestov.com/index.php?page=search)
(Plans du site : Plan thématique |
Plan géolocalisé Restaurants casher
- Boucherie casher - Coiffure juive
- Medecin juif - mariage juif -
Synagogue - Paris - Marseille -
Avocat / notaire - Ecoles - Vacances
.
[2]
http://palestine1967.voila.net/france/F.france.associationsjuives.htm
[3]
http://www.lamed.fr/index.php?id=1&art=372
[4] Cité par le
quotidien Yediot Ahronoth
du 21 mai 2012
http://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-4232004,00.html
[5]
http://alternativenews.org/english/index.php/news/israeli-society/4500-israeli-civics-exam-explain-why-jewish-girls-shouldnt-hang-around-with-arabs.html
[6] Article de
Nurit Peled Elhanan, en mémoire
de quatre jeunes Palestiniens
assassinés : Muhamad Awarta, Salekh
Kwrick, Muhamad et Usaid Kadus. l
[7]
http://www2.almanar.com.lb/french/adetails.php?eid=64999&cid=18&fromval=1&frid=18&seccatid=22&s1=1
Bibliographi
Professor Abdel-Wahab Elmessiri:
The function of outsiders
:
http://weekly.ahram.org.eg/1999/435/op2.htm
The kindness of strangers:
http://weekly.ahram.org.eg/1999/436/op2.htm
A chosen community, an exceptional
burden :
http://weekly.ahram.org.eg/1999/437/op5.htm
A people like any other :
http://weekly.ahram.org.eg/1999/438/op5.htm
Learning about Zionism:
http://weekly.ahram.org.eg/2000/476/eg6.htm
Mario Liverani,
La Bible et l'invention de l'histoire,
2003, trad. Ed. Bayard 2008
Israël Finkelstein et Neil Asher
Silberman,La Bible dévoilée. Les
nouvelles révélations de l'archéologie,
2001 ,trad. Ed. Bayard 2002
Israël Finkelstein et
Neil Asher Silberman,
Les rois sacrés de
la Bible, trad.Ed.Bayard 2006
Arno J. Mayer, De leurs socs, ils
ont forgé des glaives, Histoire critique
d'Israël, Fayard 2009
Ernest Renan, Histoire du peuple
d'Israël, 5 tomes, Calmann-Lévy
1887
Bernard Lazare,
L'Antisémitisme, son histoire et ses
causes,
éd. Léon Chailley, 1894.
Douglas Reed , La Controverse de
Sion
Shlomo Sand, Comment le peuple
juif fut inventé, Fayard 2008,
coll. Champs Flammarion 2010
Avraham Burg, Vaincre Hitler :
Pour un judaïsme plus humaniste et
universaliste , Fayard 2008
Ralph Schoenman, L'histoire cachée
du sionisme, Selio 1988
Israël Shahak,
Le Racisme de
l'Etat d'Israël
, Guy Authier,
1975
Karl Marx, Sur la question juive
SUN TZU, L'art de la guerre
Claude Klein,
La démocratie
d'Israël,1997
Jacques Attali: Les Juifs, le
monde et l'argent,
Histoire économique du peuple juif.
Fayard, 2002
29juin
2012
Les dernières mises à jour
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