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Opinion
La magie d'un 9 mai
en Russie
Alexandre Latsa
© Alexandre Latsa
Mercredi 4 mai 2011
"Un autre regard sur la Russie" par
Alexandre Latsa
Lundi prochain sera le 9 mai 2011. Le 9 mai à l'ouest de
l'Europe n'a pas du tout la même importance qu'en Russie. Il est
vrai que les européens de l'ouest fêtent la fin de la seconde
guerre mondiale le 08 mai, qui est en fait la date de cessation
des hostilités militaires, la capitulation ayant été signée la
veille, le 7 mai. En Europe de l'ouest, le 9 mai est la
journée de l'Europe, la journée qui identifie l'Union européenne
en tant qu'entité politique. Mais l'Union Soviétique n’a pris en
compte la signature de la capitulation que le lendemain,
soit le 9 mai alors que ses soldats sont en train de se battre
au cœur de Berlin. Pour cette raison, Moscou comme encore nombre
de pays de l'ex-URSS célèbrent la fin du second conflit mondial
le 9 mai, et non le 8 mai.
C’est l'URSS qui a payé le plus lourd tribut à la guerre
civile Européenne. Avec plus de 20 millions de morts civils et
militaires, la population de l’URSS a diminué de 12% pendant la
deuxième guerre mondiale. Après la rupture du pacte de non
agression le 22 juin 1941, l'Allemagne nazie attaqua l'URSS et
les soldats allemands atteignirent Moscou 6 mois plus tard, au
cœur de l'hiver 1941, en occupant les pays conquis en route
(Ukraine, Biélorussie, pays Baltes..). L'échec de la prise de
Moscou stabilisera le front à l'ouest de la capitale au
printemps 42, pendant que les combats se déplaceront vers le
Caucase, jusqu'à la terrible bataille de Stalingrad ou les
troupes Allemandes seront encerclées. La bataille de Stalingrad
est considérée comme la bataille décisive du second conflit
mondial. Elle durera 6 mois et fera de Stalingrad la première
des batailles urbaines. Les combats feront rage pour chaque rue,
chaque usine, chaque maison, chaque sous-sol et chaque escalier.
A Volgograd (ex-Stalingrad), sur le fameux kourgane Mamaïev
(une colline de 102 mètres surplombant la Volga), les combats
seront tellement violents que les Soviétiques perdront 10.000
hommes en une journée pour défendre ce point stratégique.
L’endroit est maintenant dominé par un immense mémorial:
la statue de la Mère Patrie. En Novembre 1942, privées de
logistique et face à une armée Soviétique au moral
indestructible, les troupes Allemandes sont finalement vaincues.
La bataille aura coûté la vie à 487.000 soldats Soviétiques et
fait 629.000 blessés. Coté Allemand 380.000 soldats de la
Wehrmacht seront tués, blessés et prisonniers. Durant l’été
1943, les troupes Allemandes subiront une autre défaite majeure
lors de la bataille de Koursk, la plus grande bataille de chars
de l’histoire. En 50 jours de combat seulement, la Wehrmacht
perd 500.000 hommes (tués, blessés, disparus), près de 1.200
chars et environ 2.000 avions. L’Armée rouge compte elle plus de
200.000 tués et ses pertes en blindés sont supérieures à celles
de l’ennemi tandis qu'elle perd plus de 2.800 avions. L’Union
Soviétique a alors à elle seule a contenu la quasi totalité de
l’effort militaire Allemand en Europe. Dès l’automne 1943, la
machine de guerre allemande est cassée et le reflux entamé,
reflux qui amènera les soldats Soviétiques a Berlin au mois
d’avril 1945.
J’ai eu la chance d’être dans les rues de Moscou le 9 mai
dernier, pour le 65ème anniversaire de la fin de la guerre. A
Moscou et dans toutes les autres villes de Russie, le 09 mai est
une journée qui n’est pas comme les autres. La ville entière est
à l’arrêt, focalisée sur l’histoire. Les Moscovites assistent
d’abord au
défilé militaire qui passe devant le kremlin avant de
continuer dans la rue Arbat. Sur le trajet, des milliers de
spectateurs acclament les défenseurs de la patrie qui défilent
aux cris de "Russie, Russie". La parade de l’année dernière a
été exceptionnelle à plusieurs égards: tout d’abord plus de
10.000 soldats ont défilé à Moscou et (plus de 100.000 dans
toute la Russie). Près d’un millier de soldats étrangers ont
pris part au défilé de Moscou, en provenance de 24 pays,
notamment des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, de Pologne,
d'Arménie, d'Azerbaïdjan, de Biélorussie, du Kazakhstan, du
Kirghizstan, de Moldavie, du Tadjikistan, du Turkménistan et
d'Ukraine. En outre, des délégations d'anciens combattants
canadiens, israéliens, slovènes, abkhazes et sud ossètes étaient
également présentes dans la capitale russe. La France avait
délégué le si fameux régiment de chasse
Normandie-Niemen.
Mais l’importance de cette journée se ne mesure pas seulement
au nombre de soldats présents et
au faste du défilé. C’est après la parade militaire que la
sensation de communion populaire est la plus intense et la plus
étonnante pour un observateur étranger. Au fur et à mesure que
la journée avance, le centre ville redevient accessible et les
moscovites envahissent
les rues de leur ville. Les vétérans encore en vie marchent
au milieu de cette immense foule qui leur parle et les remercie.
Des jeunes et des moins jeunes leur offrent des fleurs. Le
spectacle de ces jeunes filles qui embrassent les vétérans avec
un amour presque familial donne le frisson. Devant la flamme du
soldat inconnu, une file immense et ininterrompue se forme, les
gens viennent déposer des fleurs.
En dehors des fleurs, on voit aussi partout dans la ville les
petits rubans noir et oranges qui depuis 2005 accompagnent cette
journée. Ce ruban, qui symbolise le courage et la victoire, date
du 19ième siècle, c’est une création du Tsar Alexandre 1er. Il
devait récompenser, dans l’armée, le "courage intrépide". Il a
pris le nom de
"ruban de Saint Georges" et pour le jour de la victoire, le
9 mai, les citoyens le portent, soit sur le revers des
vêtements, soit sur le sac à main des femmes, ou encore accroché
aux antennes des voitures. Il témoigne maintenant du respect
envers ceux qui sont tombés sur le champ de bataille durant la
seconde guerre mondiale. Ce ruban est devenu une véritable
institution, un symbole patriotique qui est même désormais porté
toute l’année par certains Moscovites.
La liesse populaire continue dans la soirée, puisque des
concerts et de nombreux événements ont lieu jusque tard dans la
nuit. L’une des choses les plus incroyables est le calme et le
civisme de la foule, pendant cette journée de célébration. Que
l’on en juge, le 9 mai dernier près
de 2,5 millions de Moscovites étaient dans les rues,
jusqu’au grandiose feu d’artifice de la soirée, sans qu’aucun
incident majeur ne soit répertorié.
Assister à "un 9 mai en Russie" est sans doute l’une des
meilleures façons de comprendre la permanence du patriotisme
russe, à l’heure ou dans de nombreux pays européens de
l’ouest le patriotisme est si décrié. Chaque année, cette
communion montre que le peuple russe sait célébrer ses
victoires, ses vétérans, et ses héros.
С днём победы! Ура!
Alexandre Latsa, 33 ans, est un blogueur
français qui vit en Russie. Diplômé en langue slave, il anime le
blog DISSONANCE, destiné à donner un "autre regard sur la
Russie".
Article publié sur RIA Novosti
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